Le Quotidien du 8 juin 2022 : Durée du travail

[Brèves] Heures supplémentaires : éléments de preuve permettant d’évaluer les heures travaillées

Réf. : Cass. soc., 25 mai 2022, 4 arrêts, n° 20-17.700 N° Lexbase : A40567YU, n° 20-23.708 N° Lexbase : A40597YY, n° 20-19.596 N° Lexbase : A41807YH et n° 20-18.897 N° Lexbase : A40927Y9, F-D

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[Brèves] Heures supplémentaires : éléments de preuve permettant d’évaluer les heures travaillées. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/85264244-breves-heures-supplementaires-elements-de-preuve-permettant-devaluer-les-heures-travaillees
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par Lisa Poinsot

le 07 Juin 2022

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments ; après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Faits et procédure. Dans plusieurs litiges, un justiciable saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes dont celle de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

Dans chaque affaire, la cour d’appel (CA Lyon, 7 février 2020, n° 17/08671 N° Lexbase : A86553DW, CA Riom, 5 novembre 2019, n° 18/12710 N° Lexbase : A9593ZTH, CA Paris, 30 juin 2020, n° 18/01464 N° Lexbase : A92613PP et CA Caen, 27 février 2020, n° 19/00499) considère que :

  • n° 20-17.700 : les éléments produits par la salariée ne sont pas suffisamment clairs et précis et ne sont pas de nature à laisser présumer l’accomplissement des heures supplémentaires alléguées. Les juges du fond s’appuient sur les plannings tenus par la salariée qui, selon eux, ne faisaient état que de l’amplitude horaire et ne caractérisaient pas du temps de travail. En outre, ils constatent que l’origine des tableaux horaires que produit la salariée qui émaneraient de son employeur et qui auraient été annotés par deux autres salariées n’est pas certaine ;
  • n° 20-23.708 : les documents versés au débat ne comportent pas d’éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées permettant à l’employeur d’apporter une réponse dans des conditions normales du débat contradictoire. Les juges constatent que le tableau récapitulatif des heures supplémentaires a été élaboré par le salarié postérieurement à la relation contractuelle pour les besoins de la procédure, de sorte qu’il n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments objectifs extérieurs. En outre, les références de courriels figurant sur chaque page du tableau afin de démontrer la réalité d'une activité ne correspondent pas à des pièces versées au débat, à quelques exceptions près, et en toute hypothèse, la réception ou l'envoi de courriels sont insuffisants pour apporter la réalité d'un travail commandé par l'employeur. Enfin, l'exploitation des courriels par la salariée est, selon eux, peu convaincante dès lors qu'à partir d'un courriel adressé dans une journée, elle décompte plusieurs heures de travail, cette méthode affectant la cohérence globale du tableau communiqué ;
  • n° 20-18.596 : le tableau, indiquant les heures d’envoi des premiers et derniers mails, produit par le salarié n’est pas, à lui seul, suffisamment étayé pour justifier qu’il a effectué les heures supplémentaires alléguées. En effet, les juges du fond affirment que le salarié n’a pas produit les emails concernés ;
  • n° 20-18.897 : l’existence des heures supplémentaires est avérée, de sorte que les parties sont renvoyées à effectuer le calcul de ces heures sur la base de décompte du salarié entre ses différents trajets de déplacement, à l’exclusion des trajets domicile/travail.

Les salariés forment chacun un pourvoi en cassation (n° 20-17.700, n° 20-23.708 et n° 20-18.596), en soutenant que les éléments de preuve apportés étaient suffisamment précis et clairs, permettant ainsi d’évaluer les heures travaillées. La charge de la preuve ne devait pas uniquement peser sur eux.

Dans l’affaire n° 20-18.897, l’employeur forme un pourvoi en cassation en arguant que :

  • le rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires pour des temps de déplacement n’est possible qu’à la triple condition que ceux-ci constituent du temps de travail effectif, qu’il ne soient pas déjà inclus dans le temps de travail déjà payé au salarié et qu’ils constituent des heures supplémentaires au-delà de celui-ci. Les juges du fond, en l’espèce, n’ont pas vérifié ni précisé la réalité, la nature voire même l’ampleur des heures qui restaient à payer au salarié ;
  • les juges du fond, en refusant d’évaluer le montant du rappel de salaire, ont commis un déni de justice.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure l’analyse retenue par les cours d’appel, principalement en application des articles L. 3171-2 N° Lexbase : L8718LGY, L. 3171-3 N° Lexbase : L7443K9K et L. 3171-4 N° Lexbase : L0783H9U du Code du travail.

Pour aller plus loin :

  • v. également : Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A48333K9, Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-16.172, F-D N° Lexbase : A51307IT et Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 19-25.428, F-D N° Lexbase : A51307IT : un tableau informatif ne détaillant pas les horaires réalisés jour après jours et se contente de faire état de la réalisation chaque semaine de 15 heures supplémentaires, sans explication, ne peut constituer un élément de preuve suffisamment précis. Au contraire, constituent des éléments suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre, des feuilles d'enregistrement de ses heures de travail faisant apparaître une amplitude de 9 heures par jour et sur une base de 45 heures, sans toutefois faire mention du début et de la fin de la journée de travail ni préciser l'amplitude des pauses déjeuner, un tableau récapitulant les heures de transmission de certains mails en début de journée et en fin de journée de travail et deux témoignages ;
  • lire aussi S. Tournaux, Assouplissement du régime probatoire des heures supplémentaires, Lexbase Social, avril 2020, n° 820 N° Lexbase : N2914BYL ;
  • v. ÉTUDE : Les heures supplémentaires, La charge de la preuve des heures supplémentaires, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0355ETC.

 

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