La lettre juridique n°898 du 17 mars 2022 : Fiscalité des entreprises

[Le point sur...] Transmission d’une exploitation agricole : quel régime fiscal de faveur utilisé ?

Lecture: 48 min

N0764BZC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Le point sur...] Transmission d’une exploitation agricole : quel régime fiscal de faveur utilisé ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/82449628-le-point-sur-transmission-dune-exploitation-agricole-quel-regime-fiscal-de-faveur-utilise
Copier

par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine

le 24 Octobre 2023

Mots-clés : exploitation agricole • transmission d’entreprises • régime fiscal • DMTG • pacte Dutreil

Selon la chambre de l’agriculture, près d’un tiers des exploitants agricoles pourront prendre leur retraite d’ici 2026, soit environ 160 100 exploitants.

Le sujet de la transmission de l’exploitation agricole a ainsi vocation à prendre de l’importance dans les prochaines années.

La transmission de l’exploitation agricole et ses conséquences fiscales nécessitent d’intégrer plusieurs paramètres tenant notamment à la structuration juridique de l’activité, à la présence de baux, à la volonté de transmettre à des enfants repreneurs, ou encore des besoins financiers.

En fonction des stratégies adoptées, la fiscalité et les régimes de faveur pouvant être utilisés seront différents.


 

 

Cette transmission est ainsi susceptible de générer des conséquences au regard du régime des plus-values professionnelles ou privées, des droits de mutation à titre onéreux ou à titre gratuit, et également au niveau de la TVA.

Nous vous proposons, sans pour autant rechercher à être exhaustifs, certaines de ces conséquences. Notre objectif consistera à vous présenter quelques dispositifs susceptibles de s’appliquer, en alertant sur certaines difficultés pratiques ou théoriques.

Nous aborderons dans un premier temps la qualification des plus-values professionnelles sur cession de titres (I). Nous aborderons ensuite, l’application des différents régimes de plus-values professionnelles et privées (II) en distinguant le cas de la cession des parts ou de l’entreprise individuelle. Nous traiterons du cas des droits de mutation à titre gratuit et du pacte Dutreil (III). Enfin, nous terminerons avec les droits de mutation à titre onéreux (IV).

I. Plus-value privée ou professionnelle en présence de cession de titres de sociétés agricoles ?

En règle générale, même si cela est de moins en moins vrai, les sociétés agricoles relèvent de l’impôt sur le revenu de plein droit.

On notera que depuis quelques années, le législateur tend à favoriser l’option pour l’impôt sur les sociétés, notamment en aménageant les conséquences de celle-ci.

Cependant, cette option peut s’avérer intéressante si l’exploitant agricole ne raisonne qu’à partir du taux d’imposition. En regardant de plus près l’assiette d’imposition, cette option peut être pénalisante dans la mesure où l’exploitant perd l’ensemble du régime de faveur propre aux bénéfices agricoles tel que : la déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement (DEP), la moyenne triennale, l’étalement des revenus exceptionnels sur sept ans…

L’absence d’application de ces régimes en cas d’option pour l’impôt sur les sociétés peut expliquer pour partie, le nombre encore important de sociétés agricoles relevant de l’impôt sur le revenu.

En cas de cession de titres d’une société agricole relevant de l’impôt sur le revenu, tel qu’une SCEA ou une EARL, il est nécessaire de s’interroger sur l’activité de l’associé au sein de cette société.

En effet, si celui-ci est un « associé exploitant », conformément à l’article 151 nonies, I du Code général des impôts N° Lexbase : L9116LKT, alors les cessions de titres ou leurs donations relèveront du régime des plus-values professionnelles.

Si, il s’agit d’un associé non exploitant, alors les plus-values relèveront du régime des plus-values privées. Dans ce dernier cas, la donation des titres relevant du régime des plus-values privées ne sera pas soumise à imposition [1].

La qualification « d’associé exploitant » au regard du droit fiscal est autonome. Il est impératif que l’associé participe de manière personnelle, directe et régulière à l’activité. À titre d’exemple, l’associé gérant unique d’une société unipersonnelle peut voir les titres qu’il possède qualifier d’élément d’actif professionnel [2], alors même que la gestion aurait été confiée à tiers. La jurisprudence [3] a également pu considérer que l’associé-gérant unique, seulement un associé majoritaire, pouvait voir ses titres qualifiés de professionnels.

Plus récemment, le Conseil d’État [4] a également considéré, dans certaines situations, que les titres détenus par un associé non-gérant pouvaient être considéré comme des éléments d’actifs professionnels.

Dans cette affaire, l’associé exerçait des fonctions d’exécution dans le cadre d’un contrat de travail à hauteur de dix-huit par semaine. Les tâches de cet associé consistaient notamment dans l’accueil téléphonique de la clientèle, l’accueil des clients, la réception des commandes, la préparation des livraisons et le suivi des règlements.

On peut ainsi constater que la qualification des titres de sociétés agricoles comme constituant un élément d’actif professionnel relevant du régime des plus-values professionnelles est plus large que la notion d’associé exploitant visé à l’article L. 321-6 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L3795AEB, ou de celle de gérant.

En pratique, il n’est pas rare de rencontrer des associés qui pensaient relever du régime des plus-values privées.

Attention, un associé d’une société agricole relevant du régime de l’impôt sur le revenu qui n’aurait vraiment aucune activité dans celle-ci est susceptible de relever du régime des plus-values privées.

Si on exclut le cas des plus-values immobilières, le schéma de décision entre les plus-values professionnelles et privées sur parts devrait être le suivant :

II. Différents régimes d’exonération des plus-values pour différentes situations

Ainsi, si les titres relèvent du régime des plus-values privées, alors c’est l’ensemble du régime des plus-values privées qui est susceptible de s’appliquer (A).

En présence, du régime des plus-values professionnelles, les titres pourront bénéficier des régimes spécifiques propres à cette qualification (B).

Enfin, en cas de cession de l’entreprise individuelle, là encore, le régime des plus-values professionnelles pourra trouver à s’appliquer avec quelques particularités (C).

A.  Le régime des plus-values privées et la cession des titres

Le régime des plus-values privées trouvera à s’appliquer dans deux grandes situations :

  • cession à titre onéreux de titres de sociétés agricoles relevant du régime de l’impôt sur les sociétés ;
  • cession à titre onéreux de titres de sociétés agricoles relevant du régime de l’impôt sur  le revenu, dans laquelle l’associé n’exerce pas d’activité.

Les cessions de titres recevant cette qualification sont ainsi soumises par principe au prélèvement forfaitaire unique (PFU), soit une taxation globale au taux de 30 % (12,8 % d’IR, et 17,2 % de CSG/CRDS). Sur option, il est possible d’opter pour l’application du barème progressif.

Attention, l’option pour l’application du barème progressif implique de prendre plusieurs paramètres en compte :

  • l’option est globale, annuelle et irrévocable ; l’option s’étend aux revenus de capitaux mobiliers ;
  • la CSG en cas d’option pour le barème progressif pourra faire l’objet d’une déduction à hauteur de 6,8 % ; cependant, cette déduction est susceptible de faire l’objet d’un plafonnement selon les abattements utilisés ;
  • l’option pour le barème progressif permet l’application de certains abattements ;
  • l’option pour le barème progressif est susceptible d’impacter le calcul du prélèvement à la source.

Dans ces hypothèses de cession, sous réserve d’opter pour l’application du barème progressif, l’exploitant pourra utiliser les abattements pour durée de détention. Trois abattements sont susceptibles de s’appliquer, non cumulables entre eux :

Abattement de droit commun

L’abattement de droit commun, celui-ci pouvant atteindre 65 % d’abattement lorsque les titres sont détenus depuis au moins 8 ans. Entre deux et moins de huit ans de détention, l’abattement est de 50 %. Cet abattement ne s’applique que sur le montant de l’impôt sur le revenu, et non sur la CSG/CRDS. Il convient de rappeler que cet abattement ne s’applique que pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018, et sous réserve d’avoir opté pour l’application du barème progressif.

Abattement renforcé sur les gains de cession de titres de moins de dix ans

L’abattement renforcé sur les gains de cession de titres de moins de dix ans, celui-ci pouvant atteindre 85 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins huit ans. Entre quatre ans et moins de huit ans de détention, l’abattement s’élève à 65 %. Entre un an de détention et moins de quatre ans de détention, l’abattement s’élève à 50 %. Là encore, l’abattement s’applique au montant de l’impôt sur le revenu et non à la CSG/CRDS. Plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies. Afin de pouvoir bénéficier de ce régime, les titres doivent avoir été acquis avant le 1er janvier 2018, et le cédant doit avoir opté pour l’application du barème progressif. La société dont les titres sont cédés doit être une PME au sens du droit de l’Union européenne. En contrepartie de leur souscription au capital de la société, les associés ne doivent avoir reçu que des droits résultants de la qualité d’associé, à l’exclusion de toute garantie en capital ou autre avantage. La société doit être passible de l’impôt sur les bénéfices ou d’un impôt équivalent. Elle doit avoir son siège dans l’espace économique européen. Elle doit exercer une activité de type agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Les titres doivent avoir été acquis ou souscrits dans les dix premières années de la vie de la société. Attention, la société ne doit pas avoir été issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’une activité préexistante.

Cette dernière condition est susceptible de poser des difficultés dans la mesure où, en pratique il est fréquent qu’une EARL ou une SCEA soit constituée à partir de l’apport d’une entreprise individuelle. En effet, si l’apport est intervenu plus de dix ans après la création de l’entreprise individuelle, le régime de faveur ne trouvera pas à s’appliquer [5].

Abattement fixe pour départ à la retraite

Le dernier abattement est un abattement fixe de 500 000 euros en cas de départ à la retraite. Cet abattement s’applique que l’associé ait opté pour le régime du barème progressif ou non. On relèvera ici que la loi de finances pour 2022 a aménagé la date de fin de ce dispositif. En effet, celui-ci devait prendre fin au 31 décembre 2022. Il s’éteindra dorénavant au 31 décembre 2024. Là encore, l’application de ce dispositif nécessite de remplir plusieurs conditions. Sans rechercher à être exhaustif quant aux conditions d’application de ce régime, certaines d’entres elles sont susceptibles de poser des difficultés.

En effet, la société bénéficiaire de ce régime doit être soumise à l’impôt sur les sociétés. De fait, les associés non exploitants des SCEA, EARL ou GAEC relevant de l’impôt sur le revenu sont exclus de ce régime.

En outre, les associés ne sont pas nécessairement et systématiquement rémunérés, surtout lorsque l’associé est également associé d’autres sociétés agricoles, ou exerce une activité de travaux agricoles.

Il convient de rappeler que le cédant doit cesser toute fonction de direction ou salariés dans la société et faire valoir ses droits à la retraite. En principe ces événements doivent intervenir dans les deux années suivant ou précédant la cession. À titre exceptionnel, la loi de finances pour 2022 a porté ce délai à trois ans, sous réserve que le cédant ait fait valoir ses droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, et que le départ en retraite intervienne avant la cession.

La cession doit porter sur l’intégralité des titres ou droits détenus par le cédant dans la société. Ou, lorsque le cédant détient plus de 50 % des droits de vote, la cession doit porter sur plus de 50 % de ces droits. L’une des difficultés peut résulter des cessions échelonnées. En effet, il n’est pas rare en pratique de constater, notamment pour des raisons d’accompagnement de l’enfant, que l’exploitant procède à la cession d’une partie des titres en plusieurs fois, ainsi qu’une donation de ceux-ci.

La chronologie des opérations peut ici revêtir une importance capitale, qui ne va pas toujours de pair avec les intentions de l’exploitant.

En effet, les juridictions du fond [6] ont pu indiquer que l’appréciation de la quotité des titres cédés est effectuée au vu des seules cessions à titre onéreux.

Les donations ne sont pas prises en compte. Ainsi, les schémas dans lesquels l’associé cède une partie des titres, donne une partie, et cède le reliquat sont susceptibles de poser des difficultés.

Comparaison entre le PFU et le barème progressif (hors CSG déductible)

PFU

Barème progressif

Taux

0 %

11 %

30 %

41 %

45 %

12,8 %

Sans abattement

0 %

11 %

30 %

41%

45 %

12,8 %

Avec abattement

50 %

0 %

5,5 %

15 %

20,5 %

22,5 %

65 %

0 %

3,85 %

10,50 %

14,35 %

15,75 %

85 %

0 %

1,65 %

4,50 %

6,15 %

6,75 %

Schéma d’apport cession

On constate en pratique que de plus en plus d’associés de société agricole optent pour l’application de l’impôt sur les sociétés. Il convient ici de rappeler que cette option est susceptible de bénéficier d’un régime de report d’imposition visé à l’article 151 nonies III du Code général des impôts. Ces schémas trouvent à s’appliquer au cas de la SCEA. En effet, le GAEC ne peut avoir d’associé-personne morale. Au niveau de l’EARL, les associés exploitants doivent être majoritaires.

En outre, au vu de la rédaction de l’article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4462I4Z, le preneur à bail peut mettre à disposition les terres dont il est le fermier à une société dont il est associé exploitant. Ainsi, cela oblige ce dernier à être présent en tant qu’associé exploitant au sein de la société fille. À défaut, il s’expose à la résiliation de son bail.

Ces éléments, lorsque la société relève de l’impôt sur le revenu et que l’associé y exerce son activité sont de nature à empêcher l’application de l’article 151 nonies IV bis du Code général des impôts qui permet en cas d’apport de l’intégralité des titres de la société agricoles à une société holding de bénéficier d’un régime de report d’imposition.

Ainsi, certains praticiens, notamment pour des motifs d’organisation juridique, mais aussi d’optimisation peuvent opter pour l’application de l’impôt sur les sociétés. L’associé exploitant pourra ainsi apporter une partie seulement des titres à une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés, avec l’application du régime de report d’imposition visé à l’article 150-0 B ter du Code général des impôts N° Lexbase : L6170LU3.

Plus de trois ans après l’apport, la société holding pourra céder les titres en quasi exonération d’impôt, sauf une réintégration d’une quote-part de frais et charge de 12 % au niveau de la société holding soumise au taux de l’impôt sur les sociétés, soit une taxation effective d’un peu plus de 3 %.

B. Le régime des plus-values professionnelles et la cession des titres 

Si la société agricole (SCEA, EARL, GAEC…) relève de l’impôt sur le revenu et que l’associé y exerce son activité professionnelle, alors c’est le régime des plus-values professionnelles qui trouvera à s’appliquer en cas de cession des titres.

Il convient ici de faire la distinction entre les plus-values à court terme ou à long terme. Les plus-values professionnelles à long terme sont imposées au taux de 12,8 % à l’impôt sur le revenu, et à 17,2 % à a CSG/CRDS.

En cas de cession des titres, plusieurs régimes sont susceptibles de s’appliquer :

  • exonération en fonction du chiffre d’affaires (CGI, art. 151 septies) ;
  • exonération en fonction de la valeur des éléments cédés (CGI, art. 238 quindecies N° Lexbase : L5680MAM) ;
  • exonération pour départ à la retraite (CGI, art. 151 septies A N° Lexbase : L5580MAW) ;
  • exonération des plus-values immobilières à long terme (CGI, art. 151 septies B N° Lexbase : L1142IEZ).

Ces régimes peuvent pour certains se cumuler.

Quelques difficultés concernant l’application du régime d’exonération en fonction du chiffre d’affaires

L’application de l’article 151 septies du Code général des impôts nécessite de remplir les conditions suivantes :

  • l’activité agricole doit être exercée à titre professionnelle durant à minima cinq ans ;
  • le chiffre d’affaires de la société doit être inférieur à 250 000 euros pour une exonération totale. Si celui-ci est compris entre 250 000 euros et 350 000 euros, l’exonération sera partielle.

La référence de chiffre d’affaires s’apprécie par rapport à la moyenne des recettes, hors taxes, réalisées au cours de deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l’exercice de réalisation des plus-values.

L’appréciation du seuil d’exonération est susceptible de poser des difficultés dans plusieurs situations. Cela sera notamment le cas lorsque l’associé exploitant est également entrepreneur individuel, ou associé d’une autre société agricole soumise à l’impôt sur le revenu.

Dans ce cas, pour apprécier le seuil de 250 000 euros, il convient de faire la somme de quote-part de recettes réalisées par la société et les recettes réalisées par l’entreprise individuelle [7].

Au cas d’un couple, la doctrine administrative [8] apporte un éclairage intéressant, en cas de cession des titres. Si les parts constituent un bien commun et si chacun des époux est membre associé ou membre de la société ou du groupement, il convient de distinguer selon que ces droits ou parts sont individualisés au nom de chacun des époux ou, au contraire, que l’ensemble des parts sont détenues par la communauté. Dans le premier cas (chacun des époux étant titulaire, en tant qu'associé, d'un nombre de parts), il est fait application des règles rappelées précédemment selon la situation de l'époux dont les titres sont cédés.

Dans le second cas, et lorsqu'un seul des époux exerce son activité dans la société, la répartition de la plus-value réalisée entre la plus-value professionnelle et la plus-value des particuliers dépend des droits réels de chacun des conjoints sur la communauté.

On constate également que certaines stratégies de transmissions des titres bâtis sur le démembrement de propriété peuvent permettre de rentrer dans ce régime d’exonération. La donation temporaire de l’usufruit des titres aboutit à modifier la répartition des droits dans les bénéfices sociaux de la société au profit de l’usufruitier [9].  Il est ici impératif de justifier le démembrement temporaire afin d’éviter de tomber sous le joug de l’abus de droit.

Exonération en fonction de la valeur des éléments cédés

Afin de bénéficier de l’exonération prévue à article 238 quindecies du Code général des impôts, il convient de respecter plusieurs conditions cumulatives :

  • il est nécessaire d’avoir exercé son activité professionnelle durant 5 ans au sein de la société ;
  • il faut céder l’intégralité des éléments d’actifs ;
  • depuis la loi de finances pour 2022, pour bénéficier d’une exonération totale, la valeur des éléments cédés ne doit pas excéder 500 000 euros ; entre 500 000 euros et 1 000 000 d’euros, l’exonération sera partielle ;
  • ce régime vise les cessions à titre gratuit et à titre onéreux ;
  • le cédant ne doit pas contrôler le cessionnaire du fait de la participation qu’il détient ou des fonctions qu’il y exerce.

Ces conditions doivent être satisfaites de manière continue durant les trois années qui suivent la cession, sous peine de remise en cause du régime de faveur.

Dans certaines régions, en raison de la valeur des exploitations, notamment dans le nord de la France, ce régime n’était pas nécessairement le plus utilisé en raison des anciens seuils. En effet, auparavant, l’exonération était totale dès lors que la valeur des éléments cédés n’excédait pas 300 000 euros. L’exonération était partielle dès lors que la valeur des éléments cédés était comprise entre 300 000 euros et 500 000 euros. Il reste à voir comment la pratique s’emparera des modifications apportées par la loi de finances pour 2022.

En outre, il convient de rappeler que ce régime ne s’applique pas aux cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière.

Il convient de porter une attention particulière sur les biens immobiliers présents à l’actif du bilan. Il n’est en effet pas rare de constater que dans un souci de diversification, un certain nombre d’exploitants ont pu loger dans la société agricole des biens immobiliers non affectés à celle-ci.

Exonération pour départ à la retraite

Là encore, plusieurs conditions doivent être remplies afin de bénéficier de l’application de l’exonération totale prévue à l’article 151 septies A du CGI :

  • l’activité doit avoir été exercée pendant cinq ans à titre professionnel ;
  • le cédant ne doit pas contrôler le cessionnaire ; cela implique qu’il ne détienne pas plus de 50 % des droits de vote ou dans les bénéfices sociaux du cessionnaire ;
  • l’associé doit cesser toute fonction dans la société dont les parts sont cédées et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivants ou précédant la cession ; il convient ici de relever que la loi de finances pour 2022 a aménagé de façon temporaire ce dispositif ; en effet, si le départ à la retraite est intervenu avant la cession et entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, le cédant disposera d’un délai de trois ans.

La date de départ à la retraite s’entend de la date d’entrée en jouissance de ses droits dans le régime obligatoire de base auprès duquel l’exploitant est affilié au titre de cette activité.

Par cessation des fonctions, il convient d’entendre toute fonction de direction ainsi que toute activité salarier au sein de l’entreprise ou de la société concernée. Cependant, l’administration fiscale [10] tolère sous réserve du cumul des règles emploi-retraite, que le cédant exerce une activité professionnelle dans une autre entreprise, ou qu’il exerce une activité non salariée auprès de l’entreprise cédée.

Cela permet ainsi de mettre en place des logiques d’accompagnement des repreneurs s’étalant dans le temps.

  • les opérations à titre gratuit comme les donations sont exclues de ce régime.

Dans un certain nombre de situations, l’associé peut préférer céder les éléments d’actif plutôt que les titres de la société. Ici, en cas de cession de l’ « activité » par la société et sous réserve que celle-ci soit dissoute de manière concomitante, l’article 151 septies A sera susceptible de s’appliquer.

Exonération des plus-values immobilières à long terme

Les parts de sociétés agricoles à prépondérance immobilière sont susceptibles de bénéficier de l’application de l’article 151 septies B du Code général des impôts.

Ce régime permet de bénéficier d’un abattement égal à 10% par an, sur les plus-values immobilières à long terme, au-delà de 5 ans de détention.

Ainsi, au bout de 15 ans de détention, les plus-values immobilières professionnelles à long terme sont intégralement exonérées d’impôt sur le revenu.

Là encore, il est nécessaire que l’associé exerce son activité professionnelle dans la société.

Les commentaires administratifs [11] précisent : « Une société est réputée à prépondérance immobilière pour la mise en œuvre du présent dispositif lorsqu’au moment de la cession, son actif est constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle de biens immobiliers affectés à l’exploitation de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ou de droits ou parts de sociétés dont l’actif est lui-même constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle de tels biens. Pour apprécier le seuil de 50 %, il convient de comparer la valeur réelle des seuls biens immobiliers (ou droits de sociétés ou groupements à prépondérance immobilière) affectés à l’exploitation avec la valeur réelle de l’ensemble des autres éléments d’actifs (immobiliers et non immobiliers, immobilisés et non immobilisés). Cette comparaison doit être effectuée d’après la valeur réelle des éléments d’actif au jour où la plus-value est réalisée ».

Il est là encore nécessaire de vérifier l’affectation des différents biens immobiliers.

Attention au régime de report d’imposition

Outre les régimes d’exonération, l’exploitant peut préférer avoir recours à des régimes de report d’imposition visé à l’article 151 nonies du Code général des impôts.

Notamment, en cas de donation, l’associé donateur pourra bénéficier d’un report d’imposition lorsque le donataire est une personne physique.

Ce régime de report d’imposition pourra se transformer en régime d’exonération dès lors que l’activité est poursuivie pendant cinq ans.

Il convient ici de relever que la rédaction de l’article 151 nonies, II du Code général des impôts ne précise pas qui doit poursuivre l’exploitation.

Un certain nombre de praticiens considèrent que cette activité peut être poursuivie par une personne autre que l’associé.

Ces reports d’imposition peuvent être pénalisants dans la mesure où la plus-value doit faire l’objet d’une imposition en cas de réalisation de certains événements : cession des titres donnés, rachats des titres ou annulation des titres, ou transmission ultérieure.

En effet, lorsque l’un de ces événements se produit, il y a deux plus-values imposables, celle issue du report d’imposition et celle générée par la réalisation de l’événement.

Ce point est susceptible de poser des difficultés au donataire, notamment lorsque celui-ci envisage d’apporter ces titres à une société holding.

Il est vrai qu’il est possible de maintenir les reports d’imposition [12], encore faut-il que la nouvelle opération ouvre elle-même droit à un report d’imposition.

L’article 151 nonies, IV bis du Code général des impôts permet de bénéficier d’un report d’imposition en cas d’apport de l’intégralité des titres à une société holding, sous réserve de respecter plusieurs conditions.

Dès lors, en cas de donation des titres suivis d’un éventuel apport un peu plus tard de ceux-ci à une société holding par le donataire, il est en principe possible de maintenir le report d’imposition initiale issue de la donation, voire éventuellement d’aller chercher à purger celle-ci.

Cependant, en pratique, il peut être difficile de faire application de ce mécanisme en raison du statut du fermage, empêchant l’associé d’apporter l’intégralité de ces titres.

En dehors de ces cas, il convient systématiquement de vérifier les régimes de report d’imposition « en stock » dans les dossiers.

En pratique, un certain nombre de sociétés agricoles ont été créées par voie d’apport de l’entreprise individuelle avec application de l’article 151 octies du CGI N° Lexbase : L5581MAX. La cession des titres est là encore susceptible de faire tomber le report d’imposition.

Outre les systèmes de maintien des reports d’imposition, il convient d’avoir à l’esprit que certains régimes d’exonération permettent de purger cette plus-value en report d’imposition.

Le choix du régime d’exonération peut donc s’avérer important. À titre d’exemple, en cas de cession des titres pour départ à la retraite, l’article 151 septies A du Code général des impôts permet de purger les reports d’imposition issus de l’apport de l’entreprise individuelle avec application de l’article 151 octies du même Code [13].

C. La cession de l’entreprise individuelle et des éléments d’actifs

En cas de cession de l’entreprise individuelle ou des éléments d’actif par la société, la plupart des régimes vus ci-dessus vont également pouvoir trouver à s’appliquer avec certaines spécificités, à l’exception bien évidemment de ceux qui ne concernent que les titres de sociétés.

Il convient notamment de faire attention à l’application du délai de cinq ans. Il n’est pas rare que la société agricole exerce plusieurs activités. Le cas classique vise l’exercice d’une activité agricole à laquelle est associée la production d’électricité photovoltaïque.

Sous réserve de respecter les conditions visées à l’article 75 du Code général des impôts N° Lexbase : L9086LNT, cette activité peut être imposée dans la catégorie des bénéfices agricoles.

En cas de cession de l’une de ces branches par la société agricole, la question du décompte du délai de cinq ans se pose nécessairement.

La cour administrative d’appel [14] de Nantes considère que l’analyse de la durée d’activité doit être appréciée de manière distincte pour chacune des activités

L’appréciation de la durée de cinq ans en cas de cession des éléments d’actifs par une société agricole à la suite de l’apport de l’entreprise individuelle nécessite également des précisions.

En effet, la doctrine administrative [15] propre aux bénéfices industriels et commerciaux considérés qu’en cas d’apport de l’entreprise individuelle dans les conditions de l’article 151 octies du Code général des impôts, c’est à dire sans opter pour celui-ci permet de reprendre l’antériorité de l’entreprise individuelle.

Or, la doctrine administrative [16] propre aux bénéfices agricoles ne reprend pas cette condition relative à l’apport dans les conditions de l’article 151 octies du Code général des impôts, étant rappelé que l’article de l’article 151 septies du Code général des impôts N° Lexbase : L4192LI4 ne contient aucune référence à cet article.

En outre, le Conseil d’État [17] a considéré que « dans le cas où le contribuable a poursuivi son activité d'abord à titre d'exploitant individuel puis en tant qu'associé d'une des sociétés mentionnées à l'article 8 du CGI N° Lexbase : L1176ITQ et exerçant la même activité, il convient de tenir compte de l'ensemble de cette période pour apprécier si la condition de durée de l'activité est satisfaite ». 

Ainsi, certains praticiens considèrent que même en présence d’un apport qui n’aurait pas été fait dans les conditions de l’article 151 octies du Code général des impôts, il est possible de reprendre l’antériorité de l’entreprise individuelle, en cas de cession des éléments d’actif.

En outre, il convient d’indiquer que l’appréciation de seuil de 250 000 euros vu précédemment pour l’application de l’article 151 septies du Code général des impôts est spécifique en cas de cession des éléments d’actif par une société agricole.

En effet, pour l’application de l’article 151 septies du Code général des impôts, les plus-values réalisées par une société civile agricole non soumise à l'impôt sur les sociétés sont imposables au nom de chaque associé visé au I de l'article 151 nonies selon les règles prévues pour les exploitants individuels en tenant compte de sa quote-part dans les recettes de la société [18].

Le Conseil d’État [19] a apporté des précisions qui soulèvent également d’autres questions. La haute juridiction administrative a indiqué clairement que pour les associés entrants, c’est-à-dire ceux ayant moins de deux ans de présence dans la société en tant qu’associés exploitants, il n’est pas possible de considérer que le chiffre d’affaires de référence est égal à 0.

Le Conseil d’État considère que dans ce cas, l’article 151 septies du Code général des impôts n’est pas applicable.

Cet arrêt soulève des questions sur le traitement des plus-values sur cessions d’élément d’actif pour les associés non exploitants, ou encore pour les associés non exploitants devenus exploitants.

Au niveau de la cession des éléments d’actif, le cas de l’amortissement du fonds agricole résiduel est susceptible d’interroger. En effet, la loi de finances pour 2022 permet d’amortir de manière temporaire le fonds commercial acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

L’article 618-8 du plan comptable général définit le fond agricole résiduel de la manière suivante :

« Sont comptabilisés au compte " fonds agricole résiduel " les éléments incorporels du fonds agricole acquis qui ne font pas l'objet d'une évaluation et d'une inscription dans un compte distinct du bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d'activité de l'entité ».

La lettre du texte ne vise pas le cas du fond agricole résiduel. Cependant, plusieurs éléments militent pour un tel amortissement :

  • le règlement de l’ANC n° 2020-03, du 3 juillet 2020 N° Lexbase : X9340CMU assimile de fond agricole résiduel au fonds commercial [en ligne]  ;
  • les grands principes des bénéfices agricoles suivent expressément les grands principes des bénéfices non commerciaux [20] ;
  • la notice de la déclaration n° 2139-SD vise l’amortissement du fond agricole résiduel (ligne HM) [en ligne].

Une telle option, si elle peut être séduisante nécessite cependant de s’interroger côté repreneur sur la durée d’amortissement et sur valeur de cet élément.

Concernant plus spécifiquement le cas de la transmission à titre gratuit de l’entreprise individuelle, il convient de ne pas perdre de vue qu’il est possible de bénéficier sous réserve d’en remplir les conditions, d’un régime de report d’imposition visé à l’article 41 du Code général des impôts N° Lexbase : L4078ICZ.

III. Les droits de mutation à titre gratuit et le pacte Dutreil

Les schémas de transmissions familiales peuvent également être effectués dans le cadre d’une donation. Comme vu précédemment, en présence de la donation d’une entreprise individuelle ou des parts d’une société agricole soumise à l’impôt sur le revenu dans laquelle l’exploitant exerce son activité, il s’agit d’un fait générateur de plus-values professionnelles.

Dans le cadre schéma, l’utilisation du pacte Dutreil est généralement conseillée afin de réduire les droits de mutation à titre gratuit.

Un certain nombre de points sont susceptibles de poser des difficultés au cas d’une exploitation agricole.

A. Le cas de la transmission à titre gratuit des parts sociales 

En cas de transmission à titre gratuit de parts de société agricole, comme une SCEA ou une EARL, il est possible de faire application de l’article 787 B du Code général des impôts N° Lexbase : L5936LQW. Ce dispositif permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur les droits de mutation à titre gratuit.

En cas de donation en pleine propriété, ce régime peut se cumuler avec une réduction de droits de 50 %.

Selon la situation, il sera possible de mettre en place un engagement collectif ou unilatéral de conservation. Il convient de préciser que cet engagement doit porter, pour des sociétés non cotées, sur un minimum de 34 % des droits de vote et 17 % des droits au bénéfice. Cet engagement doit être à minima de deux ans.

La transmission doit intervenir durant la phase d’engagement collectif ou unilatéral.

Sous réserve d’en remplir les conditions, il est possible d’avoir recours à un pacte réputé acquis. Celui-ci permet de gagner du temps, en ce sens qu’il n’y a pas d’engagement collectif ou unilatéral.

Une fois que l’engagement collectif ou unilatéral a pris fin, débute une phase d’engagement individuel de quatre ans. Les bénéficiaires de la transmission ayant fait application de l’abattement de 75 % doivent ainsi s’engager à conserver les titres reçus durant cette période de quatre ans.

L’application de ce dispositif nécessite de remplir une condition tenant à l’exercice d’une fonction de direction. Celle-ci doit être exercée durant l’engagement collectif et trois ans après la transmission. Au vu des derniers commentaires administratifs [21], pendant l’engagement collectif, la fonction de direction doit être exercée par l’un des signataires initiaux du pacte, y compris par tolérance, par un associé qui aurait depuis la signature du pacte, transmis tous les titres qui y sont soumis.

À compter de la transmission, la fonction de direction doit être exercée par l’un des héritiers, légataires, qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus, ou par l’une des personnes visées ci-dessus.

Au cas du pacte réputé acquis, même si les commentaires administratifs du 21 décembre 2021 apportent un peu souplesse en reconsidérant l’exercice d’une codirection parents/enfants, permettant ainsi de favoriser les transmissions progressives de l’exploitation, il demeure impératif que l’enfant exerce la fonction de direction [22].

Attention, l’analyse est distincte selon que le pacte Dutreil porte sur une société soumise à l’impôt sur le revenu ou sur une société relevant de l’impôt sur les sociétés.

En effet, au cas d’une société relevant de l’impôt sur les sociétés, l’une des personnes ci-dessus doit exercer l’une des fonctions visées à l’article 975,III-1-1° du Code général des impôts N° Lexbase : L9125LHG, à savoir : la fonction de gérant, nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, d'associé en nom d'une société de personnes ou de président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. Les commentaires administratifs du 21 décembre 2021 précisent explicitement qu’il n’y a pas de conditions de rémunération.

Au cas d’une société agricole soumise à l’impôt sur le revenu, l’une des personnes visées ci-dessus doit exercer son activité professionnelle à titre principale. La doctrine administrative [23] précise que cette notion s’apprécie comme en matière d’impôt sur la fortune immobilière. Or la doctrine administrative ne renvoie qu’au paragraphe 10 à 40 du BOI-PAT-IFI-30-10-10-30. Ceux-ci précisent qu’il convient, afin de déterminer en présence de plusieurs activités, si celle concernée est l’activité principale, de vérifier si elle constitue l’essentiel de ses activités économiques. Pour cela, il est nécessaire de regarder le temps passé sur chaque activité, le niveau de responsabilité, la taille des diverses exploitations.

À défaut, si ce critère ne peut être rempli parce que les activités sont d’égales importances, alors il convient de basculer sur le critère de la prépondérance des revenus.

Au cas particulier des sociétés agricoles relevant de l’impôt sur le revenu, ces critères sont susceptibles de poser des difficultés. En effet, il n’est pas rare que les exploitants agricoles soient associés dans plusieurs structures. À titre d’exemple un producteur de pommes de terre sera généralement associé d’une SARL de commercialisation de pommes de terre. On comprend ainsi qu’il faut faire un choix, et qu’au vu des règles de renvoi, il semble difficile de se rattacher à une éventuelle notion de biens professionnels unique.

En outre, l’activité principale doit s’exercer sur un temps relativement long, et en présence de plusieurs activités, pour lesquels on serait obligé de se retrancher derrière le critère de la prépondérance des revenus, il y a un risque d’entrée et sortie du pacte Dutreil, notamment au gré des conjonctures économiques. La rédaction de l’article 787 B du Code général des impôts apparaît ainsi mal adaptée à ce type de schéma.

Cela peut certainement expliquer les options pour l’impôt sur les sociétés. Certains praticiens rentrent ainsi la stratégie suivante, celle-ci s’inscrivant dans un temps long :

  • dans un premier temps, ils optent pour l’application de l’impôt sur les sociétés ; ils bénéficient ainsi du report d’imposition visé à l’article 151 nonies, III du Code général des impôts ;
  • il procède dans un second temps à donation des titres, étant rappelé qu’en cas de transmissions à  titre gratuit à une personne physique, si celle-ci prend l’engagement de déclarer en son nom la plus-value en cas de réalisation de certains événements, le report est maintenu ; la plus-value professionnelle sur titre en report d’imposition peut être purgée sous réserve que l’activité soit poursuivie pendant 5 ans et sous réserve de remplir les conditions de l’article 151 nonies, III du Code général des impôts ;
  • il est fait application de l’article 787 B du CGI lors de la donation des titres de cette société ayant opté pour l’impôt sur les sociétés.

B. Le cas de la transmission à titre gratuit de l’entreprise individuelle

L’abattement de 75 % est également susceptible de s’appliquer au cas des transmissions à titre gratuit d’exploitation agricole exercée dans le cadre d’une entreprise individuelle. On retrouve ici les mêmes conséquences que vues précédemment au niveau des plus-values professionnelles.

L’application de ce dispositif nécessite de remplir plusieurs conditions cumulatives.

L’entreprise individuelle, lorsque celle-ci a été acquise à titre onéreux, doit avoir été détenue depuis au moins deux ans. En revanche, aucun délai n’est exigé lorsque l’entreprise a été « acquise » par donation ou succession.

Il convient également de rappeler qu’en cas de transmission à titre gratuit de l’entreprise individuelle, les héritiers, les donataires ou légataires doivent prendre l’engagement de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant quatre ans à compter de la date de la transmission.

L’article 787 C du Code général des impôts N° Lexbase : L8958IQT n’impose pas de conditions d’exercice de l’activité professionnelle à titre principal pour les héritiers, donataires ou légataires. Celui-ci impose simplement que l’activité soit poursuivie par ces derniers durant trois ans après la transmission à titre gratuit.

L’administration fiscale considère pour sa part que l’activité doit être exercée à titre principale par ces derniers. Ce n’est pas le positionnement d’un certain nombre de juridictions du fond [24].

L’abattement de 75 % porte sur la totalité des biens transmis affectés à l’exploitation. Ici, l’administration fiscale adopte une présomption. Celle-ci considère que les biens inscrits au bilan sont présumés être affectés à l’activité professionnelle [25]. Cependant, il s’agit d’une présomption simple qui peut faire l’objet d’une remise en cause. Récemment, la Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler notamment au regard de la trésorerie de l’entreprise [26].

Concernant la trésorerie, la Cour de cassation valide le critère permettant de considérer celle-ci comme affectée ou non à l’exploitation. En l’espèce la Cour d’appel relevait que la moyenne des besoins de trésorerie de l’entreprise sur les trois derniers exercices complets, et la trésorerie était très supérieure aux charges courantes.

Il est possible de rattacher cet arrêt à celui rendu en matière d’ISF (Cass. com., 16 décembre 2020 n° 18-24-871, F-D).

L’organisation sous forme sociétaire est ainsi susceptible d’apporter un peu plus de sécurité de ce point de vue.

En outre, en règle générale, les terres ne sont pas inscrites au bilan. Leur sort ne peut donc pas être réglé au moyen de l’article 787 C du Code général des impôts.

C. Les régimes d’exonération concernant les terres 

Généralement, les terres sont en dehors du bilan. Cependant, l’exploitant peut désirer transmettre celle-ci à son repreneur, un membre de la famille ou un tiers. Par ailleurs, il peut détenir celle-ci directement ou dans le cadre d’un GFA.

La mise en place d’un bail cessible hors du cadre familial peut permettre de bénéficier d’un abattement sur les droits de mutation à titre gratuit. Celui-ci s’élève à 75 % jusqu’à 300 000 euros de valeur de biens ruraux, pour la fraction excédentaire, l’abattement s’élève à 50 %. Ce régime trouve également à s’appliquer au cas des parts de GFA.

L’application de ce régime au cas d’une détention en direct des biens ruraux nécessite de remplir plusieurs conditions cumulatives. Cette exonération est conditionnée au fait que le bénéficiaire de la transmission reste propriétaire des biens pendant cinq ans.

Attention, le bail doit avoir été conclu depuis au moins deux ans lorsque celui-ci a été consenti :

  • au donataire de la transmission, à son conjoint, à l'un de leurs descendants ;
  • à une société contrôlée par une ou plusieurs de ces personnes.

L’administration fiscale [27] en tire la conclusion que les baux consentis depuis moins de deux ans au donataire, à son conjoint, à ses descendants ou à une société contrôlée par une de ces personnes privent la donation de la possibilité de bénéficier du régime de faveur.

Au cas de parts de GFA, il convient ici de respecter les conditions suivantes :

  • les statuts du groupement doivent lui interdire l'exploitation en faire-valoir direct ; ce point est important dans la mesure où certains anciens GFA ne contiennent pas cette rédaction. Il est important de procéder à un audit des statuts afin de vérifier ce point. Quand bien même le GFA n’aurait pas exploité en faire-valoir direct, cette simple clause suffit à déqualifier le GFA [28] ;
  • les immeubles à destination agricole du groupement doivent faire l'objet d'un bail rural à long terme ou d'un bail rural cessible hors du cadre familial ;
  • en principe, les parts doivent être détenues depuis au moins deux ans ; ce délai n’est pas exigé en cas d’apports d’immeubles ou de droits immobiliers à destination agricole effectués lors de la constitution du groupement ;
  • l'article 793 bis du CGI N° Lexbase : L9073LND subordonne l'application du régime de faveur à la condition que les biens reçus restent la propriété du bénéficiaire de la mutation à titre gratuit pendant une durée minimale de cinq ans ;
  • on retrouve également une condition d’antériorité du bail de deux ans [29].

L'exonération ne s'applique qu'à la fraction de la valeur nette des parts correspondant aux biens donnés à bail à long terme ou à bail cessible hors du cadre familial et à concurrence d'un certain pourcentage.

Récemment, la cour d’appel de Caen [30] a eu l’occasion d’indiquer que l’apport des biens à GFA au cours de la période de cinq ans n’apparaît pas comme une cause de déchéance du régime de faveur à la lecture de l’article 793 du Code général des impôts N° Lexbase : L3146LDU.

IV. Les droits de mutation à titre onéreux 

En cas de cession des titres l’exploitation agricole, il convient de prendre garde à la rédaction de l’article 730 bis du Code général des impôts N° Lexbase : L6240LUN.

Celui-ci dispose : « Les cessions de gré à gré de parts de groupements agricoles d’exploitation en commun et d’exploitations agricoles à responsabilité limitée mentionnées au 5° de l’article 8 sont enregistrées au droit fixe de 125 euros. Les cessions de gré à gré de parts de sociétés civiles à objet principalement agricole, constituées depuis au moins trois ans avant la cession, sont enregistrées au droit fixe de 125 euros ».

Il convient de relever que la modification de l’article 730 bis du Code général des impôts est susceptible de poser un certain nombre de difficultés pratiques.

Il ressort des débats parlementaires en date que cette rédaction vise en réalité à empêcher certains montages aboutissant à une transformation de sociétés civiles immobilières en SCEA afin de bénéficier du régime de faveur. Ce point est explicitement repris dans le cadre de l’analyse de l’article 5 quater (nouveau) du projet de loi de finances pour 2020, par le rapporteur public Monsieur Joël GIRAUD, dans le cadre du rapport n° 2493, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 décembre 2019. Celui-ci précisant : « La durée d’un minimum de trois années entre la constitution de la société civile agricole et le bénéfice du droit fixe paraît de nature à éviter des transformations de société à une date rapprochée de la cession des parts ».

L’esprit de la loi n’est pas en accord avec sa rédaction.

La rédaction de l’article 730 bis du Code général des impôts exclut de son champ d’application les cessions de titres de SCEA constituées depuis moins de trois ans.

Certains praticiens considèrent que dans ce cas, les cessions de parts autres que celles visées par les mécanismes d’exceptions sont soumises à un taux de 3 %. Ce taux est porté à 5 % pour les parts de sociétés à prépondérance immobilière.

D’autres en revanche, considèrent qu’il faudrait revenir à l’article 727 du Code général des impôts. Les tenants de cette analyse expliquent notamment que si l’article 726 du Code général des impôts est le principe, celui-ci s’applique sous réserve des exceptions.

L’article 727 du Code général des impôts est un régime d’exception. Celui-ci précise : « Lorsqu'elles interviennent dans les trois ans de la réalisation définitive de l'apport fait à la société, les cessions de parts sociales, dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions, sont considérées, au point de vue fiscal, comme ayant pour objet les biens en nature représentés par les titres cédés ».

Une telle lecture permettrait d’échapper au droit proportionnel.

Cependant, une difficulté résulte de la rédaction de la doctrine fiscale [31] qui n’a pas été modifiée à la suite de la loi de finances pour 2020. Celle-ci exclut de manière générale l’application de l’article 727 du Code général des impôts à l’ensemble des parts de GAEC, d’EARL et de toutes sociétés civiles à objet principalement agricoles, même non exploitante.

Il convient d’indiquer que depuis le 1er janvier 2021, la cession du fond agricole est enregistrée gratuitement, au lieu de 125 euros auparavant.

 

[1] Réponse ministérielle B. Charles, n° 52122 : JOAN 17 février 1992 [en ligne].

[2] CE 9° et 10° ssr., 28 décembre 2012 n° 340135, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6824IZR.

[3] CE 9° et 10° ssr., 28 décembre 2012, n° 340135 N° Lexbase : A6824IZR.

[4] CE 9° et 10° ch.-r., 8 juin 2016, n° 387826, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2415RSA.

[5] QE n° 3501 de Monsieur Mohamed Laqhila, JOANQ 5 décembre 2017, réponse publ. 13 août 2018, p. 7471, 15ème législature [en ligne].

[6] CAA Nantes, 12 décembre 2019, n° 17NT02539 N° Lexbase : A9091Z9L.

[7] BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 n° 640 N° Lexbase : X5888ALN.

[8] BOI-BA-BASE-20-20-30-30 n° 150 N° Lexbase : X9001ALX.

[9] TA Rouen, 16 juin 2020 n° 1081116 ; RJF, 2020, n° 889 ; CE 3° et 8° ch.-r., 14 novembre 2018, n° 407063, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1650YLP ; CE 3° et 8° ch.-r., 14 novembre 2018, n° 407065, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1651YLQ.

[10] BOI-BIC-PVMV-40-20-20-30 n° 50.

[11] BOI-BIC-PVMV-20-40-30 n° 160 N° Lexbase : X5185ALM.

[12] CGI, art. 151-0 octies N° Lexbase : L2335IGL.

[13] BOI-BIC-PVMV-40-20-20-40 n° 120 N° Lexbase : X6861ALP.

[14] CAA Nantes, 7 janvier 2022, n° 20NT03391 N° Lexbase : A86997HN.

[15] BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20 n° 130 N° Lexbase : X5888ALN.

[16] BOI-BA-BASE-20-20-30-30 N° Lexbase : X9001ALX.

[17] CE 3° et 8° ssr., 13 janvier 2010, n° 301985, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3286EQR ; CE 3° et 8° ssr., 13 janvier 2010, n° 301986, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3287EQS.

[19] CE 3° et 8° ch.-r., 19 décembre 2018, n° 412474, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0739YRS ; CE 3° et 8° ch.-r., 19 décembre 2018, n° 412475, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0740YRT.

[21] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 390 et suivants N° Lexbase : X6754ALQ.

[22] QE n° 99759 de M. Yannick Moreau, JOANQ 11 octobre 2016, réponse publ. 7 mars 2017 p. 1983, 14ème législature N° Lexbase : L7071LDA.

[23] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 280.

[24] CA Pau, 10 janvier 2013, n° 11/03410 ; CA Grenoble, 8 septembre 2015 n° 13/00609.

[25] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 n° 10.

[26] Cass. com., 9 février 2022, n° 20-10.753, F-D [LXB=A09707N].

[27] BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 n° 10.

[28] CA RIOM, 27 mai 2010, n° 05/01756 N° Lexbase : A4462E97.

[29] BOI-ENR-DMTG-10-20-30-30 n° 140.

[30] CA Caen, 16 novembre 2021, n° 19/02794 N° Lexbase : A88987B8.

[31] BOI-ENR-DMTOM-40-20 n° 60 N° Lexbase : X5432ALR.

newsid:480764

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.