Lexbase Affaires n°160 du 24 mars 2005 : Responsabilité

[Jurisprudence] Le caractère provocateur et sarcastique d'un magazine ne dispense pas des devoirs de prudence et d'objectivité

Réf. : Cass. civ. 2, 24 février 2005, n° 02-19.136, Société TF1 Télévision France 1 c/ Société conception de presse (SCP), FP-P+B+I (N° Lexbase : A8576DGQ)

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le 01 Octobre 2012

L'occasion a déjà, à quelques reprises d'ailleurs, été saisie dans le cadre de cette chronique d'évoquer les rapports qu'entretiennent la liberté de la presse et la protection de la personne et ce, bien souvent, pour regretter que l'emprise de la première vienne, de plus en plus souvent, réduire à peu de chose la seconde (1). Au reste, en décidant, après revirement, que "les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ)", la Cour de cassation a très largement favorisé la liberté de la presse au détriment de la protection de la personne, la loi de 1881, imposant un certain formalisme et une prescription très brève, rendant concrètement l'action de la victime difficile (2). Dans ces conditions, il a paru utile de signaler, même très rapidement, un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 24 février dernier, d'autant que la Haute juridiction a entendu en assurer une large diffusion, l'arrêt, à paraître au Bulletin, figurant sur le site Internet de la Cour. En l'espèce, l'animateur Julien Courbet et la société TF1 reprochaient au mensuel Entrevue d'avoir publié un article mettant en cause la sincérité des reportages diffusés sur la chaîne de télévision, l'article ayant été annoncé sur la couverture du magazine par le titre "Julien Courbet bidonne un reportage". Les juges du fond avaient, cependant, débouté les intéressés de leur demande en réparation au motif que le magazine Entrevue s'était spécialisé dans la critique des émissions et des animateurs de télévision sur un ton de provocation sarcastique, l'objectif étant de décrire "l'envers du décor du PAF". Partant, ayant considéré que la légitimité du but poursuivi par le magazine n'était pas contestable, les premiers juges en avaient déduit que l'exigence de bonne foi qui s'impose à lui devait être appréciée en fonction du genre du journal, "la prudence dans l'expression [s'appréciant] à l'aune de la dérision ou même de l'outrance qui est la caractéristique d'Entrevue". Cette décision est cassée, au visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW) : après, en effet, avoir énoncé, dans un attendu placé en tête de l'arrêt, que "les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire et que cette présomption n'est détruite que lorsque les juges du fond s'appuient sur des faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi", la Cour a jugé "qu'en statuant ainsi, alors que le caractère provocateur et sarcastique du magazine dans lequel avait été publié l'article litigieux ne dispensait pas des devoirs de prudence et d'objectivité, la cour d'appel a violé les textes susvisés". Cette rigueur méritait d'être soulignée, particulièrement à une époque où la protection de la personne paraît s'étioler fasse à la vigueur de la liberté de la presse. A moins qu'il n'ait été au fond que question dans cette affaire de privilégier un média sur un autre...

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Voir notamment, en ce sens, Cass. civ. 2, 30 juin 2004, deux arrêts, n° 02-19.599, M. Pierre Lethier c/ Société Hachette Filipacchi associés, FS-P+B (N° Lexbase : A8956DCP) et n° 03-13.416, Société anonyme TF1 c/ M. Frédéric Danloux, FS-P+B (N° Lexbase : A9101DC3), JCP éd. G, 2004, II, 10160, et notre commentaire L'inquiétant effacement du droit à l'image face à la liberté de communication des informations, Lexbase Hebdo n° 140 du 28 octobre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N3317ABH) ; Cass. civ. 2, 4 novembre 2004, n° 03-15.397, Société Hachette Filipacchi associés c/ M. Alain Gouret, FS-P+B (N° Lexbase : A7712DDY), JCP éd. G, 2004, II, 10186, et notre commentaire, Droit à l'image, respect des morts, liberté de la presse et dignité de la personne humaine : des inquiétudes décidément bien légitimes..., Lexbase Hebdo n° 143 du 18 novembre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N3522AB3).
(2) Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-10.160, Consorts X. c/ Société Y. et autres (N° Lexbase : A2598ATE) et n° 98-11.155, Epoux X. c/ M. Y. et autres (N° Lexbase : A2599ATG), Bull. civ. n° 8, JCP éd. G, 2000, I, 280, obs. G. Viney, D. 2000, Somm. P. 463, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 2, 5 février 2004, n° 01-14.394, Société Hachette Filipacchi associés c/ M. Patrick Poivre d'Arvor, FS-P+B (N° Lexbase : A2284DB9), Bull. civ. II, n° 48, JCP éd. G, 2004, IV, 2001.

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