Réf. : Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-11.163, FS-B N° Lexbase : A646687M
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par Vincent Téchené
le 19 Janvier 2023
► Les relations de sous-traitance entrent dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-144, du 17 mars 2014, et ce texte n'édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du Code de la construction et de l'habitation, il s'applique aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants ;
En outre, l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage.
Faits et procédure. Le 24 juin 2013, la sous-traitante d’une société exerçant une activité de construction et de commercialisation de maisons individuelles a contesté la déduction d'une remise exceptionnelle de 2 % sur le prix appliqué par le constructeur sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Le 26 avril 2017, le ministre chargé de l'Économie a assigné le constructeur afin qu'il soit jugé que les pratiques consistant, d'une part, à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % au titre du CICE, d'autre part, à s'octroyer un escompte de 3 % pour des factures réglées en retard, contrevenaient aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce N° Lexbase : L8640IMX. Pour rappel ce texte réprime l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné qui se retrouve, depuis l’ordonnance n° 2019-359, du 24 avril 2019, à l’article L. 442-1, I, 1° N° Lexbase : L6216L8Q.
C’est dans ces conditions, d’une part, que le constructeur a formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir retenu que les dispositions du Code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquent aux relations de sous-traitance.
D’autre part, le ministre de l’Économie reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté ses demandes tendant à juger que la pratique consistant à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % « au titre du CICE » contrevient aux dispositions de l'article L. 442-6, I.
Décision. La Cour de cassation approuve d’abord l'arrêt d’appel d’avoir retenu que les relations de sous-traitance entrent dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-144, du 17 mars 2014, et que ce texte n'édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du Code de la construction et de l'habitation, il s'applique aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants.
Les dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence, qui correspondent à l’ancien article L. 442-6, sont désormais codifiées aux articles L. 442-1 à L. 442-4 du Code de commerce. Le champ d’application a été en outre élargi, puisque l‘article L. 442-1, I du Code de commerce vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » alors que le texte ancien visait « tout producteur, commerçant, industriel ». En outre, le nouvel article L. 442-1, I du Code de commerce supprime la notion de « partenaire commercial » pour lui substituer celle d’« autre partie », ce qui rend les dispositions du nouvel article L. 442-1, I applicables à toutes les relations professionnelles relevant du Code de commerce. La solution retenue par l’arrêt rapporté est donc confortée sous l’empire des textes actuels.
Ensuite, la Haute juridiction relève que, pour rejeter les demandes du ministre chargé de l'Économie, l'arrêt d’appel a retenu que lorsque le prix n'a pas fait l'objet d'une libre négociation, son contrôle judiciaire ne s'effectue pas en dehors d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce et en déduit que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du même code ne s'appliquent pas à la réduction de prix obtenue d'un partenaire commercial.
Mais, la Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, alors que l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage, la cour d'appel a violé ce texte.
La Cour de cassation consacre donc ici, pour la première fois à notre connaissance, l’application de la notion d’avantage manifestement disproportionné à une réduction de prix. Cette position est également celle de la CEPC qui avait été saisie pour avis dans le cadre de cette même affaire par le tribunal de commerce de Bordeaux. La Commission avait alors estimé que la déduction unilatérale d’une réduction de prix au titre du CICE, de même que l’obtention d’un escompte malgré le non-respect de ses conditions d’attribution, contreviennent aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce si la preuve de la soumission ou de la tentative de soumission du partenaire commercial est rapportée (CEPC, avis n° 18-6, du 7 juin 2018 N° Lexbase : X7541CNM).
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