Le Quotidien du 23 mars 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Haine en ligne : accusé de ne pas avoir coopéré avec la justice, Twitter France est relaxé

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par Vincent Vantighem

le 23 Mars 2022

Les plus fins observateurs avaient perçu le risque juridique… Twitter France et son directeur général, Damien Viel, ont été relaxés, lundi 21 mars, par le tribunal judiciaire de Versailles (Yvelines) où ils étaient jugés pour ne pas avoir coopéré avec la justice qui cherchait à identifier les auteurs de deux tweets injurieux. « Le tribunal a retenu les moyens soulevés par la défense », a sobrement indiqué le président du tribunal.

            Pour bien comprendre cette affaire, il faut en réalité remonter au mois de mars 2021. À l’époque, la préfecture des Yvelines – comme beaucoup d’autres en France – publie un message sur Twitter appelant au respect du couvre-feu en raison du contexte épidémique dû au coronavirus. Ce message, complètement anodin, était illustré d’une photo du secrétaire général de la préfecture assistant à des opérations de contrôle. Mais très vite, un utilisateur du réseau social réagit en comparant les forces de l’ordre à la police de Pétain. Un autre enchaîne et qualifie le responsable préfectoral de « nazi », ajoutant même : « Il faut le pendre à la Libération celui-là ». De la haine en ligne. Rien que de très habituel sur ce réseau qui peut être aussi instructif que confondant de bêtise.

            L’affaire aurait pu en rester là et retomber dans les limbes d’Internet pour ne plus jamais ressortir. Sauf que le secrétaire général de la préfecture ne veut pas laisser passer et décide de porter plainte, lui donnant une lumière inattendue. Le parquet de Versailles ouvre une enquête pour « injure » contre les auteurs de ces deux tweets et mandate les gendarmes pour les identifier. Pour ce faire, les forces de l’ordre envoient une réquisition à Twitter France. Réquisition qui n’obtiendra jamais de réponse…

            Démunis, les enquêteurs décident alors de réorienter leur enquête et de poursuivre Twitter France et son directeur général, Damien Viel, pour « refus de répondre à une réquisition judiciaire » et « complicité d’injure publique ». En fonction de l’infraction retenue, l’amende aurait pu s’élever de 3 750 à 75 000 euros.

L’Irlande, terre fertile pour les start-up

            Lors de l’audience, le 17 janvier 2022, c’est d’ailleurs cette amende maximale qu’avait requise Philippe Toccanier, le procureur très remonté. Dénonçant le fait que les « auteurs des tweets n’ont pas été identifiés en raison de l’absence de réponse de Twitter », le représentant du ministère public avait fustigé « l’échec total » de « la modération sur Twitter », devenu à ses yeux, « un réseau totalement asocial […] qui peut porter atteinte à la paix publique et au bon fonctionnement de notre société »…

            Face à lui, l’avocat de Twitter Karim Beylouni s’était borné à faire du droit. Il avait simplement expliqué que Twitter France est une « entité qui ne stocke pas de données sur les utilisateurs » mais simplement un bureau chargé de faire la promotion et le marketing de Twitter International. « Je suis en charge du développement économique et de rien d’autre », avait ainsi assuré Damien Viel, à la barre. Selon lui, les données sont conservées et traitées par la filiale européenne de Twitter International qui est située … en Irlande, à Dublin.

            Évidemment, l’Irlande est une terre bien verte pour toutes les entreprises qui souhaitent échapper aux législations plus strictes qu’elles portent sur le taux d’imposition ou les obligations légales liées aux start-up et à leur fonctionnement. Mais l’argument de l’avocat est imparable : cela ne servait à rien d’envoyer une réquisition judiciaire à Twitter France dans la mesure où ce n’est pas elle qui pouvait y répondre… Le tribunal judiciaire de Versailles lui a donc donné raison, lundi 21 mars. « Je me réjouis de cette décision qui innocente Damien Viel et Twitter France de toutes les accusations portées à leur encontre », a simplement salué Karim Beylouni.

Condamné en appel à détailler ses moyens de lutte

            Mais, dans ce jeu du chat et de la souris, si Twitter a gagné une bataille, la France n’a pas encore perdu la guerre sur le front de la haine en ligne. Dans une autre procédure, la cour d’appel de Paris a obligé, en janvier, Twitter à communiquer les documents détaillant précisément ses moyens de lutte contre la haine en ligne.

            Plusieurs associations de lutte contre les discriminations avaient assigné en justice le réseau, jugeant qu’il manquait de façon « ancienne et persistante » à ses obligations de modération de contenus. Condamné à livrer des informations sur son fonctionnement, le réseau social à l’oiseau bleu ne s’est pas encore exécuté. Un manquement manifeste qui agace les conseils des avocats qui, selon les informations de Lexbase, réfléchissent à l’idée de saisir un juge de l’exécution des peines pour contraindre Twitter à se plier à cette décision de justice, sous peine d’astreinte. De son côté, Twitter réfléchit, lui, selon nos informations, à se pourvoir en cassation après cette condamnation. Le combat ne fait que débuter.

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