Lexbase Fiscal n°886 du 2 décembre 2021 : Fiscalité internationale

[Brèves] Coopération administrative dans le domaine fiscal et décision d’injonction de communiquer des informations

Réf. : CJUE, 25 novembre 2021, aff. C-437/19, L (N° Lexbase : A92787CM)

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par Marie-Claire Sgarra

le 29 Novembre 2021

Une demande d’informations doit être considérée comme portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable, lorsque les personnes faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête au sens de cette dernière disposition ne sont pas identifiées nominativement et individuellement par cette demande, mais que l’autorité requérante établit, sur la base d’explications claires et suffisantes, qu’elle mène une enquête ciblée concernant un groupe limité de personnes, justifiée par des soupçons fondés de non-respect d’une obligation légale précise.

Les faits. L’administration fiscale française a adressé, sur le fondement notamment de la à l’administration fiscale luxembourgeoise une demande d’informations concernant L, société de droit luxembourgeois.

Celle-ci serait non seulement la société mère indirecte d’une société civile immobilière de droit français détenant un bien immobilier en France, mais détiendrait également directement un autre bien immobilier dans la même commune française. Les personnes physiques détenant directement ou indirectement des biens immobiliers situés en France étant tenues de les déclarer, l’administration fiscale française souhaitait dès lors connaître les actionnaires et les bénéficiaires effectifs de L.

Procédure :

  • l’administration fiscale luxembourgeoise a par conséquent enjoint à la société L de lui fournir certains renseignements 
  • après que le recours hiérarchique formé par L contre cette injonction a été déclaré irrecevable, l’administration fiscale lui a adressé une décision constatant qu’elle n’avait pas donné suite à la décision d’injonction et lui a infligé une amende administrative fiscale
  • cette décision a été annulée par le tribunal administratif (Luxembourg), à la suite du recours introduit par L, au motif qu’il existe un doute quant à l’identité du contribuable visé et que, en conséquence, les informations demandées doivent être considérées comme étant manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable.

🖊️ Questions préjudicielles. Elle demande notamment à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si, et à quelles conditions, au regard de la notion de « pertinence vraisemblable » visée à la Directive n° 2011/16, une demande d’informations peut concerner un groupe de personnes identifiables, mais non désignées de manière nominative et individuelle.

En outre, soulignant que le destinataire ne disposait pas d’un recours direct contre la décision d’injonction de communiquer des informations, elle interroge la Cour sur la compatibilité du droit procédural luxembourgeois avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le droit à un recours effectif.

Sur la première question, la Cour rappelle que la pertinence vraisemblable des informations demandées par un État membre à un autre État membre constitue une condition à laquelle toute demande d’informations en matière fiscale doit satisfaire pour déclencher l’obligation de l’État membre requis d’y donner suite.

L’autorité requise doit en principe faire confiance à l’autorité requérante et présumer que la demande d’informations est à la fois conforme au droit national de l’autorité requérante et nécessaire aux besoins de son enquête. L’autorité requise doit, néanmoins, contrôler que la motivation de la demande d’informations est suffisante pour établir que ces informations n’apparaissent pas dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité du contribuable faisant l’objet de l’enquête et à la finalité fiscale des informations demandées, excluant ainsi les « recherches tous azimuts ». L’indication de l’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête » constitue donc l’un des éléments que la motivation de la demande d’informations doit nécessairement contenir afin de permettre à l’autorité requise d’exercer ce contrôle.

👉 Selon la Cour, la notion d’« identité » comprend toutefois non seulement le nom et les autres données personnelles, mais aussi un ensemble de qualités ou de caractéristiques distinctives permettant d’identifier la ou les personnes faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête. En effet, une interprétation restrictive de cette notion priverait l’instrument de coopération que constitue la demande d’informations de son effet utile et irait à l’encontre de l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales que cet instrument vise à atteindre. La Cour estime par conséquent que l’indication de l’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête », en tant qu’élément indispensable de la motivation de la demande d’informations, est susceptible de viser non seulement des personnes nominativement et individuellement identifiées, mais aussi un groupe limité de personnes identifiables à partir d’un ensemble commun de qualités ou de caractéristiques qui les distinguent.

👉 Cependant, pour permettre à l’autorité requise d’établir la pertinence vraisemblable des informations requises et afin d’éviter tout risque de « recherche tous azimuts », lorsqu’une demande d’informations porte sur un groupe de contribuables, l’autorité requérante est tenue de fournir une description aussi détaillée et complète que possible du groupe de contribuables faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête, d’expliquer les obligations fiscales spécifiques pesant sur ces personnes et d’exposer les raisons pour lesquelles lesdites personnes sont soupçonnées.

 

 

Sur la seconde question, la Cour rappelle qu’il résulte de sa jurisprudence constante que la protection des personnes, tant physiques que morales, contre des interventions de la puissance publique dans leur sphère d’activité privée, qui seraient arbitraires ou disproportionnées, constitue un principe général du droit de l’Union. Une personne morale à laquelle l’autorité nationale compétente a adressé une décision d’injonction de communiquer des informations ou une décision de sanction pour non-respect de cette injonction doit se voir reconnaître le bénéfice du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte.

💡 Ce recours doit permettre au juge de vérifier que la décision d’injonction de communiquer des informations se fonde sur une demande suffisamment motivée portant sur des informations qui n’apparaissent pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable, eu égard à l’identité de la personne et à la finalité fiscale des informations demandées.

Selon la Cour, la législation nationale en cause au principal, qui exclut la possibilité de former un recours direct contre une décision d’injonction de communiquer des informations fiscales, ne respecte pas le contenu essentiel du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte.

👉 Dans ces conditions, la Cour considère dès lors que, afin de garantir l’effectivité de ce droit, le destinataire de la décision d’injonction qui n’a pas bénéficié d’un droit de recours direct à l’encontre de celle-ci et qui a dû, partant, se voir infliger une sanction pour non-respect de cette injonction afin de pouvoir contester à titre incident la décision d’injonction doit, à la suite de la reconnaissance définitive de la légalité desdites décisions, se voir accorder la possibilité de se conformer à la décision d’injonction dans le délai initialement prévu à cet effet par le droit national, sans que cela entraîne le maintien de la sanction qu’il a dû encourir pour exercer son droit à un recours effectif. Ce n’est que si ce destinataire ne donne pas suite à la même décision dans ce délai que la sanction infligée deviendrait légitimement exigible.

 

 

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