Réf. : Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 19-23.674, FS-D N° Lexbase : A30077E4 ; Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 19-14.929, FS-D, N° Lexbase : A30057EZ ; Cass. civ. 2, 2 décembre 2021, n° 19-11.732, FS-D, N° Lexbase : A30287EU
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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit
le 09 Décembre 2021
► La Cour de cassation a posé les deux questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice de l'Union européenne :
Faits et procédures. À l’issue de différentes procédures, l’État irakien a été condamné à payer certaines sommes à deux sociétés en vertu de deux sentences arbitrales, revêtues de l’exequatur, et un arrêt de la cour d’appel de La Haye, déclaré exécutoire en France. En exécution de ces titres, les deux sociétés ont fait pratiquer entre les mains d’une banque française des saisies conservatoires à l’encontre de « l’État irakien et ses entités dont les fonds appartiennent à l’Iraq en vertu des résolutions de l’ONU, à savoir Montana management INC ».
Le 26 avril 2004, cette société Montana a, effectivement, été listée par le Conseil de sécurité de l’ONU en tant qu’entité proche du régime irakien dont il convient de geler les actifs en application de la Résolution 1483 (2003) du Conseil. L’Union européenne a transposé la Résolution par l’adoption du Règlement 1210/2003 (N° Lexbase : L9429BHP) et en prescrivant le gel des fonds de diverses entités, y compris la société Montana. Selon la Résolution 1956 (2010) du Conseil de sécurité, les fonds gelés, qui devaient initialement être transférés au « Fonds de Développement pour l’Irak », devront l’être à des mécanismes successeurs, en l’occurrence l’État irakien. Transfert dont le processus est instauré, en France, par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 (N° Lexbase : L9336IX3) et le décret n° 2015-1134 du 11 septembre 2015 (N° Lexbase : L3244KHM).
À la suite des saisies, la société Montana saisit le juge de l’exécution dans des procédures parallèles aux fins de prononcer la nullité et la caducité des saisies, et d’en ordonner la mainlevée. Elle soutient, d’abord, qu’elle n’est pas la débitrice des deux sociétés ayant fait pratiquer les saisies, ensuite, que le gel des actifs n’a pas entraîné leur transfert et, enfin et par conséquent, que les actifs saisis ne sont pas la propriété de l’État irakien. Par ailleurs, dans l’une des procédures, elle fait valoir que les procès-verbaux de saisie ne lui avaient pas été signifiés et que, dès lors, les saisies étaient caduques.
Avec des fortunes diverses, les procédures aboutissent, devant la cour d’appel de Paris, à la validation des saisies (CA Paris, 4, 8, 28 février 2019, n° 18/17226 N° Lexbase : A6171YZL ; CA Paris, 4, 8, 13 décembre 2018, n° 18/10302 N° Lexbase : A3742YQN) ou leur caducité (CA Paris, 4, 8, 24 octobre 2019, n° 19/03661 N° Lexbase : A4538ZSU).
Pourvois. Aussi bien les deux sociétés ayant fait pratiquer les saisies que la société Montana forment pourvois selon l’orientation des décisions en appel.
L’une des deux sociétés, ayant succombé en appel au motif qu’elle n’a pas signifié les procès-verbaux de saisie à la société Montana, soutient que la saisie ne devait être dénoncée qu’au débiteur saisi dans le titre exécutoire sur lequel est fondée la saisie, à savoir l’État irakien. Ainsi, elle fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Paris de constater la caducité des saisies au motif qu’elles n’ont pas été valablement dénoncées, alors qu’elles l’ont été à l’État irakien.
S’agissant des procédures engageant l’autre société, c’est la société Montana qui forme pourvoi contre les deux arrêts validant les saisies. La cour d’appel de Paris avait considéré qu’il existait une confusion entre le patrimoine de l’État irakien et les fonds gelés. La demanderesse au pourvoi fait valoir, d’une part, que les fonds gelés sont restés sa propriété car le gel implique une mesure temporaire qui ne porte pas atteinte au droit de propriété et, d’autre part, qu’une autorisation préalable de l’autorité nationale compétente était nécessaire avant la saisie-attribution et la saisie-vente dont les avoirs saisis ont fait l’objet.
Questions préjudicielles. La Cour de cassation sursoit à statuer dans les trois affaires et renvoie à la Cour de justice de l’Union européenne les questions de savoir :
1- si le Règlement (CE) n° 1210/2003 (N° Lexbase : L9429BHP) s’interprète de sorte que :
2- si, dans l’hypothèse où les fonds sont la propriété du « Fonds de développement pour l'Irak », ce même Règlement s’interprète en ce sens que :
- une mesure dépourvue d'effet attributif, telle une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire, prévues par le Code des procédures civiles d'exécution français ;
- la mise en œuvre d'une saisie-attribution et d’une saisie-vente.
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