La lettre juridique n°924 du 17 novembre 2022 : Formation professionnelle

[Pratique professionnelle] L’entretien d’évaluation : atouts et points de vigilance

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par Marie-Laurence Boulanger, Avocat associé et Maud Wintrebert, Avocat, cabinet Fromont Briens

le 16 Janvier 2023

Mots-clés : entretien • évaluation • critères d’évaluation • méthodes d’évaluation • atouts de l’entretien d’évaluation • RGPD et évaluation • entretien et risques psychosociaux • évaluation et CSE • salariés protégés et évaluation • compte rendu d’évaluation

En dépit des vives critiques qu’il a pu essuyer et bien que quelques grands groupes internationaux l’aient abandonné au profit de méthodes considérées comme plus fluides (Feedbacks réguliers, évaluation par projet…), l’entretien d’évaluation professionnelle demeure une pratique toujours très répandue à ce jour.


Entre outil de management incontournable pour les uns, étape désuète pour les autres, mais toujours incontestablement ancrée au sein de la majeure partie des entreprises, comment le pratiquer en toute vigilance et l’utiliser au mieux de ses atouts ?

I. L’entretien d’évaluation est-il obligatoire ?

Principe : aucun texte légal ne prévoit l’obligation pour l’employeur d’organiser un entretien d’évaluation.

Facultatif, il s’agit d’un droit reconnu de l’employeur d’évaluer ses salariés en vertu de son pouvoir de direction.

Exception : l’organisation d’un entretien d’évaluation peut être rendue obligatoire lorsqu’un accord collectif (de branche ou d’entreprise) l’impose ou lorsqu’il existe un « usage » ou une décision unilatérale en la matière non dénoncé.

À titre d’illustration, la Convention collective nationale de la banque N° Lexbase : X8100APP, la Convention collective nationale des agences de voyages et du tourisme N° Lexbase : X8249AP9 ou encore celle du Notariat N° Lexbase : X8396APN prévoient une telle obligation pour l’employeur.

Ainsi, avant toute chose, dès lors qu’il est abordé la question de l’entretien d’évaluation professionnelle, il convient de vérifier l’existence de dispositions conventionnelles applicables et d’auditer les pratiques existantes au sein de l'entreprise en la matière.

🔎 Le saviez-vous ?

Il est possible, selon nous, de réserver l’entretien à une certaine catégorie de salariés, sous réserve de pouvoir justifier cette différence de traitement par des raisons objectives et pertinentes.

Lorsqu’il est institué, l’entretien d’évaluation s’impose au salarié concerné, sous peine de sanction disciplinaire (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-42.368, F-D N° Lexbase : A1175AZK), lequel doit « répondre de bonne foi aux questions posées » (C. trav., art. L. 1222-2 N° Lexbase : L0809H9T).

II. L’évaluation professionnelle est-elle recommandée ?

L’évaluation des salariés apparait indispensable à plusieurs égards.

Elle contribue :

  • au respect par l’employeur de son obligation générale d’adaptation des salariés à leur poste de travail et au maintien de leurs capacités à occuper leur emploi [1] ;
  • au respect par l’employeur de son obligation générale de prévention des risques psychosociaux au sein de l'entreprise [2] : éviter les situations d’isolement, moment d’échange privilégié consacré au salarié, reconnaissance du travail accompli, dialogue sur les objectifs fixés...

Elle permet également de justifier et d’objectiver des choix en termes de formation, de rémunération ou d’avancement professionnel et constitue une pièce maîtresse dans le cadre des éventuelles discussions ou des éventuels litiges relatifs à des problématiques de discrimination ou d’égalité de traitement [3].

Elle est, enfin, souvent incontournable dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle ou à la définition, le cas échéant, de critères d’ordre en matière de licenciement économique [4].

III. Quel est l’objet de l’entretien d’évaluation professionnelle ?

Méthode parmi d’autres d’évaluation des salariés, il prend la forme d’un échange contradictoire entre le salarié concerné et son supérieur hiérarchique.

Il s’agit d’un bilan sur une période déterminée, usuellement annuelle, lequel doit porter sur l’appréciation des seules capacités professionnelles du salarié et l’atteinte des éventuels objectifs fixés.

⚠️ Attention de ne pas le confondre avec :

  • l’entretien professionnel : à réaliser, sauf accord collectif, obligatoirement tous les 2 ans ou après une absence longue durée (congé maternité, congé parental, congé d’adoption, congé sabbatique…) et portant spécifiquement sur les perspectives d’évolution professionnelle notamment en termes de qualification et d’emploi ;
  • l’entretien de bilan état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié, lequel intervient tous les 6 ans et permet de vérifier que le salarié concerné a suivi une formation, acquis des éléments de certification ou une validation des acquis de l’expérience, et bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle ;

Ces deux entretiens sont imposés par la loi (C. trav., art. L. 6315-1 N° Lexbase : L7678LQG) et leur absence sanctionnée dans les entreprises d’au moins 50 salariés (la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, instituant l’obligation de mener un entretien professionnel N° Lexbase : L6066IZP, est entrée en vigueur le 7 mars 2014).

  • l’entretien portant sur la charge et l’organisation du travail, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié en forfait jours (C. trav., art. L. 3121-65 N° Lexbase : L7343LHG) ;
  • l’entretien relatif à la régulation de la charge de travail des salariés en télétravail (C. trav., art. L. 1222-10, 3° N° Lexbase : L8105LGB).

Les juridictions veillent régulièrement, en cas de contentieux, à ce que l’employeur respecte distinctement ses obligations en matière d’entretiens (CA Bourges, 19 novembre 2021, n° 21/00002 N° Lexbase : A35427C8 ; CA Amiens, 14 décembre 2021, n° 21/01127 N° Lexbase : A05637GX).

Aussi, si l’entretien d’évaluation peut être l’occasion d’aborder la question de la charge de travail du salarié et de son équilibre vie professionnelle/ vie privée ou encore ses attentes en matière de formation, il ne saurait suppléer l’entretien obligatoire en matière de suivi des salariés en forfait-jours ni l’entretien professionnel.

Rien n’empêche, toutefois, l’employeur d’organiser, dans un souci de rationalisation des coûts, des entretiens spécifiques durant la même journée ou à la suite, dès lors qu’ils font l’objet de moments et procédures/supports distincts.

IV. Existe-t-il des conditions de validité de l’entretien d’évaluation professionnelle ?

Les informations demandées à un salarié ne peuvent avoir pour finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles.

Les évaluateurs doivent ainsi s’interdire de collecter des informations dépourvues de tout lien direct et nécessaire avec l’emploi occupé par le salarié [5].

Les critères d’évaluation se doivent d’être :

    L’entretien d’évaluation ne doit ainsi nullement aborder la sphère personnelle du salarié.

    Également, il convient d'être vigilant quant aux critères d’évaluation comportementale.

    Si les juges du fond admettent leur principe, ils les encadrent toutefois très strictement. Ils doivent être ainsi limités à des catégories de salariés pour lesquels le comportement professionnel fait partie des qualités professionnelles ; être exclusivement en lien avec le travail et cibler une action concrète ; être suffisamment précis.

    Il peut s’agir, notamment, de l’organisation, du sens de l’animation d’équipe, de la créativité, du sens du relationnel.

    Exemples : ont été jugés trop imprécis ou rejaillissant sur la sphère personnelle, les critères : « agir avec courage », « faire preuve d’optimisme » (CA Toulouse, 21 septembre 2011, n° 11/00604 N° Lexbase : A9463HXR), « les notions de bon sens », « d’optimisme », « d’honnêteté » (CA Rennes, 2 juin 2022, n° 21/05292 N° Lexbase : A835874C).

    Par ailleurs, le critère de la transparence implique que les salariés soient préalablement informés des techniques et des méthodes d’évaluations retenues [6].

    V. Comment appréhender l’entretien d’évaluation professionnelle au regard de la gestion des risques psychosociaux ?

    Si l’entretien d’évaluation professionnelle fait partie intégrante des mesures préventives des risques psychosociaux dans l'entreprise, c’est à la condition qu’il soit :

    • préparé en amont ;
    • réalisé de manière contradictoire et constructive ;
    • conduit dans l’écoute et dans des termes choisis et mesurés.

    Il est d’évidence qu’aucun propos injurieux, insultant ou discriminatoire ne saurait y être employé.

    Par ailleurs, rappelons que le terme « évaluer » signifie dans le langage courant « porter un jugement sur la valeur… ».

    Aussi, l’évaluation du salarié peut être source de stress et d’appréhension, d’autant qu’elle est susceptible d’être invoquée à l’appui d’une décision de la Direction en matière de progression salariale ou professionnelle.

    L’employeur doit ainsi veiller à ce que l’entretien ne soit pas, à l’inverse, une source démesurée de tensions pour les salariés ni facteurs de risque, étant tenu à l’égard de son personnel, à une obligation de sécurité [7].

    🔎 Le saviez-vous ?

    Il a été jugé que constituait un accident du travail la dépression nerveuse d’un salarié, apparue soudainement, deux jours suivant la tenue d’un entretien annuel d’évaluation, au cours duquel son supérieur hiérarchique lui avait fait part de son insatisfaction et de sa future rétrogradation (Cass. civ. 2, 1er juillet 2003, n° 02-30.576, FS-P N° Lexbase : A0610C9H).

    Également, même si le salarié souffrait d’un état pathologique antérieur, le malaise survenu au cours d’un entretien avec son supérieur hiérarchique a été qualifié d’accident du travail jusqu’à preuve contraire (Cass. civ. 2, 4 mai 2017, n° 15-29.411, F-D N° Lexbase : A9485WBW).

    Il en est de même d’un « choc psychologique » à la suite d’un entretien d’évaluation (CA Versailles, 13 janvier 2022, n° 19/01925 N° Lexbase : A21537IL).

    La formation régulière des managers en la matière, comprenant le rappel des fondamentaux de la tenue d’un entretien d’évaluation et de ses suites, apparait ainsi indispensable. Elle permettra, en cas d’éventuelle mise en cause de la responsabilité de l’employeur, de démontrer la prise en compte de ce facteur de risque et la mise en œuvre des moyens de prévention destinés à éviter sa survenance.

    🔎 Le saviez-vous ?

    Les résultats de l’évaluation se doivent, naturellement, de rester confidentiels et ne peuvent être communiqués auprès des collègues de travail.

    S’ils peuvent faire l’objet de traitements ultérieurs et être complétés par une autre méthode d’évaluation, une comparaison des résultats au regard des meilleurs salariés est à bannir, seule une comparaison à une éventuelle médiane est admise par les juridictions.

    VI. Doit-on porter une vigilance particulière à l’égard des salariés protégés ?

    Il convient, effectivement, de faire preuve d’une vigilance accrue en matière d’évaluation des salariés protégés, laquelle s’avère plus délicate que celle des autres salariés.

    Pour rappel, le Code du travail prohibe toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’appartenance à un syndicat, l’exercice de l’activité syndicale ou représentative d’un salarié [8].

    De même, au-delà des dispositions légales existantes, depuis le 1er septembre 2022 [9], l’article L. 1132-1 du Code du travail N° Lexbase : L0918MCY prévoit expressément l’impossibilité pour l’employeur de prendre en compte les activités syndicales ou électives pour l’évaluation de la performance des salariés.

    Il est ainsi impératif de veiller à ne faire aucune référence au mandat exercé par le salarié (même à titre descriptif ou implicitement) ni à son incidence sur l’activité professionnelle de celui-ci.

    Il en découle :

    • une interdiction d’évoquer les activités syndicales ou représentatives lors de l’évaluation ;
    • une interdiction de prendre en compte les absences du salarié.

    Sont, par conséquent, à bannir les références à une disponibilité réduite, à l’absence de prise en charge de toutes les activités liées à son poste de travail, à la difficulté de gérer son emploi du temps en conséquence de l’exercice d’une activité syndicale [10].

    Exemples : 

    • Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 18-16.730, F-D N° Lexbase : A59393CX : il a été jugé que la mention dans le compte rendu d’évaluation d’une « bonne implication dans la vie de l’usine, mais souvent au détriment de son poste de tourneur » s’assimile à une allusion implicite et discriminatoire aux activités syndicales du salarié ;
    • CA Versailles, 25 septembre 2019, n° 17/00255 N° Lexbase : A6521ZP9 : les remarques négatives lors de l’évaluation professionnelle, telles que « nombre d’heures importantes de délégation suite à ses mandats » ; « impression de ne pas mettre les bonnes priorités » ; « déséquilibre entre présence terrain et les mandats » ont été jugées comme discriminatoires ; 
    • Cass. soc., 12 juillet 2022 n° 20-23.290, F-D N° Lexbase : A56798BX : il en est de même du seul rappel de l’accession à des mandats électifs. 

      🔎 Le saviez-vous ?

      Le meilleur moyen de sécuriser l’évaluation des salariés mandatés est la conclusion d’un accord collectif déterminant les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie professionnelle et la carrière syndicale ou élective (C. trav., art. L. 2141-5, al. 2 N° Lexbase : L2652LI3 et Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 18-13.529, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6603ZQM) ou de les intégrer dans l’accord GPEC (entreprises de + de 300 salariés).

      S’agissant des représentants « 100 % », dont le temps de travail peut être intégralement consacré à l’exercice de leur mandat, il est impératif de ne pas les écarter du process d’évaluation sous peine de pratique discriminatoire et de confier l’évaluation au DRH de l’entreprise.

      VII. Comment mettre en œuvre, pour la première fois, l’entretien d’évaluation professionnelle ou opérer un changement significatif de méthodes d’évaluation ?

      La mise en œuvre de l’entretien d’évaluation professionnelle ou la modification des méthodes d’évaluation suppose l’information/consultation préalable du CSE au titre de ses attributions générales dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Il s’agit, en effet, d’un dispositif relatif aux conditions d’emploi [11] et portant sur un moyen de contrôle de l’activité des salariés [12].

      À défaut, l’employeur s’expose à un risque de délit d’entrave et une action en justice en référé aux fins de suspension du dispositif d’évaluation des salariés jusqu’à la consultation de l’instance (Cass. soc., 28 novembre 2007 n° 06-21.964, FS-P+B+R N° Lexbase : A9461DZG).

      En outre, les données issues du dispositif sont inopposables au salarié (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-43.866, FS-P+B N° Lexbase : A8544DP7 ; Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-11.792, FS-P+B N° Lexbase : A1613Z8A).

      Une fois la procédure d’information/consultation du CSE menée, les salariés de l’entreprise doivent être informés préalablement du principe et des modalités de l’évaluation professionnelle. Il est recommandé à cet égard une information individuelle. Aucune forme n’est imposée, mais un écrit est là encore vivement conseillé à des fins probatoires (une note insérée dans les bulletins de salaire, remise en main propre contre décharge, courriel électronique…).

      🔎 Le saviez-vous ?

      Le recours par le CSE à un expert est possible dans les entreprises de plus de 50 salariés si le dispositif d’évaluation projeté entraine d’importantes modifications des conditions de travail des salariés (CA Versailles, 8 septembre 2010, n° 10/02253 N° Lexbase : A0204E9G ; CA Paris, 16 janvier 2012, n° 11/12996 N° Lexbase : A6771IAZ).

      Un avis négatif du CSE ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre du processus d’évaluation.

      Il expose toutefois l’employeur à un risque de présomption de faute inexcusable en cas d’accident du travail consécutif à une méthode d’évaluation jugée comme illicite par le CSE ou à l’égard de laquelle il s’est opposé en raison des risques psychosociaux engendrés.

      VIII. Les procédures d’information préalables respectées, existe-t-il un formalisme particulier à l’égard du salarié ?

      Aucune procédure particulière ni formalisme n’est prévu par la loi, sauf dispositions conventionnelles contraires.

      L’employeur demeure libre dans ses modalités d'organisation (physique ou visio conférence) et sa fréquence.

      Pour des questions probatoires, il est toutefois, recommandé d’adresser au salarié une convocation écrite avec un formulaire « support » adapté à ses fonctions et responsabilités, énonçant les différentes thématiques évoquées, dans un temps suffisamment lointain afin de lui permettre une préparation sérieuse et loyale.

      IX. Un compte rendu d’évaluation est-il nécessaire ?

      Le compte rendu d’évaluation n’est également nullement obligatoire, mais vivement préconisé.

      Il permet de tracer l’échange intervenu et de disposer d’éléments matériellement vérifiables aux fins d’asseoir des décisions d’individualisation de la rémunération et en cas d’éventuel litige.

      Il est, naturellement, d’autant plus probant s’il est revêtu de la signature du salarié. Rappelons à cet égard que le salarié n’a nullement l’obligation de le signer (CA Chambéry, 19 janvier 2010, n° 09/01180 N° Lexbase : A8137EZE ; CA Versailles, 9 octobre 2008, n° 07/03427 N° Lexbase : A3560ERB et CA Paris, 8 février 2011, n° 08/10559 N° Lexbase : A9563GW4). 

      À l’instar du déroulement de l’échange, prudence dans la rédaction du compte rendu :

      • veiller à l’exactitude de la mention du libellé de poste et de l’éventuel secteur géographique, hiérarchique du salarié concerné ;
      • éviter toute rédaction pouvant être jugée offensante, subjective ou discriminatoire ;
      • retranscrire de manière fidèle la réalité de la situation ;
      • proscrire les excès d’optimisme au motif de ne pas vouloir démotiver le salarié, à défaut ensuite de ne plus pouvoir invoquer légitimement des éventuelles défaillances ou insuffisances à l’appui d’une mesure de licenciement. Le compte rendu peut, en effet, être utilisé, tant par le salarié que par l’employeur, à l’appui d’un litige (CA Dijon, 3 mars 2022, n° 20/00115 N° Lexbase : A42537P9) ;
      • attention, à l’inverse, en cas de pointements des carences du salarié éventuelles, de ne pas basculer dans le ton comminatoire, sous peine de se voir reprocher une sanction notifiée.

      L’employeur ne pouvant sanctionner deux fois le même fait, il sera ensuite dans l’impossibilité de prononcer une sanction ou mesure disciplinaire si le compte rendu est analysé comme une sanction ayant épuisé le pouvoir disciplinaire.

      Ainsi, très récemment, la Cour de cassation a rappelé que la frontière avec le disciplinaire pouvait être vite franchie. Elle a ainsi considéré qu’un compte rendu d’évaluation constituait une sanction dans la mesure où il faisait état non seulement de griefs et d’insuffisances, mais invitait le salarié « de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total ». Pour la Cour, l’intention de sanctionner était établie par la mise en demeure du salarié contenue de redresser son comportement (Cass. soc., 2 février 2022, n° 20-13.833, F-D N° Lexbase : A52477LW).

      X. L’entretien d’évaluation et le RGPD ?

      Le compte rendu d’entretien d’évaluation professionnelle contient, par essence, des données à caractère personnel. Il constitue un traitement de telles données soumis au RGPD dès lors qu’il est automatisé, systématique ou appelé à figurer dans un fichier informatique.

      En application du RGPD [13], il convient ainsi notamment de respecter les principes suivants :

      • minimisation des données : ne mentionner que les informations « adéquates pertinentes et non excessives au regard de la finalité du traitement » selon la CNIL ;
      Aussi, sont à proscrire les mentions suivantes : numéro de sécurité sociale, date de naissance, adresse du salarié, statut marital…
      • réduire les personnes susceptibles de consulter le compte rendu : seules les personnes habilitées au titre de leurs missions ou fonctions doivent pouvoir accéder aux données d’évaluation ;
      • informer le salarié de son droit d’accéder à ce compte-rendu : en cas de demande, il doit lui être adressé une copie intégrale dans « les meilleurs délais » sans dépasser un délai d’un mois [14].

      Cette information peut être judicieusement insérée dans le compte rendu dans un encart particulier rappelant les droits issus du RGPD et de la loi « Informatique et Libertés » ;

      • veiller à respecter la durée de conservation préconisée par la CNIL : période d’emploi de la personne concernée et archivage en « base intermédiaire » dans la limite de la prescription afin de se prémunir contre une éventuelle action en justice d’un ancien salarié [15]

      Alors prêts à évaluer ?


      [1] C. trav., art. L. 6321-1 N° Lexbase : L9898LL8.

      [2] C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY.

      [3] C. trav., art. L. 1133-1 N° Lexbase : L8177LQW.

      [4] CA Lyon, 4 juillet 2019, n° 18/01820 N° Lexbase : A1167ZI3.

      [5] C. trav., art. L. 1222-2 N° Lexbase : L0809H9T

      [6] C. trav., art. L. 1222-3 N° Lexbase : L0811H9W et art. L. 1222-4 N° Lexbase : L0814H9Z.

      [7] C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY.

      [8] C. trav., art. L. 1132-1 N° Lexbase : L0918MCY et art. L. 2141-5 N° Lexbase : L2652LI3.

      [9] Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte N° Lexbase : L0484MCW.

      [10] CA Bordeaux, 1er juillet 2008, n° 07/03513 N° Lexbase : A1002EDH ; Cass. soc., 11 janvier 2012, n° 10-16.655, FS-P N° Lexbase : A5266IAB ; Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 08-40.988, FS-P+B N° Lexbase : A6023EIW.

      [11] C. trav., art. L. 2312-8 N° Lexbase : L6660L7S.

      [12] C. trav., art. L.2312-38, al. 3 N° Lexbase : L8271LGG.

      [13] Règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE N° Lexbase : L0189K8I.

      [14] Règlement (UE) n° 2016/679, précité, art. 12.

      [15] Délibération de la Cnil n° 2019-160 du 21 novembre 2019, portant adoption d’un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre aux fins de gestion du personnel, art. 7 N° Lexbase : Z985809S.

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