Le Quotidien du 27 septembre 2023 : Maritime

[Brèves] Transport maritime : Brexit, Convention de Lugano et appréciation de la validité d’une clause attributive de juridiction

Réf. : Cass. com., 13 septembre 2023, n° 22-16.884, FS-B N° Lexbase : A57301GC

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[Brèves] Transport maritime : Brexit, Convention de Lugano et appréciation de la validité d’une clause attributive de juridiction. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/99918834-breves-transport-maritime-brexit-convention-de-lugano-et-appreciation-de-la-validite-dune-clause-att
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par Vincent Téchené

le 20 Septembre 2023

► Dans le cadre des accords sur le Brexit, le Royaume-Uni est demeuré lié par la Convention de Lugano jusqu'au 31 décembre 2020, date d'expiration de la période de transition. Or, le Royaume-Uni, sur le territoire duquel se trouve la juridiction désignée par la clause attributive de juridiction désignant une juridiction britannique contenue dans un contrat de transport, était encore membre de l'Union européenne au moment de l'introduction de l'instance le 18 avril 2019. Dès lors, le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est sans effet quant à l'application de la Convention de Lugano au litige et la validité de la clause attributive de juridiction doit être soumise aux conditions de forme prévues à l'article 23 de cette Convention et non aux règles découlant des dispositions du droit national.

Faits et procédure. Dans le cadre d’un transport international de marchandises par voie maritime puis terrestre, l'ensemble routier transportant le conteneur s'est renversé dans un virage, entraînant la perte de la marchandise. Le cessionnaire des droits des chargeurs et destinataires de la marchandise et l’assureur de cette dernière ont assigné les transporteurs devant le tribunal de commerce de Paris. C’est dans ces conditions que le transporteur maritime a soulevé l'incompétence des juridictions françaises en se prévalant d'une clause attributive de compétence désignant la High Court of Justice of London (Royaume-Uni).

La cour d'appel de Paris (CA Paris, 5-16, 5 avril 2022, n° 21/21280 N° Lexbase : A22271HX) s’étant déclarée incompétente, un pourvoi a été formé. La principale question qui se posait était alors celle de savoir si la clause attributive de compétence était ou non ici applicable. Plus précisément, il s’agissait de savoir si, en raison du Brexit, le Royaume-Uni devait être considéré ou non comme un État tiers à la Convention de Lugano.

Décision. La Cour de cassation apporte une réponse très claire, précisant à quelle date il convient de se placer pour déterminer la qualité de partie à cette Convention.

Ainsi, la Haute juridiction relève d’abord que les modalités de sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni ont été réglées dans l'Accord du 24 janvier 2020 sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (l'Accord).

En application de cet Accord, entré en vigueur le 1er février 2020, le retrait du Royaume-Uni de l'Union est devenu total à compter du 1er janvier 2021.

Par ailleurs, en ses articles 126 et 127, l'Accord prévoit une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle, sauf dispositions contraires, le droit de l'Union reste applicable au Royaume-Uni et sur son territoire, de sorte que le Royaume-Uni demeure lié pendant cette période par les obligations découlant des accords internationaux conclus par l'Union.

La Convention de Lugano, par laquelle le Royaume-Uni était lié comme État membre de l'Union européenne, n'est ni citée ni visée, même implicitement, par les dispositions de l'article 127 de l'Accord relatives aux traités et actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l'Union déclarés, par exception, non applicables au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la période de transition.

Dès lors, il en résulte que le Royaume-Uni est demeuré lié par la Convention de Lugano jusqu'au 31 décembre 2020, date d'expiration de la période de transition.

Or, l'application de la Convention de Lugano est subordonnée au fait qu'une des parties au moins est domiciliée sur le territoire d'un État lié par cette convention, à la désignation d'un tribunal du ressort d'un État lié par cette convention et à la reconnaissance du caractère international du litige. Par ailleurs, le Royaume-Uni, sur le territoire duquel se trouve la juridiction désignée par la clause, était membre de l'Union européenne au moment de l'introduction de l'instance le 18 avril 2019, soit avant son retrait de l'Union européenne et avant la fin de la période transitoire fixée au 31 décembre 2020. Par conséquent, la cour d'appel en a exactement déduit que le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est sans effet quant à l'application de la Convention de Lugano au litige et la validité de la clause attributive de juridiction devait être soumise aux conditions de forme prévues à l'article 23 de cette convention et non aux règles découlant des dispositions du droit national.

C’est donc à la date de l’introduction de l’instance qu’il convient de se placer pour déterminer la qualité de partie du Royaume-Uni à la Convention de Lugano.

Sur la validité de la clause, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Après avoir rappelé les termes de l’article 23.1 de la Convention de Lugano, la Haute juridiction relève que pour déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent, l'arrêt d’appel a retenu que le transporteur maritime justifie, par la production des listings des transports d'un courant d'affaires régulier et même d'un flux récurrent sur cette ligne de transport aux mêmes conditions, qui permet de considérer que les parties étaient habituées à la présence de cette clause.

Pour la Cour, les juges se sont déterminés par des motifs impropres à caractériser l'existence d'habitudes établies pendant cette période entre les parties quant à la conclusion d'une telle clause attributive de compétence.

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