Réf. : Cass. com., 25 janvier 2023, n° 21-14.164, F-B N° Lexbase : A06499AB
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N4155BZW
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par Jérôme Lasserre-Capdeville
le 01 Février 2023
► Le seul fait qu’un contrat portant sur la recherche d'un financement ait été conclu en méconnaissance des dispositions du chapitre IX du titre Ier du livre V du Code monétaire et financier, relatives aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, n'est pas de nature à en entraîner l'annulation.
Un intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) est une personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement. Plus précisément, cette intermédiation consiste « à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation » (C. mon. fin., art. L. 519-1, I, al. 1er N° Lexbase : L1675MAB).
On rappellera que notre droit distingue plusieurs catégories d’IOBSP (C. mon. fin., art. R. 519-4 N° Lexbase : L3933LTT) : les courtiers en opérations de banque et en services de paiement (COBSP), les mandataires exclusifs en opérations de banque et en services de paiement (MEOBSP), les mandataires en opérations de banque et en services de paiement qui exercent l’intermédiation en vertu d’un ou de plusieurs mandats non exclusifs (MOBSP), et enfin les mandataires d’IOBSP qui exercent l’intermédiation en vertu de mandats confiés par des personnes appartenant aux trois catégories précédentes (MIOBSP).
Or, ces intermédiaires sont concernés, ces derniers mois, par des décisions de justice notables (Cons. const., décision n° 2022-1015 QPC, du 21 octobre 2022 N° Lexbase : A21748QL, V. Téchené, Lexbase Affaires, octobre 2022, n° 733 N° Lexbase : N3065BZK). Tel est le cas, à nouveau, dans la décision sélectionnée.
Faits et procédure. Par une lettre de mission du 12 novembre 2013, la société monégasque S. avait confié à la société E. la recherche d’un financement pour l’acquisition de parts de copropriété d’un immeuble et l’exécution de travaux de rénovation de celui-ci. Cette lettre de mission stipulait que la société E. percevrait une rémunération correspondant à 1 % du montant des financements obtenus par la société S., à la signature effective des contrats de prêt.
Soutenant avoir appris, au mois d'octobre 2014, que la société S. avait conclu un contrat de financement sans l'en informer, la société E. l’avait assignée en paiement de ses honoraires.
Par une décision du 26 novembre 2020, la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 12e ch., 26 novembre 2020, n° 19/02064 N° Lexbase : A56384GW) avait considéré que la lettre de mission du 12 novembre 2013 était valable, avait rejeté les demandes d’annulation de cette lettre et, en conséquence, avait déclaré que la créance d’honoraires de la société E. à l’encontre de la société S., en application de l'article 7 de la lettre de mission, était fondée en son principe.
La société S. avait alors formé un pourvoi en cassation. Elle invoquait, par l’intermédiaire de ce dernier, plusieurs arguments.
Décision. Observons le premier moyen. Il est rappelé qu’aux termes de l’article R. 519-2, 4°, du Code monétaire et financier ne sont pas intermédiaires en opérations de banque, les personnes dont l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement est liée aux opérations connexes définies au 5° de l'article L. 311-2 du même code N° Lexbase : L2511IXB, ou aux services connexes définis au 3° de l'article L. 321-2 du même code N° Lexbase : L9233K8H.
D’abord, aux termes de l’article L. 311-2, 5°, les opérations connexes sont le conseil et l’assistance en matière de gestion financière, l'ingénierie financière et d'une manière générale tous les services destinés à faciliter la création et le développement des entreprises, sous réserve des dispositions législatives relatives à l'exercice illégal de certaines professions. De plus, aux termes de l'article L. 321-2, 3°, les services connexes comprennent la fourniture de conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi que la fourniture de conseil et de services en matière de fusions et de rachat d'entreprises.
Or, il ressortait des propres constatations de l’arrêt que la société S. avait « sollicité l'assistance de la société E. pour la recherche du financement nécessaire à l'acquisition des parts de copropriété et à l'exécution des travaux de rénovation » et que le contrat litigieux comportait deux phases, la première intitulée : « analyse des documents reçus par E. de la part du client, étude approfondie du projet et préparation du business plan », étant précisé que « E. préparera le business plan et conseillera le client sur les options de structuration financière du projet », la seconde intitulée « préparation de l'infomémo, approche des prêteurs et assistance au client jusqu'au closing ».
Il résultait alors de ces constatations, selon l’auteur du pourvoi, que la société E. avait assumé directement une obligation d’intermédiation bancaire, consistant, d'une part, à « présenter, proposer ou aider » la société S. à obtenir un financement auprès d'établissements bancaires, au sens L. 519-1, I, du Code monétaire et financier (phase 2) et, d'autre part, à « effectuer tous travaux et conseils préparatoires à sa réalisation », au sens du même texte (phase 1). En conséquence, pour la société S., le contrat litigieux, ayant pour finalité l'obtention d'un financement bancaire, contrevenait au monopole de l'intermédiation bancaire, et était entaché de nullité. Dès lors, en décidant du contraire, la cour d'appel aurait violé les dispositions précitées, et l’article 6 du Code civil N° Lexbase : L2231ABA.
Le moyen ne parvient cependant pas à convaincre la Cour de cassation. Cette dernière rejette ainsi le pourvoi.
Selon la Haute juridiction, le seul fait qu'un contrat portant sur la recherche d'un financement ait été conclu en méconnaissance des dispositions du chapitre IX du titre Ier du livre V du Code monétaire et financier (c’est-à-dire les articles L. 519-1 et suivants), relatives aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, n’est pas de nature à en entraîner l’annulation. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé.
Observations. Cette solution attire l’attention. Elle clarifie une question de droit laissant une grande place à l’incertitude.
On se souvient que, par une décision remarquée du 15 octobre 1996, la Cour de cassation avait eu l’occasion de dire que la sanction à la méconnaissance à l’obligation prévue au premier alinéa de l'article L. 519-2 ne pouvait être la nullité des actes conclus à la suite d'une telle entremise illicite (Cass. com., 15 octobre 1996, n° 94-14.938, publié N° Lexbase : A1422ABB). La violation du monopole n’a donc pas d’incidence sur les contrats de crédit conclu (contra, cependant, TGI Paris, 5e ch., 18 avril 2017, n° 15/04633 N° Lexbase : A0771WGN, cité par E. Bouretz, Intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement de paiement, en financement participatif. Agent lié. Quelle réglementation pour quel contrôle ?, RB Édition, coll. Droit, 2018, p. 68, n° 161).
Mais qu’en est-il du contrat passé entre le client, à la recherche d’un financement, et la société venant à méconnaître le droit applicable aux IOBSP, et notamment leur monopole ? L’arrêt étudié nous le dit : ce contrat portant sur la recherche d'un financement n’est pas nul. Il doit donc être scrupuleusement respecté par les parties. Dès lors, s’il prévoit une clause stipulant le paiement d’une rémunération correspondant à 1 % du montant des financements obtenus par la société client, celle-ci doit être appliquée.
Cette jurisprudence, favorable à la validité des conventions conclues malgré l’atteinte à un monopole, fait songer à la solution dégagée récemment par la Cour de cassation à l’égard des contrats de crédit accordés par des personnes n’ayant pas la qualité d’établissement de crédit ou de société de financement (Cass. com., 15 juin 2022, n° 20-22.160, F-B N° Lexbase : A470877I, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, juin 2022, n° 722 N° Lexbase : N1910BZR).
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