Le Quotidien du 1 février 2022 : Protection sociale complémentaire

[Brèves] Inopposabilité des modifications unilatérales de l’employeur du régime de retraite surcomplémentaire, dit « à droits certains » aux anciens salariés de la société

Réf. : Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 19-23.272, FS-B N° Lexbase : A76987IX

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[Brèves] Inopposabilité des modifications unilatérales de l’employeur du régime de retraite surcomplémentaire, dit « à droits certains » aux anciens salariés de la société. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/77689477-breves-inopposabilite-des-modifications-unilaterales-de-lemployeur-du-regime-de-retraite-surcompleme
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par Laïla Bedja

le 26 Janvier 2022

► Aux termes de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, lorsque l'instauration d'un régime de retraite surcomplémentaire résulte d'un engagement unilatéral de l'employeur, les seules modifications opposables au salarié sont celles régulièrement intervenues avant son départ de l'entreprise, les autres dispositions demeurant inchangées à son égard, faute d'une dénonciation régulière (Cass. soc., 3 juin 1997, n° 94-40347, publié au bulletin N° Lexbase : A1590ACU ; Cass. soc., 6 juin 2007, n° 06-40.521, FS-P+B N° Lexbase : A8104DW3) ; la possibilité pour l’employeur de modifier unilatéralement cet engagement n’a été reconnue qu’à l’égard de régimes de retraite à prestations définies et non garanties, dits à droits aléatoires, lorsque le bénéfice de la prestation de retraite est subordonné pour un salarié à la condition de sa présence dans l'entreprise au jour de son départ à la retraite (Cass. soc., 13 février 1996, n° 93-42.309 N° Lexbase : A2068AAT et Cass. soc., 13 octobre 2010, n° 09-13.110, FS-P+B N° Lexbase : A8619GBT) ; or, en l’espèce, le régime de retraite en cause est un régime de retraite à prestations définies et garanties, dits à droits certains, donc sans condition de présence dans l’entreprise au jour du départ en retraite du salarié ; dès lors, les modifications apportées unilatéralement par l'employeur à un tel régime sont susceptibles d'affecter d'anciens salariés n'ayant plus aucun lien de droit avec l'employeur, qu'il s'agisse de retraités ou de salariés qui, ayant quitté l'entreprise, sont désormais employés par d'autres employeurs ;

Seul un accord collectif conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l'entreprise qui ont vocation à négocier pour l'ensemble des salariés et anciens salariés peut apporter, de façon opposable aux anciens cadres salariés adhérents de l'association, des modifications au régime de retraite surcomplémentaire à prestations définies et garanties.

Les faits et procédure. Des cadres « hors classification » (fonction de direction d’agences bancaires) ont bénéficié, à compter du 1er janvier 1986, d’un régime de retraite surcomplémentaire selon un engagement unilatéral de leur employeur, formalisé dans un règlement du 28 octobre 1988. Ce régime de retraite surcomplémentaire, différentiel, à prestations définies sans condition d'achèvement de la carrière dans l'entreprise, garantit aux cadres retraités, à compter de la liquidation de leurs droits à pension, une pension globale de retraite de n/60èmes de leur « rémunération annuelle garantie » au moment de la liquidation de leurs droits, « n » correspondant au nombre d'annuités déterminé selon le règlement, la pension à la charge de l'employeur étant égale à la différence entre la pension globale ainsi déterminée, avec un mécanisme de revalorisation, et les différentes pensions des régimes légaux et complémentaires.

À la suite de la fermeture du régime de retraite des banques et de son entrée dans le champ des régimes ARRCO et AGIRC, ce régime a été modifié à trois reprises en 1994, 2004 et 2011 et une dernière fois en juillet 2014, où il a été décidé une adaptation des modalités de revalorisation des pensions et des futures réversions des rentes.

L’association RV, créée le 25 juin 2015 et rassemblant des anciens cadres salariés du groupe ayant appartenu à la catégorie des cadres « hors classification », a « pour but de maintenir et développer des liens entre les anciens cadres supérieurs salariés du groupe Société générale, afin de perpétuer l'esprit d'équipe qui les animait lorsqu'ils étaient en activité. Ces liens doivent leur permettre de partager, et le cas échéant de défendre, les intérêts spirituels, moraux et matériels qui peuvent être communs à tout ou partie d'entre eux. »

Contestant les modifications apportées au régime de retraite surcomplémentaire et arguant d’une situation de « lésions » et de fortes réductions de l’engagement de retraite surcomplémentaire de 1986, l’association a fait assigner, le 29 décembre 2015, la société aux fins de déclarer inopposables à ses membres les différents modifications apportées à ce régime de retraite surcomplémentaire d’entreprise.

La cour d’appel. Pour déclarer opposable aux adhérents de l’association la modification unilatérale de juillet 2014, la cour d’appel retient que la société a consulté le comité d'entreprise sur la réforme de juillet 2014 et ses intentions de modification et d'évolution par la rédaction d'un nouveau règlement reprenant notamment les précédentes modifications, que le règlement modifié a fait l’objet de l’information légale due et son adoption a fait l’objet, avec un délai de prévenance de six mois, d’une information individuelle auprès des bénéficiaires du régime et que ces derniers sont, « eu égard aux positions hiérarchiques qu'ils ont occupées dans l'entreprise et des connaissances et capacité qu'elles supposent, en mesure d'analyser la portée notamment, de l'abandon de la revalorisation antérieure que l'employeur qualifie d'abandon du calcul différentiel après liquidation, et de son impact sur la pension de réversion ». La cour d’appel ajoute que la régularité de la procédure de consultation et d’information effectuée en 2014 rend sans objet les allégations d’irrégularités de la précédente réforme de 2011 (CA Paris, Pôle 2, 2ème ch., 29 août 2019, n° 17/22785 N° Lexbase : A1250ZMA).

Cassation. Relevant le moyen d’office et énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa des articles L. 911-1 N° Lexbase : L2615HIP et L. 911-2 N° Lexbase : L2616HIQ du Code de la Sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 N° Lexbase : L8126HHG, l'article L. 2141-2 du Code du travail N° Lexbase : L2147H9E et l'article 1134 du Code civil N° Lexbase : L1234ABC dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK.

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