Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 443130, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A210548H) ; CE 3° et 8° ch.-r., 4 octobre 2021, n° 443133, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A210648I)
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par Karin Ciavaldini, Rapporteure publique au Conseil d’État
le 08 Décembre 2021
Le Conseil d’État est revenu, en matière de prix de transfert sur le cas d’une différence constatée par l’administration entre les prix pratiqués, qui peuvent ne pas constituer, pour l’entreprise française un avantage dépourvu de contrepartie si cet écart est justifié par les risques que l’entreprise a vocation à assumer et qui affectent sa rentabilité.
Lexbase Fiscal vous propose les conclusions de la Rapporteure publique, Karin Ciavaldini.
Ces dossiers vous permettront de décider si vous souhaitez intégrer à la « boîte à outils » du juge de l’impôt les concepts d’entrepreneur principal et d’entité routinière, dans le cadre de l’analyse fonctionnelle qui doit être réalisée pour apprécier la validité d’un redressement en matière de prix de transfert au sein d’un groupe.
1. Le groupe SKF (Svenska KullagerFabriken) est un groupe multinational suédois dont l’origine remonte au début du siècle dernier. Il est le premier fournisseur mondial de produits et de solutions sur les marchés des roulements, des solutions d’étanchéité, de la mécatronique, des systèmes de lubrification et des services. Présent aujourd’hui dans plus de 130 pays, il couvre tous les secteurs industriels, emploie 46 000 collaborateurs et dispose d’environ 115 sites de production dans 29 pays, principalement en Europe et en Amérique du Nord. En France, il exerce ses activités à travers sept sociétés, dont la société RKS [1], acquise en 1965, dont le site de production se trouve à Avallon [2]. La société RKS est la filiale à 100 % de la société SKF Holding France, elle-même détenue indirectement à 100 % par la société suédoise à la tête du groupe.
Du point de vue financier et du contrôle de gestion, le groupe comporte trois composantes :
Cette division entre unités opérationnelles de fabrication et unités opérationnelles de distribution est indépendante de la structure juridique des sociétés, une même filiale pouvant, par exemple, exercer la fonction d’unité opérationnelle de fabrication et celle d’unité opérationnelle de distribution.
La société RKS produit des roulements de grande et de très grande taille (« couronnes d’orientation ») à destination du génie civil et militaire, destinés à équiper des tunneliers, des tourelles de chars de combat, des engins de BTP, des éoliennes … Ses productions sont presque exclusivement distribuées à l’étranger par les sociétés du groupe exerçant la fonction d’unité opérationnelle de distribution, qui sont donc ses clients intermédiaires (sur la période couvrant les exercices vérifiés, ceux clos en 2009 et 2010, la société n’avait qu’un seul client externe au groupe, implanté en Corée du Sud).
À la suite de la vérification de comptabilité dont la société RKS a fait l’objet, le vérificateur a, notamment, remis en cause la politique de prix de transfert pratiquée au sein du groupe SKF. Ayant constaté que la société RKS vendait ses productions à perte aux unités opérationnelles de distribution situées à l’étranger, il a estimé que ces ventes s’analysaient comme des transferts indirects de bénéfices au sens de l’article 57 du Code général des impôts (N° Lexbase : L9738I33) (CGI). Les sommes correspondantes ont été regardées comme des revenus distribués aux sociétés étrangères et assujetties à ce titre à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI (N° Lexbase : L6035LMH). En sa qualité de société mère du groupe fiscal intégré dont fait partie la société RKS, la société SKF Holding France a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés.
Le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de ces redressements, mais, par deux arrêts du 22 juin 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a remis les impositions en litige à la charge des deux sociétés. Celles-ci se pourvoient en cassation dans des pourvois qui soulèvent les mêmes questions.
2. Comme vous le savez, l’article 57 du CGI prévoit la réintégration des bénéfices indirectement transférés à des entreprises situées hors de France par des entreprises exploitées en France qui sont sous leur dépendance ou en possèdent le contrôle, « soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen ». Vous déduisez de ces dispositions que, lorsqu’elle constate que les prix facturés à une entreprise établie en France par une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d’autres clients dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des clients dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s’explique par la situation différente de ces clients, l’administration doit être regardée comme établissant l’existence d’un avantage qu’elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l’entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes (c’est le seul moyen pour l’entreprise de combattre la présomption simple en faveur de l’administration que l’article institue) [3].
L’écart de prix peut être mis en lumière par différentes méthodes, ainsi que l’indiquent les « Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales », publiés et actualisés par l’OCDE depuis 1995 [4]. La méthode utilisée ici par l’administration fiscale n’étant pas contestée en tant que telle, nous nous bornerons à indiquer qu’il existe deux grandes catégories de méthodes : celles dites traditionnelles, qui cherchent à comparer directement des prix, et celles dites « méthodes transactionnelles de bénéfices », qui consistent à déduire un écart de prix de la comparaison de ratios financiers. Parmi ces dernières méthodes, on trouve la méthode transactionnelle de la marge nette, consistant à déterminer un bénéfice net, qui est celle qui a été utilisée en l’espèce. La méthode choisie dans le contexte de chaque redressement peut bien sûr être critiquée par le contribuable (pour un exemple, voir CE 3° et 8° ch.-r., 6 juin 2018, n° 409645, SCS General Electric Medical Systems, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7919XQD) [5].
Dans le cas du groupe SKF, comme l’a résumé la cour, l’administration fiscale a constaté que la société RKS présentait un taux de marge nette négatif depuis 2005, sauf en 2008, où il a été légèrement positif. Ce taux, qui était de -10,46 % en 2009 et de -21,87 % en 2010, était devenu légèrement négatif en 2005 (-0,62 %) après une décrue progressive (10,29 % en 2002, 7,51 % en 2003, 3,51 % en 2004). Se livrant à une analyse fonctionnelle du groupe, qui consiste, en substance, à s’intéresser aux fonctions exercées et aux risques encourus par les entités considérées, l’administration a estimé que la société RKS « n’était pas l’entrepreneur principal du groupe » devant à ce titre supporter les bénéfices ou les pertes résiduels après avoir correctement rétribué les distributeurs mais qu’elle jouait le rôle d’une entité de production « routinière » (nous reviendrons sur ces notions). En appliquant la méthode transactionnelle de la marge nette, elle a alors recherché, selon les indications du mémoire en défense du ministre, quel devait être le taux de marge nette normalement réalisé par une entreprise exerçant une activité de production routinière dans des domaines d’activité voisins de celui de la société RKS, en situation de pleine concurrence. Après avoir retenu un échantillon de huit sociétés françaises, l’administration a substitué aux taux de marge nette négatifs de la société RKS des taux de 2,33 % pour 2009 et 2,63 % pour 2010 et en a déduit le bénéfice qu’elle aurait dû normalement réaliser.
2.1. La société critique d’abord, sur un plan théorique, la démarche adoptée par l’administration et reprise par les arrêts attaqués, en articulant un moyen d’erreur de droit dans la dévolution de la charge de la preuve. Elle reproche à l’administration de n’avoir pas employé la méthode comparative afin, comme il se doit, d’établir la présomption de transfert de bénéfices mais seulement, dans un second temps, pour estimer les montants effectivement transférés. La cour aurait ainsi accepté de fonder la présomption en faveur de l’administration sur la seule observation des taux de marge nette négatifs de la société et se serait méprise sur la portée des écritures de la société en relevant, en particulier, qu’elle ne critiquait pas les termes de comparaison retenus par l’administration.
Nous ne partageons pas cette lecture de l’arrêt. Un taux de marge nette durablement négatif constitue un indice qui doit inciter le vérificateur à investiguer ; il n’est bien sûr pas suffisant et ne démontre rien en lui-même et pris isolément. Mais la cour a ensuite retracé les étapes suivies par l’administration :
La cour a ensuite relevé que les termes de comparaison n’étaient pas critiqués puis elle a examiné, sans y faire droit, les arguments avancés par la société pour justifier l’écart de taux de marge nette.
Si l’arrêt peut sembler prêter le flanc à la critique en termes de raisonnement, c’est, nous semble-t-il, parce qu’on peut s’interroger, comme le soulignait Emilie Bokdam-Tognetti dans les conclusions sur la décision « Min. c/ Sté Ferragamo » du 23 novembre 2020 [6], sur le stade auquel faire intervenir l’analyse fonctionnelle de la société, avant ou après la sélection des termes de comparaison. L’administration a, ici, d’abord réalisé l’analyse fonctionnelle et, compte tenu du résultat auquel elle est parvenue, elle a sélectionné des comparables avec le même type de profil que celui qu’elle retenait pour la société RKS et comparé les taux de marge nette. C’est alors en critiquant l’analyse fonctionnelle à laquelle a procédé l’administration, qui l’a guidée dans le choix des comparables, que la société contrôlée peut combattre la présomption. C’est exactement la démarche probatoire qu’ont appliquée les juges du fond. Ils se sont seulement séparés sur la pertinence de l’analyse fonctionnelle du groupe réalisée par l’administration fiscale (le tribunal administratif l’a invalidée alors que la cour l’a validée). S’agissant de l’arrêt, si au point 4, la cour relève que la société ne critique pas les termes de comparaison retenus par l’administration, cela ne signifie nullement qu’elle n’a pas examiné la critique tenant à l’écart de profil (entrepreneur principal / entité routinière) entre la société RKS et ces termes de comparaison ; le point 5 et, surtout, le point 6 de l’arrêt sont consacrés à y répondre.
2.2. Le second groupe de moyens critique, en invoquant plusieurs erreurs de droit, l’inexacte qualification juridique des faits et l’insuffisance de motivation, les motifs par lesquels la cour a jugé que la société RKS ne pouvait être regardée comme l’entrepreneur principal.
Comme le rappellent les Principes de l’OCDE en matière de prix de transfert, l’analyse fonctionnelle est indispensable pour délimiter la transaction contrôlée et déterminer si des transactions ou des entités contrôlées et non contrôlées sont comparables. Elle a pour but d’identifier les activités et responsabilités économiquement significatives, les actifs utilisés ou fournis et les risques supportés par les parties aux transactions. L’analyse fonctionnelle se concentre sur les fonctions exercées par les entités contrôlées et les risques encourus, l’acceptation d’un risque accru étant généralement compensée, sur le marché libre, par une augmentation du rendement escompté.
Pour procéder à cette analyse fonctionnelle, l’administration fiscale retient, dans sa doctrine [7], le concept d’« entrepreneur principal », par opposition à celui d’« entité routinière » : l’entrepreneur principal assume les risques principaux (qu’ils se concrétisent ou non) et prend les décisions stratégiques. C’est en général lui qui possède les immobilisations incorporelles clés (marques, brevets, savoir-faire …) et supporte les dépenses correspondantes. Les Principes de l’OCDE en matière de prix de transfert, s’ils semblent avoir utilisé ce concept dans le passé [8], ne le retiennent plus dans leurs versions les plus récentes. Il ne figure pas non plus, à ce stade, dans votre jurisprudence et est également peu présent dans la jurisprudence des cours administratives d’appel (outre les arrêts ici contestés, on peut mentionner un récent arrêt de la cour de Bordeaux - 29 octobre 2020, n° 18BX03395, Sté Biomar[9]). Nous ne vous invitons pas à vous l’approprier. Votre jurisprudence passée témoigne de ce qu’il est tout à fait possible de s’en passer. En outre, il présente à nos yeux deux faiblesses :
Cela étant dit, vous devrez ici apprécier concrètement si l’usage des concepts d’entrepreneur principal et d’entité routinière a ou non porté atteinte à l’analyse de la cour administrative d’appel.
La cour et le tribunal ont eu une approche nettement différente des rôles respectifs de la société RKS et des unités opérationnelles de distribution à l’étranger. Les deux juridictions ont adopté la même grille d’analyse, en s’intéressant à cinq rubriques qui constituent, effectivement, les principaux éléments à prendre en compte : les fonctions et les risques liés à la création et au développement des produits ; la recherche et développement ; la fixation des prix des produits ; la fonction commerciale ; l’image de marque. Mais elles ont analysé différemment les éléments qui leur étaient soumis ; en schématisant, le tribunal a considéré que la société RKS exerçait un rôle stratégique, participait, selon les modalités définies au sein du groupe, à l’activité de recherche et développement, pilotait la fixation des prix à l’endroit des clients finaux et intervenait à tous les stades de la relation commerciale avec ces clients ; la cour, au contraire, a estimé que la société RKS se voyait imposer les prix de vente de ses produits aux clients finaux par la société-mère suédoise ; elle a retenu, qu’alors même qu’elle effectuait des activités de recherche et développement, elle ne disposait pas en propre, de concessions, brevets ou droits similaires ; elle a estimé que la fonction commerciale était exercée, pour l’essentiel, au niveau des sociétés distributrices, la société RKS apportant tout au plus « un soutien technique sur demande » ; enfin, elle a considéré que la société RKS n’avait, en elle-même, aucune visibilité et que sa capacité à vendre ses produits à l’étranger dépendait essentiellement du rôle des entités distributrices.
Si nous devions donner un sentiment sur la qualification juridique des faits à laquelle ont procédé les juges du fond [11], nous serions plus proche de la position du tribunal que de celle de la cour.
La société RKS a été acquise par le groupe en 1965 et existait alors depuis plus de trente ans ; il est donc probable qu’elle disposait d’une image de marque propre lors de son intégration dans le groupe. Elle fabrique des produits très spécifiques, le plus souvent réalisés sur mesure [12] et dispose d’un portefeuille de clients relativement stable et limité. De ce fait, nous avons du mal à adhérer à l’idée que les entités distributrices joueraient un rôle prépondérant dans la relation aux clients, notamment dans sa composante technique qui revêt nécessairement en l’espèce une importance particulière, ainsi que dans l’exercice de la fonction commerciale. Il n’est pas non plus soutenu que les distributeurs supporteraient un quelconque risque de stock.
En outre, il nous semble que la cour a commis quelques erreurs – ou au moins imprécisions - factuelles ou de raisonnement. Ainsi, sur la question des prix, la société indique, de manière convaincante, que la direction fiscale du groupe SKF communique chaque mois aux unités opérationnelles de fabrication le niveau de prix auquel elles doivent facturer leurs produits aux unités de distribution, en fonction du pays (ce sont là les prix de transfert définis par le groupe, c’est-à-dire la rémunération des unités de distribution). En revanche, les prix de vente aux clients finaux sont déterminés sur la base du coût standard de production, qui est défini par la société RKS. La cour a donc été un peu imprécise et ambiguë en relevant que la société RKS se voyait imposer un barème de prix fixé chaque mois par la société mère suédoise, sans que l’on sache exactement quels prix elle visait par là. En ce qui concerne la manière de raisonner,
- la cour a relevé que les atouts industriels de la société RKS ne révélaient pas à eux seuls un rôle directeur dans le groupe SKF. Cette observation nous paraît sans pertinence : ce que la cour devait rechercher, ce n’est pas si la société jouait un rôle directeur dans le groupe tout entier – elle est vraisemblablement, effectivement, une entité de production parmi d’autres – mais quelles étaient respectivement ses fonctions et celles des distributeurs, et comment les différents risques étaient assumés par elle-même ou par les distributeurs ;
- la cour a également relevé que le résultat consolidé du groupe SKF variait entre 6 % et 14 %. Il nous semble qu’on ne peut tirer aucune conséquence de cette constatation globale, pour répondre à la question posée.
Au total, l’usage de concepts qui nous paraissent présenter plus d’inconvénients que d’avantages, les incertitudes du dossier sur certains points factuels importants et le peu d’éléments précis qui sont fournis sur le rôle des unités de distribution et les risques qu’elles assument effectivement, invitent à ne pas vous positionner dès à présent sur le terrain de la qualification juridique des faits. Nous vous proposons de casser les arrêts sur un autre terrain et de renvoyer les affaires à la cour afin qu’elle soit à même, sur la base d’un dossier qui, on peut l’espérer, se précisera et s’enrichira, de réexaminer les termes du débat.
Vous pourrez d’abord sanctionner, sur le terrain de l’erreur de droit, l’usage que la cour a fait du concept d’entrepreneur principal. Comme l’exposait la société, le modèle du groupe SKF repose sur l’idée que la valeur ajoutée et la prise de risque se trouvent au niveau de la société RKS ; c’est pourquoi les distributeurs ont un taux de marge modeste, mais garanti, correspondant à 3 % des ventes des produits de la société aux tiers. L’utilisation de la notion d’entrepreneur principal, opposée à celle d’entité routinière a empêché la cour d’entrer dans une analyse fine des données du litige, en cherchant à déterminer si les fonctions et les risques assumés par la société RKS justifiaient que ce soit elle, plutôt que les distributeurs, qui appréhende les profits en cas de circonstances économiques favorables et, dans le cas contraire, subisse les pertes.
La cour a également totalement passé sous silence la question de savoir si les taux de marge nette fortement négatifs observés en 2009 et en 2010 étaient un phénomène conjoncturel ou, au contraire, un phénomène plus structurel, lié à la politique de prix de transfert mise en œuvre par la société mère suédoise. En faveur de la première de ces thèses, la société RKS faisait en particulier valoir qu’à compter de 2006, elle avait choisi de réorienter son positionnement vers le marché des éoliennes, en raison de la baisse des commandes en provenance des clients traditionnels ; à la suite de ce choix stratégique, elle indiquait avoir dû faire face à d’importants problèmes de qualité sur les produits destinés aux éoliennes, notamment au cours des années 2009 et 2010, la situation ayant commencé à s’améliorer en 2011. Elle rappelait, de manière générale, qu’en raison de la spécificité des produits qu’elle fabrique, ses résultats étaient très sensibles à la conjoncture, à l’évolution des besoins des clients, à la pertinence de la stratégie et à la qualité des productions. En ne répondant en rien à cette argumentation, qui était loin d’être sans incidence sur les questions posées par le litige, la cour a entaché ses arrêts d’insuffisance de motivation.
Les deux dossiers de cassation étant identiques, vous pourrez mettre à la charge de l’Etat la somme totale de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ces motifs nous concluons :
[1] RKS pour « Roulements Kugler & Sinez » ; aujourd’hui SKF Slewing Bearings.
[2] En 2020, la fermeture de ce site a été annoncée pour fin 2022-début 2023, la production devant être transférée sur le site de Saint-Cyr-sur-Loire où se trouve également, depuis 2015, le centre d’excellence en ingénierie « SKF Solution Factory ».
[3] CE 9° et 10° ssr, 8 juin 2005, n° 255918, SA Vetter, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6355DI9) ; CE 3° et 8° ssr, du 7 novembre 2005, n° 266436, Min. c/ SA Cap Gemini, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4994DLK), RJF, 1/06, n° 17, cl. E. Glaser, BDCF, 1/06, n° 5 ; CE 9° et 10° ssr, 9 novembre 2015, n° 370974, Sté Sodirep Textiles SA-NV, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3593NWY), RJF, 2/16, n° 121, cl. M.-A. Nicolazo de Barmon au C 121 ; CE 9° et 10° ssr, 15 avril 2016, n° 372097, Sté LSVD, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7095RIM), RJF, 7/16, n° 603, cl. E. Bokdam-Tognetti au C 603 ; CE 3° et 8° ch.-r., 6juin 2018, n° 409645, SCS General Electric Medical Systems, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7919XQD), RJF, 8-9/18, n° 833, cl. R. Victor au C 833 ; CE 9° et 10° ch.-r., 23 novembre 2020, n° 425577, Min. c/ Sté Ferragamo, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A379637Q), RJF, 2/21, n° 116, cl. E. Bokdam-Tognetti au C 116.
[4] Sur le sujet des prix de transfert, voir aussi : B. Gouthière, « Les impôts dans les affaires internationales », 14e édition, p. 1358 à 1465.
[5] Aux T., RJF 8-9/18, n° 833, cl. R. Victor au C 833.
[6] Cf. note précédente.
[7] BOI-BIC-BASE-80-10-10 publié le 18 février 2014, § 100.
[8] Cf. B. Gouthière, « Les impôts dans les affaires internationales », 14ème édition, § 76785.
[9] Le pourvoi en cassation formé par la société contre cet arrêt n’a pas été admis (décision CE, 3e JS, n° 448139 du 13 juillet 2021).
[10] L’OCDE les classe en risques stratégiques ou risques de marché / risques opérationnels ou d’infrastructure / risques financiers / risques transactionnels / risques de catastrophes naturelles.
[11] NB : vous contrôlez en cassation la qualification juridique que les juges du fond ont donnée aux faits de l’espèce pour estimer que l’administration apportait la preuve d’un transfert indirect de bénéfices (cf. la décision « Min. c/ Sté Ferragamo » déjà mentionnée, aux T. sur ce point).
[12] On lit ainsi dans un article de L’Yonne Républicaine du 28 avril 2020 qu’un roulement de 59 tonnes et 8 mètres de diamètre destiné à la Chine quitte le site RKS d’Avallon. Il s’agissait du plus grand roulement en monobloc jamais construit sur le site. Un convoi exceptionnel de 19 mètres de long l’a acheminé vers Châlons-sur-Saône, il a ensuite été mis sur barge vers Fos-sur-Mer via la Saône et le Rhône puis mis en caisse pour voyager par la mer jusqu’à Shangaï. Le dernier roulement de grande dimension avait quitté l’usine en novembre 2019 et pesait 52 tonnes.
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