Lexbase Fiscal n°886 du 2 décembre 2021 : Fiscalité internationale

[Focus] Les paradis fiscaux

Lecture: 8 min

N9568BYZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Focus] Les paradis fiscaux. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/74951539-focus-les-paradis-fiscaux
Copier

par Virginie Pradel, Fiscaliste, Docteur en droit, Institut de recherche fiscale

le 17 Janvier 2022


Mots-clés : paradis fiscal • fraude fiscale • multinationales

Les paradis fiscaux, décriés depuis plusieurs années, ont particulièrement été mis en évidence dans plusieurs affaires récentes parmi lesquelles : les « Offshore Leaks » en 2013, dans le contexte international de la crise financière de Chypre, place offshore prisée des investisseurs attirés par l’opacité, les China Leaks, relative aux « princes rouges » chinois (membres des familles des dirigeants chinois) en 2014, les Luxembourg Leaks (ou LuxLeaks) en 2014, les Panama Papers, les Bahamas Leaks et Football Leaks en 2016, les Money Island, Malta Files et Paradise Papers en 2017, les Dubaï Papers et CumEx Files en 2018, les FinCEN Files en 2020 et les OpenLux et Pandora Papers en 2021.


 

Cet article a vocation à répondre aux questions récurrentes suivantes : Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ? Quels enjeux soulèvent les paradis fiscaux ? Comment l’OCDE, l’UE, la France et d’autres organisations appréhendent-ils les paradis fiscaux ?

I. La notion de paradis fiscal

Si tout le monde blâme aujourd’hui l’existence des paradis fiscaux, force est toutefois de constater que personne n’est encore en mesure de les définir précisément. Et pour cause : il n’existe aucune définition juridique précise du paradis fiscal, que ce soit dans la législation ou dans la jurisprudence tant nationale qu’internationale. Le paradis fiscal  est ainsi une notion médiatique et politique et non proprement juridique.

Le paradis fiscal se différencie à la fois des zones offshore et des paradis bancaires ou judiciaires. Dans le langage courant, toutefois, on désigne sous cette appellation tous les « territoires non coopératifs ».

Le paradis fiscal se distingue également des territoires permettant une optimisation fiscale. Il existe en effet, au sein même de l’Europe, des États pratiquant le « dumping » fiscal, c’est-à-dire prévoyant des taux d’imposition particulièrement faibles, parfois seulement au profit des étrangers, de manière à attirer des capitaux et des sièges sociaux dans leur territoire.

Trois types de « paradis fiscaux » peuvent être distingués :

  • ceux à faible imposition sur les personnes physiques ;
  • ceux à faible imposition sur les entreprises ;
  • ceux à faible imposition sur les personnes physiques et les entreprises.

II. L’OCDE et les paradis fiscaux

En 2000, l'OCDE a établi une première liste de paradis fiscaux dans le rapport « Towards Global Tax Co-operation: Progress in Identifying and Eliminating Harmful Tax Practices ». Au cours des deux années suivantes, 31 pays se sont engagés à mettre en place les principes de transparence et d'échange d'informations fiscales. En 2002, une liste des paradis fiscaux non coopératifs a été établie, sur laquelle figurent sept pays n'ayant pris aucun engagement de ce type.

En mars 2009, sous la pression notamment du G20, l’Andorre, le Liechtenstein et Monaco, les trois pays restant sur la liste, ont décidé de s'aligner sur les recommandations de l'OCDE en ce qui concerne la transmission des informations financières entre pays, mais sous certaines conditions.

En l’absence de définition, l’OCDE retient quatre critères permettant de les identifier :

  • des impôts inexistants ou insignifiants ;
  • une absence de transparence sur le régime fiscal ;
  • une législation empêchant l’échange d’informations avec les autres États ;
  • une tolérance envers les sociétés-écrans ayant une activité fictive.

L’OCDE classe depuis 2009 les paradis fiscaux dans trois catégories :

  • noire pour les États fiscalement non coopératifs ;
  • grise pour les États « qui ont promis de se conformer aux nouvelles règles sans les appliquer et ceux qui s’y conforment substantiellement » ;
  • blanche, pour les États ou territoires qui ont fait un effort réel et dont les règles « sont conformes aux standards internationaux de l’OCDE ».

En 2017, la liste noire de l'OCDE n'inclut qu'un seul pays : Trinité-et-Tobago. La liste grise ne comprend quant à elle que les Îles Marshall.

III. L’Union européenne et les paradis fiscaux

En novembre 2016, le Conseil a chargé le groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) », un groupe de travail du Conseil, d'effectuer les travaux préparatoires nécessaires à l'établissement de la liste.

Le groupe "Code de conduite" a passé en revue 92 pays et territoires, sélectionnés sur la base des éléments suivants :

  • leurs liens économiques avec l'UE ;
  • leur stabilité institutionnelle ;
  • l'importance de leur secteur financier.

Le rapport d'évaluation a permis au Conseil d'adopter la première liste de l'UE le 5 décembre 2017. La liste (annexe I des conclusions du Conseil) comprenait 17 pays ou territoires non membres de l'UE. Ces pays ou territoires n'avaient pas pris d'engagements suffisants en réponse aux préoccupations de l'UE.

Le Conseil a adopté la première liste de l'UE le 5 décembre 2017. Depuis lors, elle a été mise à jour à plusieurs reprises.

Des révisions plus importantes ont eu lieu en mars 2019 et en février 2020. Elles coïncident avec l'expiration des délais de la fin 2018 et de la fin 2019 que les pays et territoires se sont vu fixer pour la mise en œuvre de leurs engagements initiaux.

Depuis 2020, la liste est mise à jour deux fois par an. La liste de l'UE est à présent régulièrement mise à jour et révisée dans le cadre d'un suivi dynamique des mesures mises en œuvre par les pays et territoires pour respecter leurs engagements.

Ce processus continu consiste notamment à :

  • établir des critères conformes aux normes fiscales internationales ;
  • évaluer les pays au regard de ces critères ;
  • engager un dialogue avec les pays qui ne s'y conforment pas ;
  • inscrire des pays sur la liste ou les en désinscrire, dans la mesure où ils entreprennent (ou non) des réformes ;
  • suivre l'évolution de la situation afin de veiller à ce que les pays et territoires ne reviennent pas sur de précédentes réformes ;
  • Le processus de suivi est mené sur la base d'un ensemble de lignes directrices en matière de procédure, arrêtées en février 2018.

La dernière révision en date a eu lieu en octobre 2021. La prochaine révision est prévue pour février 2022.

La nouvelle liste comprend les 9 juridictions suivantes :

  • le Panama,
  • Vanuatu,
  • Fidji,
  • Guam,
  • les Îles Vierges américaines,
  • Samoa américaines,
  • Samoa,
  • Trinité-et-Tobago,
  • Palaos,

IV. La France et les paradis fiscaux ?

La France a, par un arrêté du 26 février 2021, publié sa liste mise à jour des états et territoires non coopératifs (ETNC).

Pour rappel, la définition d’ETNC est codifiée à l’article 238-0 A du CGI. 

La liste des ETNC est fondée :

  • sur des critères exclusivement français d’échange d’informations (CGI, art. 238-0 A 2 N° Lexbase : L6050LMZ) ;
  • intègre (CGI, art. 238-0 A 2 bis) les États ou territoires qui figurent sur la liste européenne des États et territoires non coopératifs (dite « liste noire ») pour l’un des motifs suivants :

- ces États ou territoires sont considérés par le Conseil de l’UE comme facilitant la création de structures ou de dispositifs offshore destinés à attirer des bénéfices sans substance économique réelle

- ces États ou territoires ne respectent pas au moins un des autres critères définis par le conseil de l’UE  relatifs à la transparence fiscale, à l'équité fiscale et à la mise en œuvre des mesures anti-BEPS que les États membres de l'UE s'engagent à promouvoir, et figurant à l’annexe V de la liste de l’UE.

Les opérations réalisées avec ces États ou territoires subissent en conséquence une fiscalité alourdie, illustrée notamment par l’application de retenues à la source ou prélèvements de 75 % sur les dividendes, sur certains revenus non salariaux, ou encore sur les profits immobiliers lorsqu’ils sont réalisés en France par les résidents de ces États…

La dernière liste publiée par la France résultait d’un arrêté du  6 janvier 2020.

La nouvelle liste comprend les 13 juridictions suivantes :

  • Anguilla,
  • les Îles Vierges Britanniques,
  • le Panama,
  • les Seychelles,
  • Vanuatu,
  • Fidji,
  • Guam,
  • les Îles Vierges américaines,
  • Samoa américaines,
  • Samoa,
  • Trinité-et-Tobago,
  • Palaos,
  • Dominique.

Conformément aux dispositions du 2 ter de l’article 238-0 A du CGI, l’arrêté qui modifie la liste indique le motif qui justifie le retrait ou l’ajout d’un État ou territoire.

Ainsi, le nouvel arrêté exclut de la liste les Bahamas qui y avaient été inscrites lors de la dernière mise à jour en 2020.  À l’époque l’inscription sur la liste, effectuée en application des dispositions du b) du 2 de l’article 238-0 A du CGI, se justifiait par le fait que l’échange de renseignements avec ce pays n’était pas considéré comme satisfaisant, alors même qu’une convention d’assistance administrative existe entre la France et les Bahamas. Le retrait de la liste, réalisé en application des dispositions du a) du 2 de l’article 238-0 A du CGI signifie donc que les autorités françaises considèrent désormais que l’échange d’informations est effectif.

Est également exclu de la liste Oman. L’exclusion est effectuée en application des dispositions du 2° du 2 bis de l’article 238-0 A du CGI, ce qui signifie que les critères définis par l’UE sont désormais considérés comme remplis.

Par ailleurs, deux États font leur entrée sur la liste française :

  • la Dominique ;
  • les Palaos dont l’inscription est effectuée en application des dispositions du 2° du 2 bis de l’article 238-0 A du CGI.

Ces deux États sont considérés comme défaillants au regard des critères listés par l’UE.

La liste française des ETNC est aujourd’hui quasi-identique à la liste UE à la seule exception des Îles Vierges britanniques qui demeurent inscrites sur la liste française mais non sur la liste UE.

V. Le réseau Tax Justice Network (TJN) et les paradis fiscaux

Le réseau Tax Justice Network (TJN) se base sur un indice qui cumule le degré d’opacité et le poids des différentes places financières dans l’économie mondiale. Il estime que les 10 principaux paradis fiscaux pour les entreprises en 2021 sont :

  • 1) les Îles Vierges Britanniques
  • 2) les îles Caïmans
  • 3) les Bermudes
  • 4) les Pays-Bas
  • 5) la Suisse
  • 6) le Luxembourg
  • 7) Hong-kong
  • 8) Jersey
  • 9) Singapour
  • 10) Émirats arabes unis.

newsid:479568

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.