La lettre juridique n°934 du 9 février 2023 : Droit pénal spécial

[Focus] Les défaillances du législateur dans l’entreprise de codification à l’aune de la réforme des infractions sexuelles

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par Florence Dequatre, Docteur en droit privé, Enseignante contractuelle à CY Cergy Paris Université, Chargée d’enseignement à l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris (Université Panthéon-Assas Paris II) et à l’Université Reims Champagne-Ardenne

le 09 Février 2023

Mots-clés : infractions sexuelles • mineurs • loi du 21 avril 2021 • codification • valeurs sociales protégées

S’il est une famille d’infractions marquée par l’instabilité législative depuis l’entrée en vigueur du Code pénal en 1994, c’est bien celle des infractions sexuelles avec une accélération des réformes au cours de la dernière décennie. Alors que les modifications du corpus juridique restaient ponctuelles et désordonnées, la dernière loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste constitue une véritable rupture – le législateur ayant posé les fondations d’un nouveau droit pénal des infractions sexuelles. Porteuse d’un changement radical de paradigme axiologique, cette loi invitait à réinterroger la place des infractions sexuelles dans le Code pénal. Les défaillances du législateur dans la classification des infractions sexuelles – révélant un mauvais usage de la codification – offrent ainsi à la doctrine une opportunité de formuler des propositions pour un meilleur usage de la codification.


 

Code des lois de Hammourabi, § 130 : « Si un homme a violenté la femme d’un homme qui n’a pas encore connu le mâle et demeure encore dans la maison paternelle, s’il a dormi dans son sein, et si on le surprend, cet homme est passible de mort, et cette femme sera relâchée ». [1]

Cet extrait du Code des lois de Hammourabi témoigne, d’une part, de la réprobation qu’a toujours légitimement suscité le viol quelles que soient les époques et, d’autre part, de l’effort des législateurs à travers les âges pour rationaliser les textes de loi en les codifiant. Depuis cette disposition, il est évident que les fondements de la réprobation du viol ont été profondément bouleversés – quoi qu’extrêmement récemment à l’échelle de l’humanité. En la matière, la révolution ne s’est produite que dans le dernier quart du XXe siècle. Plus précisément, c’est la loi n° 80‑1041, du 23 décembre 1980, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs [2] qui a modifié, plus largement, le fondement des textes d’incrimination réprimant les infractions sexuelles. Dès lors, il n’était plus question de protéger ni les mœurs ni les familles d’une naissance illégitime, mais de consacrer, à une époque marquée par l’avènement de l’individualisme, la protection pénale de la liberté sexuelle de la personne [3].

Cette réforme majeure en appelait sûrement d’autres. Pour autant, c’est à un véritable « emballement » [4] que l’on assiste aujourd’hui, dénoncé à raison en doctrine depuis une dizaine d’années – le Professeur Darsonville publiait en 2012, aux archives de politique criminelle, un article consacré au « surinvestissement législatif en matière d’infractions sexuelles » [5]. En un peu moins de sept ans, c’est-à-dire depuis le printemps 2016, les infractions sexuelles ont été réformées par quatre lois – au rythme donc d’une loi tous les un à deux ans : loi du 14 mars 2016 [6] N° Lexbase : L0090K7H, du 3 août 2018 [7] N° Lexbase : L6141LLZ, du 30 juillet 2020 [8] N° Lexbase : L7970LXH et du 21 avril 2021 [9] N° Lexbase : L2442L49. Cette dernière loi a été très abondamment analysée et commentée en doctrine tant s’agissant des modifications opérées en droit pénal substantiel qu’en droit pénal processuel [10]. Dès lors, il ne s’agit pas d’inscrire la réflexion ici conduite dans le sillage de ces études techniques, indispensables à la bonne compréhension de ce qui se présente comme un nouveau droit pénal des infractions sexuelles [11]. Il s’agit plutôt de suivre une autre voie, jusqu’ici, encore peu empruntée. À partir d’un diagnostic posé en doctrine, celui d’« une perte de cohérence juridique de l’articulation des infractions sexuelles » [12], il convient de proposer un « remède » [13], celui de « la rationalisation » [14] du corpus juridique. Certains pays européens ont engagé ce travail de réforme d’ensemble des infractions sexuelles. La Belgique a ainsi adopté le 21 mars 2022 une loi modifiant le Code pénal en ce qui concerne le droit pénal sexuel [15]. Pour l’heure, le vote de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 non plus que deux nouvelles propositions de loi déposées au Parlement français cette année [16] ne témoignent d’une telle ambition de la part du législateur. Ce dernier persistant à réformer la matière par touches successives, la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 apparaît – à l’instar de celles qui l’ont précédée – comme « l’occasion manquée d’une grande réforme des infractions sexuelles » [17]. C’est ainsi à la doctrine que revient, pour l’instant, la tâche de faire progresser la réflexion en proposant d’ouvrir le chemin de la recodification.

Une réflexion plus globale relative à la protection de l’intégrité morale en droit pénal [18] a été l’occasion de formuler des propositions de rationalisation de la codification des infractions sexuelles avant que ne soit adoptée la dernière réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49. Toutefois, le changement de paradigme axiologique dont est à l’origine cette loi [19] suppose de remettre l’ouvrage sur le métier et de réinterroger la place des infractions sexuelles dans le Code pénal. Cette approche axiologique pourrait être critiquée en ce qu’elle est fortement discutée [20] – sinon contestée en droit pénal spécial par certains auteurs [21] – et a marqué un net recul dans la résolution des concours de qualifications depuis l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 décembre 2021 [22]. Mais, « ce qui peut paraître n’être qu’une simple question de place dans le Code pénal, a en vérité un impact fondamental dès lors que, selon le lieu où se situe une incrimination dans le code, c’est implicitement la valeur pénalement protégée qui se dessine » [23]. Puisque la codification des infractions sexuelles va apparaître perfectible au terme d’une analyse du droit positif, il va alors falloir en revenir, précisément, aux valeurs sociales protégées pour s’interroger sur la juste place de ces infractions dans le Code [24]. En effet, l’œuvre de codification repose, en partie, sur les valeurs sociales protégées qui permettent, en tant que critère de classification, de présenter de manière cohérente les infractions existantes. Dans l’introduction de leur traité de droit criminel consacré au droit pénal spécial, Merle et Vitu soulignaient l’apport que représentent les valeurs sociales protégées pour le droit pénal spécial. « Considéré dans cette optique, le droit pénal spécial n’apparaît plus comme un agglomérat disparate d’incriminations qui se succèdent sans lien, mais comme un ensemble cohérent et structuré, directement inspiré par les principes moraux et politiques proclamés ou reconnus par l’État » [25].

Une étude relative à la codification des infractions sexuelles conduite à l’aune de la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 suppose, à partir d’une analyse du droit positif révélatrice d’un mauvais usage par le législateur de la codification en la matière (I.), de tracer la voie pour parvenir à un meilleur usage de cet outil dans le champ des infractions sexuelles (II.).

I. Du mauvais usage par le législateur de la codification en matière d’infractions sexuelles

La « perte de cohérence juridique de l’articulation des infractions sexuelles » [26], mise en évidence en doctrine, trouve son origine dans le mauvais usage par le législateur de la codification en matière d’infractions sexuelles. Avant l’adoption de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, la codification des agressions sexuelles au sein du chapitre du Code pénal consacré aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne [27] n’était déjà pas satisfaisante [28]. À cet état du droit positif, la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 a apporté encore un peu plus de confusion en modifiant de manière substantielle la catégorie des agressions sexuelles. Dès lors, la codification des infractions sexuelles génériques ne va pas apparaître pertinente (A.) tandis que celle des agressions sexuelles spécifiques aux mineurs traduit des hésitations de la part du législateur (B.).

A. La codification non pertinente des infractions sexuelles génériques

  1. S’interroger sur la pertinence de la codification des infractions sexuelles génériques au sein du Code pénal suppose, au préalable, d’opérer un rappel quant à la ratio legis de ces incriminations.

Si la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 est porteuse d’un changement radical dans la répression de certaines infractions sexuelles spécifiques aux mineurs [29], elle n’a en revanche pas modifié la ratio legis des infractions sexuelles génériques. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que le viol et les agressions sexuelles autres que le viol réprimés, pour le premier, par l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U et, pour les secondes, par les articles 222‑27 N° Lexbase : L7179ALH et 222-29-1 N° Lexbase : L2630L48 du Code pénal (selon que la victime est un mineur de plus ou de moins de quinze ans) peuvent précisément toujours avoir pour victime un mineur.

Les infractions sexuelles génériques sont le fruit d’une mutation des infractions d’attentat aux mœurs intervenue, dans la seconde moitié du XXe siècle, à la faveur d’« un recentrage sur l’individu » [30] du droit. À cet égard, c’est sans doute l’évolution de l’incrimination du viol qui apparaît la plus emblématique. Il y a encore quelque temps, elle aurait pu être retracée à grands traits dès lors que le changement jusqu’alors majeur en la matière était intervenu par la loi n° 80-1041, du 23 décembre 1980, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs [31] et était donc, depuis lors, bien connu. En deux mots, rappelons donc que, jusqu’à cette loi, le viol n’était pas défini par le Code pénal de 1810 et que la doctrine l’envisageait exclusivement comme le coït imposé par un homme à une femme [32]. Depuis cette loi, et jusqu’aux lois n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6141LLZ et n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L2442L49, le viol a été défini par l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Ainsi, cette loi était porteuse d’un changement de paradigme radical et opportun. Il ne s’agissait plus de protéger les familles d’une naissance illégitime, mais bien de protéger désormais la liberté sexuelle [33]. Le temps où « l’acte sexuel interdit prot[égeait] l’ordre moral et [où] les crimes qui en découl[ai]ent int[égraie]nt les infractions contre les mœurs […] » [34] appartenait, désormais, au passé. En pérennisant, lors de la réforme du Code pénal en 1992, l’incrimination telle qu’elle existait depuis la loi du 23 décembre 1980, puis en précisant que la qualification de viol pouvait être retenue quelles que soient les relations entretenues par l’auteur et sa victime – y compris, donc, s’ils sont unis par les liens du mariage [35], la loi pénale se conformait aux valeurs qui irriguaient la société à l’aube du XXIe siècle [36].

Au contraire, il n’est pas certain que les modifications récentes de l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U par la loi du 3 août 2018 [37] N° Lexbase : L6141LLZ et par celle du 21 avril 2021 [38] N° Lexbase : L2442L49 constituent, en la matière, une nouvelle avancée. Elles contribuent bien plus l’une comme l’autre, par un élargissement du champ d’application de l’incrimination de viol [39], à brouiller les frontières du viol et des agressions sexuelles autres que le viol. Qualifier de viol non plus simplement les actes de pénétration sexuelle commis sur la personne d’autrui, mais également ceux réalisés sur la personne de l’auteur par la victime procède d’une confusion regrettable entre le dommage et le préjudice [40] puisqu’il s’agit de combler le « vide juridique associé à la répression pénale des fellations subies par les jeunes garçons, qui [n’étaient] considérées [avant la réforme du 3 août 2018 N° Lexbase : L6141LLZ] que comme des agressions sexuelles, alors qu’elles ont les mêmes conséquences psychologiques qu’un viol pour les victimes » [41]. De l’aveu même du législateur [42], il s’agissait de mettre fin à une jurisprudence antérieure [43] qui refusait, par exemple, de qualifier de viol les relations sexuelles imposées par une femme à un homme ou bien encore les fellations forcées [44]. Quant à la réforme issue de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 qui a étendu le champ d’application du viol dont la matérialité peut désormais être caractérisée par la réalisation d’actes bucco-génitaux, elle emporte la conséquence radicale de faire « disparaître le critère de distinction du viol et des autres agressions sexuelles » [45]. Ainsi, ces deux réformes devraient conduire à un recul de la qualification des agressions sexuelles autres que le viol [46]. En réalité, elles semblent poursuivre un objectif « d’égalité entre les deux sexes » [47] sinon idéologique, à tout le moins artificiel [48] et, en cela, peuvent ne pas convaincre [49].

Quoi qu’il en soit de ces modifications récentes de l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U, depuis la réforme intervenue en 1992, la société n’a plus de droit de regard sur les relations sexuelles qu’entretient une personne – tout du moins lorsque la relation intervient avec une personne qui y consent librement et qu’elle n’implique pas un mineur de quinze ans [50] ou de plus de quinze ans lorsque l’auteur majeur a une autorité de droit ou de fait sur la victime ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions [51].

Au terme de ces développements, on ne peut alors qu’être surpris de trouver le viol et les agressions sexuelles autres que le viol codifiés au sein du chapitre rassemblant les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne [52]. Le viol et les agressions sexuelles revêtent une dimension corporelle incontestable. Pour autant, ils ne constituent pas des infractions exclusivement attentatoires à l’intégrité corporelle de la personne (comme peuvent l’être les violences [53]). Dès lors, la classification de ces infractions parmi les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne ne permet pas de valoriser la protection du consentement de la victime, au cœur de la répression des infractions sexuelles génériques depuis la loi du 23 décembre 1980. En effet, analysant ce texte, la doctrine releva, lors du vote de la loi, la place centrale qui était désormais accordée au consentement de la victime – dont l’absence était érigée en élément constitutif de l’infraction de viol [54] – analyse qui peut être étendue aux agressions sexuelles autres que le viol. La codification des infractions sexuelles génériques se révèle ainsi perfectible.

Au demeurant, la question de la codification des infractions sexuelles au sein du chapitre du Code pénal relatif aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique [55] a été renouvelée par l’adoption de quatre nouvelles infractions d’agressions sexuelles spécifiques aux mineurs lors de la dernière réforme.

B. Les hésitations du législateur quant à la codification des agressions sexuelles spécifiques aux mineurs

L’article 1er de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 a créé quatre nouvelles infractions sexuelles spécifiques aux mineurs. Il s’agit, d’une part, du viol et de l’agression sexuelle autre que le viol qui ne peuvent être commis que par un majeur sur un mineur de quinze ans lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans. Ces infractions ont été respectivement incriminées dans deux nouveaux articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal. Il s’agit, d’autre part, du viol et de l’agression sexuelle autre que le viol commis dans un contexte incestueux, c’est-à-dire par un majeur ayant la qualité d’ascendant à l’égard de la victime ou par toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 dudit code N° Lexbase : L2620L4S ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Ces textes trouvent respectivement place aux articles 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T et 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44 du Code pénal. Il convient, dès lors, de s’interroger sur la pertinence de la codification de ces infractions sexuelles qu’elles soient commises hors de tout contexte incestueux (1) ou dans un contexte incestueux (2).

1) La question de la pertinence de la codification des infractions sexuelles commises hors de tout contexte incestueux

La loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 a créé deux nouvelles infractions sexuelles spécifiques aux mineurs – et donc autonomes [56] – commises hors de tout contexte incestueux. Deux nouveaux articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 ont été introduits à cet effet dans le Code pénal. Aux termes de l’article 222‑23‑1, alinéa 1er N° Lexbase : L2624L4X, « hors le cas prévu à l’article 222-23, constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ». Construit sur le même modèle, l’article 222-29-2, alinéa 1er N° Lexbase : L2631L49, dispose que « hors le cas prévu à l’article 222-29-1, constitue également une agression sexuelle punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commise par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ».

Ces infractions se distinguent des infractions génériques dans la mesure où leur caractérisation survient en dehors du cas prévu à l’article 222-23 N° Lexbase : L2622L4U pour le viol et en dehors de celui prévu à l’article 222-29-1 N° Lexbase : L2630L48 pour les agressions sexuelles, c’est-à-dire en dehors de toute violence, contrainte, menace ou surprise. La lecture des textes d’incrimination devrait normalement conduire à retenir, lorsque les faits sont commis par un majeur sur un mineur de quinze ans avec violence, contrainte, menace ou surprise, les qualifications génériques des articles 222-23 N° Lexbase : L2622L4U et 222-24 [57] N° Lexbase : L2625L4Y pour le viol [58] et 222-29-1 N° Lexbase : L2630L48 pour l’agression sexuelle autre que le viol [59]. Pourtant, un auteur attire l’attention sur le fait que la réforme est présentée aux magistrats comme porteuse de « nouvelles incriminations [siège de] qualifications spéciales qui d[evrai]ent être préférées aux incriminations générales de viols et d’agressions sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise en vertu du principe specialia generalibus derogant, “même s’il est manifeste que les faits ont été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise” » [60]. Une telle application de ces articles s’éloignerait incontestablement de leur lettre [61]. Pour autant, elle serait en réalité plus conforme à l’esprit dans lequel cette loi a été votée – les auteurs de la proposition de loi estimant que « la notion de consentement, déjà complexe lorsque la victime est un adulte, n’a tout simplement pas sa place dans le débat lorsque la victime est particulièrement jeune ». Les articles 222-23 N° Lexbase : L2622L4U et 222-29-1 N° Lexbase : L2630L48 du Code pénal n’auraient dès lors plus vocation à être appliqués en présence d’un mineur de quinze ans.

Jusqu’à la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, les agressions sexuelles réprimaient, quel que soit l’âge de la victime, des atteintes à la liberté sexuelle [62] caractérisées par une violence, une contrainte, une menace ou une surprise. L’effacement des infractions sexuelles classiques, à l’issue de la réforme, se justifie par cette ratio legis fondée sur la liberté sexuelle. Il n’est désormais plus question d’appréhender les infractions sexuelles commises sur les mineurs de quinze ans au prisme de la liberté sexuelle. Depuis la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, l’existence d’une liberté sexuelle chez ces mineurs, exercée dans le cadre de relations entretenues avec des partenaires majeurs, est incontestablement écartée [63], conformément à l’orientation des travaux préparatoires dont Madame Hardouin-Le Goff délivrait la teneur [64]. Il s’agit désormais de fonder les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs de quinze ans sur le principe d’une protection de leur intégrité physique et psychique [65] – à la double condition d’un écart d’âge d’au moins cinq ans entre l’auteur et la victime et d’une absence de contrepartie réelle ou promise. En revanche, ne nous y trompons pas, pas plus qu’hier le législateur ne consacre une majorité sexuelle qu’il fixerait à quinze ans [66].

Reste qu’à lire les alinéas 2 des articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal, rédigés en des termes strictement identiques, un doute pourrait surgir quant à la ratio legis de ces nouvelles infractions. En effet, le législateur écarte la condition de différence d’âge lorsque « les faits ont été commis en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage ». Le Professeur Rousseau est alors « tenté d’analyser cette condition d’écart d’âge comme une sorte de fait justificatif spécial ne jouant pas dans n’importe quelle condition » [67]. Il en conclut que « la morale sexuelle n’est donc peut-être pas totalement absente du régime de cette nouvelle infraction autonome de viol sur mineur de quinze ans […] » [68] – l’analyse pouvant être étendue aux agressions sexuelles autres que le viol. Ces deux alinéas devraient donc amener à appréhender ces infractions autonomes de viol et d’agression sexuelle commises par un majeur sur un mineur de quinze ans comme des infractions de nature mixte – attentatoires à l’intégrité physique et psychique et attentatoires à la moralité des mineurs. Toutefois, il est permis de s’interroger sur l’articulation de ces dispositions avec celles de l’article 225-12-1, alinéa 2 du Code pénal N° Lexbase : L2634L4C qui répriment le recours à la prostitution de mineur – infraction dont les peines sont aggravées lorsqu’un mineur de quinze ans en est victime [69]. L’ensemble de ces dispositions semble, en effet, se recouper en grande partie de sorte que la question de leur conformité au principe de nécessité des délits et des peines [70] se pose et qu’à tout le moins leur application ne sera pas aisée. Nous l’avons dit, les alinéas 2 des articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal doivent permettre de qualifier de viol, les pénétrations sexuelles ou actes bucco-génitaux, ou d’agression sexuelle, les atteintes sexuelles autres qu’un viol, lorsqu’ils sont commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans [71] en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage et ce quel que soit l’écart d’âge entre l’auteur et la victime. Pour sa part, l’article 225-12-1, alinéa 2 du Code pénal N° Lexbase : L2634L4C réprime de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le recours à la prostitution de mineurs [72] – les peines étant rehaussées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende lorsque la victime est un mineur de quinze ans conformément à l’article 225-12-2, alinéa 2 du Code pénal N° Lexbase : L2635L4D. Un auteur a alors pu s’interroger sur l’opportunité de supprimer l’article 225‑12‑2, alinéa 2 du Code pénal N° Lexbase : L2635L4D concluant au fait que « ce texte ne conserve d’intérêt que pour permettre la sanction d’un mineur qui s’offre les services sexuels d’un mineur de quinze ans acceptant de les fournir contre rémunération ! » [73] Pour réprimer ces clients de la prostitution, mineurs, il conviendrait alors d’en revenir à l’article 225-12-1 du Code pénal N° Lexbase : L2634L4C – ce qui emporterait un affaiblissement de la répression puisque la peine alors encourue s’élève à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende [74]. Pourrait également être envisagée la suppression de l’alinéa 2 des articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29‑2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal. Là non plus, une telle suppression ne serait pas tout à fait satisfaisante. L’abrogation de l’alinéa 2, de l’article 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 n’aurait pas pour conséquence un affaiblissement de la répression dès lors que le recours à la prostitution de mineurs de quinze ans fait encourir à son auteur dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende [75] – c’est-à-dire des peines identiques à celles de l’agression sexuelle autre que le viol spécifique aux mineurs [76]. En revanche, alors que le viol commis par un majeur sur un mineur de quinze ans – et réalisé en échange d’une contrepartie réelle ou promise – fait encourir à son auteur vingt ans de réclusion criminelle [77], le recours à la prostitution d’un mineur de quinze ans expose son auteur, nous venons de le voir, à une peine de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Si le fait de réprimer plus sévèrement cette infraction de viol spécifique aux mineurs apparaît a priori logique, il est, en revanche, incohérent de la part du législateur de réprimer différemment des faits qui peuvent être matériellement identiques.

Assurément, les dispositions nouvelles par lesquelles la pénétration sexuelle (ou l’acte bucco-génital) et l’atteinte sexuelle autre que le viol sont sanctionnées quel que soit l’écart d’âge entre l’auteur et la victime lorsqu’elles sont réalisées en échange d’une contrepartie ne peuvent être articulées de manière satisfaisante avec les dispositions qui leur préexistaient. Au demeurant, par l’enjeu de morale sexuelle dont elles sont porteuses, elles s’écartent de l’objectif initialement poursuivi par le législateur à l’occasion du vote de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49. Par cette loi, il s’agissait d’adapter le dispositif répressif en matière d’infractions sexuelles aux aspirations fortes qu’exprimait la société depuis quelques années au travers des différents mouvements de libération de la parole des victimes d’infractions sexuelles. À cet effet, il convenait de « changer de paradigme » [78]. En effet, « dans l’esprit de chacun et de la société, c’est la protection de l’enfant en tant que tel, la sauvegarde de son intégrité physique et psychologique [79] que l’on veut pénalement garantir ici. Sacraliser l’enfant dans son corps et dans son développement psychologique par un recours légitime au droit pénal » [80]. Relevons d’ailleurs qu’avant même le vote de cette loi, le juge avait tenté de prendre en compte l’évolution sociétale à l’œuvre. Dans une affaire dont a eu à connaître la Chambre criminelle, un individu a reconnu avoir consulté une bande dessinée érotique, ce qui l’avait excité et l’avait conduit, alors qu’il était assis à côté d’une enfant, à lui effleurer la main ainsi que la jambe, du mollet jusqu’au genou, tout en se masturbant. Renvoyé devant le tribunal correctionnel, le prévenu est condamné en première instance pour exhibition sexuelle, mais relaxé du chef d’agression sexuelle sur mineure de quinze ans. En appel, le prévenu est condamné pour agression sexuelle sur mineure de quinze ans. Pour entrer en voie de condamnation, la cour d’appel de Versailles a retenu que « ces zones du corps, sans être spécifiquement sexuelles en elles‑mêmes, ont été de nature à exciter le prévenu au niveau sexuel, alors que l’enfant n’avait ni la maturité ni le pouvoir de s’opposer de manière efficiente à ces attouchements de nature sexuelle ». La Cour de cassation n’y voit rien à redire et rejette le pourvoi par un arrêt en date du 3 mars 2021 [81]. Les juges du fond avaient ainsi justifié leur décision en considérant, « par une appréciation souveraine, que les caresses avaient un caractère sexuel en raison de la manière dont elles ont été effectuées et du contexte dans lequel les faits se sont déroulés ». La condamnation du comportement adopté dans cette affaire au prisme de l’agression sexuelle révèle la volonté de protéger les mineurs dans leur intégrité physique ou psychique – les juges reconnaissant eux-mêmes que les zones du corps sur lesquels les attouchements ont été pratiqués n’étaient pas spécifiquement sexuelles en elles-mêmes. Sous cet angle, une condamnation de ces faits au titre des violences volontaires aurait certainement été plus conforme à la légalité criminelle « pour ce qu’[ils] ont immanquablement entraîné de choc émotif et de perturbation psychique […] de la victime » [82]. Cette décision comme la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 après elle illustrent bien que c’est à la seule condition de fonder les nouvelles infractions sexuelles spécifiques aux mineurs sur la protection de leur intégrité physique et psychique que celles-ci traduiront pleinement les aspirations sociales.

Malgré les hésitations du législateur qui apparaissent en filigrane des articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222‑29-2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal, ces nouveaux textes ont donc toute leur place au sein du chapitre du Code pénal réprimant les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne [83]. À leur côté, ont été également insérés dans le Code pénal les nouveaux articles 222‑23-2 N° Lexbase : L2621L4T et 222‑29-3 N° Lexbase : L2628L44 qui présentent la particularité de protéger tous les mineurs – quel que soit leur âge – de relations sexuelles commises par un majeur dans un contexte incestueux. Au regard de ces spécificités, la même question relative à la pertinence de la codification de ces infractions sexuelles dans ce même chapitre II du titre II du Livre II du Code pénal doit être posée.

2) La question de la pertinence de la codification des infractions sexuelles commises dans un contexte incestueux 

Si la définition de l’inceste prend désormais place au titre des dispositions préliminaires de la section III du chapitre II du titre II du livre II du Code pénal – section consacrée au viol, à l’inceste et aux autres agressions sexuelles, le législateur persiste à n’appréhender l’inceste commis à l’encontre des victimes majeures qu’au titre d’une surqualification. Le législateur s’est ainsi contenté de réintroduire, dans un nouvel article 222‑22-3 du Code pénal N° Lexbase : L2620L4S, les dispositions de l’article 222-31-1 N° Lexbase : L6216LLS, qui ouvrait le paragraphe 3 avant l’adoption de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, et d’étendre son champ d’application au grand-oncle et à la grand-tante. Comme auparavant, le texte prévoit simplement que « les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux [84] lorsqu’ils sont commis par : 1° Un ascendant ; 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ; 3° Le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait ».

En revanche, la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 est porteuse d’une évolution majeure lorsque les infractions sexuelles commises dans un contexte incestueux le sont à l’encontre de victimes mineures – quel que soit leur âge (de quinze ans ou plus). En effet, les deux nouveaux articles introduits dans le Code pénal par cette loi permettent de réprimer, de manière autonome [85], le viol et les agressions sexuelles lorsque l’un et les autres sont commis par un majeur à l’encontre de mineurs dans un contexte incestueux. Le nouvel article 222-23-2 du Code pénal N° Lexbase : L2621L4T définit cette nouvelle infraction de viol incestueux en prévoyant que « hors le cas prévu à l’article 222-23, constitue un viol incestueux tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait » [86]. Quant à la définition de l’agression sexuelle incestueuse, elle apparaît à l’article 222-29-3 du Code pénal N° Lexbase : L2628L44 qui retient que « hors le cas prévu à l’article 222-29-1, constitue une agression sexuelle incestueuse […] toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commise par un majeur sur la personne d’un mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait » [87].

Contrairement à l’inceste commis à l’encontre de victimes majeures qui ne constitue qu’une surqualification, les articles 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T et 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44 du Code pénal sont bien porteurs d’infractions nouvelles faisant encourir à leurs auteurs vingt ans de réclusion criminelle en cas de viol incestueux [88] et dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende en cas d’agression sexuelle incestueuse [89]. Pour le Professeur Ghica-Lemarchand, « la loi du 21 avril 2021 rompt avec la technique juridique de la surqualification incestueuse et consacre une nouvelle catégorie autonome d’infractions sexuelles incestueuses qui se caractérisent par des éléments différents de ceux des infractions génériques auxquelles ils s’apparentent » [90].

Comme pour les infractions sexuelles commises hors de tout contexte incestueux, les viols et agressions sexuelles à caractère incestueux ne devraient être retenus qu’à défaut de violence, contrainte, menace ou surprise [91]. Il semble, pourtant, que le législateur souhaite là encore marginaliser la qualification générique de l’agression sexuelle réprimée par l’article 222-28, 2° N° Lexbase : L6221LLY lorsque les faits sont commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. En effet, dans cette hypothèse, l’auteur des faits encourt sur ce fondement une peine de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende – la minorité de la victime ne donnant pas lieu à une aggravation de la peine. Dès lors, la nouvelle infraction d’agression sexuelle spécifique aux mineurs permet de durcir sensiblement la répression lorsque l’inceste est commis à l’encontre d’un mineur de plus de quinze ans en élevant la peine à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende [92]. D’un point de vue répressif, il n’en est pas de même pour le viol puisque l’infraction générique expose son auteur – lorsque les faits sont commis dans un contexte incestueux – à la même peine que celle encourue sur le fondement de la nouvelle qualification de viol spécifique aux mineurs, à savoir vingt ans de réclusion criminelle [93]. Il ne peut, toutefois, être totalement exclu que la qualification générique soit également écartée afin de protéger les mineurs dans leur intégrité physique et non dans une liberté sexuelle dont il a été admis, nous l’avons vu, qu’elle n’a pas de sens à leur égard [94].

L’articulation de ces nouveaux textes avec le droit antérieur n’est pas évidente et a nécessité l’insertion d’un article 227-21-1 [95] N° Lexbase : L2645L4Q en tête des infractions sexuelles commises contre les mineurs réprimées au chapitre VII du titre II du livre II du Code pénal – chapitre consacré aux atteintes aux mineurs et à la famille. La précision apportée par l’article 227-21-1 du Code pénal N° Lexbase : L2645L4Q apparaît nécessaire si l’on ne fonde pas sur la même ratio legis, d’une part, les nouvelles dispositions réprimant les actes de nature sexuelle réalisés par un majeur sur un mineur (qu’ils soient commis dans un contexte incestueux ou non) [96] et, d’autre part, les infractions sexuelles commises contre les mineurs [97]. Alors que les premières protègent les mineurs de quinze ans ou de plus de quinze ans (en cas de contexte incestueux) dans leur intégrité physique et psychique, les secondes continuent de protéger la moralité sexuelle des mineurs [98].

  1. Alors que la codification des infractions sexuelles génériques est apparue dépourvue de pertinence, celle des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs – qu’elles soient commises dans un contexte incestueux ou non – traduit donc des hésitations de la part du législateur.

Le constat d’un mauvais usage de la codification par le législateur en matière d’infractions sexuelles ayant été dressé, des remèdes doivent dès lors être proposés pour un meilleur usage de la codification en ce domaine.

II. D’un meilleur usage de la codification en matière d’infractions sexuelles

Un meilleur usage de la codification en matière d’infractions sexuelles, dont les imperfections en droit positif peuvent être mises en exergue à plusieurs égards [99], est techniquement possible et donc souhaitable. Une telle démarche présenterait de multiples vertus. En effet, la codification ne constitue pas un simple artifice de forme. Elle a une véritable utilité, car « finalement, si aucun indice ne pouvait être tiré de la localisation d’une infraction, à quoi bon bâtir un code ? Pourquoi ne pas regrouper les incriminations tout simplement par ordre chronologique d’adoption [100], par ordre croissant de gravité des sanctions ou bien encore, tout bêtement, par ordre alphabétique ? » [101] Dans le domaine des infractions sexuelles, un meilleur usage de la codification permettrait de mieux identifier les valeurs sociales protégées par les très nombreuses infractions que comporte le droit positif, de mieux articuler les textes entre eux à la faveur d’une meilleure délimitation de leurs champs d’application respectifs et donc de mieux les appliquer. La nécessité d’une codification repensée des infractions sexuelles doit, avant tout, être démontrée au regard du Code pénal en vigueur (A.). Toutefois, les contraintes du cadre normatif actuel pourraient faire naître une démarche ambitieuse de recodification des infractions sexuelles dans un titre II du livre II du Code pénal reconstruit (B.).

A. De la nécessité d’une codification repensée des infractions sexuelles dans le Code pénal actuel

Les défaillances de la codification des infractions sexuelles en droit positif rendent nécessaire une recodification des textes d’incrimination dans le Code pénal actuel.

Les analyses relatives aux infractions sexuelles génériques conduites avant l’adoption de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 conservent toute leur pertinence. Ainsi, le viol et les agressions sexuelles autres que le viol [102], pour être attentatoires à la liberté sexuelle – c’est‑à‑dire à l’un des aspects de la liberté corporelle [103], pourraient ainsi trouver une plus juste place dans une nouvelle section III du chapitre du Code pénal consacré aux atteintes aux libertés [104].

En revanche, l’enjeu de recodification s’agissant des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs est inédit dès lors que coexistent désormais des infractions qui n’ont pas la même ratio legis. Or « la place de certaines infractions est […] trop discutée pour n’être que le fruit du hasard » [105] et, précisément, « les atteintes sexuelles qui ont finalement été introduites au sein des infractions de mise en péril des mineurs alors que certains défendaient leur introduction dans les violences, à côté des agressions sexuelles » [106] en font partie. La réflexion, en la matière, s’avère d’autant plus nécessaire que la réforme issue de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 a « conduit à un ensemble fort complexe qui fait craindre des difficultés d’application du côté des parquets et des juridictions » [107]. Plusieurs propositions de recodification ont été formulées en doctrine.

L’une d’entre elles, celle de Monsieur Besse, consisterait à revenir à l’articulation que connaissait le droit avant la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 entre les agressions sexuelles et les atteintes sexuelles sur mineur en adaptant les textes pour tenir compte de la volonté (un temps exprimé) de réprimer plus sévèrement les atteintes sexuelles commises à l’encontre des mineurs de treize ans (la loi a finalement fixé le seuil d’âge à quinze ans). S’agissant des agressions sexuelles stricto sensu, c’est-à-dire du viol et des agressions sexuelles autres que le viol, l’auteur propose de rétablir ces infractions dans leur forme unique aggravée par la minorité de quinze ans de la victime – ce que permettaient déjà, avant la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, l’article 222-24, 2° N° Lexbase : L2625L4Y pour le viol et l’article 222-29-1 N° Lexbase : L2630L48 pour les agressions sexuelles autres que le viol. L’auteur insiste alors sur la nécessité de mobiliser pleinement les dispositions interprétatives de l’article 222‑22‑1 du Code pénal N° Lexbase : L2619L4R pour apprécier le consentement dans chaque affaire. Toujours, selon cet auteur, il conviendrait de conserver le délit d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans. Deux innovations sont toutefois proposées qui viseraient, pour l’une, à compléter l’article 227‑26 du Code pénal N° Lexbase : L2654L43 et donc à instaurer une circonstance aggravante tenant à la minorité de treize ans et, pour l’autre, à créer une qualification criminelle en cas de pénétration sexuelle accomplie sur un mineur de treize ans sans violence, contrainte, menace ou surprise [108]. Par un tel dispositif, seraient donc réprimés comme avant la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 « le défaut caractérisé de consentement […] aggravé par l’âge » [109], au travers des agressions sexuelles stricto sensu, et « l’attirance inappropriée manifestée dans les actes, sans que le défaut de consentement puisse être établi » [110] en application des atteintes sexuelles sur mineur. Une telle répression est présentée comme « répartie de façon cohérente dans les sections du Code pénal relatives aux violences sexuelles et à la protection des mineurs » [111].

La préservation du droit existant dans ses grands équilibres a, sans nul doute, un caractère rassurant. Pour autant, les innovations proposées ne permettent pas d’inscrire pleinement dans la législation pénale les aspirations portées par la réforme issue de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49. En effet, il a été démontré que les infractions sexuelles spécifiques aux mineurs revêtent une véritable autonomie axiologique. Poursuivant la protection exclusive de l’intégrité physique et psychique des mineurs de plus ou de moins quinze ans (selon le contexte incestueux ou non des faits commis), elles se distinguent en cela des agressions sexuelles stricto sensu – dont la ratio legis repose sur la liberté sexuelle –, mais également des atteintes sexuelles sur mineur qui poursuivent toujours l’objectif de protéger la moralité des mineurs [112].

Une autre proposition a été formulée par Madame Hardouin-Le Goff. Avant la réforme, l’auteur suggérait d’« incriminer les actes de nature sexuelle commis par un adulte sur des mineurs » [113]. Ces nouvelles infractions devaient prendre place, selon la proposition, dans un chapitre spécifique relatif à la sauvegarde du développement psychologique et physique des mineurs, l’auteur considérant que « cet emplacement exist[ait] déjà à la section 5 “De la mise en péril des mineurs” du chapitre VII du titre II du livre II du Code pénal dans sa partie législative » [114]. Le législateur a bien enrichi le Code pénal d’infractions réprimant les actes de nature sexuelle commis par un adulte sur des mineurs. Pour autant, il n’a pas fait le choix de créer un chapitre autonome dans le Code pénal accueillant ces dispositions ni même d’ailleurs de les insérer dans la partie du code relative à la mise en péril des mineurs [115]. Dans le prolongement de la proposition formulée avant l’adoption de la loi, a donc été dénoncé « un défaut de cohérence de cette réforme quant à la place conférée dans le Code pénal aux nouvelles dispositions relatives aux violences sexuelles sur mineur » [116].

En réalité, le défaut de cohérence apparaît bien plus dans la codification des infractions sexuelles dont peuvent être victimes les mineurs et qui existaient avant la réforme issue de loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 que dans la codification des nouvelles infractions sexuelles spécifiques aux mineurs.

Ces infractions doivent, effectivement, être codifiées, « à part des dispositions qui incriminent actuellement les agressions sexuelles et qui concerneront toujours les mineurs victimes dont l’âge dépasse le seuil légalement fixé […], au nom de la protection, cette fois, de leur liberté sexuelle » [117]. Toutefois, ce ne sont pas les infractions sexuelles spécifiques aux mineurs nouvellement créées qui ne sont pas à leur place, mais les infractions sexuelles génériques [118]. Dès lors, la proposition doctrinale d’insertion de ces textes incriminant les infractions sexuelles spécifiques aux mineurs au titre des infractions de mise en danger des mineurs peut ne pas être partagée [119]. En effet, le législateur a codifié de manière pertinente ces nouvelles infractions spécifiques aux mineurs, au sein du chapitre II du titre II du livre II du Code pénal, dont la ratio legis repose non pas sur la mise en danger du mineur, mais sur la protection de son intégrité physique ou psychique. Seule devrait être parfaite l’articulation de ces dispositions avec l’infraction de recours à la prostitution d’un mineur de quinze ans réprimée à l’article 225‑12-2 du Code pénal N° Lexbase : L2635L4D. À cet effet, il conviendrait de réfléchir, d’une part, à la suppression des alinéas 2 des articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 du Code pénal qui brouillent la valeur sociale protégée par ces infractions [120] et, d’autre part, à l’aggravation des peines encourues pour recours à la prostitution d’un mineur de quinze ans lorsque les relations de nature sexuelle [121] se matérialisent par une pénétration. Ce rehaussement des peines permettrait de rendre cohérente la répression de faits qui, pour partie, peuvent être matériellement identiques [122].

Les critiques de la codification des infractions sexuelles sur mineur portent donc sur les atteintes sexuelles sur mineur [123] en raison de la structure, désormais proposée par le législateur, de la section relative à la mise en péril des mineurs. En effet, alors qu’un paragraphe rassemblant les infractions de mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs a été créé, les infractions sexuelles commises contre les mineurs font l’objet d’un second paragraphe au sein de cette section relative à leur mise en péril. L’intitulé du premier paragraphe est donc analytique en ce qu’il regroupe des infractions partageant une même ratio legis. Au contraire, l’intitulé du second est descriptif en ce qu’il se contente d'accueillir les infractions sexuelles commises contre les mineurs sans que leur ratio legis ne soit identifiée. Cette imperfection de la codification est d’autant plus regrettable que ces infractions protègent en réalité, dans les hypothèses résiduelles [124] où elles trouveront à s’appliquer, la moralité des mineurs – moralité des mineurs expressément visée dans l’intitulé du paragraphe précédent.

À partir de l’architecture actuelle du Code pénal, ces réflexions amènent aux conclusions suivantes. Tout d’abord, les infractions sexuelles génériques [125] gagneraient à enrichir le chapitre rassemblant les atteintes aux libertés [126]. Ensuite, les infractions sexuelles spécifiques aux mineurs, issues de la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, codifiées aux articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T pour le viol et aux articles 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 et 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44 pour les agressions sexuelles, sont à leur juste place au sein du chapitre consacré aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique. Enfin, une autre structure de la section V du chapitre VII consacrée à la mise en péril des mineurs devrait être envisagée. Une codification des dispositions de cette section en deux paragraphes, le premier comprenant les dispositions relatives à la mise en péril de la santé des mineurs et le second regroupant les textes visant à protéger la moralité des mineurs, permettrait de clarifier les valeurs sociales protectrices des mineurs. En l’état du droit positif, les atteintes sexuelles sur mineur relèveraient de ce second paragraphe [127]. Les valeurs sociales protégées par ces différents textes d’incrimination offrent ainsi une originalité répressive à l’ensemble de ces infractions – originalité que la codification pourrait révéler. Ainsi, il semble discutable de réduire l’ensemble des infractions sexuelles dont peuvent être victimes les mineurs à la seule incrimination des actes de nature sexuelle commis par un adulte sur des mineurs [128] – choix que le législateur n’a d’ailleurs pas opéré.

Ces conclusions restent malheureusement perfectibles pour être formulées dans le cadre contraint de l’architecture du Code pénal actuellement en vigueur. En particulier, une difficulté surgirait de l’éclatement de la codification des infractions sexuelles (génériques et spécifiques aux mineurs) dès lors que des articles communs à l’ensemble de ces infractions – entre autres définition de l’agression sexuelle [129], définition de la contrainte [130], définition de l’inceste [131] – ouvrent la section qui leur est aujourd’hui consacrée. Il devrait alors être recouru à une législation par renvoi dont on connaît les lacunes. Les multiples réformes des infractions sexuelles, et en particulier la dernière en date du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, à l’occasion desquelles le législateur n’aurait pas dû faire l’économie d’une réflexion relative à la codification [132], donnent alors l’opportunité d’entamer une réflexion sur la place des infractions sexuelles dans un nouveau cadre, celui d’un titre II du livre II du Code pénal reconstruit.

B. De l’ambition d’une recodification des infractions sexuelles dans un titre II du livre II du Code pénal reconstruit

Les difficultés que soulève la codification des infractions sexuelles sont, en partie, liées aux imperfections de l’architecture actuelle du Code pénal. À cet égard, le Professeur Cabrillac estimait, il y a plus de dix ans déjà, que « seule une recodification permettrait de restaurer l’équilibre et l’harmonie du Code pénal comme de gommer les scories des contradictions apparues ici ou là. En outre, les lois pénales qui ont été adoptées depuis l’entrée en vigueur du code de 1992 l’ont souvent été à chaud, dans l’urgence née d’un changement de majorité ou d’un fait divers ayant sensibilisé l’opinion, dans un souci permanent de communication politique. Une recodification, en prenant un certain recul par rapport aux réactions épidermiques ou aux évolutions à court terme, permettrait une réflexion plus approfondie […] sur les questions fondamentales qui se posent aujourd’hui et les meilleures réponses susceptibles de leur être apportées demain » [133]. La nécessité de cette recodification n’a fait que s’accroître puisque, depuis la loi no 2010-121, du 8 février 2010 ; tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux [134] N° Lexbase : L5319IG4, c’est une trentaine de lois qui est venue réformer de très nombreux aspects du livre II du Code pénal consacré aux crimes et délits contre les personnes, soit pour modifier des incriminations existantes, soit pour en créer de nouvelles [135]. Autant d’occasions d’entacher la qualité du Code pénal dont la recodification à tout le moins celle du titre II du livre II [136] devrait être envisagée même si rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que le législateur en ait l’ambition [137].

L’étude systémique des infractions attentatoires à la personne humaine, au travers de leur résultat redouté, révèle la dualité de la personne faite d’un corps et d’un esprit. En miroir du concept d’intégrité corporelle qui regroupe l’ensemble des atteintes à la vie [138], à l’intégrité physique et à l’intégrité psychique [139], le Code pénal protège l’intégrité morale de la personne [140]. Ainsi, « l’homme est un tout » [141] de sorte que des interactions existent entre la dimension corporelle et la dimension morale de la personne [142]. Cette dualité de la personne humaine suppose alors de reconstruire le titre II du livre II du Code pénal. Pour plus de clarté, la codification serait organisée autour de trois types d’infractions : les infractions exclusivement attentatoires à l’intégrité corporelle, les infractions exclusivement attentatoires à l’intégrité morale et les infractions de nature mixte qui se caractérisent par une atteinte à l’intégrité corporelle et une atteinte à l’intégrité morale de la victime [143]. Dans le cadre de cette étude consacrée à la codification des infractions sexuelles à l’aune de la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, quelques pistes de réflexion peuvent être tracées pour une meilleure classification de ces infractions dans un titre II du livre II du Code pénal reconstruit. À partir des contours présentés, qui pourraient être ceux d’une nouvelle structure de ce titre, il convient de préciser la place que les infractions sexuelles pourraient y trouver.

La place de ces infractions sexuelles doit être pensée en deux temps dès lors qu’elles ne reposent pas sur la même ratio legis. L’entreprise de recodification devrait donc être conduite à l’égard des infractions sexuelles génériques d’une part (1) et des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs d’autre part (2).

1) La recodification des infractions sexuelles génériques

Au sein de l’architecture qui pourrait être celle de ce nouveau titre II du livre II du Code pénal, les infractions sexuelles génériques pourraient trouver une juste place parmi les infractions mixtes. La codification de ces infractions au sein de cette nouvelle catégorie présenterait un double avantage.

D’une part, elle permettrait de valoriser de manière équivalente les deux dimensions corporelle et morale que protègent les infractions sexuelles génériques – là où leur codification au titre du chapitre IV actuel relatif aux atteintes aux libertés mettrait plus en exergue la violation du consentement de la victime et donc l’atteinte à la liberté que la dimension corporelle.

D’autre part, la matière ne se trouverait pas bouleversée par une telle classification. En effet, dès le début du XXe siècle, le caractère mixte des infractions sexuelles avait été souligné par la doctrine [144]. Les atteintes à la liberté sexuelle étant relativement nombreuses et variées, exemple sera de nouveau pris de la plus emblématique d’entre elles, le viol. Le viol [145] – comme l’ensemble des atteintes sexuelles supposant un contact physique – emporte sans aucun doute une atteinte à l’intégrité physique de la victime [146]. D’ailleurs, il convient de rappeler que, jusqu’à la loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [147] N° Lexbase : L6141LLZ, la gravité de l’atteinte à l’intégrité physique était prise en compte par le législateur au travers des peines [148]. Si la loi du 3 août 2018 [149] N° Lexbase : L6141LLZ n’a pas modifié les peines encourues [150], la pénétration sexuelle de la victime n’apparaît plus symboliquement comme l’atteinte à l’intégrité physique la plus grave. En effet, le viol peut toujours être caractérisé par la pénétration sexuelle de la victime. Toutefois, il peut l’être également par la pénétration sexuelle de l’auteur – cela vise notamment à faire tomber sous cette qualification les fellations forcées. Par ailleurs, pourraient être qualifiés de violences et non d’agressions sexuelles des faits commis en l’absence de mobile lubrique [151]. Ceci démontre bien que le viol – et les agressions sexuelles en général – emporte une atteinte à l’intégrité physique même si une telle atteinte ne suffit pas à retenir une qualification de viol. À cette atteinte doit venir s’ajouter une atteinte à la liberté sexuelle pour qu’une telle infraction soit caractérisée. L’aspect corporel de l’incrimination ne doit donc pas occulter sa dimension morale dans la mesure où il est tout aussi indéniable que le viol constitue une atteinte à la liberté sexuelle de la personne. Cette réalité se trouve au cœur de l’incrimination depuis sa réécriture par la loi du 23 décembre 1980 [152]. Nous avons mentionné que, dès l’adoption de la loi, la doctrine relevait la place centrale qui était accordée au consentement de la victime – dont l’absence était érigée en élément constitutif de l’infraction [153]. Aujourd’hui, la jurisprudence prend en compte le consentement de la victime dès lors que celui-ci, sans être totalement absent, apparaît délivré par erreur [154]. Dans cette dernière hypothèse, « la victime a certes consenti, mais ce consentement n’est pas juridiquement valable car il n’était pas lucide ou éclairé » [155]. De cette nature duale de l’incrimination, les juges ont donc fait une application tout à fait fidèle au fil du temps [156]. À l’occasion de l’étude de cette incrimination, et des applications jurisprudentielles qui en sont faites, la doctrine insiste sur le fait qu’« en tant qu’il est une violation de la liberté sexuelle de la victime, le viol n’est concevable qu’en l’absence de son consentement. Il en résulte [que] le rapport sexuel consenti, à la condition qu’il procède du libre exercice de la liberté de l’intéressé, n’est évidemment pas punissable [l’auteur faisant réserve des atteintes sexuelles sur mineurs] » [157]. À condition également, depuis les arrêts de 2019, que le consentement délivré ne soit pas erroné. Le caractère déterminant de l’atteinte à la liberté sexuelle, dans les agressions sexuelles, est d’ailleurs confirmé par les effets que peut produire l’erreur de fait qui serait retenue au bénéfice d’un accusé en matière de viol. En cas d’erreur de fait – l’accusé s’étant mépris sur la réalité du consentement de son ou de sa partenaire –, l’acquittement s’impose dès lors que l’intention fait défaut, et ce, bien entendu, alors même qu’il y avait, dans les faits, une pénétration sexuelle de la victime ou de l’auteur et une absence de consentement de la victime [158].

L’ensemble de ces éléments tend donc à démontrer le caractère mixte de l’infraction de viol comme de l’ensemble des atteintes sexuelles supposant un contact physique, à la fois atteinte à l’intégrité physique et atteinte à l’intégrité morale. Ainsi, elles devraient rejoindre le sous-titre consacré aux infractions de nature mixte [159].

Avant la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, il avait été proposé de regrouper les agressions sexuelles et les atteintes sexuelles sur mineur pour une meilleure accessibilité de la norme pénale [160]. Ce choix pouvait être justifié par la dimension sexuelle des comportements réprimés portant atteinte à la liberté sexuelle de la victime ou à la moralité sexuelle en présence d’une victime mineure. Avec la réforme du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, l’analyse apparaît nécessairement plus complexe dès lors que la ratio legis des infractions sexuelles génériques se distingue fondamentalement de celle des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs nouvellement créées.

2) La recodification des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs

Les infractions sexuelles spécifiques aux mineurs existaient bien entendu avant l’adoption de la loi du 21 avril 2021. Ces atteintes sexuelles sur mineurs incriminées aux articles 227-25 et suivants du Code pénal N° Lexbase : L2651L4X actuellement en vigueur ont été conservées par le législateur lors de la réforme. Toutefois, elles entrent désormais en concours avec les nouvelles infractions sexuelles spécifiques aux mineurs – viol et autres agressions sexuelles commis dans un contexte incestueux ou non – créées par la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49. Ce concours de qualifications n’a échappé ni au législateur qui a introduit un article 227-21-1 [161] N° Lexbase : L2645L4Q dans le Code pénal ayant vocation à le résoudre ni à une partie de la doctrine [162] qui analyse désormais les atteintes sexuelles sur mineur « traditionnelles » comme des qualifications résiduelles [163]. Dès lors, l’enjeu de codification des atteintes sexuelles sur mineur « traditionnelles », réprimées au titre de la mise en péril des mineurs, pourrait sembler s’effriter. En effet, par le caractère exceptionnel des hypothèses dans lesquelles les articles 227-25 et suivants du Code pénal N° Lexbase : L2651L4X seront appliqués, « cette prétendue “mise en péril” des mineurs a […] perdu l’essentiel de sa raison d’être » [164]. Pour autant, l’abrogation en particulier de l’article 227-25 du Code pénal N° Lexbase : L2651L4X n’emporterait rien de moins que « la dépénalisation des relations sexuelles consenties entre un majeur et un mineur de quinze ans en présence d’un écart d’âge inférieur à cinq ans » [165]. Il apparaît donc nécessaire de conserver cette incrimination [166] dont la réécriture par la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 pour tenir compte de l’introduction dans le Code pénal des viols et agressions sexuelles qui ne peuvent être commis qu’à l’encontre des mineurs n’a pas modifié la ratio legis.

Aujourd’hui, les mineurs peuvent ainsi être victimes d’une infraction sexuelle générique ou d’une infraction sexuelle spécifique – qu’il s’agisse des viols et autres agressions sexuelles nouvellement créés ou des atteintes sexuelles traditionnelles. L’enjeu de codification apparaît particulièrement délicat selon l’approche que l’on adopte.

Si l’on s’en tient aux textes d’incrimination, toutes les infractions sexuelles étant définies par le législateur comme des atteintes sexuelles – quel que soit l’âge de la victime – devraient être codifiées, selon la nouvelle architecture proposée, parmi les infractions de nature mixte.

Si l’on adopte une approche axiologique, une codification rigoureuse des infractions dont les mineurs sont les victimes exclusives ou non conduirait à ce que les textes qui leur sont applicables soient recherchés en trois endroits différents du Code pénal. Les infractions génériques dont les mineurs peuvent être victimes se situeraient parmi les infractions de nature mixte, les infractions nouvellement créées – viols et agressions sexuelles spécifiques aux mineurs – seraient insérées au titre des atteintes exclusivement attentatoires à l’intégrité corporelle et, plus spécifiquement, dans le chapitre relatif aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique. Pour terminer, les atteintes sexuelles sur mineur attentatoires à leur moralité devraient être incriminées dans le sous-titre consacré aux infractions exclusivement attentatoires à l’intégrité morale.

Le caractère excessivement complexe du droit positif issu de la réforme ne rend aucune de ces deux approches pleinement satisfaisantes. D’un côté, le choix d’un groupement de l’ensemble des textes – qui, tous, sont le siège d’atteintes sexuelles – gomme la volonté du législateur de créer des infractions sexuelles spécifiques aux mineurs. En effet, la spécificité de ces infractions tient à l’effacement de leur nature sexuelle pour laisser place à la condamnation légitime – marquée du sceau de la gravité – des atteintes à l’intégrité physique et psychique qu’emportent de tels comportements sur les mineurs. D’un autre côté, la démarche axiologique conduit à un éclatement des dispositions qu’il semble plus difficile aujourd’hui qu’hier de surmonter.

Si les infractions sexuelles génériques peuvent faire l’objet d’une codification relativement rigoureuse au sein du Code pénal en vigueur ou de la nouvelle architecture qui pourrait être celle du titre II du livre II du Code pénal, il n’en est pas de même pour l’ensemble des infractions sexuelles dont seuls peuvent être victimes les mineurs. Que l’on envisage une codification au sein du Code pénal actuellement en vigueur ou au sein d’un titre II du livre II du Code pénal reconstruit, les lacunes de la dernière réforme n’ayant pas donné lieu à une approche globale ne permettent pas de parvenir à une classification rigoureuse des incriminations. Ainsi, il convient d’opérer un choix qui permette de garantir au mieux les principes fondamentaux de la matière. À cet effet, une codification rassemblant l’ensemble des infractions sexuelles parmi les infractions de nature mixte (même les infractions sexuelles spécifiques aux mineurs nouvellement créées ne sont pas tout à fait dépourvues d’une coloration morale[167]) doit être privilégiée en regard du principe de légalité (toutes les infractions sexuelles étant des « atteintes sexuelles ») et de l’accessibilité de la norme pénale. La qualité de la norme pénale serait également mieux préservée puisqu’un éclatement des textes incriminant les atteintes sexuelles nécessiterait de recourir à une législation par renvoi (certaines dispositions étant communes à l’ensemble des infractions en la matière [168]).

En matière sexuelle, les enjeux fondamentaux posés par la protection des mineurs sont au nombre de trois et devraient guider le législateur dans son travail de codification : « Proclamer l’indisponibilité du corps de l’enfant est fondamental. Aider un enfant à élaborer une sphère d’intimité physique et psychique est essentiel. Accepter également que les jeux sexuels entre enfants, lorsqu’ils ne sont que jeux, participent à leur construction » [169]. Puisse le législateur user de la codification pour faire œuvre de pédagogie en distinguant clairement, d’un côté, les infractions sexuelles qui traduisent une atteinte à la liberté sexuelle des victimes de plus de quinze ans ou à leur moralité sexuelle en deçà de quinze ans en certaines circonstances et, d’un autre côté, les infractions commises par un majeur à l’encontre des mineurs (de quinze ans ou de plus de quinze selon le contexte incestueux ou non) qui se révèlent attentatoires à leur intégrité corporelle.

Qu’il s’agisse de la nécessité de recodifier les infractions sexuelles dans le Code pénal actuel ou de l’ambition consistant à conférer aux infractions sexuelles leur juste place dans un Code pénal recodifié, l’enjeu est en réalité ailleurs. Il s’agit de « savoir si le législateur aurait le courage politique de revenir sur tel système, à moins qu’il n’y soit conduit de force par le Conseil constitutionnel… » [170].

 

[1] Loi de Hammourabi, roi de Babylone (vers 2000 av. J.-C.) – traduction littérale [en ligne].

[2] Loi n° 80-1041, du 23 décembre 1980, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs [en ligne].

[3] V. sur cette question : F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 297 et s., n° 397 et s.

[4] Ch. Dubois et M. Bouchet, De la cacophonie des propositions de lois réformant les infractions sexuelles sur mineurs, Gaz. Pal., 9 mars 2021, p. 12.

[5] A. Darsonville, Le surinvestissement législatif en matière d’infractions sexuelles, Archives de politique criminelle, Pédone, 2012, n° 34, p. 31 et s.

[6] Loi n° 2016-297, du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant N° Lexbase : L0090K7H.

[7] Loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6141LLZ.

[8] Loi n° 2020-936, du 30 juillet 2020, visant à protéger les victimes de violences conjugales N° Lexbase : L7970LXH.

[9] Loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L2442L49.

[10] V. pour des études analysant la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 dans son ensemble (parmi d’autres) : Ph. Bonfils, Protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste – Présentation de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, Dr. fam., 2021, étude 13 ; M. Bouchet, Focus sur la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, Lexbase Pénal, juin 2021 N° Lexbase : N7951BY7 ; C. Ghica-Lemarchand, Commentaire de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1552 et s. ; C. Hardouin-Le Goff, La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste – Une avancée attendue de longue date… au goût d’inachevé, JCP G, 2021, 513 ; A. Léon, Protection des mineurs contre les crimes, délits sexuels et l’inceste : la loi est publiée, Lexbase Pénal, avril 2021 N° Lexbase : N7285BYH ; H. Matsopoulou, Les nouvelles règles de prescription applicables aux crimes et délits sexuels commis sur des mineurs, JCP G, 2021, 514 ; B. Py, Infractions sexuelles et inceste : ce qui ne se conçoit pas bien n’a aucune chance de s’énoncer clairement, Gaz. Pal., 22 juin 2021, p. 13 et s.

[11] Il apparaît que « l’article 1er de cette loi [du 21 avril 2021 opère une modification assez significative de l’arsenal pénal relatif aux infractions sexuelles, qui tend à bouleverser radicalement l’économie du dispositif pénal en la matière ». Th. Besse, Roméo, Juliette, le sexe et le droit pénal, Gaz. Pal., 12 octobre 2021, p. 9 et s., spéc. p. 9.

[12] C. Ménabé, Le viol sans pénétration : la disparition amorcée des agressions sexuelles autres que le viol ?, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 71 et s., spéc. p. 73.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] Loi n° C – 2022/31330, du 21 mars 2022, modifiant le Code pénal en ce qui concerne le droit pénal sexuel [en ligne].

[16] Proposition de loi n° 5197, visant à pénaliser le viol avec plus de fermeté, présentée par Mesdames et Messieurs L. Trastour-Isnart, F. Di Filippo, I. Valentin, B. Perrut, É. Audibert, D. Quentin, M. Tabarot, É. Pauget, R. Therry et Y. Hemedinger, députés, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2022 [en ligne]. Alors qu’en l’état du droit positif seul le crime de viol précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie fait encourir à son auteur la réclusion criminelle à perpétuité (C. pén., art. 222-26, al. 1er N° Lexbase : L2627L43), cette proposition de loi vise à réprimer l’ensemble des viols, quelles que soient les circonstances dans lesquelles ils sont commis, de la réclusion criminelle à perpétuité en modifiant en ce sens les peines prévues par les articles 222-23 N° Lexbase : L2622L4U, 222-23-3 N° Lexbase : L2623L4W, 222-24 N° Lexbase : L2625L4Y et 222-25 N° Lexbase : L2626L4Z du Code pénal.

Proposition de loi n° 729, relative au consentement sexuel des adultes, présentée par Mme E. Benbassa, Sénatrice, enregistrée à la présidence du Sénat le 22 juin 2022 [en ligne]. Cette proposition prévoit de modifier la définition générique des agressions sexuelles comme celle du viol pour préciser que les faits devront être commis en l’absence de consentement libre et éclairé de la victime et qui peut se manifester notamment, selon la proposition de loi, par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise (qui constitue en droit positif les adminicules nécessaires à la caractérisation de l’infraction). Deux questions se posent alors. D’une part, quelle(s) autre(s) circonstance(s) permettrai(en)t de caractériser une absence de consentement libre et éclairé ? D’autre part, quid des agressions sexuelles autres que le viol pour lesquelles la même précision n’est pas envisagée ? Malgré la proposition de modification de l’article 222-22 du Code pénal N° Lexbase : L2618L4Q, porteur de la définition générique des agressions sexuelles, dès lors qu’il est également proposé de modifier l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U alors qu’une telle proposition n’est en revanche pas formulée pour l’article 222-27 du Code pénal N° Lexbase : L7179ALH, il est à craindre que l’absence de consentement ne soit pas appréciée de la même manière selon les infractions. Ce manque de cohérence est une nouvelle fois regrettable.

[17] E. Dreyer, L’agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, Gaz. Pal. 31 août 2021, p.66 et s., spéc. p.66.

[18] F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, Thèse Paris 2, 2021.

[19] V. à ce sujet : C. Hardouin‑Le Goff, Infractions sexuelles sur mineurs : lorsque le droit pénal retrouve sa fonction expressive et que la fixation d’un seuil d’âge devient constitutionnellement possible, Dr. pénal 2020, étude 34.

[20] V. pour un article récent : Ch. Dubois, Le plan du code pénal, outil d’interprétation des incriminations ? De la pertinence de l’argument a rubrica en droit pénal, D.2022, p.1477 et s.

[21] V. en particulier E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ – Lextenso, coll. Manuel, 1re éd., 2020.

[22] Cass. crim., 15 décembre 2021, n°21-81.864, Bull. crim. 2021 n°12, p.23 et s.

[23] C. Hardouin-Le Goff, La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste - . – Une avancée attendue de longue date… au goût d’inachevé, JCP G 2021, 513.

[24] Au processus d’incrimination, faisant reposer chaque texte, pris isolément, sur un fondement axiologique, fait suite l’identification des valeurs sociales protégées permettant de procéder au regroupement des infractions dont l’analyse systématique du résultat redouté aura révélé leur parenté axiologique. Le rôle des valeurs sociales protégées en droit pénal spécial apparaît véritablement central puisque, selon un auteur, « qu’il s’agisse, en effet, de déterminer particulièrement ce qui mérite d’être préservé puis, lors d’une systématisation, de hiérarchiser ce qui a ainsi été distingué, la valeur est toujours en cause ». G. Beaussonie, La prise en compte de la dématérialisation des biens par le droit pénal : contribution à l’étude de la protection pénale de la propriété, LGDJ- Lextenso éd., coll. Bibliothèque de droit privé, Tome 532, 2012, p.130, no314.

[25] R. Merle, A. Vitu, op. cit., p.29, no22.

[26] C. Ménabé, Le viol sans pénétration : la disparition amorcée des agressions sexuelles autres que le viol ?, Gaz. Pal. 31 août 2021, p.71 et s., spéc. p.73.

[27] Chapitre II, Titre II, Livre II du Code pénal.

[28] V. infra nos7 et s.

[29] V. infra n° 13 et s.

[30] Y. Madiot, De l’évolution sociale à l’évolution individualiste du droit contemporain, Écrits en l’honneur du Pr Jean Savatier, in Les orientations sociales du droit contemporain, PUF, 1992, p. 353 et s., spéc. p. 356.

[31] Loi n° 80-1041, du 23 décembre 1980, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs, préc.

[32] Garraud définissait le viol comme « le fait de connaître charnellement une femme sans la participation de sa volonté » (R. Garraud, Traité théorique et pratique du droit pénal français, tome cinquième, Sirey, 3e éd., 1924, p. 471, n° 2083) et Garçon comme le « coït illicite avec une femme qu’on sait n’y point consentir ». É. Garçon, Code pénal annoté, Sirey 1956, tome II, art. 331 et s., p. 191 et s., spéc. p. 194, n° 15.

[33] Le Professeur Malabat relève l’évolution de la valeur sociale protégée par la répression du viol en rappelant que « la définition restrictive posée du viol avant 1980 et le classement de cette infraction parmi les attentats aux mœurs pouvaient en effet amener à considérer que l’infraction sanctionnait sans doute l’atteinte à la liberté de la femme mais peut-être davantage encore l’atteinte à son honneur et à celui de sa famille du fait du risque de la naissance d’un enfant issu de ce viol. En élargissant le domaine du viol à des actes de pénétration sexuelle inaptes à la conception, le législateur déplace ainsi la valeur protégée par l’incrimination, l’éloigne des mœurs sexuelles pour la concentrer exclusivement sur l’atteinte au corps et plus précisément au droit de disposer de son corps ». V. Malabat, Morale et droit pénal, in Droit et morale : aspects contemporains, D. Bureau, F. Drummond et D. Fenouillet (dir.), Dalloz, coll. Thèmes & commentaires. Actes, 2011, p. 219 et s., spéc. p. 223-224.

[34] A.-S. Chavent-Leclère, Le renouveau des infractions sexuelles à l’ère d’internet, in Entre tradition et modernité : le droit pénal en contrepoint, in Mélanges en l’honneur d’Yves Mayaud, Dalloz, 2017, p. 341 et s., spéc. p. 341-342.

[35] Si le législateur avait précisé, lors du vote de la loi n° 2006-399, du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs N° Lexbase : L9766HH8, que les liens du mariage ne constituaient pas un obstacle à la répression, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel a été supprimée par la loi n° 2010‑769, du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants N° Lexbase : L7042IMR.

[36] À l’occasion des deux cents ans du Code pénal, le Professeur Ambroise-Castérot relève ainsi que « l’ingérence de l’État dans la sphère privée, afin de commander le respect d’une certaine morale sexuelle, a fait place à la protection pénale de la personne humaine contre les agressions sexuelles ». C. Ambroise-Castérot, Le Livre II du Code pénal : miroir de l’évolution des mœurs, in Essais de philosophie pénale et de criminologie, volume 10 : La cohérence des châtiments, 2012, Dalloz, p. 63 et s., spéc. p. 65.

[37] Loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6141LLZ.

[38] Loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L2442L49.

[39] Comme auparavant, est qualifié de viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise, mais sont également qualifiés comme tels, depuis la loi du 3 août 2018 N° Lexbase : L6141LLZ, les actes de pénétration sexuelle commis sur la personne de l’auteur par la victime dans les mêmes circonstances et, depuis celle du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, les actes bucco-génitaux. L’ajout, au titre de l’élément matériel du viol, de ces derniers ne donne pas lieu à une analyse unanime en doctrine. Pour le Professeur Rousseau, « le législateur a profité de cette réforme pour revenir sur la définition matérielle de l’acte du viol en l’élargissant aux actes "bucco-génitaux" » (F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 455). V. dans le même sens : E. Dreyer, L’agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 66 et s., spéc. p. 67. Le Professeur Ghica-Lemarchand est plus réservé. En effet, « il ne [lui] semble pas que cette modification affecte le droit positif puisqu’elle n’élargit pas le champ d’application de l’article. Au contraire, elle peut présenter le risque de le limiter lorsque de nouvelles dérives apparaîtront et qu’il faudra compléter la liste désormais ouverte par la loi du 21 avril 2021 ». C. Ghica‑Lemarchand, Commentaire de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1552 et s., spéc. p. 1561.

[40] Parce que les victimes d’une fellation forcée éprouveraient un préjudice psychologique (« les mêmes conséquences ») identique à celui que subissent les victimes de viol, alors la fellation forcée devrait être qualifiée de viol. Cette confusion – volontaire ou involontaire – du dommage et du préjudice, aux termes de laquelle « être forcé à pénétrer peut être tout aussi traumatique que d’être pénétré de force » (D. Mayer, La fellation peut constituer un viol, JCP G, 1998, II, 10074 sous Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 97‑85.455 N° Lexbase : A1451ACQ), emporte des conséquences regrettables sur la qualification (v. pour des développements généraux sur cette question : F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 131 et s., n° 120 et s.). La justification de la prise en compte de ces comportements au titre du viol, par la loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6141LLZ, est la même que celle qui fut avancée en doctrine pour expliquer un arrêt isolé de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 décembre 1997 (Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 97-85.455, préc.) qui admettait de qualifier de tels faits de viol.

[41] Rapport d’information n° 574, fait par Mmes Annick Billon, Laurence Cohen, Laure Darcos, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [en ligne], p. 50, nbp n° 3.

[42] V. en ce sens : Rapport n° 589, fait par Mme Marie Mercier au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes [en ligne], p. 47.

[43] Il y a là la manifestation, de la part du législateur, de son pouvoir de rendre concevable juridiquement ce qui – encore hier – était « inconcevable » en application du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale (Y. Mayaud, Du viol et de ses conséquences : après le dérapage, le rattrapage, ou du retour à la légalité, D., 1999, p. 75 et s., spéc. p. 77) et l’analyse que le Professeur Mayaud faisait de l’arrêt du 21 octobre 1998 (Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98‑83.843 N° Lexbase : A5291ACX) pourrait apparaître aujourd’hui prophétique puisqu’il indiquait que la Cour de cassation, en s’appuyant sur l’article 111-4 du Code pénal N° Lexbase : L2255AMH, « donne par là même une portée très solide à sa position, avec pour effet de l’élever au rang d’un principe que seul le législateur est à même de remettre en cause » (ibid.). Vingt ans plus tard, c’est chose faite !

[44] Après quelques hésitations (v. en ce sens Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 97-85.455, préc.), la Chambre criminelle avait refusé de qualifier de viol des relations sexuelles imposées par une femme à un garçon dans un arrêt en date du 21 octobre 1998 (Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843, préc.). Cet arrêt reçut un accueil favorable en doctrine (v. en ce sens : Y. Mayaud, comm. préc., spéc. p. 76 sous Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83.843 et dans le même sens : M. Véron, chron., JCP G, 1999, I, 112 sous Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 97-85.455 et Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98‑83.843). La Cour de cassation confirma sa position par un autre arrêt du 22 août 2001 qui se prononça sur des faits au cours desquels une fellation avait été pratiquée sur la victime (Cass. crim., 22 août 2001, n° 01-84.024 N° Lexbase : A1101AWP).

[45] C. Ménabé, Le viol sans pénétration : la disparition amorcée des agressions sexuelles autres que le viol ?, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 71 et s., spéc. p. 71.

[46] Avec les réformes issues des lois du 3 août 2018 N° Lexbase : L6141LLZ et du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, on assiste de facto à une criminalisation d’une part très importante des faits qui, jusqu’alors, relevaient de la qualification des agressions sexuelles – sans que l’on soit de fait en mesure de dire ce qu’il reste aujourd’hui des agressions sexuelles. En effet, les agressions sexuelles autres que le viol sont réprimées par l’article 222-27 du Code pénal N° Lexbase : L7179ALH qui ne les définit pas. Dès lors, la doctrine s’accorde pour dire que, par une application combinée des articles 222-22, alinéa premier N° Lexbase : L2618L4Q et 222-27 N° Lexbase : L7179ALH du Code pénal, les agressions sexuelles autres que le viol sont constituées par « toute atteinte sexuelle autre qu’une pénétration » (V. Malabat, Infractions sexuelles, Rép. pén., maj. mars 2020, n° 12) même si les formulations varient selon les auteurs (v. à ce sujet : Ph. Conte, Droit pénal spécial, LexisNexis, coll. Manuel, 6e éd., 2019, p. 182, n° 250 ; E. Dreyer, Droit pénal spécial, Ellipses, coll. Cours magistral, 3e éd., 2016, p. 153, n° 331 ; A. Lepage, H. Matsopoulou, Droit pénal spécial, PUF, coll. Thémis, 1re éd., 2015, p. 304, n° 439 ; J. Pradel, M. Danti-Juan, Droit pénal spécial : droit commun – droit des affaires, Cujas, coll. Référence, 8e éd., 2020, p. 499, n° 755 ou encore M.-L. Rassat, Agressions sexuelles. Viol. Autres agressions sexuelles. Exhibition sexuelle. Harcèlement sexuel, JCl Pénal Code, Art. 222-22 à 222-33-1, fasc. 20, maj. 1er juin 2020, n° 83). Ainsi, le champ d’application des agressions sexuelles – et des attentats à la pudeur commis avec violence avant elles – a toujours été modulé par celui du viol (v. pour des développements à ce sujet : M.‑L. Rassat, facs. préc., n° 83). Les lois du 3 août 2018 et du 21 avril 2021 renforcent cette analyse.

[47] S’agissant des actes de pénétration réalisés par la victime sur la personne de l’auteur, l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 21 octobre 1998 avait, selon le Professeur Mayaud, mit fin à la poursuite d’un tel objectif. En effet, il augurait la fin des « tentatives judiciaires ou doctrinales se situant à la périphérie des textes afin de donner à l’incrimination de viol un champ d’application qu’elle n’a pas, notamment destiné à en faire un instrument d’égalité entre les deux sexes », Y. Mayaud, art. préc., spéc. p. 77.

Quant à la possibilité de qualifier de viol les actes bucco-génitaux, le Professeur Rousseau note que « les parlementaires ont souhaité ainsi simplifier dans un sens répressif la caractérisation du viol tout en adoptant une conception égalitaire ou non genré de celui-ci, en assimilant la gravité de la fellation subie par une victime masculine à celle du cunnilingus subi par une victime féminine », F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 456.

[48] En effet, le principe d’égalité ne gommera jamais le fait que « l’anatomie humaine est faite de telle sorte qu’un homme et une femme ne se trouvent pas dans la même configuration, pas "à égalité" face au viol », Ch. Claverie‑Rousset, Commentaire des principales dispositions de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, Dr. pén., 2018, étude 23. La réforme de 2021 conduit, pour le Professeur Rousseau, à galvauder le terme de « pénétration » et l’auteur de s’interroger sur le fait de savoir si « cet élargissement du viol n’est […] pas au fond cohérent avec le précédent élargissement de l’infraction opéré par la loi du 3 août 2018 aux actes de pénétrations commis "sur la personne de l’auteur" ? », F. Rousseau, art. préc. spéc. p. 456.

[49] Les raisons qui conduisaient à critiquer, hier, l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 décembre 1997 (Cass. crim., 16 décembre 1997, n° 97-85.455, préc.) ne perdent rien de leur pertinence, quand bien même la solution – hier jurisprudentielle – retenant la qualification de viol pour des pénétrations sexuelles réalisées par la victime sur la personne de l’auteur est aujourd’hui légale. Toutefois, cette position n’est pas unanime en doctrine. Ainsi, pour le Professeur Bonfils par exemple, « la modification [opérée par la loi du 3 août 2018 est bienvenue : elle permet – désormais dans le respect de la loi – de punir l’auteur et de protéger la victime sur le terrain du viol, et non sur celui de l’agression sexuelle » (Ph. Bonfils, Entre continuité et rupture : la loi du 3 août 2018 sur les violences sexuelles et sexistes, JCP G, 2018, 975). V. dans le même sens : A. Darsonville, Libres propos sur la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, Lexbase Pénal, octobre 2018 N° Lexbase : N5938BX9.

[50] C. pén., art. 227-25 N° Lexbase : L2651L4X.

[51] C. pén., art. 227-27 N° Lexbase : L2655L44.

[52] Chapitre II, titre II, livre II du Code pénal.

[53] L’intégrité corporelle ne se réduisant pas à l’intégrité physique et comprenant une dimension psychique (v. F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 166-167, n° 183), les violences (y compris psychologiques) constituent bien des infractions exclusivement attentatoires à l’intégrité corporelle.

[54] Ainsi, « les auteurs de la loi nouvelle ont considéré que l’absence de consentement de la victime était l’élément primordial du crime de viol : pendant les débats parlementaires, il a été, à plusieurs reprises, indiqué de façon très nette "que l’essentiel dans le crime de viol réside moins dans la réalité de l’acte sexuel que dans le viol du consentement de la victime" (intervention de Mme F. d’Harcourt, JO. déb. Ass. nat., 11 avril 1980, p. 327) ». D. Mayer, Le nouvel éclairage donné au viol par la réforme du 23 décembre 1980, D., 1981, chron. p. 283.

[55] Chapitre II du titre II du livre II du Code pénal.

[56] La doctrine est partagée sur ce point. Certains auteurs voient dans ces nouvelles infractions des qualifications autonomes. V. en ce sens : M. Bouchet, Focus sur la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, Lexbase Pénal, juin 2021 N° Lexbase : N7951BY7 ; F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 455 et s. ; S. Pellé, Infractions sexuelles contre les mineurs : une sortie du droit commun, pour quelle efficacité ? – À propos de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1391 et s., spéc. p. 1394. Pour sa part, le Professeur Ghica-Lemarchand dénombre désormais « trois catégories de viols et d’agressions sexuelles. La première catégorie traditionnelle se caractérise par l’absence de consentement. La deuxième catégorie est une catégorie de rapports illégaux entre mineurs de quinze [ans] et majeurs lorsqu’il y a une différence d’âge de plus de cinq ans ou une contrepartie. La troisième catégorie est la catégorie des incestes qui reposent sur la prise en compte des liens de parenté et d’autorité entre l’auteur et sa victime » (C. Ghica‑Lemarchand, Commentaire de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1552 et s., spéc. p. 1558). N’adhérant à l’analyse voyant dans ces textes le siège d’infractions autonomes, Monsieur Detraz retient que « les textes en question ont vraisemblablement pour objet, non pas de créer de nouvelles qualifications pénales, mais d’élargir les cas d’application possibles des qualifications préexistantes. La chose est certaine pour les articles 222-23-1 et 222-29-2, qui se bornent à forger une simple variante du "viol", pour le premier, et de l’"agression sexuelle" autre que le viol, pour le second, comme le confirme l’emploi de l’adverbe "également" », S. Detraz, Le dédoublement des agressions sexuelles – Commentaire de certaines des dispositions de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, Dr. pén., 2021, étude 12.

[57] L’article 222-24, 2° du Code pénal N° Lexbase : L2625L4Y élève la peine à vingt ans de réclusion criminelle lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans.

[58] V. en ce sens : Ch. Dubois, L’inceste en droit pénal ou la consécration de la famille selon Vianney – « Y a pas que les gènes qui font les familles », JCP G, 2021, doctr. 622 ; E. Dreyer, L’agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 66 et s., spéc. p. 68 ; C. Saas, Mineurs, sexualité et consentement en droit pénal, Les cahiers de la Justice, Dalloz, 2021, p. 601 et s., spéc. p. 609.

[59] Cette infraction fait encourir à l’auteur dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

[60] C. Saas, art. préc., spéc. p. 608.

[61] Ibid.

[62] V. supra n° 5 et s.

[63] La doctrine ne semble pas unanime dans son analyse de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49. En effet, certains auteurs considèrent que les nouvelles infractions instaurent une « exception par présomption » (Y. Mayaud, Lorsque le fantasme sexuel devient agression sexuelle ! La légalité contrariée…, RSC, 2021, p. 341 et s., spéc. p. 341) ou encore que « la nouvelle qualification autonome de viol commis par un majeur sur un mineur de 15 ans […] revient à présumer irréfragablement l’absence de consentement d’un mineur de quinze ans à un acte sexuel avec un majeur », F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 456.

[64] Madame Hardouin-Le Goff indiquait en mars 2021 que « la commission de ces crimes et délits sexuels sur les mineurs de quinze ans porte en réalité atteinte à leur intégrité physique et psychique, avec de lourds traumatismes. Dès lors, c’est la sauvegarde de cette intégrité physique et psychique qui doit fonder l’incrimination, sans utilité de prendre en compte le critère de contrainte ou de consentement de cette victime puisqu’il n’est plus question de protéger une liberté », C. Hardouin-Le Goff, Pour une incrimination adéquate des violences sexuelles sur mineurs, D., 2021, p. 520.

[65] V. pour des références postérieures au vote de la loi : C. Hardouin-Le Goff, La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste – Une avancée attendue de longue date… au goût d’inachevé, JCP G, 2021, 513 ; S. Zouag, Mineurs – infractions sexuelles – « On ne touche pas aux enfants » !, Juris associations, 2021, n° 639, p. 7. V. s’agissant spécifiquement du viol : C. Ghica‑Lemarchand, Commentaire de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1552 et s., spéc. p. 1555.

[66] Analysant l’article 227-25 du Code pénal N° Lexbase : L2651L4X, le Professeur Malabat soulignait que « le texte ne sanctionnant en effet que l’auteur majeur […], il est donc difficile de considérer que le texte protègerait les mineurs de quinze ans en les empêchant de pouvoir consentir valablement à des relations sexuelles et fixerait ainsi une majorité sexuelle à quinze ans » (V. Malabat, Morale et droit pénal, in Droit et morale : aspects contemporains, D. Bureau, F. Drummond et D. Fenouillet (dir.), Dalloz, coll. Thèmes & commentaires. Actes, 2011, p. 219 et s., spéc. p. 227). L’analyse peut être transposée aux dispositions spécifiques aux mineurs de quinze ans adoptées par la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49 (C. pén., art. 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X ; C. pén., art. 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49). À défaut de majorité sexuelle, le législateur semble tout de même instaurer une « maturité sexuelle », le Professeur Rousseau relevant qu’« au cours des débats [relatifs à la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49, les parlementaires ont […] considéré que le seuil d’âge de quinze ans était en meilleure cohérence avec les qualifications d’atteintes sexuelles sur mineurs qui sont l’expression légale du seuil de maturité sexuelle des mineurs », F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 456.

[67] F. Rousseau, art. préc., spéc. p. 457.

[68] Ibid.

[69] C. pén., art. 225-12-2, al. 2 N° Lexbase : L2635L4D.

[71] Ou sur l’auteur par le mineur en cas de viol.

[72] Conformément à ce texte, « est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage, des relations de nature sexuelle de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure […] ».

[73] E. Dreyer, L’agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 66 et s., spéc. p. 70.

[74] Cet affaiblissement de la répression concernerait les mineurs de plus de treize ans (âge à partir duquel ils peuvent subir une peine privative de liberté sur le fondement de l’article L.11-4 du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L3011L8Z). Si l’article 225-12-2 du Code pénal N° Lexbase : L2635L4D était conservé, les mineurs de plus de treize ans seraient exposés à une peine de cinq ans d’emprisonnement (peine réduite de moitié par rapport à la peine encourue par les majeurs : CJPM, art. L. 121-5, al.1er N° Lexbase : L2529L88) alors que sur le fondement de l’article 225-12-1 du Code pénal N° Lexbase : L2634L4C, ils encourent deux ans et demi d’emprisonnement.

[75] C. pén., art. 225-12-2, al. 2 N° Lexbase : L2635L4D.

[76] C. pén., art. 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49.

[77] C. pén., art. 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-23-3 N° Lexbase : L2623L4W.

[78] C. Hardouin‑Le Goff, Infractions sexuelles sur mineurs : lorsque le droit pénal retrouve sa fonction expressive et que la fixation d’un seuil d’âge devient constitutionnellement possible, Dr. pén., 2020, étude 34.

[79] Nous soulignons.

[80] C. Hardouin‑Le Goff, art. préc.

[81] Cass. crim., 3 mars 2021, n° 20-82.399, FS-P+B+I N° Lexbase : A59494I8.

[82] Y. Mayaud, Lorsque le fantasme sexuel devient agression sexuelle ! La légalité contrariée…, RSC, 2021, p. 341 et s., spéc. p. 346.

[83] Chapitre II, titre II, livre II du Code pénal.

[84] Nous soulignons.

[85] V. en ce sens : C. Ghica-Lemarchand, Commentaire de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1552 et s., spéc. p. 1557-1558 ; C. Hardouin-Le Goff, La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste – Une avancée attendue de longue date… au goût d’inachevé, JCP G, 2021, 513 ; J. Leonhard, Un nouveau zeste d’inceste, Gal. Pal., 31 août 2021, p. 74 et s., spéc. p. 75-76 ; H. Matsopoulou, La répression des violences sexuelles et sexistes, in Le droit face aux violences sexuelles et sexistes, C. Duparc, J. Charruau (dir.), Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2021, p. 235 et s., spéc. p. 240. La doctrine n’est pas unanime sur le sujet. V. pour une analyse différente : R. Thery, L’inceste, centaure du droit pénal, in Le droit face aux violences sexuelles et sexistes, C. Duparc, J. Charruau (dir.), Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2021, p. 33 et s., spéc. p. 34.

[86] Nous soulignons afin de mettre en évidence les éléments caractéristiques du contexte incestueux.

[87] Idem.

[88] C. pén., art. 222-23-3 N° Lexbase : L2623L4W.

[89] C. pén., art. 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44.

[90] C. Ghica-Lemarchand, art. préc., spéc. p. 1557-1558.

[91] V. pour les infractions sexuelles commises hors de tout contexte incestueux : supra, n° 13.

[92] C. pén., art. 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44.

[93] V. pour l’infraction générique : C. pén., art. 222-24, 4° N° Lexbase : L2625L4Y et pour l’infraction de viol spécifique aux mineurs : C. pén., art. 222-23-3 N° Lexbase : L2623L4W.

[94] V. supra, n° 14, 16 et 17.

[95] Conformément à ce texte, « les infractions de nature sexuelle pouvant être commises sur des mineurs sont prévues au présent paragraphe, sans préjudice des dispositions de la section 3 du chapitre II du présent titre réprimant les viols, les agressions sexuelles, l’inceste, l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel, qui peuvent être légalement commis au préjudice de victimes mineures ».

[96] C. pén., art. 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X ; C. pén., art. 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T ; C. pén., art. 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 et art. 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44.

[97] C. pén., art. 227-21-1 et s. N° Lexbase : L2645L4Q.

[98] V. pour une analyse de la ratio legis de ces incriminations (que la réforme n’a pas remise en cause) : F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 327 et s., n° 439 et s.

[99] V. supra n° 5 et s.

[100] C’est à un tel regroupement que le législateur a procédé s’agissant du délit de harcèlement moral au sein du couple (C. pén., art. 222-33-2-1 N° Lexbase : L8545LXR adopté par la loi n° 2010-769, du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants N° Lexbase : L7042IMR), du délit général de harcèlement moral (C. pén., art. 222-33-2-2 N° Lexbase : L7985MBD adopté par la loi n° 2014-873, du 4 août 2014, pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes N° Lexbase : L9079I3N) et du délit de harcèlement moral dans le cadre scolaire (C. pén., art. 222-33-2-3 N° Lexbase : L7986MBE adopté par la loi n° 2022-299, du 2 mars 2022, visant à combattre le harcèlement scolaire N° Lexbase : L7677MBX) et ce n’est guère heureux.

[101] Ch. Dubois, Le plan du code pénal, outil d’interprétation des incriminations ? De la pertinence de l’argument a rubrica en droit pénal, D., 2022, p. 1477 et s., spéc. p. 1483.

[102] L’exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel et l’administration à une personne, à son insu, d’une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle n’ont pas été étudiés dans le cadre de cette réflexion. Toutefois, l’analyse de ces infractions sexuelles justifierait de les codifier dans une nouvelle section III du chapitre relatif aux atteintes aux libertés (v. pour des développements à ce sujet : F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 650, n° 918). Par ailleurs, l’inutilité de l’infraction d’outrage sexiste (v. pour des développements à ce sujet : F. Dequatre, op. cit., p. 628 et s., n° 884 et s.), créée par la loi du 3 août 2018 N° Lexbase : L6141LLZ, doit conduire à exclure l’insertion, dans cette nouvelle section, de l’article 621-1 N° Lexbase : L7582LPI – qui, au demeurant, relève des contraventions légales. En revanche, l’infraction de captation d’images impudiques pourrait bien, au contraire, trouver une place plus pertinente parmi les agressions sexuelles (v. pour des développements à ce sujet : F. Dequatre, op. cit., p. 650 et s., n° 919 et s.).

[103] V. supra n° 6 et s.

[104] Chapitre IV du titre II du livre II du Code pénal.

[105] Ch. Dubois, Le plan du code pénal, outil d’interprétation des incriminations ? De la pertinence de l’argument a rubrica en droit pénal, D., 2022, p. 1477 et s., spéc. p. 1483.

[106] Ch. Dubois, art. préc., spéc. note de bas de page 85.

[107] C. Hardouin-Le Goff, La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste – Une avancée attendue de longue date… au goût d’inachevé, JCP G, 2021, 513.

[108] V. pour l’ensemble de ces propositions : Th. Besse, Roméo, Juliette, le sexe et le droit pénal, Gaz. Pal., 12 octobre 2021, p. 9 et s., spéc. p. 12. S’agissant de la qualification criminelle en cas de pénétration sexuelle sans contrainte, violence, menace ou surprise, l’auteur précise qu’il reprend à son compte une proposition formulée par Madame Hardouin-Le Goff.

[109] Ibid.

[110] Ibid.

[111] Ibid.

[112] V. supra, n° 24.

[113] C. Hardouin-Le Goff, Infractions sexuelles sur mineurs : lorsque le droit retrouve sa fonction expressive et que la fixation d’un seuil d’âge devient constitutionnellement possible, Dr. pén., 2020, étude 34.

[114] Ibid. L’auteur avait réitéré cette proposition un mois avant l’adoption de la loi du 21 avril 2021 N° Lexbase : L2442L49. V. à ce sujet : C. Hardouin-Le Goff, Pour une incrimination adéquate des violences sexuelles sur mineurs, D., 2021, p. 520.

[115] C. pén., art. 227-15 et s. N° Lexbase : L2636L4E.

[116] C. Hardouin-Le Goff, La loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste – Une avancée attendue de longue date… au goût d’inachevé, JCP G, 2021, 513.

[117] C. Hardouin-Le Goff, Infractions sexuelles sur mineurs : lorsque le droit retrouve sa fonction expressive et que la fixation d’un seuil d’âge devient constitutionnellement possible, Dr. pén., 2020, étude 34.

[118] V. supra, n° 29.

[119] C. Hardouin-Le Goff, Les agressions sexuelles : quelle place pour le consentement ? – Grandeur et décadence du consentement en droit pénal, Les cahiers de la justice, 2021, p. 573 et s., spéc. p. 582.

[120] V. supra, n° 17.

[121] Le Code pénal n’indique pas quelles sont les relations qui doivent être définies comme des relations de nature sexuelle. Des précisions ont donc été apportées en doctrine. Ces relations « doivent être entendues au sens qui leur est traditionnellement donné par la jurisprudence relative à la définition de la prostitution en matière de proxénétisme c'est-à-dire de toute activité en relation avec le plaisir sexuel », X. Samuel, Recours à la prostitution, JCl Pénal Code, art. 225-12-1 à 225-12-4, fasc. 20, MAJ 14 décembre 2017.

[122] V. supra, n° 17.

[123] Pour la critique de la codification des agressions sexuelles dans le chapitre II du titre II du livre II du Code pénal dont les mineurs peuvent être victimes : v. supra, n° 28.

[124] En ce sens, le Professeur Ghica-Lemarchard souligne que « l’article [227-25 N° Lexbase : L2651L4X] limite les atteintes sexuelles aux comportements résiduels des viols et agressions sexuelles. Le rapport de force entre ces deux catégories d’infractions change et le centre de gravité se déplace en faveur des agressions sexuelles. Les juges qualifieront, en priorité, le viol ou l’agression sexuelle et ce n’est que dans l’hypothèse dans laquelle une de ces deux qualifications ne pourrait pas être retenue qu’ils pourraient se déporter sur l’atteinte sexuelle […] », C. Ghica‑Lemarchand, Commentaire de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1552 et s., spéc. p. 1559. V. également pour des développements relatifs au concours de qualifications avec l’article 227-25 du Code pénal N° Lexbase : L2651L4X : Th. Besse, Roméo, Juliette, le sexe et le droit pénal, Gaz. Pal., 12 octobre 2021, p. 9 et s., spéc. p. 10-11 ; v. pour une analyse des concours de qualifications entre agressions sexuelles spécifiques aux mineurs et atteintes sexuelles : E. Dreyer, L’agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 66 et s., spéc. p. 69-70 ; S. Pellé, Infractions sexuelles contre les mineurs : une sortie du droit commun, pour quelle efficacité ? – À propos de la loi no 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, D., 2021, p. 1391 et s., spéc. p. 1394 ; v. pour une analyse de l’articulation des agressions sexuelles avec les atteintes sexuelles : S. Detraz, étude préc. ; F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 457-458 et spéc. p. 460.

[125] C. pén., art. 222-23 et s. N° Lexbase : L2622L4U pour le viol à l’exception des articles 222-23-1 N° Lexbase : L2624L4X et 222-23-2 N° Lexbase : L2621L4T ; C. pén., art. 222-27 et s. N° Lexbase : L7179ALH pour les agressions sexuelles à l’exception des articles 222-29-2 N° Lexbase : L2631L49 et 222-29-3 N° Lexbase : L2628L44.

[126] Chapitre IV, titre II, livre II du Code pénal.

[127] V. supra, n° 31.

[128] Madame Hardouin-Le Goff proposait, avant la réforme, que « l’infraction suggérée englobe […] les actuelles atteintes sexuelles mais aussi les actuelles agressions sexuelles s’agissant de mineurs victimes de moins de treize ou quinze ans selon l’âge légalement retenu », C. Hardouin-Le Goff, Infractions sexuelles sur mineurs : lorsque le droit retrouve sa fonction expressive et que la fixation d’un seuil d’âge devient constitutionnellement possible, Dr. pén., 2020, étude 34.

[129] C. pén., art. 222-22 N° Lexbase : L2618L4Q et 222-22-2 N° Lexbase : L2617L4P.

[130] C. pén., art. 222-22-1 N° Lexbase : L2619L4R.

[131] C. pén., art. 222-22-3 N° Lexbase : L2620L4S.

[132] Après l’abrogation par le Conseil constitutionnel d’une autre infraction sexuelle – celle de harcèlement (Cons. const., décision n° 2012-240 QPC, du 4 mai 2012 N° Lexbase : Z03132YW), le Professeur Parizot alertait sur le fait que « la question [relative à la rédaction du texte incriminant le harcèlement sexuel] ne pourra[it] être résolue en faisant l’économie d’une réflexion sur le bien juridique protégé », R. Parizot, Exit le délit-tautologie de harcèlement sexuel, LPA, 24 mai 2012, p.3.

[133] R. Cabrillac, Les défis d’une recodification pénale, in Droit pénal : le temps des réformes, V. Malabat, B. de Lamy, M. Giacopelli (dir.), Litec, coll. Colloques & débats, n° 32, 2011, p. 5 et s., spéc. p. 10.

[134] JORF n° 0033, du 9 février 2010, p. 2265, texte n° 1.

[135] V. pour une vision complète des incriminations nouvelles, insérées dans l’ensemble du livre II du Code pénal, au cours de la période antérieure (c’est-à-dire de 1994 jusqu’à l’aube des années 2010) : M. Daury‑Fauveau, La pénalisation proliférante des atteintes virtuelles aux personnes, in Mélanges en l’honneur du Professeur J.-H. Robert, LexisNexis, 2012, p. 179 et s., spéc. p. 179, 180 et 181.

[136] V. pour des développements à ce sujet : F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 660 et s., n° 950 et s.

[137] La préconisation par le comité des États généraux de la justice (octobre 2021 – avril 2022), présidé par le vice-président honoraire du Conseil d’État Monsieur Jean-Marc Sauvé, de réécrire le Code de procédure pénale ne rend pas tout à fait illusoire, au regard de l’ampleur d’un tel projet, une réécriture du Code pénal. V. le rapport du comité des États généraux de la justice (Octobre 2021 – avril 2022) – Rendre justice aux citoyens, avril 2022 [en ligne].

[138] C. pén., art. 221-1 et s. N° Lexbase : L2260AMN.

[139] Si le Code pénal comprend un chapitre, au sein du titre II du livre II, intitulé « Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne », certaines infractions codifiées au sein de ce chapitre ne semblent pas à leur juste place tandis que d’autres semblent avoir été oubliées.

[140] Le Code pénal ne comportant pas de subdivision consacrée à l’intégrité morale, l’identification des infractions attentatoires à l’intégrité morale suppose de mener une étude systémique des infractions du titre II du livre II. V. F. Dequatre, op. cit., p. 245 et s., spéc. n° 320 et s.

[141] M.-L. Rassat, Droit pénal spécialInfractions du Code pénal, Dalloz, coll. Précis, 8e éd., 2018, p. 372, n° 310.

[142] V. pour des développements relatifs à des infractions qualifiées de mixtes : F. Dequatre, op. cit., p. 176 et s., n° 201 et s.

[143] Les infractions relatives aux mineurs seraient codifiées selon qu’elles constituent une atteinte à leur intégrité corporelle, à leur intégrité morale ou à leur intégrité corporelle et morale et ne seraient plus regroupées comme aujourd’hui dans un chapitre autonome. Pour des développements relatifs à l’inutilité d’isoler les infractions relatives aux mineurs dans un chapitre autonome : v. F. Dequatre, op. cit., p. 66 et s., n° 25 et p. 677 et s., n° 984 et s.

[144] Pour Garraud, « la liberté sexuelle, c’est-à-dire la libre disposition de soi-même, quant aux rapports sexuels, demande une protection : la liberté, l’honneur et l’intégrité corporelle se trouvent engagés dans tous les actes qui l’atteignent », (R. Garraud, Traité théorique et pratique du droit pénal français, tome cinquième, Sirey, 3e éd., 1924, p. 435, n° 2067) La société ayant évolué et la ratio legis des incriminations en matière sexuelle ayant subi une profonde mutation, c’est aujourd’hui l’honneur de l’auteur de tels faits qui se trouve atteint par son propre comportement et non plus celui de la victime. La société actuelle jette l’opprobre sur les délinquants sexuels. En revanche, l’essence des incriminations en matière sexuelle subsiste et vise à protéger la liberté et l’intégrité corporelle des personnes.

[145] C. pén., art. 222-23 N° Lexbase : L2622L4U.

[146] À cet égard, le Professeur Francillon présentant, dans le Code pénal commenté, de manière générale le chapitre consacré aux atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne (au sein duquel sont incriminées les infractions sexuelles) indique que « les incriminations regroupées sous cet intitulé reposent pour l’essentiel sur l’idée que la loi pénale doit assurer la protection des personnes atteintes dans leur intégrité corporelle », J. Francillon, Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, in G. Roujou de Boubée, J. Francillon, B. Bouloc et Y. Mayaud, Code pénal commenté – article par article, livres I à IV, Dalloz, coll. référence, 1996, p. 171 et s., spéc. p. 171.

[147] JORF n° 0179, du 5 août 2018, texte n° 7.

[148] En effet, le viol – défini jusqu’alors comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » – lorsqu’il était commis en l’absence de toute circonstance aggravante était puni de quinze ans de réclusion criminelle (C. pén., art. 222-23, al. 2 N° Lexbase : L2622L4U). Pour leur part, les agressions sexuelles autres que le viol – c’est-à-dire exclusives de toute pénétration sexuelle de la victime – commises sans que puissent être caractérisées de circonstances aggravantes faisaient encourir à leur auteur une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (C. pén., art. 222-27 N° Lexbase : L7179ALH). La pénétration sexuelle – par l’intrusion qu’elle suppose dans le corps de la victime – apparaissait ainsi comme l’atteinte à l’intégrité physique la plus grave.

[149] Loi n° 2018-703, du 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes N° Lexbase : L6141LLZ.

[150] Le viol est toujours puni de quinze ans de réclusion criminelle tandis que les agressions sexuelles autres que le viol font toujours encourir à leur auteur cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

[151] CA Pau, ch. corr., 6 janvier 2005, JCP G, 2005, IV, 2101 : « Doit être relaxée du chef d’agression sexuelle sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité, l’institutrice à l’encontre de laquelle tous les éléments constitutifs du délit n’ont pu être caractérisés [...] il n’est pas démontré qu’elle ait eu conscience de commettre un acte immoral ou obscène contre la volonté des victimes. À aucun moment, il n’est ainsi prouvé que l’intéressée se soit livrée à ces caresses dans un but de lubricité ou d’impudicité ».

[152] Loi n° 80-1041, du 23 décembre 1980, relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs, préc.

[153] V. supra, n° 10.

[154] Cass. crim., 23 janvier 2019, no18-82.833, FS-P+B N° Lexbase : A3070YUA : A. Darsonville, Précisions sur la définition du viol par surprise, AJ pénal, 2019, p. 153-154 ; S. Detraz, Viol à l’insu de son mal gré, Gaz. Pal., 7 mai 2019, n° 17, p. 55-56 ; E. Dreyer, Viol par tromperie sur l’apparence, D., 2019, p. 361 et s. ; Y. Mayaud, La relation sexuelle, une relation intuitu personae !, RSC, 2019, p. 88-90 ; L. Saenko, Viol par surprise : quand il y a erreur sur (les qualités physiques de) la personne, Gaz. Pal., 26 février 2019, n° 8, p. 24-27 ou encore J.-Ch. Saint-Pau, Viol par surprise : le stratagème numérique et érotique, JCP G, 2019, 203 et Cass. crim., 4 septembre 2019, no18‑85.919, F-D N° Lexbase : A6486ZM8 : Ch. Dubois, L’amour aveugle – Épisode 2, D., 2019, p. 2071-2075. Ces arrêts ont ainsi remis sur le devant de la scène la surprise constitutive des agressions sexuelles qu’un très vieil arrêt de la Chambre criminelle du 25 juin 1857 (Bull. crim., n° 240) avait retenue pour qualifier de viol le fait, par un individu, après s’être introduit dans la chambre et le lit d’une femme encore endormie, dont le mari était absent, et profitant de l’erreur de cette femme, de consommer sur elle l’acte de copulation.

[155] J.-Ch. Saint-Pau, L’agression sexuelle par surprise, in Mélanges en l’honneur du Professeur Bernard Teyssié, LexisNexis, 2019, p. 527 et s., spéc. p. 532.

[156] Ils ont, par exemple, retenu que « l’absence de consentement de la victime est l’élément caractéristique du crime de viol » (CA Lyon, ch. acc., 18 mai 1990) et que « la volonté des époux de mettre en commun et de partager tout ce qui a trait à la pudeur n’autorise nullement l’un d’entre eux à imposer à l’autre par violence un acte sexuel s’il n’y consent et que notamment doit être respectée la liberté sexuelle de la femme mariée » (ibid.). La Chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie sur pourvoi du procureur général près la cour d’appel de Lyon, approuve la solution des juges du fond et affirme que « l’article 332 du Code pénal, en sa rédaction issue de la loi du 23 décembre 1980, qui n’a d’autre fin que de protéger la liberté de chacun, n’exclut pas de ses prévisions les actes de pénétration sexuelle entre personnes unies par les liens du mariage lorsqu’ils sont imposés dans les circonstances prévues par ce texte » (Cass. crim., 5 septembre 1990, n° 90-83.786 N° Lexbase : A3056ABS). Si cette jurisprudence traditionnelle trouve toujours application dans certains cas (Cass. crim., 20 juin 2001, n° 00-88.258 N° Lexbase : A6643CXC), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a admis plus récemment, nous l’avons dit, que la délivrance d’un consentement erroné suffise à la caractérisation de l’infraction. Ainsi, « l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise » (Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833, FS-P+B N° Lexbase : A3070YUA : A. Darsonville, art. préc. ; S. Detraz, art. préc. ; E. Dreyer, art. préc. ; Y. Mayaud, art. préc. ; L. Saenko, art. préc. ou encore J.-Ch. Saint-Pau, Viol par surprise : le stratagème numérique et érotique, JCP G, 2019, 203 et Cass. crim., 4 septembre 2019, n° 18‑85.919, F-D N° Lexbase : A6486ZM8 : Ch. Dubois, art. préc.).

[157] Ph. Conte, Droit pénal spécial, LexisNexis, coll. Manuel, 6e éd., 2019, p. 173, n° 240. V. dans le même sens : A. Lepage, H. Matsopoulou, Droit pénal spécial, PUF, coll. Thémis, 1re éd., 2015, p. 293 et s., n° 421 et s. ou encore V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, coll. Hypercours, 9e éd., 2020, p. 189 et s., n° 317 et s. Depuis le vote de la loi n° 2021-478, du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste N° Lexbase : L2442L49, une seconde réserve doit être faite puisque le Code pénal comprend désormais une qualification spécifique de viol lorsque les faits sont commis par un majeur sur un mineur de quinze ans ou sur l’auteur par le mineur.

[158] Plusieurs décisions ont retenu une telle solution indiquant qu’« un acquittement du chef de viol ne postule nullement le consentement de la victime ; qu’il peut se justifier par le défaut d’intention de l’auteur ou par un simple doute sur la réalité de cette intention ; que ce défaut d’intention peut résulter de cette circonstance, prouvée ou présumée, que l’accusé se soit mépris ou a pu se méprendre sur les dispositions véritables de la femme et estimer, à tort, que sa résistance n’était pas sérieuse », (C. assises Haut-Rhin, 21 avril 1959, note Aberkane, D., 1960, p. 369 et s.). V. également : Cass. crim., 11 octobre 1978 : D., 1979, IR 120 : « A pu dénier l’existence de l’intention criminelle et écarter en conséquence la qualification de viol la cour d’appel qui […] s’est fondée sur le comportement de cette dernière [la victime] pour en déduire que le prévenu avait pu croire à son consentement aux rapports qu’il avait eus avec elle ».

[159] Elles constituent plus précisément des atteintes de nature mixte à dominante morale. V. pour des développements à ce sujet : F. Dequatre, L’intégrité morale en droit pénal, thèse Paris 2, 2021, p. 672 et s., n° 973 et s.

[160] V. à ce sujet : F. Dequatre, op. cit., 2021, p. 687 et s., n° 1006 et s.

[161] « Les infractions de nature sexuelle pouvant être commises sur des mineurs sont prévues au présent paragraphe, sans préjudice des dispositions de la section III du chapitre II du présent titre réprimant les viols, les agressions sexuelles, l’inceste, l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuelle, qui peuvent être également commis au préjudice de victimes mineures ».

[162] Pour Monsieur Detraz, l’introduction de l’article 227-21-1 dans le Code pénal N° Lexbase : L2645L4Q apparaît inutile « d’autant qu’aucun concours de qualifications ne peut voir le jour : les délits d’atteintes sexuelles sur mineurs sont en effet intrinsèquement définis, aux articles 227-25 et 227-27 modifiés, comme des actes commis "hors les cas de viol ou d’agression sexuelle prévus à la section 3 du chapitre II du présent titre" », S. Detraz, Le dédoublement des agressions sexuelles – Commentaire de certaines des dispositions de la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, Dr. pén., 2021, étude 12.

[163] V. supra, note n° 140 ??

[164] E. Dreyer, L’agression sexuelle sans violence, contrainte, menace ou surprise, Gaz. Pal., 31 août 2021, p. 66 et s., spéc. p. 70.

[165] F. Rousseau, Le renforcement de la répression des infractions sexuelles contre les mineurs, RSC, 2021, p. 454 et s., spéc. p. 458.

[166] V. en ce sens : Th. Besse, Roméo, Juliette, le sexe et le droit pénal, Gaz. Pal., 12 octobre 2021, p. 9 et s., spéc. p. 11-12.

[167] V. supra, n° 13.

[168] V. supra, n° 38.

[169] C. Saas, Mineurs, sexualité et consentement en droit pénal, in Les cahiers de la Justice, Dalloz, 2021, p. 601 et s., spéc. p. 612.

[170] Th. Besse, Roméo, Juliette, le sexe et le droit pénal, Gaz. Pal., 12 octobre 2021, p. 9 et s., spéc. p. 12.

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