Réf. : Cass. crim., 21 juin 2022, n° 20-86.857, FS-B N° Lexbase : A987877Y
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N2060BZC
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par Adélaïde Léon
le 27 Juillet 2022
► Ne justifie pas sa décision la cour d’appel qui déclare une holding coupable de blessures involontaires au motif qu’une infraction aurait été commise par la société dont elle est la présidente, la représentante légale et l’organe au sens de l’article 121-2 du Code pénal.
Rappel des faits. Un salarié exerçant sur un site d’industrie textile est victime d’un accident du travail sur une machine « ouvreuse broyeuse » destinée à produire de la ouate.
La société employeuse, sa holding et le directeur du site ont été poursuivis des chefs de blessures involontaires suivies d’une incapacité totale de travail supérieure à trois mois et de non-respect des mesures relatives à l’hygiène, la sécurité ou les conditions de travail.
Après avoir été déclarés coupables de ces chefs par le tribunal correctionnel, les prévenus ont relevé appel, tout comme le ministère public.
En cause d’appel. La cour d’appel a condamné les deux sociétés en cause.
La cour a également retenu que la holding, présidente de la société employeuse, était la représentante légale de cette dernière et son organe au sens de l’article 121-2 du Code pénal N° Lexbase : L3167HPY.
Enfin, les juges ont souligné que l’infraction commise par la société employeuse avait été faite au nom et pour le compte de la holding, présidente de la première.
Les deux sociétés ont formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.
Moyens des pourvois. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir retenu la culpabilité des deux sociétés s’agissant des faits de blessures involontaires par personne morale alors que la responsabilité d’une personne morale ne peut être engagée qu’à la condition que soit précisément identifié l’organe ou le représentant de la personne morale ayant commis l’infraction pour le compte de celle-ci.
Il était reproché à la cour d’avoir retenu que la responsabilité des sociétés était engagée par les fautes de leur préposé directeur alors que celui-ci ne disposait pas de délégation de pouvoir et n’avait ni le pouvoir ni les moyens d’exercer les prérogatives en matière d’hygiène ou de sécurité. De plus, la cour d’appel n’avait pas constaté qu’il avait le pouvoir d’engager la société à l’égard des tiers. Le directeur ne pouvait donc avoir la qualité de représentant de la société qui l’employait.
Il était également fait grief à la cour d’appel d’avoir déclaré la holding coupable des faits de blessures involontaires par personne morale au motif que les négligences commises par le directeur étaient révélatrices de la faute des responsables de la sécurité dans l’usine que sont les personnes morales employeurs pour le compte desquelles le travail était accompli et engageaient la responsabilité de la société employeuse qui l’a commise pour le compte de la holding, sa représentante légale et l’organe de l’employeur au sens de l’article 121-2 du Code pénal. Or, selon les pourvois, d’une part, le directeur n’était pas salarié de la holding mais de la société employeuse et, d’autre part, cette dernière n’était pas l’organe ou le représentant de la holding.
Enfin, sur la culpabilité de la société employeuse s’agissant des faits d’infraction à la réglementation relative à l’hygiène, la sécurité ou les conditions de travail, il était reproché à la cour d’appel de n’avoir pas identifié l’organe ou le représentant de la société par le biais duquel aurait été commise l’infraction pour le compte de la société employeuse.
Décision. La Chambre criminelle casse et annule l’arrêt d’appel au visa des articles 121-2 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité de la holding, à la peine prononcée à son encontre et à la condamnation la concernant, les autres dispositions étant maintenues.
La Cour juge que l’organe de la société employeuse pour le compte de laquelle l’infraction a été commise est bien la holding, personne morale assurant sa présidence.
La Chambre criminelle juge en revanche que la cour d’appel ne pouvait valablement retenir que l’infraction commise par la société employeuse avait été faite au nom et pour le compte de la holding, présidente de celle-ci, alors qu’il résultait des constatations des juges d’appel que ladite holding était représentante légale de la société employeuse.
Selon l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Les juges d’appel ne pouvaient donc retenir la responsabilité d’une société (la holding) en raison de l’infraction commise par la société dont elle est présidente et représentante légale (la société employeuse).
C’est cette contradiction de motif qui conduit la Chambre criminelle à censurer l’arrêt d’appel concernant la culpabilité de la holding.
Pour aller plus loin : S. Detraz, ÉTUDE : Les conditions de la responsabilité pénale, La détermination de l'organe ou du représentant, in Droit pénal général (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E1512GAA. |
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