Lexbase Droit privé n°524 du 18 avril 2013 : QPC

[Evénement] Réflexions sur les aspects procéduraux de la QPC

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par Anne-Lise Lonné-Clément, rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

le 19 Avril 2013

A l'occasion du troisième anniversaire de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) entrée en vigueur le 1er mars 2010, l'EFB organisait un colloque, le 5 avril 2013, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Présentes à cette occasion, les éditions Lexbase vous proposent de revenir sur la table ronde portant sur les aspects procéduraux de la QPC, qui était animée par Nicolas Molfessis, Professeur de droit privé à l'Université Paris II Panthéon-Assas, et à laquelle participaient Franck Terrier, Président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, Alain Bénabent, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et Emmanuel Piwnica, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Proposant une définition juridique de la QPC, le Président Terrier a relevé que le dispositif de la QPC est très singulier puisqu'il consiste à transformer un moyen soulevé dans le cadre d'un litige particulier, devant le juge ordinaire, en procès contre la loi devant le Conseil constitutionnel, et conduisant à une décision d'abrogation, ou de conformité (avec ou sans réserves d'interprétation), cette décision pouvant d'ailleurs ne pas profiter selon les circonstances, à la partie ayant soulevé la question.

Si le succès de la QPC est incontestable, le Président Terrier relève, néanmoins, que dans la vie quotidienne des juges, la procédure soulève un certain nombre de difficultés ; un certain nombre d'évolutions pourraient être envisagées, afin de rendre la QPC plus efficace en ce qu'elle permettrait plus rapidement la remise à niveau souhaitée de l'Etat de droit.

Sans revenir sur l'ensemble des mécanismes procéduraux conduisant à la QPC, le Professeur Molfessis a rappelé qu'il existe un mécanisme de double filtre devant le juge a quo, d'une part, et devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, d'autre part. Ce double filtre procède de manière distincte. Il est plus rigoureux et plus sélectif lors de l'examen devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat que devant les premiers juges.

Ce filtrage repose sur un certain nombre de critères, à savoir notamment :

- la disposition contestée doit être applicable au litige ;
- la disposition contestée doit être de nature législative ;
- la question posée doit présenter un caractère sérieux (filtre devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat), ou elle ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux (filtre devant le juge a quo).

Avant que soient examinées de plus près ces conditions, et en particulier les deux premières, le Président Terrier a souhaité évoquer une problématique tenant à la règle, issue de l'ordonnance du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3), interdisant au juge saisi du litige de soulever d'office une QPC. Il en résulte, selon le Président de la troisième chambre civile, que le juge qui va transmettre la question ne pourra en aucun cas l'enrichir ou l'améliorer, en vue de rectifier les erreurs ou les insuffisances du mémoire. Ce principe est strictement appliqué ; il est très fréquent que les juges du fond transmettent des QPC, enrichies et reformulées, et que la Cour de cassation considère que les ajouts du juge sont contraires à la prohibition de soulever d'office la QPC ; dans ce cas, la Haute juridiction doit se contenter d'examiner les mémoires de l'avocat. Cela constitue un véritable handicap, au regard de l'objectif du dispositif de la QPC, à savoir la modernisation la plus rapide possible et dans les meilleures conditions de notre Etat de droit ; une évolution à ce niveau serait souhaitable selon le Président Terrier.

Sur cette problématique, Emmanuel Piwnica regrette également, avec le Président de la troisième chambre civile, que le juge ne puisse pas relever d'office la constitutionnalité d'une disposition. Cela étant, il estime que le juge peut raisonnablement améliorer la question, à condition de ne pas la modifier. Il convient, selon lui, de distinguer la demande, qui porte sur une disposition, des moyens qui sont invoqués à l'appui de cette demande ; il n'est pas convaincu que la prohibition faite au juge de relever d'office une QPC puisse s'étendre à ce point à une interdiction de faire valoir un moyen pris de la méconnaissance d'une norme constitutionnelle ; il estime qu'il existe ici une autolimitation regrettable, tant du Conseil d'Etat que de la Cour de cassation, sur la faculté de relever des moyens.

1. L'applicabilité de la disposition contestée au litige

Comme l'a souligné le Président Terrier à titre introductif, la QPC est donc un moyen, et non une exception, qui va être soulevé par une partie dans le cadre du litige devant le juge ordinaire saisi de ce litige. Ce moyen doit, tout d'abord, obéir à toutes les règles du procès. En même temps, ce moyen est tout à fait particulier, puisqu'il vise seulement à faire transmettre une contestation de la loi au Conseil constitutionnel, en vue de l'abrogation de cette loi. Le législateur a voulu que ce procès de la loi s'ancre dans un litige particulier. Cette condition qui exprime et qui traduit cette option politique, c'est la condition de l'applicabilité au litige.

Sous son apparente simplicité, cette condition a pu soulever un certain nombre de difficultés ayant conduit à opposer la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat à cet égard. Il faut savoir d'ailleurs que, 10 % des QPC posées devant la Cour de cassation sont déclarées irrecevables et non renvoyées au Conseil constitutionnel en raison de l'inapplicabilité au litige de la question posée.

Le problème est que le législateur ne définit pas cette condition d'applicabilité de la question au litige. L'analyse des travaux parlementaires permet de mettre en évidence différentes définitions traduisant la volonté du législateur d'élargir cette condition. Dans une première version du texte, il avait été prévu que la disposition législative contestée devait être celle qui commandait le litige, c'est-à-dire qui permettait de trancher le litige. Dans une perspective d'élargissement, il a été retenu que la disposition contestée devait seulement être applicable au litige.

En réalité, dans la pratique de la Cour de cassation et des juges du fond, il apparaît deux conceptions.

La première conception, plus stricte, consiste à exiger que le texte en cause soit celui qui permette de trancher le litige ; autrement dit, il s'agit d'une condition très forte d'ancrage de la QPC dans le litige.

L'autre conception, plus souple, consiste à exiger seulement que le texte ait été appliqué ou invoqué à l'occasion de ce litige ; aussi, par exemple, il suffirait que le texte ait été invoqué dans les conclusions de l'une ou l'autre des parties, alors même que le moyen soulevé serait totalement inopérant. Le Conseil d'Etat a retenu le premier cette conception. La Cour de cassation a également adopté cette conception à plusieurs reprises, se traduisant par le considérant suivant : "considérant que le texte applicable au litige au sens et pour l'application des textes de la loi". Cette conception est, selon le Président Terrier, majoritaire au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, du moins en ce qui concerne la troisième chambre civile.

L'intervenant a signalé une troisième conception émergente, à savoir celle de l'effet utile. Cette approche consiste à se demander si la partie soulevant la question tirerait un quelconque avantage si le Conseil constitutionnel devait abroger le texte en cause. Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont été amenés à recourir à cette conception de l'effet utile.

Si la Cour de cassation a été critiquée pour avoir une conception plus étroite que le Conseil d'Etat de cette condition de l'applicabilité du texte au litige, elle a aujourd'hui évolué vers une conception plus souple rejoignant celle de son homologue administratif.

Emmanuel Piwnica a ajouté que si, en effet, la jurisprudence du Conseil d'Etat et des chambres civiles de la Cour de cassation est uniforme sur cette question de l'applicabilité des dispositions au litige, la Chambre criminelle exige, pour sa part, que le moyen visant les dispositions en cause soit totalement opérant.

2. La nature législative des dispositions visées par la QPC

Le Professeur Nicolas Molfessis a soulevé trois difficultés liées à la condition selon laquelle la QPC doit porter sur des dispositions législatives. En premier lieu, se pose la question de savoir si l'on peut formuler une QPC à l'encontre d'une disposition législative abrogée, quand bien même elle serait applicable au litige. Ensuite, il convient de se demander s'il est possible de formuler une QPC à l'encontre d'une interprétation jurisprudentielle de la Cour de cassation en faisant valoir que cette interprétation ou cette règle jurisprudence serait contraire à la Constitution. Enfin, se pose la question de savoir si l'on peut formuler une QPC à l'encontre d'une loi de transposition d'une Convention internationale.

- La QPC portant sur une interprétation jurisprudentielle d'une disposition

Sur cette problématique, Emmanuel Piwnica relève, tout d'abord, qu'une "disposition" n'est pas une "interprétation", non plus un "principe".

Il a rappelé que la Cour de cassation était restée hésitante sur cette question. Le problème s'est, par exemple, posé à propos de la motivation des décisions de cours d'assises. Si, dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé de renvoyer la question estimant qu'elle tendait, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu'elle visait, mais l'interprétation qu'en avait donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d'assises statuant sur l'action publique (Cass. QPC, 19 mai 2010, trois arrêts, n° 09-82.582 N° Lexbase : A8740EXY, n° 09-83.328 N° Lexbase : A8741EXZ et n° 09-87.307 N° Lexbase : A8742EX3), la Haute juridiction a, dans un second temps, admis de transmettre la question (Cass. crim., 19 janvier 2011, n° 10-85.159, F-P+B N° Lexbase : A7374GQ8). Ce débat commence aujourd'hui à se préciser de manière assez claire. Il faut savoir que l'on admet aujourd'hui les QPC dirigées contre des dispositions dans l'interprétation que leur donne la jurisprudence constante de la juridiction qui renvoie la question (Conseil d'Etat ou Cour de cassation) (cf. deux décisions d'octobre 2010 du Conseil constitutionnel, l'une sur renvoi du Conseil d'Etat : Cons. const., décision n° 2010-52 QPC, du 14 octobre 2010 N° Lexbase : A7696GBN ; l'autre sur renvoi de la Cour de cassation : Cons. const., décision n° 2010-39 QPC, du 6 octobre 2010 N° Lexbase : A9923GAR).

De son côté, Nicolas Molfessis a ajouté deux précisions.

Tout d'abord, lorsque l'on invoque une jurisprudence de la Cour de cassation à travers une QPC, il faut se référer au texte de loi lui-même qui est mis en cause à travers la critique de cette interprétation. Ainsi, dans une décision du 27 février 2013 (Cass. QPC, 27 février 2013, n° 12-40.100, F-D N° Lexbase : A9974I8W), alors que la question était formulée ainsi : "la jurisprudence de la Cour de cassation édictée dans son arrêt du 23 novembre 2007 porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 37 et 39 de la Constitution de 1958 ainsi que l'article 16 de la Déclaration des droits de I'Homme et du citoyen de 1789 ?", la Cour de cassation a retenu que la QPC ainsi soulevée ne visait aucune disposition législative et se bornait à contester une règle jurisprudentielle sans préciser le texte législatif dont la portée serait, en application de cette règle, de nature à porter atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

Ensuite, il convient de distinguer ce qui relève de l'interprétation de la loi et qui provient de la juridiction suprême de chaque ordre (Cour de cassation/Conseil d'Etat), de ce qui peut relever simplement d'une méthode d'évaluation ou d'appréciation de la part d'un juge du fond (Cass. QPC, 14 mars 2013, n° 12-24.995, FS-D N° Lexbase : A5012KAU) : alors que la question était rédigée ainsi "L'interprétation faite par la jurisprudence de l'article L. 13-13 du Code de l'expropriation pour ce qui concerne les modalités d'évaluation de l'indemnité d'expropriation ne porte-t-elle pas atteinte au droit fondamental de la propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme du 26 août 1789 : - en ce que la jurisprudence de manière constante évalue les biens de rapport expropriés en appliquant la méthode de la comparaison qui est inadaptée à ce type de biens au lieu d'appliquer la méthode du revenu ou par capitalisation qui seule permet la réparation matérielle intégrale ; - en ce que les juridictions appliquent de manière constante un abattement forfaitaire (généralement de 40 %), sur la valeur des biens de rapport lorsqu'ils sont occupés, sans aucune relation avec la valeur vénale du bien qui n'a de valeur que s'il est occupé et sans aucun rapport avec les indemnités d'éviction allouées aux occupants", la Cour de cassation a estimé que la question prioritaire de constitutionnalité ne critiquait pas une interprétation jurisprudentielle constante, par la Cour de cassation, du texte visé, mais une méthode d'évaluation des biens expropriés que les juges du fond peuvent souverainement retenir.

Quant à Maître Alain Bénabent, il ajoute que la Cour de cassation vise régulièrement, dans ses décisions, non seulement des textes, mais aussi des principes ; aussi, prenant exemple sur la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux de voisinage selon laquelle "nul ne doit porter atteinte à la propriété d'autrui", il s'est interrogé sur la question de savoir dans quelle mesure il pourrait être envisagé de diriger une QPC contre le principe dont la jurisprudence fait constamment application.

Mais, à cet égard, le Président Terrier rappelle que la QPC est un moyen visant à l'abrogation de la loi ; aussi en l'absence de loi, il est évident que la condition de transmission n'est pas remplie. Ensuite, cette solution présenterait le risque que le Conseil constitutionnel approuve certaines jurisprudences, et par là-même les cristallise en les constitutionnalisant. Aussi, il en découlerait qu'il serait fait obstacle au pouvoir prétorien qui constitue le fondement même du travail du juge serait empêché, sachant qu'il n'existe aucun droit acquis à une jurisprudence constante ; autrement dit, ce travail jurisprudentiel serait paralysé par la constitutionnalisation de la jurisprudence par le Conseil constitutionnel.

Dès lors que l'une des conditions de transmission est que l'interprétation contestée se fonde sur un texte législatif, le Président Terrier considère qu'une doctrine purement prétorienne, ou fondée sur un texte réglementaire, n'est pas justiciable de la QPC. Seule une modification de la loi permettrait de contester des principes jurisprudentiels, ce qui n'est pas souhaitable, dès lors qu'elle entraînerait une modification institutionnelle assez remarquable.

S'agissant, enfin, de la contestation par la voie d'une QPC, d'une disposition réglementaire, celle-ci n'est pas possible, seules pouvant être visées les dispositions légales ; si certains justiciables tentent de le faire indirectement en mettant en cause la disposition législative qui préside la disposition réglementaire, la Cour de cassation ne manque pas de les relever (Cass. QPC, 21 janvier 2013, n° 12-19.870, FS-P+B N° Lexbase : A9102I3I) : dans cette affaire, alors qu'il était soutenu que l'article L. 143-14 du Code rural et de la pêche maritime méconnaissait le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, la Cour de cassation a relevé que, sous couvert de la critique d'une disposition législative, la question posée ne tendait qu'à discuter la conformité au principe constitutionnel invoqué des dispositions de l'article R. 143-11 du même code (N° Lexbase : L5033AE7), qui prévoient que l'affichage en mairie constitue le point de départ du délai de recours. Aussi, la Cour retient que ces dispositions, de nature réglementaire, ne peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

- La QPC portant sur une disposition législative abrogée

Sur la question de savoir si une disposition abrogée peut s'appliquer, là encore, si dans un premier temps, la jurisprudence était hésitante, elle ne présente pas de difficulté aujourd'hui : une disposition abrogée est applicable et donc susceptible de donner lieu à un renvoi au Conseil constitutionnel.

- La QPC soulevée à l'encontre d'une loi de transposition d'une Convention internationale

Nicolas Molfessis a ensuite soulevé la question de l'articulation du droit conventionnel de la CESDH avec le droit constitutionnel, dans l'élaboration de cette critique supralégislative du texte. Ainsi, il convient de s'interroger sur la possibilité de critiquer une loi ayant mis en oeuvre une Directive européenne.

Emmanuel Piwnica relève que le Conseil constitutionnel a tout récemment rendu une décision à cet égard (Cons. const., 4 avril 2013, décision n° 2013-314P QPC N° Lexbase : A4672KBN) ; le Conseil constitutionnel a ordonné un renvoi préjudiciel à la CJUE s'agissant de l'interprétation de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, à propos d'une question portant sur l'absence de recours suspensif à l'égard d'une décision qui consisterait à étendre les effets d'un mandat ; le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence en la matière (Cons. const., décision n° 2004-496 DC, du 10 juin 2004 N° Lexbase : A6494DCI), dont il résulte qu'à l'occasion de la transposition d'une norme européenne, lorsque le législateur national va au-delà de la simple transposition, le juge a la possibilité, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, d'examiner si le texte tel qu'il a été transposé est conforme à la Constitution, celle-ci renvoyant aux engagements internationaux de la France.

S'agissant du droit international indépendamment du droit de l'Union européenne, Emmanuel Piwnica a souligné que, d'une manière plus générale, le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, ou la Cour de cassation, ont tendance à considérer que la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes, les Conventions internationales étant inférieures et donc, qu'en cas de conflit entre Constitution et Conventions internationales, ce conflit doit se résoudre au profit de la Constitution.

Par ailleurs, en cas de difficulté tenant à la non-conformité d'un texte à une norme supérieure, il est possible de faire valoir tant un moyen d'inconventionnalité, qu'un moyen d'inconstitutionnalité. Toutefois, rares sont les cas où les deux questions se superposent totalement ; la question de la constitutionnalité concerne la conformité objective d'un texte, alors que la question de la conventionnalité concerne une question plus précise au regard du litige, et donc procède d'une appréciation dans les circonstances de l'espèce.

De son côté, Nicolas Molfessis a ajouté que la QPC ne peut pas, bien entendu, permettre de remettre en cause un texte européen sur le terrain constitutionnel. Le contrôle de constitutionnalité ne s'applique pas au texte supralégislatif.

Toute la question consiste donc à déterminer si le texte critiqué retient des dispositions législatives qui lui sont propres ou ne procède qu'à l'application du texte européen. Si les dispositions attaquées ne procèdent qu'à une simple application du texte européen, il ne peut donner lieu à un contrôle du Conseil constitutionnel ; si, en revanche, les dispositions législatives vont au-delà de la simple transposition, il est possible de former une QPC à l'encontre de ce texte ; c'est précisément l'enjeu de la QPC précitée du 4 avril 2013 qui a renvoyé une question préjudicielle à la CJUE.

Selon le Professeur Molfessis, la question de l'articulation du droit européen et du droit national, soulève une question plus politique, qui consiste à se demander s'il est légitime, dans notre Etat de droit, que le contrôle de constitutionnalité soit concentré, c'est-à-dire appartenant in fine à un organe spécifique, à savoir le Conseil constitutionnel, tandis que le contrôle de conventionnalité est un contrôle diffus appartenant à toutes les juridictions. Et surtout, dès lors que les deux contrôles peuvent avoir le même objet, n'existerait-il pas des risques de contradiction ?

Sur cette question, le Président Terrier souligne que, dans la pratique, lorsque la Cour de cassation est saisie à la fois d'un moyen soulevé sur le plan de la constitutionnalité et d'un autre sur le plan de la conventionnalité, les griefs sont peu ou prou identiques ; or, en cas de décision de non-conformité rendue par le Conseil constitutionnel, la question de l'inconventionnalité ne se pose plus, du moins s'il ne reporte pas les effets de son abrogation ; si les Sages rejettent la QPC et considèrent le texte conforme à la Constitution, la Cour de cassation peut alors se prononcer sur le grief de l'inconventionnalité ; dans ce cas, il faut savoir qu'il résulterait d'une déclaration de conformité à la Constitution, une sorte de "présomption de conventionnalité" ainsi que l'a formulé le Président Debré lors de son intervention aux travaux de la matinée de ce colloque. Cette "présomption de conventionnalité" devrait ainsi être appliquée par les juges ; il s'agit d'un souhait politique en termes de cohérence de l'ensemble des institutions, plus qu'un souhait juridique, sachant que rien n'interdit en effet aux juges, comme l'a relevé le Président, de retenir, après un contrôle de constitutionnalité qui aurait abouti à une déclaration de conformité, que le texte ne serait pas pour autant inconventionnel. Cette question de la concurrence entre les dispositifs de protection est assez récurrente (cf. le débat sur la garde à vue). A la connaissance du Président Terrier, il n'existe pas d'exemple pour lequel, dans le cas d'un moyen en inconventionnalité, un texte aurait été déclaré non-conforme après que le Conseil constitutionnel ait déclaré le texte conforme à la Constitution ; une telle solution constituerait une trop grande incohérence manifeste des institutions.

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