Le Quotidien du 20 janvier 2023

Le Quotidien

Arbitrage

[Jurisprudence] Annexion de la Crimée et application des dispositifs de protection des investissements Ukraine-Russie

Réf. : Cass. civ. 1, 7 décembre 2022, n° 21-15.390, FP-B+R N° Lexbase : A85288X7

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N3984BZL

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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit, Of counsel Cabinet MCI

Le 19 Janvier 2023

Mots-clés : Traité Bilatéral d'Investissement (TBI) • arbitrage d’investissement • expropriation • recours en annulation • annexion • Russie • Ukraine • Crimée • compétence ratione temporis

En marge des conflits armés et des offensives diplomatiques entre la Russie et l’Ukraine, l’affrontement entre les deux pays déborde sur le plan juridique et arrive devant les tribunaux arbitraux. Sanctionnant l’expropriation des actifs d’une banque ukrainienne en Crimée, une sentence arbitrale condamne la Fédération de Russie au paiement de plus d’un milliard de dollars. Après que la cour d’appel de Paris annule la sentence au motif que le tribunal se serait déclaré à tort compétent, la Cour de cassation casse l’arrêt du juge parisien et affirme l’indépendance matérielle de la clause d’arbitrage par rapport au Traité international qui la contient.


 

À l’heure où des milliers d’accords internationaux d’investissements sont en vigueur [1], une cohérence globale des dispositifs de protection des investissements se dégage [2]. Les principales garanties offertes par ces instruments comprennent essentiellement : le traitement national, la clause de la nation la plus favorisée, le traitement juste et équitable, la pleine et entière protection et sécurité, et la protection contre l’expropriation. C’est cette dernière protection qui est invoquée dans le litige opposant la Fédération de Russie et une banque ukrainienne qui a engagé une procédure arbitrale sur le fondement d’un Traité Bilatéral d’Investissement (TBI) liant la Russie et l’Ukraine. Il s’agit de l’une des neuf procédures arbitrales d’investissement connues résultant de l’annexion de la péninsule de Crimée en 2014 [3].

Si la garantie en jeu est classique, les circonstances géopolitiques entourant le litige donnent lieu à un débat singulier quant à, d’une part, l’application des protections offertes par le TBI et, d’autre part, la compétence arbitrale. Il s’agit essentiellement de déterminer si l’investissement en question est protégé par le Traité considérant la portée temporelle, matérielle et territoriale de la protection. Outre la question de l’expropriation elle-même, les questions soumises aux arbitres sont inédites et, sur la compétence arbitrale, le principal enjeu consiste à déterminer, premièrement, si le contrôle de facto d’un territoire par un État suffit à établir la compétence arbitrale en vertu d’un TBI et, deuxièmement, si les investissements réalisés avant l’annexion sont couverts par la protection et la compétence des arbitres.

Les faits s’inscrivent dans le prolongement de l’annexion de la Crimée en 2014 [4]. En avril de la même année, après la prise de contrôle du territoire par la Russie, celle-ci adopte une loi sur le fondement de laquelle, le 26 mai 2014, la Banque centrale de la Fédération de Russie, d’une part, ordonne à JSC Oschadbank, une banque ukrainienne ayant une filiale en Crimée, de cesser toutes ses activités dans la péninsule et, d’autre part, désigne un représentant pour administrer les actifs de la banque en Crimée [5].

Sur le fondement du TBI du 27 novembre 1998 entre la Russie et l’Ukraine [6], la banque ukrainienne, s’estimant avoir été expropriée, initie une procédure d’arbitrage le 20 janvier 2016 devant la Cour Permanente d’Arbitrage. Pour sa part, la Fédération de Russie n’a pas participé à la procédure d’arbitrage dont le siège est à Paris et de laquelle découle une sentence du 26 novembre 2018 [7]. Aux termes de celle-ci, le tribunal arbitral se déclare compétent, dit que le TBI a été violé par la Russie, et condamne cette dernière à verser une indemnité d’un montant total de 1 111 300 729 USD à titre de réparation, outre les frais d’arbitrage [8].

Devant la chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris, juge de l’annulation, la Russie forme un recours contre la sentence en contestant l’application du Traité et, partant, la compétence du tribunal arbitral. Le juge parisien accueille le recours et annule la sentence au motif que les arbitres se seraient déclarés à tort compétents pour connaître du litige (CA Paris, 5-16, 30 mars 2021, n° 19/04161 N° Lexbase : A87004M8). C’est contre cette décision que la banque ukrainienne a formé un pourvoi donnant lieu à l’arrêt de cassation du 7 décembre 2022 (Cass. civ. 1, 7 décembre 2022, n° 21-15.390, FP-B+R N° Lexbase : A85288X7).

S’agissant d’un arbitrage d’investissement fondé sur un TBI, la compétence arbitrale s’analyse au prisme des stipulations de celui-ci. Sur ce plan, le débat entre les parties tournait essentiellement autour de la portée territoriale, matérielle et temporelle du Traité, et du consentement à l’arbitrage qui y est inclus. Si au niveau de la Cour de cassation, c’est le volet ratione temporis qui a fait l’objet de l’arrêt du 7 décembre 2022 (II), il n’en demeure pas moins que le débat sur la question territoriale est éminemment intéressant et nous l’évoquerons succinctement (I).

I. L’application du TBI et la portée de la compétence arbitrale au regard de la situation géopolitique de la Crimée

La première question soulevée par le litige concerne l’application territoriale du TBI. Les traités bilatéraux d’investissement protègent en principe les ressortissants d’une partie contractante lors de la réalisation d’investissements sur le territoire de l’autre partie contractante [9]. Tel est le cas du TBI signé le 27 novembre 1998 entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. Ainsi la détermination des territoires des États parties à l’accord de protection des investissements constitue un élément crucial dans l’analyse de la compétence arbitrale, d’autant plus lorsque le territoire en question fait l’objet de contestation [10].

Il s’agit, premièrement, d’une question de compétence ratione personae car l’identification des territoires permet de caractériser la qualité d’hôte de l’investissement de l’État en cause. Deuxièmement, cette identification recèle également un enjeu de compétence ratione materiae dès lors que le TBI ne couvre matériellement que les investissements réalisés sur le territoire de l’État hôte.

A. Compétence ratione personae : investissement sur un territoire contesté

Dans le litige opposant la banque ukrainienne à la Fédération de Russie, l’enjeu de la question territoriale réside dans la détermination du statut de la Crimée. En principe, soit la péninsule fait partie du territoire Russe et le TBI s’applique, soit, à l’inverse, elle ne l’est pas et le Traité ne trouve pas application. Le débat des parties échappe toutefois à cette approche binaire.

Au soutien de l’application du TBI et de la compétence arbitrale, nonobstant la question de la reconnaissance par le droit international, l’annexion de la Crimée a entraîné de facto son intégration dans le champ territorial de la Russie. Des éléments indiquent que Moscou exerce un contrôle effectif sur la péninsule, telles, entre autres, l’introduction du rouble comme monnaie officielle ou la délivrance de passeport russe à la population criméenne [11]. Admettre la Crimée comme faisant partie du territoire russe amène à considérer la Fédération de Russie comme État hôte de l’investissement. Dès lors, la compétence ratione personae du tribunal arbitral s’établit.

À l’inverse, la lecture de la définition du terme « territoire » dans le TBI tend à faire envisager que la péninsule échappe au champ territorial de la Russie. L’article 1(4) du Traité fait notamment référence à la conformité au droit international dans la définition des territoires des parties [12]. Ainsi, si on considère que l’annexion de la Crimée est contraire au droit international, la péninsule ne devrait pas être considérée comme faisant partie de la Fédération de Russie.

La position de la Fédération de Russie est délicate dès lors que pour échapper à l’application du TBI et à la compétence du tribunal arbitral, l’État russe aurait à démontrer que la Crimée ne fait pas partie de son territoire. Or, une telle posture est incompatible avec les prétentions géopolitiques du pays qui, non seulement, soutient que le territoire russe s’étend à la Crimée, mais défend vigoureusement que celle-ci a intégré la Fédération de Russie de manière légitime à travers le Traité d’adhésion du 18 mars 2014 [13].

Évitant de se contredire et de soutenir une position contraire à ses intérêts politiques, la Russie, plutôt que de réfuter l’intégration de la péninsule à son territoire, soutient que, dès lors que le statut de la Crimée fait l’objet d’une divergence qu’il n’appartient pas au tribunal arbitral de trancher, le TBI ne devrait pas s’y appliquer à défaut de reconnaissance mutuelle [14].

Ce débat épineux n’a toutefois été tranché ni par la cour d’appel de Paris ni par la Cour de cassation qui n’ont pas apprécié la compétence du tribunal arbitral sur ce volet. En effet, comme il sera vu plus bas, c’est sur le terrain de la compétence ratione temporis que le juge parisien annule la sentence.

B. L’internationalité de l’investissement ukrainien réalisé en Crimée

Par ailleurs, le caractère transfrontalier de l’investissement ukrainien réalisé en Crimée a également suscité un débat qui n’a pas été tranché par les deux juridictions.

En l’espèce, il est établi que la succursale de la banque ukrainienne en Crimée avait été créée, acquise et exploitée dès avant l’annexion en 2014. À ce moment, il s’agissait indubitablement d’un investissement interne réalisé par un investisseur ukrainien en Ukraine.

La problématique réside dans la question de savoir si l’intégration de la Crimée à la Fédération de Russie internationalise les investissements ukrainiens réalisés antérieurement à l’annexion. Deux pistes ont émergé des arguments soulevés par les parties. D’une part, l’État russe soutient que ces investissements doivent être considérés comme des opérations internes à l’Ukraine dès lors qu’aucun transfert d’actifs transfrontaliers n’a eu lieu. En conséquence, le litige échapperait à la compétence ratione materiae du tribunal arbitral. D’autre part, la banque ukrainienne estime que la protection du TBI devrait s’appliquer aux actifs des entités ukrainiennes situées en Russie, quelle que soit leur date de création. Dans ce cas, le tribunal serait compétent. Une troisième voie peut également être explorée en considérant que les investissements de la banque ukrainienne s’opèrent sur le territoire russe concomitamment à la prise de contrôle du territoire de la Crimée par la Fédération de Russie. Les investissements ainsi opérés satisferaient à la définition du TBI et le tribunal arbitral serait compétent.

En définitive, la question n’a pas été traitée par les juridictions françaises.

II. La compétence ratione temporis

Tant l’arrêt d’appel que celui de cassation focalisent les motivations sur la discussion relative à la compétence ratione temporis du tribunal arbitral.

Le nœud du débat réside dans l’article 12 du TBI stipulant que « le présent accord s’applique à tous les investissements réalisés par les investisseurs d’une partie contractante sur le territoire de l’autre partie contractante à compter du 1er janvier 1992 »[15]. Devant le juge de l’annulation, deux questions découlent de cet article. D’une part, le champ d’application temporelle ainsi posé par le Traité relève-t-il du fond du litige ou de la question de la compétence du tribunal arbitral ? Et, d’autre part, si oui, les investissements de la banque en Crimée entrent-ils dans le cadre ratione temporis du TBI ?

La chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris, dans sa décision du 30 mars 2021 (CA Paris, 5-16, 30 mars 2021, n° 19/04161 N° Lexbase : A87004M8), juge que l’article 12 fixe des limites au TBI de sorte que l’offre d’arbitrage formulée et la compétence du tribunal arbitral soient limitées de la même manière. Ainsi, le juge parisien considère que l’article a trait à la question de la compétence et, par conséquent, peut être examiné dans le cadre du recours en annulation. Il juge par ailleurs que les investissements de la banque ukrainienne ont été réalisés antérieurement au champ d’application temporelle du TBI.

La Cour de cassation censure l’approche de la cour d’appel. Selon une jurisprudence constante rappelée par l’arrêt du 7 décembre 2022, « le juge de l’annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu’il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage » [16]. Cela n’implique pas que l’appréciation du juge de l’annulation, sous couvert de contrôle de la compétence, puisse porter sur le fond du litige. En effet, considéré comme « un dogme fondateur de l’arbitrage » [17], le principe de non-révision impose que le contrôle relatif à la question de la compétence arbitrale soit, comme le rappelle la Cour, « exclusif de toute révision au fond de la sentence » [18].

La Cour juge qu’à l’inverse de l’interprétation que la cour d’appel en a faite, l’article 12 du TBI n’établit pas une condition de consentement à l’arbitrage dont dépend la compétence du tribunal arbitral. Il s’agit selon elle d’une règle de fond n’ayant aucune incidence sur la question de la compétence arbitrale. Ainsi, l’analyse de l’article 12 échappe à l’examen du juge de l’annulation. Les Hauts magistrats constatent que « ni l’offre d’arbitrage stipulée à l’article 9 ni la définition des investissements prévue à l’article 1er ne comportaient de restriction ratione temporis ». Dès lors, le juge de l’annulation aurait dû « seulement vérifier, au titre de la compétence ratione temporis, que le litige était né après l’entrée en vigueur du traité » [19].

Ainsi, selon la Cour, le champ d’application temporelle du TBI et la compétence ratione temporis du tribunal arbitral diffère, et seul le premier est concerné par l’article 12. L’appréciation de la portée de cette stipulation relève ainsi du fond du litige et échappe au contrôle du juge de l’annulation concernant la compétence arbitrale. Si la solution retenue, distinguant le cadre ratione temporis du TBI de celui de la compétence arbitrale, est nouvelle pour la Haute juridiction, elle avait déjà été adoptée auparavant par plusieurs tribunaux arbitraux [20]. La consécration d’une telle approche renforce les pouvoirs de l’arbitre et émancipe matériellement la clause d’arbitrage, dans son interprétation, du Traité qui la contient.

À retenir : le contrôle de la compétence arbitrale par le juge de l’annulation est exclusif de toute révision au fond de la sentence. La clause d’arbitrage insérée dans un TBI jouit d’une autonomie matérielle par rapport au traité qui la contient de sorte que la compétence ratione temporis du tribunal arbitral se distingue du champ d’application ratione temporis du Traité.

[1] 2 558 Accords Internationaux d’Investissement en vigueur en 2022 selon la CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde 2022, Réformes fiscales internationales et investissement durable, UNCTAD/WIR/2022 (Overview), CNUCED, 2022, p. 17-18 [en ligne].

[2] V. dans ce sens, A. de Nanteuil, Droit international de l’investissement, Pedone, 2020.

[3] PCA n° 2015-07, Aeroport Belbek LLC et al. c/ Russie ; PCA Case n° 2015-34, PJSC Ukrnafta c/ Russie ; PCA Case n° 2015-35, Stabil et al.  c/ Russie ; PCA Case n° 2015-36, Everest Estate et al.  c/ Russie ; PCA Case n° 2015-21, JSC CB PrivatBank c/ Russie ; PCA Case n° 2015-29, Lugzor et al.  c/ Russie ; PCA Case n° 2017-16, Naftogaz et al.  c/ Russie ; PJSC DTEK Krymenergo c/ Russie [en ligne] ; Oschadbank c/ Russie [en ligne].

[4] Le 18 mars 2014, la République de Crimée a été rattachée à la Fédération de Russie aux termes du traité conclu le même jour « portant acceptation de la République de Crimée au sein de la Fédération de Russie et la création de nouvelles parties constituantes au sein de la Fédération de Russie ».

[5] J. Braum, “Uncovered: Tribunal in Previously-Unseen Award against Russia Upheld Jurisdiction over Crimea-Related Claims, and Awarded over 1.3 Billion USD in Compensation”, IA Reporter, avril 2021.

[6] Agreement between the government of the Russian feferation and the cabinet of ministers of the Ukraine on the encouragement and mutual protection of investments [en ligne].

[7] Oschadbank c/ Russie, n° 2016-14.

[8] J. Braum, op. cit.

[9] R. Dolzer et C. Schreuer, Principles of International Investment Law, OUP, 2012, p. 76–77.

[10] V. not. sur ce thème, A. Kallergis, L’applicabilité des traités bilatéraux d’investissement dans les zones contestées, JDI, 2022.

[11] Sur la question, Marchenko, Protection of investments in international armed conflicts: a case for Donbas, Eur. Arb. Rev., 2019, 116.

[12] TBI Russie–Ukraine, art. 1(4) «Territory » shall denote the territory of the Russian Federation or the territory of Ukraine and also their respective exclusive economic zone and the continental shelf as defined in conformity with international law.

[13] Traité d’adhésion de la république de Crimée à la Russie du 18 mars 2014, traduction anglaise disponible [en ligne].

[14] CA Paris, 5-16, 30 mars 2021, n° 19/04161, § 33-34.

[15] « This Agreement shall apply to all investments made by the investors of one Contracting Party in the territory of the other Contracting Party as of 1 January 1992 ».

[16] CA Paris, 12 juillet 1984, Égypte c/ SPP, Rev. arb. 1986.75 ; Cass. civ. 1, 6 janvier 1987, n° 84-17.274, publié au bulletin N° Lexbase : A6185AAC ; Cass. civ. 1, 6 octobre 2010, n° 08-20.563, FS-P+B+I N° Lexbase : A2203GB9).

[17] J. Pellerin,  Rôles et fonctions de la cour d’appel, Rev. arb. 2018.42.

[18] § 10.

[19] § 13.

[20] ICSID Case n° ARB/03/3, du 22 avril 2005, Impregilo Spa c/ République islamique du Pakistan, § 309 ; ICSID Case n° ARB/03/28 du 1er février 2006, Duke Energy International Peru Investments N°.1, Ltd c/ Pérou, § 148 ; ICSID Case n° ARB/98/2, du 8 mai 2008, Pey Casado c/ Chili, § 428 ; voir M. Menard, Application ratione temporis de la protection des investissements et des investisseursin Droit international des investissements et de l’arbitrage transnational, sous la dir. de C. Leben, Pedone 2015, spéc. p. 201.

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Concurrence

[Brèves] Pratiques anticoncurrentielles : application aux relations entre un constructeur et son sous-traitant et précision relative à l’avantage sans contrepartie

Réf. : Cass. com., 11 janvier 2023, n° 21-11.163, FS-B N° Lexbase : A646687M

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N3990BZS

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par Vincent Téchené

Le 19 Janvier 2023

► Les relations de sous-traitance entrent dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-144, du 17 mars 2014, et ce texte n'édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du Code de la construction et de l'habitation, il s'applique aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants ;

En outre, l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage.

Faits et procédure. Le 24 juin 2013, la sous-traitante d’une société exerçant une activité de construction et de commercialisation de maisons individuelles a contesté la déduction d'une remise exceptionnelle de 2 % sur le prix appliqué par le constructeur sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Le 26 avril 2017, le ministre chargé de l'Économie a assigné le constructeur afin qu'il soit jugé que les pratiques consistant, d'une part, à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % au titre du CICE, d'autre part, à s'octroyer un escompte de 3 % pour des factures réglées en retard, contrevenaient aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce N° Lexbase : L8640IMX. Pour rappel ce texte réprime l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné qui se retrouve, depuis l’ordonnance n° 2019-359, du 24 avril 2019, à l’article L. 442-1, I, 1° N° Lexbase : L6216L8Q.

C’est dans ces conditions, d’une part, que le constructeur a formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir retenu que les dispositions du Code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence s'appliquent aux relations de sous-traitance.

D’autre part, le ministre de l’Économie reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté ses demandes tendant à juger que la pratique consistant à déduire des factures des sous-traitants une remise systématique de 2 % « au titre du CICE » contrevient aux dispositions de l'article L. 442-6, I.

Décision. La Cour de cassation approuve d’abord l'arrêt d’appel d’avoir retenu que les relations de sous-traitance entrent dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-144, du 17 mars 2014, et que ce texte n'édictant aucune règle incompatible avec les dispositions du Code de la construction et de l'habitation, il s'applique aux relations entre un constructeur de maison individuelle et ses sous-traitants.

Les dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence, qui correspondent à l’ancien article L. 442-6, sont désormais codifiées aux articles L. 442-1 à L. 442-4 du Code de commerce. Le champ d’application a été en outre élargi, puisque l‘article L. 442-1, I du Code de commerce vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » alors que le texte ancien visait « tout producteur, commerçant, industriel ». En outre, le nouvel article L. 442-1, I du Code de commerce supprime la notion de « partenaire commercial » pour lui substituer celle d’« autre partie », ce qui rend les dispositions du nouvel article L. 442-1, I applicables à toutes les relations professionnelles relevant du Code de commerce. La solution retenue par l’arrêt rapporté est donc confortée sous l’empire des textes actuels.

Ensuite, la Haute juridiction relève que, pour rejeter les demandes du ministre chargé de l'Économie, l'arrêt d’appel a retenu que lorsque le prix n'a pas fait l'objet d'une libre négociation, son contrôle judiciaire ne s'effectue pas en dehors d'un déséquilibre significatif, au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce et en déduit que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 1° du même code ne s'appliquent pas à la réduction de prix obtenue d'un partenaire commercial.

Mais, la Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, alors que l'application de l'article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage, la cour d'appel a violé ce texte.

La Cour de cassation consacre donc ici, pour la première fois à notre connaissance, l’application de la notion d’avantage manifestement disproportionné à une réduction de prix. Cette position est également celle de la CEPC qui avait été saisie pour avis dans le cadre de cette même affaire par le tribunal de commerce de Bordeaux. La Commission avait alors estimé que la déduction unilatérale d’une réduction de prix au titre du CICE, de même que l’obtention d’un escompte malgré le non-respect de ses conditions d’attribution, contreviennent aux dispositions de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce si la preuve de la soumission ou de la tentative de soumission  du partenaire commercial est rapportée (CEPC, avis n° 18-6, du 7 juin 2018 N° Lexbase : X7541CNM).

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Construction

[Brèves] La fin de la retenue de garantie de 5 %

Réf. : Cass. civ. 3, 11 janvier 2023, n° 21-11.053, FS-B N° Lexbase : A646487K

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 19 Janvier 2023

► La retenue de garantie a pour objet de protéger le maître d’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception ; la caution est libérée à l’expiration du délai d’une année à compter de la réception des travaux sauf si le maître d’ouvrage notifie, par LR/AR, son opposition motivée par l’inexécution des obligations de l’entrepreneur.

En application de l’article 1er de la loi n° 71-584, du 16 juillet 1971 N° Lexbase : Z80616RR, la retenue de garantie a pour objet de garantir l’exécution des travaux destinés à satisfaire les réserves faites à la réception. Par ailleurs, selon l’article 2 de cette même loi, la caution est libérée et la somme consignée remise à l’entrepreneur lorsque celui-ci a satisfait aux réserves et, de toutes façons, dans le délai d’un an à compter de la réception, qu’elle soit assortie de réserve ou non, sauf opposition du maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 15 avril 1980, n° 78-16.161, publié au bulletin N° Lexbase : A5521CHX). L’arrêt rapporté est l’occasion de revenir sur ces principes, qui posent d’importantes difficultés en pratique.

En l’espèce, à l’occasion d’un programme de construction de logements, une société civile de construction vente confie à une entreprise le lot plomberie sanitaire désenfumage. La banque délivre à l’entrepreneur un engagement de caution personnelle et solidaire au titre de la retenue de garantie de 5 % du marché de travaux, au bénéfice du maître d’ouvrage. L’entrepreneur est placé en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Le maître d’ouvrage résilie le contrat et convoque le liquidateur judiciaire à un constat de l’état des travaux exécutés. Après avoir mis en demeure la banque de lui verser une somme au titre de l’engagement de caution, le maître d’ouvrage lui notifie son opposition à la libération de la caution. Une décision de justice a fixé la date de réception. Il s’ensuit une autre procédure à l’encontre de la banque.

Aux termes d’un arrêt rendu le 19 novembre 2020, la cour d’appel de Caen déclare la demande du maître d’ouvrage contre la banque recevable et la condamne à lui payer une certaine somme au titre de son engagement de caution (CA Caen, 19 novembre 2020, n° 19/00613 N° Lexbase : A099537Y). Elle forme un pourvoi en cassation.

Elle articule, d’une part, que la retenue de garantie de 5 % à laquelle peut se substituer une caution personnelle et solidaire ne peut être utilisée que s’il y a réception des travaux. En l’espèce, il n’y aurait pas eu de réception amiable contradictoire, ce qui fait obstacle à l’application de ces dispositions.

Elle expose, d’autre part, qu’aucune opposition à la libération de la caution remplaçant la retenue de garantie de 5 % ne peut régulièrement intervenir avant que les travaux n’aient fait l’objet d’une réception amiable contradictoire ou qu’une réception judiciaire n’ait été fixée. En l’espèce, la position d’opposition du maître d’ouvrage est antérieure à la date de réception judiciaire.

Le pourvoi est rejeté. Par sa nouvelle technique de motivation enrichie, la Haute juridiction rappelle que l’article 2 de la loi précitée a pour objet de protéger le maître d’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée de réserves (Cass. civ. 3, 22 septembre 2004, n° 03-12.639, FS-P+B N° Lexbase : A4209DDA). Les juges du fond ont justement estimé que les conditions d’application de cet article, notamment quant à l’opposition du maître d’ouvrage s’apprécient le jour où le juge statue.

Cette position, in favorem pour le maître d’ouvrage, est assez critiquable en ce qu’elle laisse l’entreprise en risque sur 5 % de son marché pendant un an de façon quasi-systématique finalement.

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Électoral

[Brèves] Expression pluraliste des courants d'opinion : interdiction de diffuser certains courants de pensée uniquement la nuit !

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 13 janvier 2023, n° 462663, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A165688T

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N4032BZD

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par Yann Le Foll

Le 25 Janvier 2023

► Ne respecte pas le principe d’expression pluraliste des courants d'opinion une chaîne de télévision diffusant l'essentiel des interventions du Président de la République et d'un parti politique entre minuit et 6 heures du matin.

Principe. Si aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucune stipulation applicable aux services de radio et de télévision, ne précise expressément que le respect des obligations en matière d'expression pluraliste des courants d'opinion fixées par la délibération du CSA n° 2017-62, du 22 novembre 2017 N° Lexbase : X9549ATT, prise sur le fondement des articles 1 et 13 de la loi n° 86-1067, du 30 septembre 1986 N° Lexbase : L8240AGB, doit s'apprécier en tenant compte des heures de diffusion des émissions, il résulte de l'objet même de ces dispositions, qui tendent à ce que les différents courants d'opinion soient équitablement diffusés afin de concourir à la formation de l'opinion des téléspectateurs et de contribuer ainsi au débat et à l'expression démocratique, que les obligations qu'elles édictent ne sauraient être regardées comme respectées sans tenir compte des horaires et des conditions de diffusion de ces émissions

Rappel. Il a été jugé de l’absence de respect par TF1 de ses obligations de diffusion d'œuvres d'expression originale française et d'œuvres de provenance de la C.E.E en cas de diffusion massive de ces œuvres pendant la nuit (CE, 20 janvier 1989, n° 103063 N° Lexbase : A1563AQX).

Faits. Il ressort des relevés de temps de parole sur l'antenne du service CNEWS entre le 1er octobre et le 15 novembre 2021 (période pré-electorale) que, d'une part, 82 % des interventions du Président de la République, de ses collaborateurs et des membres du Gouvernement et, d'autre part, 53 % de celles des représentants de « La France Insoumise » ont été diffusées entre minuit et 5 heures 59, alors que ces intervenants sont sous-représentés par rapport aux autres partis et groupements politiques au sein des programmes diffusés en journée, avec des proportions respectives de 8,6 % et 3,7 % du temps total d'intervention entre 6 heures et minuit.

Décision. C’est donc sans commettre d'erreur de droit que le CSA a considéré que les obligations résultant de la loi du 30 septembre 1986 et de la délibération du 22 novembre 2017 ne pouvaient être respectées si les interventions, d'une part, du Président de la République, de ses collaborateurs et des membres du Gouvernement ou, d'autre part, des représentants d'un des partis et groupements politiques qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale, sont essentiellement diffusées au cours des programmes de nuit, à des heures où l'audience est très faible

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les élections présidentielles, L'accès aux médias audiovisuels des candidats à l'élection présidentielle, in Droit électoral, (dir G. Prunier), Lexbase N° Lexbase : E3710E9B.

newsid:484032

Entreprises en difficulté

[Brèves] Responsabilité pour insuffisance d’actif : computation du délai de prescription triennale

Réf. : Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-22.090, F-B N° Lexbase : A605888U

Lecture: 4 min

N4030BZB

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par Vincent Téchené

Le 25 Janvier 2023

► Il résulte des articles L. 651-2, alinéa 3, du Code de commerce, 2228 et 2229 du Code civil que le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ne peut être inclus dans la computation de ce délai, lequel expire trois ans après le jour suivant cette date.

Faits et procédure. Une société a été mise en liquidation judiciaire le 7 janvier 2016. Le 7 janvier 2019, le liquidateur a assigné le dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Arrêt d’appel. L’arrêt d’appel (CA Versailles, 6 juillet 2021, n° 21/00799 N° Lexbase : A40434ZR) a dit irrecevable comme prescrite la demande du liquidateur. Selon les juges du fond, le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire a été rendu le 7 janvier 2016 tandis que l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif a été délivrée à la demande du liquidateur le 7 janvier 2019 à 15 heures 37. Rappelant ensuite que les règles de computation des délais de procédure des articles 641 N° Lexbase : L6802H73 et 642 N° Lexbase : L6803H74 du Code de procédure civile sont sans application en matière de prescription et, qu'en droit commun, le jour au cours duquel se produit l'événement qui fait courir le délai ne compte pas dans celui-ci, l'arrêt retient qu'en droit des procédures collectives, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif a un régime juridique spécifique, et que le point de départ de son délai de prescription, dérogatoire au droit commun, fixé à l'article L. 651-2, alinéa 3 du Code de commerce N° Lexbase : L3704MBS qui est d'ordre public, est le jour du jugement de la liquidation judiciaire, de sorte que la prescription étant acquise le dernier jour du terme à minuit, l'action engagée après le 6 janvier 2019 à 24 heures était prescrite.

Le liquidateur judiciaire a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 651-2, alinéa 3, du Code de commerce, et 2228 N° Lexbase : L7213IAE et 2229 N° Lexbase : L7214IAG du Code civil.

Selon le premier de ces textes, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. Par ailleurs, aux termes du deuxième, la prescription se compte par jours, et non par heures. Enfin, aux termes du troisième, elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

La Cour de cassation en déduit que le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, ne peut être inclus dans la computation de ce délai, lequel expire trois ans après le jour suivant cette date.

Par conséquent, elle en conclut que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, soit le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, le 7 janvier 2016, ne pouvait être inclus dans la computation de ce délai, de sorte que l'action engagée le 7 janvier 2019, dans le délai de trois ans de l'article L. 651-2, alinéa 3, n'était pas prescrite.  

Observations. On rappellera que la Cour de cassation a déjà précisé que la prescription court dès la date du jugement prononçant la liquidation de la personne morale et non pas à compter du jour où cette décision est passée en force de chose jugée (Cass. com., 13 mai 2003, n° 00-16.247, FS-P+B N° Lexbase : A0116B7G ; Cass. com., 30 janvier 2007, n° 05-12.895, F-D N° Lexbase : A7792DTR). Par ailleurs, elle court sans considération de la date de commission des fautes de gestion reprochées au dirigeant poursuivi (Cass. com., 8 avril 2015, n° 13-28.512, F-P+B N° Lexbase : A5120NGQ). Notons enfin que l'action en paiement de l'insuffisance d'actif engagée dans le délai légal contre un dirigeant n'interrompt pas la prescription à l'égard des autres dirigeants, qu'ils soient de droit ou de fait (Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-16.693, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A2128DSM).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, La prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0844E97.

 

newsid:484030

Licenciement

[Brèves] Licenciement du salarié absent pour maladie en cas de perturbation du fonctionnement de l’entreprise et de nécessité de pourvoir son remplacement définitif

Réf. : Cass. soc., 14 décembre 2022, n°21-19.577, F-D N° Lexbase : A94928ZL

Lecture: 3 min

N3994BZX

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par Lisa Poinsot

Le 19 Janvier 2023

Est admis le licenciement motivé par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Faits et procédure. Une salariée, placée en arrêt de travail pour maladie pendant plusieurs mois, est licenciée pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Elle saisit la juridiction prud’homale d’une demande de nullité de son licenciement.

Dans un premier temps, la cour d’appel (CA Poitiers, 9 juillet 2020, n° 18/03262 N° Lexbase : A16703RB) soutient qu’au regard de l’article 83-1 de la Convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2022 N° Lexbase : X8367APL, applicable en l’espèce, les absences en raison d’arrêt de travail pour maladie constituent une simple suspension du contrat de travail pour une période garantie de cent quatre-vingt jours calendaires sur une période de douze mois consécutifs. Elle retient donc que le délai de douze mois consécutifs concerne l’appréciation des dix-huit jours calendaires d’absence et non le terme de la garantie de simple suspension du contrat de travail sans possibilité de licenciement.

Ce texte conventionnel interdit à l’employeur de licencier un salarié dont les absences répétées, sur les douze mois précédents, n’ont pas atteint cent quatre-vingt jours calendaires.

Elle considère donc le licenciement est fondé.

Dans un second temps, les juges du fond retiennent que la salariée ne conteste pas les perturbations de service résultant de son absence. Ils admettent que l’employeur justifie du recrutement d’une salariée l’ayant effectivement remplacée, qui a été précédemment embauchée par CDD pour remplacement. Ils soulèvent que le délai écoulé entre le licenciement et la prise d’effet d’un CDI succédant à un CDD est inopérant pour écarter la réalité d’un remplacement définitif de la salariée.

En conséquence, les juges du fond déboutent la salariée de sa demande tendant à voir dire son licenciement nul.

La salariée forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel, mais uniquement en ce qui concerne la validité du licenciement.

En application de l’article L. 1132-1 du Code du travail N° Lexbase : L0918MCY, un salarié ne peut pas être licencié en raison de son état de santé.

Toutefois, son licenciement est admis dès lors que l’employeur apporte la preuve de :

  • la désorganisation de l’entreprise causée par l’absence du salarié ;
  • la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent par la conclusion d’un CDI avec un nouveau salarié (v. Cass. soc., 26 septembre 2007, n° 06-43.029, F-D N° Lexbase : A5927DY8).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, La nécessité de remplacer le salarié absent pour maladie, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E6032XZG.

 

newsid:483994

Marchés publics

[Brèves] Renouvellement d’un MP : l’ancien titulaire doit fournir les informations relatives à l’évolution de la masse salariale aux nouveaux candidats !

Réf. : Cass. com., 11 janvier 2023, n° 20-13.967, F-B N° Lexbase : A646087E

Lecture: 1 min

N3998BZ4

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par Yann Le Foll

Le 19 Janvier 2023

► L’évolution de la masse salariale est une information essentielle devant être fournie par le titulaire d’un marché aux nouveaux attributaires d’un marché public en cours de renouvellement.

Principe. Le titulaire d'un marché, soumis à un appel d'offres en vue de son renouvellement et dont les contrats de travail liés à la réalisation de ce marché doivent être repris par l'attributaire, commet une faute en ne communiquant pas une information, telle que les évolutions prévues de la masse salariale concernée par l'obligation de reprise du personnel, essentielle à l'élaboration de leurs offres par les candidats et qu'il est seul à connaître, faisant ainsi obstacle au respect des règles de publicité et de mise en concurrence.

En cause d’appel. L'arrêt attaqué (CA Paris, 5-4, 5 février 2020, n° 18/18085 N° Lexbase : A06393EE, infirmant T. com. Paris, 18 juin 2018, aff. n° 2015054256 N° Lexbase : A48353HK) a déduit qu'il ne peut être retenu que les titulaires sortants des marchés avaient l'obligation d'informer spontanément le pouvoir adjudicateur des évolutions possibles de la masse salariale, quand bien même auraient-ils été les seuls à détenir cette information en vertu de leur pouvoir de direction.

Décision CCass. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe précité et l'article 1382, devenu 1240, du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9 selon lequel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La passation du marché public, La phase de sélection des candidatures : le contenu des candidatures, in Marchés publics, (dir. N. Lafay, E. Grelczyk), Lexbase N° Lexbase : E2509ZLI.

newsid:483998

Procédure prud'homale

[Brèves] Office du juge d'appel en cas de défaut de comparution de l'employeur dans le cadre du contrôle du respect de son obligation de sécurité

Réf. : Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-23.796, F-B N° Lexbase : A6067889

Lecture: 2 min

N4035BZH

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par Charlotte Moronval

Le 25 Janvier 2023

► S’il appartient à l'employeur de justifier du respect de son obligation de prévention du harcèlement sexuel, son absence de comparution devant la cour d'appel ne dispense pas cette juridiction d'examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour juger que l'employeur avait satisfait à son obligation de prévention.

Faits et procédure. Une salariée victime de harcèlement sexuel saisit la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le conseil de prud’hommes déboute la salariée de sa demande. La cour d’appel décide à l’inverse de condamner l’employeur à verser à la salariée des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité. Elle retient notamment que l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier qu'il a pris une quelconque mesure nécessaire pour mettre un terme à la situation de harcèlement avérée subie par l'intéressée, alors qu'il en avait connaissance et que cette situation était à l'origine de la dégradation de l'état de santé de cette dernière.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 472 N° Lexbase : L6584H7Y et 954, dernier alinéa N° Lexbase : L7253LED, du Code de procédure civile.

Elle reproche à la cour d’appel d’avoir statué comme elle l’a fait, sans examiner les motifs du jugement qui avait retenu que les débats et les pièces versées démontrent que la société a cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès qu'elle a été mise au courant de la situation de harcèlement sexuel alléguée, qu'elle a informé l'inspection du travail et qu'elle a donc effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité.

Pour aller plus loin : v. également Cass. civ. 2, 25 novembre 2021, n° 20-13.780, F-D N° Lexbase : A50877DR

newsid:484035

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