Réf. : CAA Marseille, 6e ch., 24 mai 2022, n° 17MA01655 N° Lexbase : A45047YH
Lecture: 3 min
N1705BZ8
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Yann Le Foll
le 07 Juin 2022
► La collectivité de Corse est condamnée à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 5 123 399 euros en réparation du préjudice que celle-ci a subi du fait de son éviction irrégulière du contrat de délégation de service public pour la desserte maritime de la Corse, pour la période 2014‑2023.
Faits. La société Corsica Ferries France a saisi la juridiction administrative en vue d’obtenir réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure d’attribution du contrat. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France une indemnité de 369 504,56 euros, en remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Le tribunal a toutefois rejeté la demande de la société Corsica Ferries France tendant à l’indemnisation de son manque à gagner à n’avoir pas été attributaire de la délégation de service public.
La société Corsica Ferries France a fait appel du jugement du tribunal administratif de Bastia. Par un arrêt avant dire droit du 16 juillet 2018, la cour a considéré que la société Corsica Ferries France avait une chance sérieuse de remporter le contrat et qu’elle avait par suite droit à l’indemnisation de son manque à gagner. Ce manque à gagner correspond au bénéfice net qu’elle aurait tiré de l’exploitation de son offre « Grand Sud » comprenant trois lignes : Marseille‑Ajaccio, Marseille‑Propriano et Marseille‑Porto-Vecchio.
Position CAA. Examinant point par point les postes de recettes et de dépenses et en reconstituant les produits et les charges qui auraient dû être constatés dans le cadre de l’exploitation de l’offre « Grand Sud » proposée par la société Corsica Ferries France, la cour a établi le montant du bénéfice d’exploitation à la somme de 7 193 970 euros pour l’ensemble de la période 2014-2023.
Elle a ensuite contrôlé que ce bénéfice avait un caractère raisonnable au regard des règles européennes encadrant le versement de contributions publiques pour la couverture des coûts occasionnés par les obligations de service public : correction des recettes de transport de véhicules, incidence des fluctuations des coûts de combustible sur les tarifs.
Elle a enfin pris en compte dans l’évaluation du préjudice réel subi par la société Corsica Ferries France le fait qu’entre 2014 et 2016, le titulaire de la délégation de service public a été dans l’impossibilité d’exécuter une partie du service en raison de mouvements de grève. Au cours de cette période, une partie des passagers du service public s’est ainsi reportée sur l’offre commerciale de la société Corsica Ferries France. Pour le calcul de son préjudice réel, la cour a dès lors déduit du bénéfice d’exploitation reconstitué les bénéfices réalisés par la société Corsica Ferries France du fait du report de ces passagers, évalués à la somme de 2 070 571 euros.
Décision. À partir des informations fournies par l’expertise économique et comptable qui avait été ordonnée, la cour a établi le manque à gagner de la société Corsica Ferries France à hauteur de 5 123 399 euros sur l’ensemble de la période 2014-2023.
Rappel. La collectivité de Corse avait déjà été condamnée à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 86 304 183 euros en réparation du préjudice que celle-ci a subi du fait du subventionnement illégal apporté par la collectivité à la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM), entre juillet 2007 et décembre 2013 (lire O. Péjout, Indemnisation record pour Corsica Ferries sur fond de droit des aides d’État, Lexbase Public n° 858, 2021 N° Lexbase : N6788BY3).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:481705