Le Quotidien du 21 mars 2023 : Responsabilité

[Brèves] Le « risque » de trouble anormal du voisinage est réparable

Réf. : Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 21-19.716, F-D N° Lexbase : A57189GU

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 20 Mars 2023

► En cas de tempête, les arbres risquent d’endommager gravement la maison du voisin ; ce risque afférent à la sécurité des biens caractérise un trouble anormal du voisinage.

Quand la théorie prétorienne des troubles anormaux du voisinage rencontre le principe de réparation du dommage futur dès lors qu’il est certain, cela permet d’étendre, encore plus, le champ d’application du principe général du droit en cas de risque d’atteinte aux biens des voisins. L’arrêt rapporté en est une belle illustration.

En l’espèce, un bien jouxte une parcelle sur laquelle se trouvent six cèdres bleus. Les propriétaires de ce bien assignent les voisins aux fins d’abattage des cèdres et indemnisation des préjudices subis sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

La cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 18 mai 2021 (CA Pau, 18 mai 2021, n° 19/00430 N° Lexbase : A04004SM), ordonne l’abattage des arbres. Les propriétaires de la parcelle forment un pourvoi en cassation dans lequel ils exposent, notamment, que l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage suppose caractérisée l’existence d’un trouble. Ils exposent, en tout état, que la probabilité de réalisation de ce risque doit être élevée et non se réduire à une simple éventualité.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. Après avoir rappelé que l’appréciation de l’anormalité du trouble est une question de fait qui relève de la libre appréciation des juges du fond, elle exerce un contrôle de motivation. La cour d’appel a, au présent cas, caractérisé l’anormalité du trouble en relevant souverainement que les arbres avaient atteint une hauteur conséquente et qu’en cas de tempête, ils risquaient d’endommager gravement la maison du voisin.

La décision, quoique juridiquement fondée puisque le dommage futur est réparable, conduit à une extension significative du champ d’application de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Longtemps fondé sur les dispositions des articles 544 N° Lexbase : L3118AB4 et 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 du Code civil, la formule selon laquelle « Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier. Ainsi, un voisin qui s’estime victime d’un trouble anormal peut assigner le voisin qu’il soit propriétaire ou non. C’est ainsi que la jurisprudence a pu admettre l’action du voisin contre les constructeurs d’un chantier situé sur le fonds contigu au sien (pour exemple, Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-16.248, FS-D N° Lexbase : A0868RQ9). Mais, la plupart du temps, le voisin agira contre son voisin propriétaire.

La mise en œuvre de l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple, Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434, publié au bulletin N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite parce que la notion de trouble, forcément subjective, est, pour le moins, protéiforme (bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie, etc.). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple toujours Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159, publié au bulletin N° Lexbase : A7994CES), ce qui rend inopérant le respect de la règlementation applicable.

Le trouble anormal du voisinage permet donc l’exercice d’une action préventive. Il y avait déjà eu des décisions en ce sens (pour exemple, Cass. civ. 2, 14 octobre 2019, n° 18-20.701, F-D N° Lexbase : A6411ZSA)

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