Le Quotidien du 28 octobre 2021 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Revirement : la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2021, deux arrêts, n° 19-20.504, FS-B (N° Lexbase : A329649X) et n° 19-20.959, FS-D (N° Lexbase : A329549W)

Lecture: 6 min

N9210BYR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Revirement : la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73719651-breves-revirement-la-demande-denregistrement-dun-signe-en-tant-que-marque-ne-constitue-pas-un-acte-d
Copier

par Vincent Téchené

le 27 Octobre 2021

► La demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.

Faits et procédures. Dans ces deux affaires, des titulaires de marques ont assigné en contrefaçon de marques des prétendus contrefacteurs qui avaient déposé une demande d'enregistrement à titre de marque d'un signe similaire à leur marque, pour désigner des produits ou services identiques ou similaires. Les titulaires estimaient en effet que ces demandes constituaient un usage du signe dans la vie des affaires et caractérisaient un acte de contrefaçon dès lors qu'il existe un risque de confusion entre les signes en présence.

Sur ces demandes, les cours d’appel (CA Colmar, 20 novembre 2019, n° 19/03252 N° Lexbase : A5332Z3U et CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 17 mai 2019, n° 17/05308 N° Lexbase : A7189ZBU) saisies avaient débouté les titulaires de droits.

Décisions. Si les deux décisions comportent une solution identique relative à la question de savoir si une demande d’enregistrement constitue un acte de contrefaçon, l’arrêt n° 19-20.504 apporte, en outre, des précisions relatives au dépôt d’un nom de famille comme marque.

Revirement. Avec les deux arrêts rapportés, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence.

Elle commence par rappeler sa position antérieure : elle a ainsi précédemment interprété les articles L. 713-2 (N° Lexbase : L3729ADH), L. 713-3 (N° Lexbase : L8336IMP) et L. 716-1 (N° Lexbase : L5820LTQ) du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 (N° Lexbase : L5296LTC), en ce sens que le dépôt à titre de marque d'un signe contrefaisant constitue à lui seul un acte de contrefaçon, indépendamment de son exploitation (Cass. com., 26 novembre 2003, n° 01-11.784, F-D N° Lexbase : A3090DAP – Cass. com., 10 juillet 2007, n° 05-18.571, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2502DXX – Cass. com., 21 février 2012, n° 11-11.752, F-D N° Lexbase : A3206ID4 – Cass. com., 24 mai 2016, n° 14-17.533, F-D N° Lexbase : A0254RRT).

Elle précise ensuite qu’il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Or, cette Cour juge en effet que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, 3 mars 2016, aff. C-179/15, points 26 et 27 N° Lexbase : A0402QEM).

Or, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire.

Dès lors, pour la Haute juridiction, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.

Dépôt d’un signe contenant un nom de famille. Par ailleurs, dans l’un des deux arrêts (n° 19-20.504, FS-B), il était donc question du dépôt comme marque de signes contenant le nom de famille de l’ancien dirigeant d’une société qui avait cédé son fonds de commerce, dépôt effectué par cet ancien dirigeant et sa famille. Le cessionnaire du fonds formulait des demandes sur le terrain de la contrefaçon et sur celui de la concurrence déloyale.

Sur la contrefaçon, la Cour de cassation va opérer une première censure de l’arrêt d’appel (v. CA Colmar, 20 novembre 2019, n° 19/03252, préc.) au visa de l’article L. 713-3, b), du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tel qu'interprété à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la Directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 (N° Lexbase : L7556IBH).

Elle relève que pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait, notamment, interdit aux sociétés de faire usage du terme « Albrecht » accompagné d'un ou plusieurs prénoms, l'arrêt d’appel a retenu qu'il ne peut être fait interdiction générale d'employer le terme « Albrecht », qui n'est pas en lui-même une marque déposée dont la cessionnaire du fonds de commerce serait propriétaire et que c'est uniquement l'usage du terme « Albrecht » seul qui peut être considéré comme contrefaisant.
Mais, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que le remplacement du prénom s'avérait secondaire par rapport à l'élément déterminant qu'est le nom de famille que le signe litigieux contrefaisait la marque « Lucien Albrecht », ce dont il se déduisait que tout usage d'un signe constitué d'un ou plusieurs prénoms et du seul patronyme Albrecht était contrefaisant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte visé.

S’agissant, enfin, de la concurrence déloyale, la Haute juridiction énonce que lorsqu'un fonds de commerce est le fruit d'une histoire familiale, l'acquéreur de ce fonds est en droit de se prévaloir de cette histoire, sous réserve de ne pas créer un risque de confusion entre son activité et celle des membres de la famille restés actifs dans le même domaine.

Dès lors, elle censure également sur ce point l’arrêt d’appel qui a rejeté les demandes du cessionnaire du fonds sans constater que les modalités de l'exploitation à des fins commerciales par ce dernier de l'histoire de la société dont le fonds était cédé, qui incluait nécessairement des éléments intellectuels liés à l'histoire de la famille en question dans la viticulture alsacienne, avaient entraîné un risque de confusion entre les produits qu'il commercialisait sous les marques acquises avec le fonds de commerce de la société et ceux que commercialisaient les membres de la famille.

 

newsid:479210

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.