Le Quotidien du 24 juin 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Le procès Bygmalion ou l’occasion de faire ressurgir les vieilles haines politiques

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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

le 23 Juin 2021

Ils ne partiront sans doute pas en vacances ensemble... Après plus d’un mois d’audience devant la 11e chambre du tribunal judiciaire de Paris, les prévenus de l’affaire Bygmalion se sont quittés, mardi 22 juin, en sachant déjà qu’ils se retrouveront à la rentrée pour un moment difficile. Le tribunal a en effet mis en délibéré au 30 septembre à 10h sa décision concernant cette vaste escroquerie qui a permis, selon l’accusation, à Nicolas Sarkozy de dépenser 42,8 millions d’euros pour sa campagne présidentielle de 2012 alors que la loi lui interdisait pourtant de dépasser un plafond fixé à 22,5 millions.

Et c’est à peu près la seule certitude de ce dossier. Malgré les quatre semaines d’audience et malgré l’implacable abnégation de la présidente Caroline Viguier à mener les interrogatoires, le procès n’a pas permis d’en savoir davantage sur l’origine de la fraude. Pas plus que sur l’identité de son instigateur. Et au final, il ne reste donc que l’inimitié entre les prévenus qui se sont succédés, jour après jour, sur les chaises rouges d’une salle d’audience congelée par la climatisation.

Une inimité qui s’est particulièrement fait sentir durant les derniers jours d’audience consacrés aux plaidoiries de la défense. On le rappelle, dans ce dossier, quatorze personnes étaient renvoyées : les anciens dirigeants de la société Bygmalion et de sa filiale événementielle, Event & Cie ; les anciens responsables de l’UMP, les ex-membres de l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy et l’ancien chef de l’État, lui-même.

Lors des réquisitions, Vanessa Perrée, la procureure adjointe, s’est ainsi étonnée que, dans cette affaire, « les plus honnêtes soient finalement les hommes d’affaires... » Ce n’est donc pas surprenant que la tension ait surtout été palpable entre les anciens responsables politiques. Neuf ans après les faits. Sept ans après leur révélation... Haine tenace et rancœur moisie entre les associés d’hier à la conquête du pouvoir qui sont aujourd’hui des ennemis et tentent de sauver leur peau dans le prétoire.

Jérôme Lavrilleux « assis dans du fromage »

Illustration à la barre lors de la plaidoirie de Solange Doumic. Intervenant en défense de Fabienne Liadzé, l’ancienne directrice des Finances de l’UMP, l’avocate a longuement expliqué, mardi matin, que sa cliente avait connu une vraie dépression après sa garde à vue. Qu’elle avait été licenciée du parti de droite. Et que tout le monde l’avait laissé tomber. Alors que d’autres, dans le même temps, étaient devenus députés européens et s’étaient donc « assis dans du fromage ». Une drôle d’expression utilisée pour dire qu’ils en avaient bien profité. Pas besoin de nommer Jérôme Lavrilleux, assis juste à sa droite, pour comprendre que c’est lui qui était visé.

La réplique est arrivée dans l’après-midi. Par la voix de Christian Saint-Palais, l’avocat de Jérôme Lavrilleux. Expliquant que d’autres avaient également eu « leur part de fromage », il a raconté que la plupart des prévenus n’avaient pas coupé les ponts avec l’UMP et bénéficiaient aujourd’hui de statuts avantageux d’élus ou de directeurs de services dans les mairies de droite des Hauts-de-Seine. Fabienne Liadzé est ainsi adjointe à la Culture à la mairie d’Issy-Les-Moulineaux.

« Tranquillisez-vous mes maires adjoints du 92, a-t-il ainsi lancé derrière son pupitre dans un grand sourire. Je pense que si nous avons une condamnation solidaire, les huissiers seront mandatés plus vite pour savoir s’il n’y a pas un peu de vaisselle à saisir dans les gîtes de Dordogne plutôt que dans les mairies d’Île-de-France », faisant ainsi référence à l’actuelle activité de gérant de gîtes de son illustre client…

Très inspiré et poursuivant sur sa lancée, Christian Saint-Palais a ensuite rectifié tous les autres prévenus en listant, de façon exhaustive, leurs diplômes pour mieux dénoncer le fait qu’ils n’avaient pas pu être mis sous la coupe de son client, titulaire, lui, d’un simple BTS. « Fabienne Liadzé, Sciences Po Paris. Eric Cesari, MBA Management. Chez Event, beaucoup de Sciences Po aussi... » Avant de critiquer Philippe Briand, président de l’Association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, « un des plus grands hommes d’affaires de France », et Guillaume Lambert, « un préfet qui ne sait pas lire autre chose que la première page des dossiers qu’on lui tend... »

Sarkozy n’était pas un « candidat hystérique », selon son avocate

Sept ans après, rien n’a donc changé. Tous en veulent encore beaucoup à Jérôme Lavrilleux d’avoir avoué, en pleurs, sur le plateau de BFM TV. Et tous prétendent toujours ne rien avoir à se reprocher. Dont le plus célèbre des prévenus, Nicolas Sarkozy. Absent lors de tous les débats à l’exception évidente du jour consacré à son interrogatoire, l’ancien chef de l’État n’a même pas assisté à la plaidoirie de son avocate, Gesche Le Fur, ni gratifié le tribunal d’un « dernier mot » comme le veut l’usage.

Son confrère Thierry Herzog étant souffrant, c’est donc seule que l’avocate a réclamé « avec confiance » sa relaxe. « Il n’a signé aucun devis. Il n’a signé aucune facture. Il a accepté toutes les restrictions qu’on lui a demandées. Il est loin d’être un candidat hystérique et insatiable comme on l’a décrit. Il est surtout respectueux des valeurs de la justice ! » La dernière phrase n’est pas là par hasard. Lors des réquisitions, le parquet a eu des mots très durs pour dénoncer le fait que l’ancien chef de l’État n’avait pas daigné se déplacer pour assister à son propre procès, « comme un citoyen parmi les citoyens ».

Une critique que Gesche Le Fur a trouvé « déloyale ». Sans véritablement convaincre, elle a indiqué qu’il suffisait de lui demander pour que Nicolas Sarkozy se présente, chaque jour, dans le prétoire… S’il l’avait fait, l’ancien Président aurait donc assisté aux réquisitions. Et il aurait entendu les deux voix du parquet requérir une lourde peine d’un an de prison dont six mois avec sursis et 3 750 euros d’amende à son encontre.

Il s’agit ici de la seule peine de prison ferme que le parquet a requise avec celle à l’encontre de Bastien Millot, le fondateur de Bygmalion. Hasard ou coïncidence : elles visent les deux prévenus les moins présents aux débats. À l’encontre de tous les autres, le parquet a réclamé des peines de prison avec sursis et des amendes variables. Ils seront donc fixés sur leur sort le 30 septembre. En attendant, personne ne sait s’ils comptent s’envoyer des cartes postales.

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