Le Quotidien du 8 février 2022 : Concurrence

[Brèves] Caractérisation d’un accord ou d’une pratique concertée anticoncurrentiels et dommage causé à l’économie en présence de droits exclusifs d’importation dans les collectivités d’outre-mer

Réf. : Cass. com., 26 janvier 2022, n° 20-14.000, FS-B N° Lexbase : A53117KW

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N0296BZY

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[Brèves] Caractérisation d’un accord ou d’une pratique concertée anticoncurrentiels et dommage causé à l’économie en présence de droits exclusifs d’importation dans les collectivités d’outre-mer. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/77982156-breves-caracterisation-dun-accord-ou-dune-pratique-concertee-anticoncurrentiels-et-dommage-cause-a-l
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par Robert Neagu

le 08 Mars 2023

► L’absence d’information quant aux effets d’une procédure de disjonction sur les poursuites encourues par une société bénéficiant de la procédure de transaction ne constitue pas une atteinte au droit à un procès équitable ;

L'article L. 420-2-1 du Code du commerce vise un accord ou une pratique concertée, de sorte qu'échappe à la prohibition une simple exclusivité de fait pour l'obtention de laquelle son bénéficiaire n'a réalisé aucun acte positif et la démonstration du concours de volontés peut résulter d’un faisceau d'indices graves, précis et concordants ;

L’octroi de droits exclusifs d’importation, même en présence d’accords de modération de prix, cause nécessairement un dommage à l’économie sur un marché insulaire caractérisé par d’importantes barrières à l’entrée et un pouvoir d’achat des consommateurs plus faible qu’en métropole.

Faits et procédure. Par deux décisions, du 6 juillet 2016 et du 8 octobre 2018, l’Autorité de la concurrence a infligé, sur le fondement de l'article L. 420-2-1 du Code de commerce N° Lexbase : L0133LZX, une sanction pécuniaire à deux sociétés pour avoir mis en œuvre, sur le territoire de diverses collectivités d’outre-mer, des accords ou pratiques ayant eu pour objet d’accorder à certains producteurs des droits exclusifs d’importation de produits de grande consommation. À  l'issue de la première décision, les sociétés ont pu bénéficier d'une procédure de transaction. Toutefois, l’affaire ayant également fait l’objet d’une procédure de disjonction, la transaction n’a pas été étendue à l’ensemble des décisions. Saisie d'un recours formé contre la deuxième décision, la cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 20 février 2020 (CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 20 février 2020, n° 18/24178 N° Lexbase : A12113GX), réformé le montant de la sanction prononcée sans pour autant revenir sur la qualification de l’infraction. Contestant cette dernière décision, l’une des sociétés auteures de l’infraction a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. La société requérante invoque trois moyens au soutien de son pourvoi.

Celle-ci reproche en premier lieu à la cour d’appel d’avoir rejeté le moyen selon lequel l’Autorité de la concurrence a violé son droit à un procès équitable en manquant de l’informer sur la nature et l’étendue des poursuites la concernant.  À ce titre, elle soutient que, tant lors de la notification des griefs que lors du rendu de la décision du 6 juillet 2016, elle n’a pas été informée d’une mesure de disjonction ayant été prononcée par la juridiction. Or, puisqu’elle avait pu bénéficier d’une procédure de transaction dans la première affaire, elle soutient avoir légitimement pu penser que la transaction emportait abandon de toutes les autres procédures ouvertes pour les mêmes faits.

Selon la société requérante, la cour d’appel ne rapporte pas non plus la preuve suffisante de l’existence d’un concours de volontés portant sur un comportement déterminé connu et accepté par les parties avec des engagements réciproques et obligatoires, pour que puissent être caractérisés des accords ou pratiques concertées prohibées par l’article L. 420-2-1 du Code de commerce. En l’espèce, il n’existerait pas d’accord de volontés entre certains fournisseurs et la requérante, mais une simple exclusivité de fait, décidée unilatéralement par ces premiers. Ainsi, les seuls refus de vente opposés par certains producteurs à des cocontractants potentiels, en invoquant la relation établie avec la société en cause, ne pourraient permettre de déterminer avec certitude que cette dernière avait accepté la relation d’exclusivité ou les conditions en résultant.

Enfin, la société requérante évoque l’obligation de proportionnalité qui pèse sur l’Autorité lorsqu’elle impose une sanction pécuniaire, eu égard à la gravité du dommage causé à l’économie, et la nécessité de prouver ce dommage. En l’espèce, elle soutient que l’Autorité a manqué à cette obligation en se fondant sur des motifs d’ordre général sans examiner l'impact concret des pratiques sur l'économie et en particulier sur une éventuelle hausse des prix des produits concernés par l’exclusivité. En outre, la société reproche aux juges de ne pas avoir tenu compte des accords de modération de prix conclus avec ses cocontractants, créant un bouclier-qualité-prix pour les consommateurs et évitant tout effet inflationniste.

Décision. La Cour de cassation rejette d’abord l’argument de la société demanderesse relatif à un manquement, par l’Autorité, au respect du droit à un procès équitable. Les juges soulignent, à ce titre, que la procédure de transaction n’affectant que l’une des affaires disjointes, un quelconque manquement de l’Autorité n’aurait pu vicier que la transaction elle-même et pas la seconde procédure, dès lors que l'entreprise ne soutient pas que les faits poursuivis entraient dans le périmètre de la transaction. Au surplus, ceux-ci ajoutent que l'Autorité n'a tiré de la transaction aucun avantage particulier pour la seconde procédure.

Concernant l’argument tenant à l’absence de preuve d’un concours de volontés propre à caractériser un accord ou une pratique concertée, la Cour de cassation rappelle que l’article L. 420-2-1 ne vise pas l’hypothèse d’une exclusivité d’importation de fait. La démonstration de l'accord de volontés repose sur un faisceau d'indices graves, précis et concordants, dont le caractère probant est apprécié globalement. Or, en l’espèce, plusieurs éléments témoignent de l’existence de droits exclusifs d’importation. Les juges mettent en évidence la quantité de courriels produits à l’instance par la société victime de la pratique, et le fait que les informations de ces courriels se recoupent. Ils évoquent également la présence d’un courriel par lequel la société requérante mentionnait les barèmes de gros transmis à ses fournisseurs en leur demandant de ne pas les communiquer pour préserver leur confidentialité, ce qui constitue une attitude positive de sa part et démontre le caractère contraignant de ces accords.

En dernier lieu, la Cour de cassation concède que l’Autorité n’a, en effet, pas procédé à des évaluations précises des hausses de prix générées par les pratiques dénoncées pour caractériser le dommage causé à l’économie et aux consommateurs. Toutefois, elle considère que l’octroi de droits exclusifs d’importation génère nécessairement un tel dommage, en particulier sur un marché insulaire caractérisé par d’importantes barrières à l’entrée et un pouvoir d’achat des consommateurs plus faible qu’en métropole. Enfin, elle rejette l’argument tenant à l’existence d’accords de modération de prix, le caractère significatif du dommage causé à l’économie dénotant l’impossibilité d’une quelconque baisse des prix.

 

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