Le Quotidien du 25 mars 2021 : Autorité parentale

[Brèves] Enlèvement d’un enfant vers un État tiers : quelles sont les règles applicables pour déterminer la compétence juridictionnelle ?

Réf. : CJUE, 24 mars 2021, aff. C-603/20 PPU, SS c/ MCP (N° Lexbase : A17934MD)

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

le 24 Mars 2021

► La compétence de la juridiction d’un État membre saisie d’une action en responsabilité parentale ne peut être établie sur le fondement de l’article 10 du Règlement « Bruxelles II bis » (Règlement (CE) n° 2201/2003 Conseil, 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 N° Lexbase : L0159DYK) en cas d’enlèvement d’un enfant vers un État tiers ;

Lorsqu’il est constaté que l’enfant a désormais sa résidence habituelle dans un État tiers, la compétence juridictionnelle devra être déterminée conformément aux conventions internationales applicables ou, à défaut de celles-ci, conformément à l’article 14 du Règlement précité.

Faits et procédure. Un couple, de nationalité indienne et disposant d’une autorisation de séjour au Royaume-Uni, n’est pas marié légalement mais exerce conjointement la responsabilité parentale sur leur fille, ressortissante britannique née au cours de l’année 2017.

En octobre 2018, la mère a rejoint son pays natal avec l’enfant, qui y vit depuis avec sa grand-mère maternelle et n’a donc plus sa résidence habituelle au Royaume-Uni.

C’est sur ce motif que la mère se fonde pour contester la compétence des juridictions de l’Angleterre et du Pays de Galles, appelées à se prononcer sur la demande du père, qui sollicite le retour de l’enfant au Royaume-Uni ainsi qu’un droit de visite dans le cadre d’un recours porté devant la High Court of Justice (England & Wales), Family Division. 

Décision de la juridiction interne. La High Court of Justice estime qu’il convient d’apprécier sa compétence sur le fondement du Règlement « Bruxelles II bis ». À cet égard, elle indique ce qui suit : au moment où le père l’a saisie, d’une part, l’enfant avait sa résidence habituelle en Inde et elle était entièrement intégrée dans un environnement social et familial indien, ses liens concrets factuels avec le Royaume-Uni étant inexistants, excepté la citoyenneté. D’autre part, la mère n’avait à aucun moment accepté de manière non équivoque la compétence des cours et des tribunaux d’Angleterre et du pays de Galles pour connaître des questions relatives à la responsabilité parentale concernant sa fille.

En outre, la juridiction interne indique que le Règlement précité établit les règles de compétence en cas de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant, tout en précisant qu’elle nourrit des doutes, en particulier, quant à la question de savoir si cette disposition peut s’appliquer à un conflit de compétences entre les juridictions d’un État membre et celles d’un État tiers.

Question posée à la CJUE. La High Court of Justice demande à la CJUE si le Règlement « Bruxelles II bis » doit être interprété en ce sens que, s’il est constaté qu’un enfant a acquis, au moment de l’introduction de la demande relative à la responsabilité parentale, sa résidence habituelle dans un État tiers à la suite d’un enlèvement vers cet État, les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son enlèvement conservent leur compétence sans limite dans le temps.

Compétence en cas d’enlèvement d’enfant vers un État tiers. Par son arrêt du 24 mars 2021, la CJUE énonce que l’article 10 du Règlement précité prévoit des critères visant une situation qui se cantonne au territoire des États membres. Selon elle, ce texte ne vise pas l’éventualité d’une résidence acquise sur le territoire d’un État tiers et ne règle donc pas les questions d’attribution de compétence en cas d’enlèvement d’enfant vers un État tiers.

Volonté du législateur. La Cour souligne que le législateur de l’Union a voulu instituer une réglementation stricte en ce qui concerne les enlèvements d’enfants à l’intérieur de l’Union, mais qu’il n’a pas entendu soumettre à cette réglementation les enlèvements d’enfants vers un État tiers, de tels enlèvements devant être couverts, notamment, par des conventions internationales telles que la Convention de la Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants du 19 octobre 1996 (N° Lexbase : L1526KZK).

Risques du maintien de compétence illimité dans le temps des juridictions d’un État membre. Dans certaines conditions (comme l’acquiescement ou la passivité d’un des titulaires du droit de garde), cette convention prévoit en effet le transfert de compétence aux juridictions de l’État de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant : la CJUE rappelle à cet égard que le transfert de compétence serait privé d’effet si les juridictions d’un État membre devaient conserver, sans limite dans le temps, leur compétence.

La Cour précise en outre qu’un maintien de compétence illimité dans le temps ne serait pas conforme à l’un des objectifs fondamentaux poursuivis par le Règlement « Bruxelles II bis », à savoir répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant, en privilégiant, à cette fin, le critère de la proximité.

Décision. Selon la CJUE, lorsqu’un enfant a fait l’objet d’un enlèvement vers un État tiers, dans lequel il a acquis, à la suite de cet enlèvement, une résidence habituelle, la juridiction d’un État membre saisie d’une action en responsabilité parentale qui constate qu’elle ne peut fonder sa compétence sur le Règlement précité devra l’établir sur le fondement des conventions bi ou multilatérales internationales ou bien, à défaut, sur le fondement de ses règles nationales (Règlement « Bruxelles II bis », art. 14).

La Cour en conclut que l’article 10 du Règlement « Bruxelles II bis » n’est pas applicable au cas où il est constaté qu’un enfant a acquis, à la date de l’introduction de la demande relative à la responsabilité parentale, sa résidence habituelle dans un État tiers à la suite d’un enlèvement vers cet État.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'autorité parentale sur la personne de l'enfant, Les aspects civils de l'enlèvement d'enfant, in L’autorité parentale, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E5830EYL).

 

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