Jurisprudence : CA Rennes, 02-06-2022, n° 21/05292, Confirmation


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°341/2022



N° RG 21/05292 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RX5W













S.N.C. SOCIETE LAITIERE DE VITRE



C/



M. [Aa] [S]

Syndicat SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE CFDT D'ILLE ET VI LAINE

























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2022






COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Ab A, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 25 Avril 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****






APPELANTE :



S.N.C. SOCIETE LAITIERE DE VITRE

Les Guichardières

35500 VITRE



Représentée par Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Florence MILAN de la SCP CAPSTAN SUD-OUEST, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Benoît CHARIOU, avocat au barreau de NANTES







INTIMÉS :



Monsieur [Aa] [S]

né le … … … à … (…)

… … … …

… … …



Représenté par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Simon BRIAUD, avocat au barreau de RENNES









Syndicat SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE CFDT D'ILLE ET VILAINE

10 Boulevard du Portugal CS10811

35208 RENNES CEDEX 2



Représentée par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Simon BRIAUD, avocat au barreau de RENNES



***

RAPPEL DE LA PROCEDURE



Par un jugement du 28 mai 2018, dans le cadre d'une procédure sur assignation à jour fixe, le tribunal de grande instance de Rennes a :



-Dit M. [Aa] [S] irrecevable en son action,

-Rejeté l'exception de nullité de la requête aux fins d'être autorisé à assigner et de l'acte introductif d'instance, soulevée par la SNC LAITIERE DE VITRE,

-Dit que la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel a été respectée,

-Dit que la procédure d'évaluation EDI des salariés de la SNC LAITIERE DE VITRE mise en œuvre en début d'année 2017, et à la fin 2017 après modification, est illicite,

-Interdit à la SNC LAITIERE DE VITRE d'utiliser le dispositif d'évaluation EDI mis en œuvre à compter de la fin janvier 2017 et modifié fin 2017,

-Débouté la SGA CFDT 35 de sa demande aux fins de voir annuler les évaluations déjà réalisées au sein de la SNC LAITIERE DE VITRE sur la base du dispositif EDI,

-Condamné la SNC LAITIERE DE VITRE à payer au SGA CFDT 35 la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-Débouté la SNC LAITIERE DE VITRE de sa demande au titre des frais irrépétibles,

-Condamné la SNC LAITIERE DE VITRE aux dépens,

-Ordonné l'exécution provisoire.



Sur un appel interjeté à l'initiative de la SNC LAITIERE DE VITRE le 26 juin 2018, par un arrêt du 11 octobre 2019, la cour de Rennes (8ème chambre) a :

'Confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit M. [Aa] [S] irrecevable en son action.

'Infirmé le jugement précité en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe et de l'assignation du 19 décembre 2017.

'Statuant à nouveau,

-déclaré irrecevable l'action du syndicat général agroalimentaire CFDT d'Ille-et-Vilaine.

'Y ajoutant,

-dit n'y avoir lieu d'examiner les demandes au fond,

-condamné le syndicat général agroalimentaire CFDT d'Ille-et-Vilaine et M. [Aa] [S] aux entiers dépens,

-dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Sur un pourvoi formé par M. [Aa] [S] et le syndicat général agroalimentaire CFDT d'Ille-et-Vilaine (SGA CFDT 35), la Cour de cassation, par un arrêt du 5 avril 2021, a censuré en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Rennes (8ème chambre) du 11 octobre 2019 avec renvoi devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.



Par une déclaration reçue au greffe de la cour le 17 juin 2021, dans le respect du délai de deux mois de l'article 1034 du code de procédure civile, la SNC LAITIERE DE VITRE a saisi la cour d'appel de Rennes en tant que cour de renvoi.

Un avis de fixation à bref délai rectifié, au visa des articles 904-1 et 1037-1 du code de procédure civile, a été notifié aux parties le 1er septembre 2021 pour une audience de fond prévue le 29 mars 2022.



Dans ses dernières conclusions récapitulatives n° 2 reçues au greffe de la cour le 11 mars 2022 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens, la SNC LAITIERE DE VITRE sollicite de la cour :



-L'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe et de l'acte introductif d'instance, dit que le dispositif d'évaluation mis en œuvre au début et à la fin de l'année 2017 après modification est illicite, interdit sa mise en œuvre à compter de la fin janvier 2017 et modifié fin 2017, et en ce qu'il l'a condamnée à payer au SGA CFDT 35 la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

-Statuant à nouveau, de :

'déclarer irrecevable l'action introduite par le SGA CFDT 35,

'débouter le SGA CFDT 35 de toutes ses demandes,

'condamner solidairement le SGA CFDT 35 et M. [Aa] [S] à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.



Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées par le RPVA le 14 février 2022 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [Aa] [S] et le SGA CFDT 35 demandent à la cour :

-D'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. [Aa] [S] irrecevable en son action et, statuant à nouveau, de le dire recevable.

-De le confirmer en ce qu'il a dit que la procédure d'évaluation EDI des salariés de la SNC LAITIERE DE VITRE mise en œuvre au début et à la fin de l'année 2017 après modification est illicite, interdit à la SNC LAITIERE DE VITRE d'avoir recours à ce dispositif d'évaluation EDI mis en œuvre à compter de la fin janvier 2017 et modifié fin 2017, et condamné la SNC LAITIERE DE VITRE à payer au SGA CFDT 35 la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Y ajoutant et statuant à nouveau, de :

'donner acte à la SNC LAITIERE DE VITRE qu'elle sollicite la confirmation dudit jugement,

'condamner la SNC LAITIERE DE VITRE à payer à M. [Aa] [S] ainsi qu'au SGA CFDT 35 la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés dans cette procédure de renvoi après cassation,

'débouter la SNC LAITIERE DE VITRE de ses demandes, et la condamner aux entiers dépens.



Les parties se sont communiquées dans le respect du principe du contradictoire leurs dernières écritures et pièces au soutien de leurs prétentions respectives.




MOTIFS



La Cour de cassation ayant censuré en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Rennes (8ème chambre) du 11 octobre 2019, il convient préalablement à tout débat de fond de statuer au plan procédural, d'une part, sur la recevabilité de l'action intentée par M. [Aa] [S] et, d'autre part, sur l'exception de nullité soulevée par la SNC LAITIERE DE VITRE dans le cadre d'une requête du 23 novembre 2017 à l'initiative de M. [Aa] [S] et du SGA CFDT 35 en vue d'être autorisés à l'assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Rennes qui a rendu une ordonnance à cette fin le 6 décembre 2017 puis, sur assignation par acte d'huissier du 19 décembre 2017 pour l'audience fixée au 12 mars 2018, un jugement le 28 mai 2018 présentement frappé d'appel.



*



Sur la recevabilité de l'action intentée par M. [Aa] [S]



La SNC LAITIERE DE VITRE soulève la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [Aa] [S] ainsi, selon elle, irrecevable, puisqu'au vu de l'assignation à jour fixe du 19 décembre 2017 il agit en sa seule qualité de salarié, de sorte qu'il pouvait uniquement intenter une action individuelle devant le juge prud'homal pour contester les procédures internes d'évaluation à son égard, ce que ce dernier conteste au motif qu'il exerce son action en tant que membre du comité d'entreprise et de délégué syndical de la SNC LAITIERE DE VITRE contre laquelle il est en droit d'agir.



Contrairement à ce que soutient M. [Aa] [S], c'est à bon droit que les premiers juges l'ont dit irrecevable en son action pour défaut de qualité au visa de l'article 122 du code de procédure civile puisque, d'une part, s'il se prévaut de son mandat de membre élu du comité d'entreprise, il sera rappelé que dans la mesure où la procédure légale d'information-consultation n'autorise pas cette institution représentative du personnel à saisir elle-même au fond une juridiction sur les thèmes qui lui sont soumis pour avis à cette fin, a fortiori il n'est pas davantage autorisé à le faire personnellement à titre individuel et, d'autre part, s'agissant de son mandat syndical qu'il invoque, seule l'organisation syndicale à laquelle il appartient a qualité pour agir en justice au nom de la défense des intérêts collectifs de la profession qu'elle représente s'ils sont susceptibles d'apparaître comme étant atteints en application de l'article L. 2132-3 du code du travail.

*

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré M. [Aa] [S] irrecevable en son action contre la SNC LAITIERE DE VITRE.



Sur l'exception de nullité soulevée par la SNC LAITIERE DE VITRE



Dans l'assignation du 19 décembre 2017, il est indiqué qu'elle est délivrée notamment à la requête du SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE CFDT D'ILLE-ET-VILAINE (SGA CFDT 35) ' « agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ».



L'article 114 du code de procédure civile dispose que :

« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ».



Si l'assignation précitée du 19 décembre 2017 ne mentionne pas, pour les personnes morales comme une organisation syndicale, l'organe qui représente légalement le SGA CFDT 35, formalité prescrite à peine de nullité par le 2ème alinéa de l'article 58, 1°, du code de procédure dans sa version alors applicable, force est de constater que la SNC LAITIERE DE VITRE ne prouve pas le grief que lui aurait réellement causé ce vice de forme, se limitant en effet à affirmer qu'une telle irrégularité lui causerait « nécessairement grief », puisqu'au vu des pièces produites aux débats par cette même organisation professionnelle - statuts / n° 16, récépissé de déclaration en mairie de Rennes / 17, délibération du 12 septembre 2017 de la commission exécutive dans la présente affaire / 18, nouvelle délibération de la commission exécutive du 7 mars 2018 / 23 - ses représentants légaux sont clairement identifiés, et qu'au plan statutaire il y est rappelé à l'article 12 que les actes de disposition qui l'engagent comme l'introduction d'une action en justice relèvent de la compétence de la commission exécutive qui s'est en l'espèce prononcée en ce sens par deux délibérations consécutives en 2017 et 2018 émanant de ses instances dirigeantes en la personne de son secrétaire général, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges.



*



La décision déférée sera ainsi tout autant confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité soulevée par la SNC LAITIERE DE VITRE s'agissant de la requête du 23 novembre 2017 aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe et de l'assignation du 19 décembre 2017 qui s'en est suivie à l'initiative du SGA CFDT 35 qui a lui-même pleinement qualité à agir en application des articles L. 1247-1, L. 2132-1 et L. 2132-3 du code du travail.



Sur les demandes au fond relatives à la licéité du dispositif EDI



Dans le courant du mois de janvier 2017, la SNC LAITIERE DE VITRE a entamé une procédure d'information-consultation du CHSCT et du comité d'entreprise sur la mise en place en son sein d'un nouveau dispositif

d'« Entretien Professionnel » (EP) et d'« Entretien de Développement Individuel » (EDI), procédure s'étant poursuivie jusqu'en octobre de la même année - pièces 1 à 15 des intimés.



Le SGA CFDT 35 émet dès le 24 janvier 2017 un avis défavorable en ces termes : « Nous estimons que les critères de cotations des compétences comportementales groupe ne permettent pas d'évaluer la qualité du travail accompli par les salariés sur la base de critères objectifs et vérifiables. Nous estimons qu'il s'agit d'une évaluation du comportement qui présente le risque d'une notation subjective. Certains items sont des jugements sur la nature des personnalités (l'optimisme, le naturel, l'honnêteté au sens psychologique) dont l'appréciation laisse trop de place à la subjectivité ' En résumé, nous donnons un avis défavorable à la mise en place du nouvel entretien de développement individuel des salariés » ; position que cette organisation syndicale maintiendra au cours des réunions ultérieures du CHSCT et du comité d'entreprise - pièces 2, 3, 4, 9, et 11 des intimés.



Les nouveaux standards retenus à la fin du mois de janvier 2017 - pièce 2 de l'appelante - ont évolué avec le temps, au fur et à mesure du déroulement de la procédure légale d'information-consultation :



-Un document intermédiaire ou support de synthèse est présenté le 31 mai 2017 à l'en-tête du Groupe LACTALIS devant le conseil social groupe avec une présentation générale des différentes rubriques des « COMPETENCES COMPORTEMENTALES GROUPE », une fiche d'entretien de développement individuel (EDI), un guide du collaborateur et un guide du manager pour l'EDI - pièces 5 à 8 des intimés ;

-Le 31 août 2017, la direction présente au comité d'entreprise les évolutions sur l'EP et l'EDI suite aux observations alors formulées par les organisations syndicales (« Après échanges, il est ressorti la nécessité de conserver l'évaluation des compétences comportementales au regard des valeurs historiques du groupe ' Cependant, il est nécessaire de rendre cette évaluation encore plus concrète et compréhensible par nos collaborateurs »), y étant exposé dans le compte rendu de réunion les principales modifications à retenir ou à parfaire - pièce 11 des intimés ;

-A l'issue de nouvelles consultations auprès du CHSCT et du comité d'entreprise les 12 et 17 octobre 2017, il est élaboré un dernier document ou support mis en œuvre à la fin de l'année 2017 - pièces 12.1, 13.1, et 15 des intimés / pièce 3 de l'appelante.



*

L'article L. 1222-2 du code du travail dispose que : 

« Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses compétences professionnelles.

Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes.

Le salarié est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d'informations ».



L'article L. 1222-3 rappelle que :

« Le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluations professionnelles mises en œuvre à leur égard.

Les résultats obtenus sont confidentiels.

Les méthodes et techniques d'évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».



Au vu de ces textes, si l'employeur tient de son pouvoir général de direction né du contrat de travail le droit d'évaluer l'activité professionnelle des salariés placés sous son autorité, cela sous réserve de ne pas mettre en œuvre un dispositif d'évaluation qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance de ceux-ci, les critères retenus à cette fin doivent être objectifs et transparents, en ce sens qu'ils seront considérés comme illicites pour être exclusivement fondés sur le comportement des salariés sans lien avec l'appréciation du travail réellement accompli.



Autrement exposé, l'évaluation professionnelle des salariés doit reposer sur des critères objectifs, pertinents et matériellement contrôlables, en ce que s'il n'est pas par principe prohibé l'utilisation de critères comportementaux, c'est à la condition qu'ils présentent un caractère exclusivement professionnel et suffisamment précis au regard de la nature des emplois qu'ils occupent au sein de l'entreprise.



*



Nonobstant ce que prétend tout d'abord la SNC LAITIERE DE VITRE, à l'examen des dernières fiches d' « Entretien de Développement Individuel » (EDI) éditées par la direction au début et à la fin de l'année 2017, ne peut être considérée comme secondaire ou accessoire la partie expressément consacrée aux 2 « COMPETENCES COMPORTEMENTALES GROUPE » à travers ses trois items suivants : « AMBITION », « ENGAGEMENT » et « Avec SIMPLICITE » subdivisés eux-mêmes en trois sous-catégories de comportements pour le premier, quatre pour le deuxième et trois pour le troisième, cela par rapport à l'autre partie du formulaire consacrée à la 1

« MAITRISE DE LA FONCTION », ce que confirme l'étude des guides du salarié devant passer cet entretien, quelle que soit sa catégorie ou classification d'appartenance, et du manager qui devra y procéder - pièces 6 à 8 précitées des intimés.



Comme l'ont par ailleurs relevé à juste titre les premiers juges, cette abondance de critères et de sous-critères comportementaux, tels que retenus dans l'évaluation globale des salariés, sans qu'il soit possible a priori de savoir dans quelle proportion exacte ils entrent en ligne de compte dans cette évaluation, ni s'il existe réellement en pratique dans leur mise en œuvre générale une certaine forme d'équilibre avec les critères d'appréciation purement techniques, pose question quant à la garantie d'un système d'évaluation suffisamment objectif et impartial, et duquel dépend pour les intéressés « l'attribution d'une promotion et/ou d'une revalorisation individuelle » comme énoncé dans le compte rendu de réunion du comité d'entreprise du 31 août 2017 - pièce 11 précitée des intimés, en page 13.



Si l'on renvoie enfin à certaines terminologies utilisées, comme par exemple :

-Item « ENGAGEMENT » / sous-catégorie « Persévérance » : « ' faire preuve d'optimisme » (version fin janvier 2017),

-item « Avec SIMPLICITE » / sous-catégorie « Transparence » : « Agir et communiquer avec honnêteté avec sa hiérarchie et ses collègues ' » (version fin janvier 2017),

-item « Avec SIMPLICITE » / sous-catégorie « Etre pragmatique » : « se montrer concret ' en faisant preuve de bon sens » (dernière version fin 2017).



Les notions d'« optimisme », d'« honnêteté » et de « bon sens » dont la connotation moralisatrice rejaillit de fait sur la sphère personnelle des individus apparaissent comme trop vagues et imprécises pour établir un lien direct, suffisant et nécessaire avec l'activité des salariés en vue de l'appréciation de leurs compétences au travail, outre qu'elles conduisent à une approche trop subjective de la part de l'évaluateur pour manquer d'objectivité et de transparence en s'éloignant de la finalité première qui est la juste mesure des aptitudes professionnelles des collaborateurs de l'entreprise.



C'est ce que l'inspection du travail avait déjà relevé dans un courriel remontant à la fin août 2016 sur une sollicitation de M. [Aa] [S] : « ' La rubrique compétences comportementales Groupe du formulaire ne présente pas toutes les garanties à ce sujet. Certains items sont des jugements sur la nature des personnalités (l'optimisme, le naturel, l'honnêteté au sens psychologique) dont l'appréciation laisse ', trop de place à la subjectivité » - pièce 10 des intimés.



Ces éléments d'informations ainsi recueillis ne peuvent constituer des critères pertinents au regard de la finalité poursuivie qui est l'évaluation des compétences professionnelles des salariés au sens des articles L. 1222-2 et L. 1222-3 du code du travail.



*

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit illicite la procédure d'évaluation des salariés mise en œuvre au sein de la SNC LAITIERE DE VITRE en début, et en fin d'année 2017 après modification, au moyen du système d'« Entretien de Développement individuel »(EDI), et en lui faisant interdiction de continuer à l'exploiter, tout en disant n'y avoir lieu à annulation des entretiens de salariés déjà réalisés sur la base de ce dispositif EDI puisque relevant de la seule compétence du juge prud'homal dans le cadre de litiges individuels.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



La SNC LAITIERE DE VITRE sera condamnée en équité à payer au SGA CFDT 35 la somme complémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS :



LA COUR, statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



Y AJOUTANT,



CONDAMNE La SNC LAITIERE DE VITRE à payer au SGA CFDT 35 la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE La SNC LAITIERE DE VITRE aux dépens d'appel.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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