La lettre juridique n°900 du 31 mars 2022 : Procédure civile

[Jurisprudence] Précisions des chefs du jugement critiqués dans le dispositif des conclusions d’appel : tout va bien (ou presque…)

Réf. : Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017, F-B N° Lexbase : A24677P3

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N0911BZR

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par Yannick Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble, Centre de Recherches Juridiques – EA 1965

le 06 Novembre 2023

Mots clés : appel • dispositif des conclusions • chefs du jugement critiqués • mention • infirmation

Dans son arrêt du 3 mars 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation clarifie sa jurisprudence relative au dispositif des conclusions d’appel en considérant que, si l’appelant qui poursuit la réformation du jugement frappé d’appel, doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner, d’une part, qu’il demande l’infirmation du jugement, et d’autre part, formuler une ou des prétentions, il n’est toutefois pas exigé qu’il précise, dans le dispositif des conclusions, les chefs de dispositif du jugement dont il est demandé l’infirmation.


 

L’on se souvient que, par un arrêt du 17 septembre 2020 [1], rendu au visa des articles 542 N° Lexbase : L7230LEI et 954 N° Lexbase : L7253LED du Code de procédure civile, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a retenu une interprétation nouvelle de ces dispositions qui l’a conduit à mettre à la charge des parties appelantes une obligation procédurale consistant à mentionner dans le dispositif des conclusions s’il est demandé l’infirmation ou l’annulation du jugement. Par des arrêts ultérieurs, la Haute juridiction a apporté des précisions relatives à l’application dans le temps de cette nouvelle solution[2], au fait qu’elle s’applique aux appelants principaux comme incident [3], ou encore que la sanction encourue en cas de non-respect réside dans la confirmation du jugement de première instance ou la caducité de la déclaration d’appel [4]. Aucun des arrêts ultérieurs n’a remis en cause la solution posée par l’arrêt du 17 septembre 2020… Du moins jusqu’à l’arrêt du 30 septembre 2021 qui, en raison d’une maladresse rédactionnelle, a pu laisser entendre qu’il était désormais fait obligation à l’appelant de réitérer les chefs du jugement qu’il entendait critiquer dans le dispositif de ses conclusions [5]. Certains avocats, en raison d’une lecture trop rapide de la décision, s’en sont saisis pour lui faire dire que la caducité est encourue si l’appelant ne liste pas, dans le dispositif de ses conclusions, après la demande d’infirmation, les chefs dont il demande l’infirmation, ce qui a conduit de nombreux cabinets à modifier leur dispositif de conclusions pour l’alourdir de la mention des chefs du jugement critiqués. L’arrêt rendu le 3 mars 2022 est donc bienvenu en ce qu’il offre à la Cour de cassation l’opportunité de clarifier sa jurisprudence et de rendre à l’arrêt du 30 septembre 2021 sa portée réelle.

En l’espèce, une société relevait appel d'un jugement d'un tribunal de commerce qui l'avait notamment condamnée à paiement dans un litige l'opposant à une autre société. Dans son arrêt du 18 mai 2020 [6], la Cour d’appel de Versailles a d’office retenu que la demande d’infirmation contenue dans le dispositif des conclusions de l’appelant était insuffisante pour saisir la cour d’appel, de sorte qu’elle n’avait pas à se prononcer sur les prétentions formulées par l’appelant, et semble-t-il sans au demeurant avoir permis aux parties d’en débattre contradictoirement à en juger par le contenu du moyen au pourvoi. Conséquence logique, la cour d’appel de Versailles devait confirmer le jugement de première instance.

Dans le moyen au pourvoi, la société demanderesse se prévalait tout d’abord d’une violation du principe contradictoire tirée de ce que la cour d’appel avait relevé d’office, pour considérer qu'elle n'était pas saisie par l'appelante de demandes d'infirmation du jugement et le confirmer, le moyen tiré de l'absence de visa, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, des dispositions du jugement dont la réformation est sollicitée, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point. Elle se prévalait ensuite d’une violation des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL, en ce que la cour d’appel se fondait, pour déclarer les conclusions de l'appelante irrecevables et en déduire qu'elle n'était pas saisie régulièrement de l'appel, sur l'absence, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, des dispositions du jugement dont il était sollicité la réformation, alors même, d'une part, que les chefs de jugement critiqués étaient mentionnés dans lesdites conclusions et, d'autre part, que le dispositif de celles-ci sollicitait l'infirmation du jugement et récapitulait les prétentions de l'appelante. La demanderesse au pourvoi rappelait à cette occasion que, si les conclusions d'appel comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions, il n'est pas exigé que l'énoncé des chefs de jugement critiqués soit mentionné dans le dispositif. Enfin, c’est la violation de l’article 6 §.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR qui était invoqué en raison de l’application immédiate d'une règle nouvelle d'origine prétorienne à une instance en cours, laquelle avait conduit à priver la société demanderesse de son droit à un procès équitable.

Après avoir écarté le moyen pris en sa première branche, au motif que ce grief n’était manifestement pas de nature à entraîner la cassation, c’est l’examen de la deuxième branche du moyen au pourvoi qui conduit la deuxième chambre civile à prononcer la cassation de l’arrêt rendu le 18 mai 2020 par la cour d’appel de Versailles, au visa du seul article 954, alinéas 1, 2 et 3 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, au motif que « l’appelante, dans le dispositif de ses conclusions […] n’était pas tenue de reprendre […] les chefs de dispositif du jugement dont elle demandait l’infirmation ».

Avec l’arrêt rapporté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation affirme très clairement, par la solution qu’elle retient, que, contrairement à ce qui a pu être avancé parfois, seul l’arrêt du 17 septembre 2020 fixe la charge procédurale des parties. Or, dans ce dernier, il n’est pas question de faire suivre la demande d’infirmation des chefs critiqués, ce qui est logique dès lors qu’ils sont déjà précisés dans les conclusions ainsi que dans la déclaration d’appel. L’arrêt du 3 mars 2022 devrait donc mettre un terme aux inquiétudes résultant d’une interprétation hâtive de l’arrêt du 30 septembre 2021 précité en permettant aux praticiens de faire table rase des pratiques qui alourdissent inutilement et dangereusement cette première étape de la procédure d’appel. Notre optimisme se doit toutefois d’être tempéré par un principe de réalité qui ne saurait que trop nous rappeler que, malheureusement, lorsqu’un pli a été pris, il est bien difficile souvent d’initier ou de revenir à une pratique procédurale différente, comme en témoigne le maintien de la pratique consistant à joindre un bordereau à la déclaration d’appel bien après le 1er janvier 2021. L’arrêt du 3 mars 2022 ne vient pas clarifier la jurisprudence de la Cour de cassation relative au contenu du dispositif des conclusions d’appel, et en ce sens, il ne constitue donc pas un revirement de jurisprudence selon nous, mais il clarifie la portée qui doit être donnée à la solution retenue l’arrêt du 30 septembre 2021, laquelle s’inscrit dans la droite ligne de l’arrêt du 17 septembre 2020 qui, seul, fixe la charge procédurale des parties (I). Cette clarification impose une remise en ordre des pratiques, lesquelles doivent se faire à l’aune du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP et de l’arrêté du même jour [7] qui nous donnent l’occasion de faire le point sur le formalisme de la procédure d’appel (II).

I. Le temps de la clarification

L’arrêt du 3 mars 2022 rappelle un principe simple s’inscrivant dans la droite ligne de la solution posée par l’arrêt fondateur du 17 septembre 2020 : l’appelant, dans le dispositif de ses conclusions, n’est pas tenu de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation. Le fait pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions est donc facultatif pour lui. S’il n’a pas l’obligation de le faire (A), l’on peut sérieusement s’interroger sur la nécessité (et l’utilité) pour lui de le faire (B). À trop vouloir bien faire…

A. L’absence d’obligation pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions

L’absence d’obligation pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions est une solution tout à fait conforme à la solution nouvelle résultant de l’arrêt du 17 septembre 2020 par lequel la Haute juridiction, au visa des articles 542 et 954 du Code de procédure civile, a mis à la charge des parties appelantes une obligation procédurale consistant à mentionner dans le dispositif des conclusions s’il est demandé l’infirmation ou l’annulation du jugement. Il n’est donc pas question dans l’arrêt du 17 septembre 2020 d’imposer aux appelants d’indiquer les chefs du jugement dans le dispositif des conclusions, mais uniquement d’y indiquer une demande d’infirmation du jugement dont il est fait appel. C’est d’ailleurs le principe rappelé par l’arrêt du 30 septembre 2021 qui débute de cette manière : « Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer des chefs du jugement critiqué doit formuler des prétentions en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d’appel ». Il n’était donc pas davantage question dans l’arrêt du 30 septembre 2021 des chefs du jugement, mais bien d’une demande d’infirmation dans le dispositif, conformément à la solution retenue dans l’arrêt du 17 septembre 2020. La décision rendue le 30 septembre 2021 ne s’inscrit pas, selon nous, à la suite de la solution posée par l’arrêt du 17 septembre 2020, car elle concerne la problématique relative à l’absence de prétentions dans le dispositif, comme en témoigne l’arrêt de la cour d’appel de Caen à l’origine de cet arrêt [8]. Lorsque l’on prend le temps de lire l’arrêt d’appel, on comprend que le problème était l’absence de prétentions dans le dispositif puisque l’appelant se contentait de «surseoir», « constater », « dire », sans formuler la moindre prétention. Même si l’appelant n’avait pas listé les chefs critiqués, ce n’était pas le problème. La difficulté à laquelle il se heurtait, et qui aurait dû lui valoir une caducité, résidait dans le fait que ses conclusions ne déterminaient pas l’objet du litige. De fait, si la Cour de cassation a pu sembler imposer à l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions, c’est en raison d’une maladresse rédactionnelle et rien d’autre.

D’une part, une telle solution aurait été totalement absurde dès lors que les chefs du jugement critiqués sont déjà précisés dans les conclusions ainsi que dans l’acte d’appel, les mentionner en plus dans le dispositif des conclusions relèverait véritablement de l’obsession, et d’autre part, il aurait été extrêmement choquant que la Cour de cassation mette une charge procédurale supplémentaire sur le dos des parties appelantes dans un arrêt non publié, ce qui était le cas de l’arrêt du 30 septembre 2021. Pour ces raisons, nous ne qualifierons pas l’arrêt du 3 mars 2022 de revirement de jurisprudence. Si la deuxième chambre civile de la Cour de cassation réaffirme donc l’absence d’obligation pour la partie appelante de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions, une telle faculté lui est toutefois ouverte.

B. La possibilité pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions

Dans un climat de renforcement continuel du formalisme procédural – qui éloigne de plus en plus la procédure civile d’appel d’une voie d’achèvement maîtrisée que d’aucuns pensaient pouvoir maîtriser – et compte tenu de la sévérité des sanctions encourues en cas de manquement [9], la tentation peut être grande pour les avocats d’en faire toujours plus pour sécuriser au maximum les procédures, quitte à aller au-delà du raisonnable. De ce point de vue, l’on peut s’interroger sur la nécessité pour les avocats de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions à l’aune de la solution dégagée par l’arrêt du 3 mars 2022 ?

Pour rappel, l’arrêt commenté a été rendu au seul visa de l’article 954 du Code de procédure civile, autrement dit au visa du texte qui précise quel est le contenu des conclusions, et la forme qu’elles prennent. Cette disposition prévoit que les chefs expressément critiqués doivent être mentionnés, mais pas dans le dispositif. Ce que rappelle utilement la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. De fait, pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, il suffit à l’appelant, principal ou incident, de demander, dans le dispositif de ses conclusions, « l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ». Et si l’appelant ne demande l’infirmation que de certains chefs du jugement, la formule « infirmer le jugement » sera suffisante. Mais certains pourraient être tentés, malgré tout, de préciser les chefs concernés par la réformation en utilisant une formulation telle que « infirmer le jugement en ce qu’il […] ».

L’arrêt du 3 mars 2022 ne proscrit nullement une telle démarche. Il rappelle simplement qu’elle n’est pas obligatoire. À titre personnel, nous nous garderons bien de conseiller aux avocats de procéder de cette manière tant il nous paraît dangereux de mentionner les chefs de jugement critiqués dans le dispositif des conclusions, car, en cas d’oubli, d’une part, la cour d’appel pourrait considérer qu’elle n’est pas saisie du chef dont il n’est pas demandé l’infirmation dans le dispositif des conclusions, et d’autre part, l’intimé pourrait opportunément soutenir que l’appelant a limité la dévolution par ses conclusions, et qu’il ne poursuit l’infirmation du chef de jugement omis. L’excès de prudence ou de zèle peut donc se retourner contre l’appelant, notamment parce que les chefs critiqués sont déjà mentionnés dans l’acte d’appel et, en principe, dans les conclusions, même si en pratique toutes les conclusions ne reprennent pas cette indication, dont l’absence n’est au demeurant pas sanctionnée par l’article 954 du Code de procédure civile. Quid pour l’intimé appelant incident ? Il n’existe pas, à notre connaissance, d’équivalence puisque son appel incident est formé par conclusions, et non par la voie d’une déclaration d’appel. Sur ce point, il nous semble sage que les avocats assistant l’intimé prennent l’habitude, avant la partie discussion, de préciser les chefs de jugement qu’ils critiquent expressément. Dans l’arrêt rapporté, la société appelante devrait pouvoir saisir la cour de renvoi, et faire valoir ses prétentions grâce à une modification législative intervenue quelques jours seulement avant l’arrêt de la deuxième chambre civile commenté. En effet, l’arrêt d’appel fait état de ce que « la déclaration d’appel de la société X. indique que “les chefs du jugement expressément critiqués sont reportés sur une annexe jointe faisant partie intégrante de la déclaration d’appel“. L’annexe de la déclaration d’appel mentionnée sollicite l’infirmation du jugement sur deux dispositions ». La fameuse annexe qui a fait l’objet d’une décision en date du 13 janvier 2022 [10] qui a été vertement critiquée par la doctrine comme par les praticiens.

II. Le temps de la remise en ordre

Les évolutions législatives et jurisprudentielles (nombreuses) qui ont affecté la procédure d’appel ont introduit des innovations qui laissent les praticiens parfois désemparés devant une procédure d’appel de plus en plus technique et formaliste, et au sein de laquelle l’erreur ne pardonne pas. Parce que l’arrêt du 3 mars 2022, en ce qu’il vient clarifier la charge procédurale des appelants, invite à un assainissement des pratiques initiées à la suite du couac procédural provoqué par l’arrêt du 30 septembre 2021, un bilan s’impose afin de permettre aux praticiens d’appréhender au mieux ce renouvellement des pratiques à l’aune notamment des dernières évolutions issues du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP et de l’arrêté du même jour N° Lexbase : L5628MB3 qui nous donnent l’occasion de faire le point sur le formalisme de la procédure d’appel. Pour cela nous nous proposons de rappeler le formalisme, et de nous permettre quelques conseils de rédaction que nous espérons judicieux à destination des praticiens, aussi bien pour la déclaration d’appel (A) que les conclusions (B).

A. La mention des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel

Dans sa décision du 13 janvier 2022, qui a soulevé de vives critiques, la Cour de cassation a considéré qu’un appel formé par une déclaration d’appel qui ne contient pas, dans le fichier XML lui-même (l’avantage de ce type de fichier est qu’il fait l’objet d’un traitement automatisé par l’application informatique du greffe de la cour d’appel), l’énoncé des chefs du jugement expressément critiqués jusqu’à hauteur de 4 080 caractères, éventuellement complété par un fichier PDF, ne produit aucun effet dévolutif. Face à l’ampleur des critiques, la réaction législative ne s’est pas faite attendre : le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant certaines dispositions et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, sont entrés en vigueur le lendemain de leur publication (soit le 27 février 2022) et sont applicables aux instances en cours, ce qui a pour effet de régulariser les déclarations d’appel antérieures dès lors que l’instance est en cours et que la déclaration d’appel renvoyait expressément au fichier joint listant les chefs du jugement.

Lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d’appel peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML et un fichier PDF, contenant le cas échéant une annexe, qui doit comprendre obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN (autrement dit, les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 N° Lexbase : L8645LYT et par le cinquième alinéa de l’article 57 N° Lexbase : L9288LT8 ; la constitution de l’avocat de l’appelant ; l’indication de la décision attaquée ; et l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté). De fait, l’alinéa 5 de l’article 901 qui prévoit « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » ne figure pas parmi les mentions obligatoires dans le fichier XML de la déclaration d’appel. Cette solution est logique puisque les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe jointe sous la forme d’un fichier PDF, sans aucune considération du nombre de caractères, et ce, contrairement à ce que la Cour de cassation a affirmé dans son arrêt du 13 janvier 2022. L’annexe est en effet régulière quel que soit le nombre de signes qu’elle comporte, fut-il inférieur à 4 080 caractères et même si le fichier XML de la déclaration d’appel, qui, lui, est limité à 4 080 caractères, ne contient aucun chef de jugement critiqué. Il faut bien comprendre que, matériellement, les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe. Mais attention, si ce fichier PDF n’est pas joint et transmis à la cour d’appel avec le fichier XML, la sanction de l’absence d’effet dévolutif et de la nullité pour vice de forme s’appliqueront !

Concernant cette annexe justement, elle se présente sous la forme d’un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. Elle est communiquée sous la forme d’un fichier séparé de la déclaration d’appel XML. Pour faire corps avec la déclaration d’appel, l’arrêté du 25 février 2022 précise que lorsque l’annexe qui liste les chefs du jugement critiqués doit être joint à un acte, ledit acte doit renvoyer expressément à ce document. Il est donc impératif que la déclaration d’appel (le fichier XML) renvoie expressément à l’annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l’absence de renvoi exprès, l’annexe ne fait pas corps avec la déclaration d’appel, ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’effet dévolutif ! La nouvelle formulation de l’article 4 de l’arrêté semble aussi imposer un renvoi exprès au fichier PDF qui contient le jugement attaqué (l’article 901 du Code de procédure civile, dernier alinéa, rappelle que la déclaration d’appel est accompagnée d’une copie de la décision, mais il ne s’agit pas d’une formalité prévue à peine de nullité de la déclaration d’appel), à moins de considérer que l’indication contenue dans le fichier XML suffise à remplir cette exigence ! En cas de contradiction entre les mentions contenues dans la déclaration d’appel (fichier XML) et le document joint (annexe fichier PDF), les mentions de la déclaration d’appel XML prévalent sur le fichier PDF. Si, au regard de l’article 901 du Code de procédure civile, l’annexe est toujours possible, il existe toutefois des hypothèses dans lesquelles elle n’est pas nécessaire (par exemple, lorsque les 4080 caractères du fichier XML suffisent à remplir la déclaration d’appel). Naturellement, outre le fait que la déclaration d’appel (fichier XML) doit impérativement contenir l’objet de l’appel, à savoir la réformation ou l’annulation, qui doit être expressément mentionné, la notification de l’annexe contenant les chefs du jugement critiqués à l’intimé en même temps que la déclaration d’appel s’impose pour garantir les droits de la défense.

B. La mention des chefs du jugement critiqués dans les conclusions

Pas de mystère ici, l’article 954 du Code de procédure civile dispose expressément que « la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. » Ainsi, au-delà des exigences propres à l’en-tête, qui doit comporter les indications prévues à l’article 961 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7255LEG (les éléments d’identification des parties), le corps des conclusions est composé d’un exposé des faits et de la procédure, ensuite des chefs du jugement critiqués. Une fois précisé ce que l’appelant critique dans le jugement rendu en première instance, les conclusions doivent comporter une discussion sur les prétentions et les moyens, pour s’achever sur un dispositif récapitulant les prétentions, sur lequel les praticiens doivent réellement faire un effort de vigilance dès lors que la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées dans ce dispositif récapitulatif. C’est précisément au sein de ce dispositif récapitulatif que l’avocat doit mentionner, de la manière la plus explicite qui soit, s’il demande à la cour d’appel d’infirmer ou d’annuler le jugement rendu en première instance. En l’absence d’une telle mention, c’est une sanction automatique qui tombera : la confirmation du jugement par la cour d’appel. Toutefois, nous insistons sur le fait que, pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, il suffit à l’appelant, principal ou incident, de demander, dans le dispositif de ses conclusions, « l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions », ou si l’appelant ne demande l’infirmation que de certains chefs du jugement, la formule « infirmer le jugement » pourra suffire. Pour les raisons évoquées supra, il ne nous semble guère souhaitable de préciser les chefs concernés par la réformation en utilisant une formulation telle que « infirmer le jugement en ce qu’il […] ». Viennent ensuite les conclusions récapitulatives qui doivent comporter toutes les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués. Toute prétention ou moyen précédemment présentée ou invoquée non reprise dans les conclusions récapitulatives seront considérées comme abandonnées, et la cour d’appel ne statuera que sur ce qui est contenu dans les conclusions récapitulatives. Là encore, il convient de faire preuve de vigilance puisque l’article 954 précise que la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. Enfin, l’article 954 précise que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

À retenir : parce que l’appelant n’a pas l’obligation de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions, il est souhaitable de proscrire la pratique consistant à les préciser au regard des sanctions procédurales encourues en cas d’omission ou de contradiction. Il suffit en effet à l’appelant, principal ou incident, de demander, dans le dispositif de ses conclusions, « l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions », ou si l’appelant ne demande l’infirmation que de certains chefs du jugement, de demander à la cour d’appel d’« infirmer le jugement », sans autre précision.

 

[1] Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA.

[2] Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-22.316, F-P N° Lexbase : A25334SM – Commentaire : Y. Joseph-Ratineau, Dispositif des conclusions d’appel : application dans le temps de la solution nouvelle de la Cour de cassation, Lexbase Droit privé, juin 2021, n° 868 N° Lexbase : N7812BYY.

[3] Cass. civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-10.694, F-B N° Lexbase : A20054YW.

[4] Cass. civ. 2, 4 nov. 2021, n° 20-15.757, F-B N° Lexbase : A07267BI.

[5] Cass. civ. 2, 30 septembre 2021, n° 20-16.746, F-D N° Lexbase : A054548P.

[6] CA Versailles, 18 mai 2020, n° 18/02006, N° Lexbase : A78703L3.

[7] Arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L5628MB3.

[8] CA Caen, 19 mai 2020, n° 19/02393 N° Lexbase : A78563LK.

[9] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4 - Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-15.230, F-D N° Lexbase : A57063QE - Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-16.954, F-P+B+I N° Lexbase : A56913QT - Cass. civ. 2, 15 avril 2021, n° 19-20.416, F-P N° Lexbase : A80074PA.

[10] Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B [LXB=A14867IU, C. Bléry, Application inopportune de la notion d’accessoire à la déclaration d’appel », Lexbase Droit privé, janvier 2022, n°892 [LXB= N0197BZC] ; A. Martinez-Ohayon, Annexe à la déclaration d’appel : valable uniquement en présence d’un empêchement d’ordre technique !, Lexbase Droit privée, janvier 2022, n° 891 N° Lexbase : N0084BZ7; D. 2022, 325, note M. Barba ; AJ fam. 2022, 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra.

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