Le Quotidien du 8 mars 2022 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Sollicitation personnalisée de clients-copropriétaires et non-respect des principes essentiels de la profession (illustration)

Réf. : CA Paris, 2 février 2022, n° 19/02425 N° Lexbase : A23817LR

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par Marie Le Guerroué

le 07 Mars 2022

► L’avocat qui a manipulé de très nombreux copropriétaires de résidences de loisirs gérées par un grand groupe, en usant de l'interface d'une association dont il était le principal animateur, présentée comme bénévole, mais lui servant de faire-valoir, et de comités de pilotage créés à son initiative et dont il était la plume, pour leur proposer ses services de manière souvent indirecte, en utilisant les services de tiers dans le but de contourner ces interdictions, mais également directe sans que le plus grand nombre d'entre eux ne l'ait sollicité, et ce, au mépris de l'engagement de l'association selon lequel aucune proposition commerciale ne serait adressée à moins qu'elle ne soit expressément demandée et en dehors de l'association par un copropriétaire, a agi de manière déloyale et intéressée et donc en violation des principes essentiels de sa profession d'avocat.

Procédure. Des copropriétaires s’étaient rapprochés en 2015 de l'association « Assistance Pierre » dont le but est de défendre leur intérêt collectif dans le cadre de la négociation des conditions de renouvellement des baux avec le groupe « Pierre & Vacances », notamment sur le montant du loyer, la durée du contrat et la participation aux travaux. Dans ce cadre, certains s’étaient regroupés, par résidence, dans un collectif et avaient missionné un avocat associé et président de l'association, pour les assister dans la négociation. Plusieurs sociétés du groupe ont dans ce contexte fait assigner l’avocat en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de leur responsabilité délictuelle devant le tribunal de grande instance de Paris. Le 12 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris les a déboutées de leurs demandes. Les sociétés forment un recours.

  • Réponse de la cour sur le démarchage illicite et le respect des principes essentiels

La cour rappelle que la sollicitation personnalisée destinée à promouvoir les services d'un avocat à l'attention de clients déterminés n'est autorisée que si elle procure une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et si sa mise en œuvre respecte les principes essentiels de la profession, dont la loyauté de l'avocat, le respect du secret professionnel et celui des règles de fixation des honoraires. De même, la sollicitation personnalisée permise par la loi exclut tout élément dénigrant.

Sur le non-respect du principe de loyauté, de délicatesse, d'indépendance et de désintéressement. Pour la cour, il se déduit des éléments du dossier que l’avocat a pris l'initiative, en arguant d'un prétexte relatif à la consultation des procès-verbaux des assemblées générales, de solliciter la liste de tous les copropriétaires de nombreuses résidences gérées par le groupe Pierre & Vacances puis tenu la main de quelques propriétaires déjà clients pour qu'ils donnent connaissance aux copropriétaires de leur résidence de l'existence non seulement de l'association « Assistance Pierre », faussement dite d'intérêt général, dont le but était d'aider des copropriétaires de résidences dans leur renégociation de bail spécialement avec les filiales du groupe, mais aussi du nom de son avocat agissant à titre bénévole au sein de l'association, sans révéler que ce dernier était également le président de cette association, laquelle se chargeait d'organiser une conférence d'information sur les actions possibles systématiquement animée par lui, ce qui lui permettait de se faire connaître. À la suite de ces conférences et dans une véritable confusion des identités de l'association et de la société d'avocats, l’avocat lui-même n'hésitait pas à inciter par écrit des copropriétaires à adhérer à l'association et, l'association comme la société d'avocats, ses collaborateurs agissant au nom de l'une comme de l'autre, pressaient les copropriétaires de se réunir en collectif et former un comité de pilotage dont les réunions se déroulaient à Paris et dans les locaux de l'association en présence systématique de l’avocat qui en rédigeait les comptes-rendus. Attirés par l'association animée essentiellement par l’avocat et ses collaborateurs se présentant comme bénévoles, mais œuvrant en réalité uniquement au profit de l'avocat dans le but de le faire connaître du plus grand nombre, les membres des comités de pilotage se retrouvaient captifs des conseils et du plan d'action proposé par l’avocat et se voyaient proposer une lettre de mission accompagnée ou pas d'une convention d'honoraire, laquelle était ensuite adressée aux copropriétaires qui ne faisaient pas partie du comité de pilotage, non seulement par les membres dudit comité, mais aussi par l'association et surtout par la société d'avocats elle-même, et constituait un mandat donné à l'avocat sous couvert d'une adhésion au collectif qu'ils étaient fortement incités à accepter dans un climat d'urgence. L’avocat a, ainsi de manière déloyale et intéressée et donc en violation des principes essentiels de sa profession d'avocat, manipulé de très nombreux copropriétaires de résidences de loisirs gérées par un grand groupe, en usant de l'interface d'une association dont il était le principal animateur, présentée comme bénévole, mais lui servant de faire-valoir, et de comités de pilotage créés à son initiative et dont il était la plume, pour leur proposer ses services de manière souvent indirecte, en utilisant les services de tiers dans le but de contourner ces interdictions, mais également directe sans que le plus grand nombre d'entre eux ne l'ait sollicité et ce, au mépris de l'engagement de l'association selon lequel aucune proposition commerciale ne serait adressée à moins qu'elle ne soit expressément demandée et en dehors de l'association par un copropriétaire. En revanche, la violation des principes de délicatesse et d'indépendance n’est, selon la cour, pas démontrée.

Sur la violation du secret professionnel. L’avocat a annexé à sa lettre de mission, un tableau mettant en avant les « résultats obtenus sur les dossiers Pierre & Vacances résidence par résidence ». Ce faisant et comme l'ont justement apprécié les premiers juges, il a démarché certains de ses clients au prix d'une atteinte à un principe essentiel de la profession d'avocat, celui du secret professionnel, puisqu'il ne prouve pas que l'ensemble des résultats prétendus dont bon nombre sont argués de faux par les sociétés appelantes, aient fait l'objet d'une publication et qu'il n'en a, dès lors, eu connaissance que par sa qualité d'avocat.

Sur la violation des règles de fixation des honoraires. La cour rappelle les dispositions de l’article 10 de loi n° 71-1130 du 31 septembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ et de l'article 11.3 dudit Règlement intérieur national de la profession d'avocat N° Lexbase : L1523KZG. Elle constate que le paiement d'un honoraire fixe et d'un honoraire de résultat dépendant de l'issue des négociations menées par l'avocat est licite. En revanche, la Selar d’avocats qui ne produit aucune convention d'honoraires signée, ne justifie pas du respect de la prescription de l'article 15 du décret du 12 juillet 2005 N° Lexbase : Z99923NU prévoyant que la sollicitation personnalisée précise les modalités de détermination du coût de la prestation qui devra faire l'objet d'une convention d'honoraires. La cour condamne, notamment, l’avocat et sa société in solidum à payer à la Sa Pierre et Vacances la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des surcoûts humains engendrés par la sollicitation personnalisée de clients copropriétaires illicite.

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