Jurisprudence : Cass. crim., 22-08-2001, n° 01-84.024, Rejet



COUR DE CASSATION
Chambre criminelle
Audience publique du 22 août 2001
Pourvoi n° 01-84.024
... Jean-Yves
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux août deux mille un, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;

Statuant sur les pourvois formés par
- ... Jean-Yves,
- ... ... Nicolas, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 25 avril 2001, qui, sur renvoi après cassation, a ordonné la mise en accusation du premier devant la cour d'assises des YVELINES du chef de tentative de viol aggravé ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3°, du Code de procédure pénale ;
I - Sur le pourvoi de Nicolas ... ...
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 332 ancien du Code pénal, 222-22 et 222-23 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que les faits de fellation commis par Jean-Yves ... sur la victime étaient prescrits, comme constituant seulement des agressions sexuelles et non des viols ou tentatives de viol ;
"aux motifs que l'élément matériel du viol est constitué par un acte de pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit commis sur la personne d'autrui ; que, si la fellation pratiquée par une victime sur un agresseur constitue un tel acte matériel, il n'en va pas de même pour celle pratiquée par l'agresseur sur la personne de sa victime ; qu'en conséquence, les faits de fellation pratiquées par Jean-Yves ... sur Nicolas ... ... ne pourraient recevoir la qualification pénale de viol mais uniquement celle d'agression sexuelle ; que les faits se sont déroulés de décembre 1985 à l'été 1986 ; qu'ils sont donc couverts par la prescription ;
"alors que l'acte de fellation imposé avec violence, contrainte, menace ou surprise, qu'il soit commis de manière active ou passive, suppose toujours l'interpénétration des corps ; que lorsque l'agresseur fait subir à un garçon ou à un homme une fellation sans son consentement et sans pulsion sexuelle concomitante de la victime, il prend possession de son sexe en s'emparant temporairement de son organe génital et il impose ainsi à sa victime une conjonction sexuelle prohibée ; que, dès lors, la fellation abusivement pratiquée sur l'organe génital de la victime constitue un viol ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour dire que les fellations pratiquées par Jean-Yves ... sur Nicolas ... ... ne constituaient pas des viols mais des délits d'agressions sexuelles, atteints par la prescription, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'élément matériel du crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
II - Sur le pourvoi de Jean-Yves ...
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 332 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 121-4, 121-5 et 222-23 nouveaux du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Jean-Yves ... du chef de tentative de viol sur Nicolas ... ... commise à Courchevel en 1986 ;
"aux motifs que le commencement d'exécution n'est constitué que par les actes tendant directement et immédiatement à l'infraction avec l'intention de son auteur de la commettre ; qu'ainsi, il est exigé, d'une part, un acte ou un fait dont les caractéristiques sont déterminantes de l'élément objectif de la tentative, et, d'autre part, une intention irrévocable de réalisation de l'infraction ; que ce premier élément de la tentative est établi, Jean-Yves ... s'étant délibérément couché sur la victime dans une position permettant de lui imposer une pénétration anale ; que ce commencement d'exécution n'a été interrompu que par la volonté de la victime, laquelle s'est refusée à toute pénétration en serrant les fesses ;
"alors, d'une part, que le commencement d'exécution de la tentative de viol est constitué par un acte qui tend directement et immédiatement à la consommation du crime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater que Jean-Yves ... s'était "délibérément couché" sur la victime dans une position "permettant" de lui imposer une pénétration anale, sans caractériser un quelconque acte indissociable de la pénétration, dont il aurait été le préalable révélateur de l'acte de pénétration qui doit suivre ; qu'en conséquence, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que le commencement d'exécution suppose un acte tendant directement et immédiatement à la consommation du crime, avec une intention irrévocable de réalisation de l'infraction ; que la cour d'appel, qui a constaté que Jean-Yves ... s'était "délibérément couché sur la victime dans une position permettant de lui imposer une pénétration anale", n'a pas relevé pour autant l'intention de l'auteur supposé de la tentative de viol de pénétrer la victime, le caractère sexuel ou érotique de la "position" ne suffisant pas à caractériser l'intention criminelle ; que, dès lors, l'arrêt se trouve privé de base légale ;
"alors, enfin, que la tentative n'est punissable que si elle a été suspendue par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ; que, comme le demandeur le faisait valoir dans son mémoire, l'existence de circonstances extérieures n'exclut pas nécessairement le caractère spontané de ce désistement lorsque, comme en l'espèce, la victime a indiqué avoir seulement "eu peur" et "serré les fesses" et que Jean-Yves ... n'avait "pas forcé" ; que, dès lors, la chambre de l'instruction n'a pas établi l'absence de désistement volontaire, lequel, au contraire, résulterait d'un acte maîtrisé de Jean-Yves ... qui avait renoncé de lui-même à toute tentative ; que sa décision se trouve derechef privée de base légale" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 332 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 121-4, 121-5 et 222-23 nouveaux du Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la mise en accusation de Jean-Yves ... du chef de tentative de viol sur Nicolas ... ... commise à Courchevel en 1986 ;
"aux motifs que la peur a contraint Nicolas ... ... à garder le silence pendant des années ; que Jean-Yves ... exerçait sur l'enfant une telle contrainte morale qu'elle a perduré douze années après que les faits avaient été commis ; que cette peur qu'inspirait le mis en examen à l'enfant a été rapportée par Nicolas ... ... en décrivant notamment la réaction violente de l'éducateur quand, pour lui échapper, la partie civile avait décidé de rester dormir dans la chambre d'une monitrice ; que les faits reconnus par le mis en examen de masturbation et d'éjaculation sur le corps de l'enfant participent à de véritables stratagèmes de nature à surprendre le mineur de quinze ans qu'était Nicolas ... ... ; que de tels faits ont eu pour conséquence de conditionner la victime, caractérisant la surprise et la contrainte ;
"alors, d'une part, que la circonstance de contrainte, élément constitutif du crime de tentative de viol, doit s'apprécier au moment des faits ; qu'en se fondant, pour retenir la contrainte morale, sur le silence de la victime pendant douze années après les faits, alors même qu'elle a constaté (arrêt page 5) que Nicolas ... ... avait sollicité, à plusieurs reprises, Jean-Yves ..., après son renvoi du collège et jusqu'en 1997, afin d'obtenir de l'argent, la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé la circonstance de contrainte morale ;
"alors, d'autre part, que la contrainte morale s'apprécie de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime ; qu'il ne suffit donc pas de constater une réaction violente de l'auteur supposé pour affirmer que la victime aurait cédé à une contrainte morale se déduisant de la crainte qu'il lui inspirait ; qu'en l'espèce, comme le soulignait le mémoire, Nicolas ... ... n'a dénoncé aucune menace - il "ne m'a pas dit de ne rien dire à personne" ; "il ne m'a pas menacé" (D 2, D 8) - ni aucune violence - il n'a "pas forcé" (D 143), jamais il ne "l'a frappé" (D 8), il n'y avait "pas eu de violence" (D 145) - ; qu'en se déterminant néanmoins comme elle l'a fait, la chambre de l'instruction a derechef privé sa décision de base légale ;
"alors, de troisième part, que la peur que ressent la victime n'est pas nécessairement le fruit d'une contrainte exercée par l'auteur supposé d'une tentative de viol ; qu'en se fondant, pour retenir la contrainte, sur la "peur qu'inspirait le mis en examen" à Nicolas ... ... qui l'aurait "contraint à garder le silence pendant des années", la chambre de l'instruction, qui n'a pas relevé une attitude du mis en examen caractérisant en elle-même l'usage de la contrainte, a privé sa décision de base légale ;
"alors, enfin, que la surprise, élément constitutif du crime de tentative de viol, consiste à surprendre le consentement de la victime, en la trompant sur sa situation réelle ou en abusant de sa difficulté à appréhender celle-ci ; que la surprise n'est pas compatible avec des faits qui se seraient déroulés, selon les déclarations de Nicolas ... ..., sur trois périodes en l'espace d'une année, chacune séparée de plusieurs mois par rapport à la suivante et alors que, selon la thèse de l'accusation, la victime présumée avait parfaitement conscience de l'acte de prétendue tentative de viol avant même justement qu'il ne se réalise ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour renvoyer Jean-Yves ... devant la cour d'assises sous l'accusation de tentative de viol aggravé, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits aux moyens, qui relèvent, notamment, que Nicolas ... ..., ayant peur de Jean-Yves ..., aurait cédé, sous la contrainte, à ses avances mais se serait opposé physiquement à ce que ce dernier se livre sur sa personne à un acte de sodomie, ce qui aurait empêché l'auteur de réaliser son projet ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que la chambre de l'instruction était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle l'accusé a été renvoyé, que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. ... conseiller doyen, faisant fonctions de président, en remplacement du président empêché, M. ... conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Mistral, Roger, Mme Ponroy, M. Béraudo conseillers de la chambre, Mme ... conseiller référendaire ;
Avocat général Mme Commaret ;
Greffier de chambre M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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