Le Quotidien du 28 mai 2021 : Droit rural

[Brèves] Rétrocession d’un bien acquis à l’amiable par la SAFER : retour sur l’obligation de motivation de la décision de rétrocession

Réf. : Cass. civ. 3, 20 mai 2021, n° 19-24.899, FS-P (N° Lexbase : A44894S3)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 27 Mai 2021

► La motivation de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable par la SAFER, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, sans que le juge ait à rechercher ces données ;

La seule indication de « consolidation d'une exploitation agricole par apport de parcelle contiguë », ne saurait répondre à cette exigence de motivation.

L’arrêt rendu le 20 mai 2021, s’inscrit dans la lignée d’un précédent arrêt rendu le 18 janvier 2018, par lequel la Cour de cassation, tout en rappelant que les juges ne peuvent procéder qu’à un contrôle de légalité, et non à un contrôle de l’opportunité de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable par la SAFER, retenait la nécessité de procéder à un contrôle de légalité renforcé (cf. Cass. civ. 3, 18 janvier 2018, n° 16-20.937, FS-P+B (N° Lexbase : A8675XAK ; lire Christine Lebel, Lexbase Droit privé, février 2018, n° 729 N° Lexbase : N2563BX9).

On relèvera, en outre, que la Cour de cassation, dans cet arrêt rendu le 20 mai 2021, pose les mêmes critères pour contrôler l’obligation de motivation de la décision de la SAFER, que ceux qu’elle avait retenus à propos de la décision de rétrocession faisant suite à l’exercice du droit de préemption (Cass. civ. 3, 13 décembre 2018, n° 17-18.019, F-D N° Lexbase : A7029YQE), ou à propos de la décision de préemption elle-même (Cass. civ. 3, 17 décembre 1986, n° 85-13.119 N° Lexbase : A6432AAH) : l’une ou l’autre de ces décisions, « qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales ». Ce qui témoigne de la volonté de renforcer le contrôle de légalité des décisions de la SAFER.

Dans cette affaire, la SAFER, bénéficiaire d’une promesse de vente de diverses parcelles, avait procédé aux formalités de publicité en vue de la rétrocession de tout ou partie de ces parcelles par voie de substitution.  Par lettre du 6 octobre 2016, elle avait informé un GFA que sa candidature avait été rejetée et que les parcelles avaient été attribuées pour un peu plus de soixante-six hectares à un autre candidat et pour un peu plus de deux hectares, à encore un autre candidat.

Le GFA avait saisi le tribunal en annulation de ces décisions et réparation de ses préjudices. Il obtient gain de cause sur l’une des deux décisions d’attribution.

  • L’absence de contrôle, par le juge, de l’opportunité de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable

S’agissant de la contestation de la première décision d’attribution, la Cour de cassation approuve la cour d'appel ayant retenu à bon droit que les critiques développées par le GFA quant au choix de privilégier l’installation, comme jeune agriculteur, des intéressés, ayant alors une activité d’entrepreneurs en travaux agricoles et forestiers au sein d’une SARL, relevaient de l'opportunité de la décision d’attribution dont le contrôle échappe au juge judiciaire.

  • Le contrôle (par la Cour de cassation) du contrôle (par les juges du fond) de légalité renforcé de la décision de rétrocession d’un bien acquis à l’amiable

Tout en rappelant, donc, que les juges ne peuvent contrôler l’opportunité de la décision de rétrocession, la Haute juridiction réaffirme la nécessité pour le juge de contrôler la légalité de la décision de rétrocession, ce qui présuppose une obligation de motivation de la décision de rétrocession,  laquelle doit être fondée sur des données concrètes en concordance avec les objectifs poursuivis, et répondant aux exigences de la loi.

En l’espèce, la première décision de rétrocession répondait bien à cette exigence, selon la Cour de cassation. La décision de rétrocession était ainsi motivée : « installation d’une jeune agricultrice qualifiée au sein d’un GAEC familial qui comprendra trois associés, le projet prévoit la conversion à terme de la totalité de l'exploitation en agriculture biologique, ce projet est étroitement lié à la protection d’un captage d’eau présent sur l’exploitation limitant les intrants sur une surface d'environ 40 hectares, le développement de l’exploitation implique l'embauche d’un salarié à plein temps. »

Selon la Haute juridiction, la cour d’appel avait pu en déduire que cette motivation avait été fondée sur des données concrètes en concordance avec les objectifs poursuivis, et répondant aux exigences de la loi.

Tel n’était pas le cas, en revanche, de la seconde décision, contrairement à ce qu’avaient retenu les juges d’appel. Ces derniers avaient en effet retenu que la décision de rétrocession avait été motivée par la consolidation de leur exploitation par l’apport d’une parcelle contigüe de 2 ha 64 a 45 ca et que cette motivation était fondée sur une donnée très concrète qui n’était critiquée par le GFA que pour dire que l’ajout de cette parcelle sur environ 180 hectares exploités n’avait pas pu augmenter « significativement » la performance économique de l’exploitation, mais qu’elle avait ainsi et suffisamment répondu à l’exigence légale de consolidation de l'exploitation et d’amélioration de la répartition parcellaire.

La décision se trouve censurée sur ce point, par la Cour régulatrice, qui énonce que « la motivation de la décision de rétrocession, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, sans que le juge ait à rechercher ces données ». Or, selon la Haute juridiction, tel n’était pas le cas de la décision de rétrocession qui se bornait à énoncer : « Consolidation d’une exploitation agricole par apport de parcelle contigüe ».

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