Le Quotidien du 1 février 2022 : Construction

[Brèves] Contrat de maitrise d’œuvre : caractère abusif de la clause imposant le recours à un MARD avant la saisine du juge

Réf. : Cass. civ. 3, 19 janvier 2022, n° 21-11.095, FS-B N° Lexbase : A77067IA

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 28 Janvier 2022

► Le droit de la consommation s’appliquant aux contrats de construction comme le contrat de maîtrise d’œuvre, les clauses du contrat de maîtrise d’œuvre sont soumises aux dispositions sur les clauses abusives ;
► est abusive la clause du contrat de maitrise d’œuvre qui contraint le maître d’ouvrage, consommateur, à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge.

L’ancien article L.132-1 du Code de la consommation, aujourd’hui L. 212-1 N° Lexbase : L3278K9B, permet de réputer nulles et non-écrites les clauses du contrat conclu entre un consommateur et un professionnel qui ont pour objet, pour reprendre l’expression consacrée, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. La relation entre le maître d’ouvrage, réputé partie à protéger, surtout dans le secteur protégé, et le constructeur y fait irrésistiblement penser. Et la jurisprudence n’a pas résisté. Toutes les clauses supplétives peuvent y être soumises. Par exemple, dans un arrêt rendu le 23 mai 2019 (Cass. civ. 3, 23 mai 2019, n° 18-14.212, FS-P+B+I N° Lexbase : A1915ZCW), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que la clause d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou consommateur qui stipule qu’en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier, n’est pas abusive.

S’il se comprend que l’accédant à la propriété soit assimilé à un consommateur, qu’en est-il du promoteur maître d’ouvrage ? La jurisprudence de la Haute juridiction est, à cet égard, particulièrement souple. Un promoteur n’est pas un professionnel de la construction (v. Cass. civ. 3, 4 février 2016, n° 14-29.347, FS-P+B N° Lexbase : A3083PKE) comme l’a rappelé la troisième chambre civile dans un arrêt rendu le 7 novembre 2019 (Cass. civ. 3, 7 novembre 2019, n° 18-23.259, FS-P+B+I N° Lexbase : A9982ZTU) à propos d’une SCI qui avait pour objet social l’investissement et la gestion immobiliers et notamment la mise en location d’immeubles dont elle a fait l’acquisition. Différence est faite entre le professionnel de l’immobilier et le professionnel de la construction. Si cette subtilité fait la joie des promoteurs, elle génèrera forcément des contentieux, pour relever de la libre appréciation des juges du fond.

Puisque la qualification de non-professionnel semble relativement aisée, se pose donc la question de savoir si la clause limitative de responsabilité est susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les parties, seconde condition à remplir. Et là encore, la réponse est positive même si les décisions restent encore éparses. La nullité d’une clause plafonnant le montant des indemnisations dues par un contrôleur technique a, par exemple, été prononcée il y a peu (Cass. civ. 3, 4 février 2016, préc.). Un autre exemple en atteste également. Il s’agit d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 octobre 2019 (Cass. civ. 3, 17 octobre 2019, n° 18-18.469, FS-P+B+I N° Lexbase : A9318ZRK). En l’espèce, une clause stipulait que ne pouvait donner lieu à l’indemnisation par le constructeur tout préjudice matériel, dommage à des biens distincts de l’objet du contrat, tout préjudice direct ou indirect, tout manque à gagner ou perte d’exploitation résultant de l’inexécution du contrat, d’un retard, d’un sinistre, de vices ou problèmes affectant le matériel. La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 15 mars 2018 (CA Aix-en-Provence, 15 mars 2018, n° 15/096377 N° Lexbase : A1128NN4), fait application de cette clause au motif que le maître d’ouvrage, n’étant pas un consommateur, ne peut se prévaloir de la règlementation sur les clauses abusives. La Haute juridiction censure mais uniquement sur le terrain de la qualification de consommateur. L’arrêt de la cour d’appel de renvoi sera donc fort instructif.

L’arrêt rapporté s’inscrit dans cette lignée. En l’espèce, le contrat de maîtrise d’œuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir et de se soumettre à la commission de conciliation (…) et ce, avant toute procédure judiciaire ». Cette clause est jugée abusive au sens de l’article L. 212-1 précité.

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