La lettre juridique n°850 du 14 janvier 2021 : Voies d'exécution

[Jurisprudence] La saisie-attribution dans tous ses « É »tats

Réf. : Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, deux arrêts, n° 18-17.937 (N° Lexbase : A586039W) et n° 19-10.801 (N° Lexbase : A582139H)

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par Aude Alexandre-Le Roux, Avocat au barreau de Versailles, Avocat associé AARPI Trianon Avocats

le 15 Janvier 2021

 


Mots-clés : saisie-attribution • établissement • succursale • territorialité des procédures civiles d’exécution • territorialité de la contrainte • immunité d’exécution •juge de l’exécution

Si le principe de territorialité des procédures civiles d’exécution interdit l’exercice d’une mesure d’exécution sur le sol d’un État étranger, il ne fait pas obstacle à l’exercice d’une saisie-attribution entre les mains d’une personne morale étrangère à la double condition qu’elle dispose d’un établissement en France qui détienne entre ses mains la créance du débiteur.


 

 

Avec l’essor des relations internationales, la territorialité des mesures d’exécution ne cesse de nourrir la jurisprudence.

Ainsi par deux arrêts en date du 10 décembre 2020, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation statuait sur des difficultés d’exécution liées à l’accomplissement de saisie-attribution diligentées entre les mains de personnes morales étrangères.

Le pourvoi n° 18-17.937 (Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 18-17.937, FS-P+B+I N° Lexbase : A586039W) clôt une véritable saga judicaire qui aura duré plus d’une décennie afin d’obtenir l’exécution de deux jugements d’un conseil de prud’hommes.

Le premier jugement rendu en date du 5 octobre 2009 et notifié en date du 16 février 2010 a condamné solidairement l’ambassadeur des États-Unis et les Etats-Unis d’Amérique à payer la somme de 136 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au bénéfice d’ayants-droits d’un ancien salarié de l’ambassade des États-Unis en France.
A défaut d’exécution spontanée, un second jugement du 22 mai 2012 liquide l’astreinte à la somme de 734 000 euros.

Lesdits jugements sont déférés à la cour d’appel par les États-Unis d’Amérique en date du 8 juillet 2014, l’ambassadeur des États-Unis régularise une intervention volontaire.

La cour d’appel déclare les appels et déclaration d’intervention volontaire irrecevables par arrêt rendu en date du 20 septembre 2016. Sur pourvoi des États-Unis, la deuxième chambre civile casse partiellement l’arrêt du 20 septembre 2016 seulement en ce qu’il avait déclaré irrecevable l’appel des États-Unis formé à l’encontre du jugement rendu le 22 mai 2012 ayant liquidé l’astreinte.

Sur arrêt de renvoi après cassation ledit jugement est finalement annulé en date du 8 octobre 2020.

Dans l’intervalle en exécution des deux jugements du conseil de prud’hommes, les ayants-droits de l’ancien salarié de l’ambassade des États-Unis font pratiquer une saisie-attribution sur les loyers payés par une société de droit américaine, la société Jones Day, pour son établissement situé à Paris au bénéfice des États-Unis.

La saisie-attribution pratiquée à l’encontre des États-Unis fait l’objet d’une contestation du débiteur devant le juge de l’exécution, contestation qui sera rejetée par jugement rendu en date du 9 mai 2017. La cour d’appel infirme le jugement du JEX et ordonne la mainlevée de la saisie attribution.

Les faits du second arrêt du même jour (Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 19-10.801, FS-P+B+I N° Lexbase : A582139H), concernent l’exécution d’une sentence arbitrale rendue exécutoire en France ayant condamné la République du Panama et de l’Autorité du canal de Panama en vertu de laquelle il a été fait pratiquer une saisie-attribution le 15 mai 2016, entre les mains de la succursale parisienne d’une banque étrangère la Standard Chartered Bank, ayant son siège social à Londres.

Le jour où la saisie est pratiquée, le tiers saisi informe dans un premier temps l’huissier de justice qu’il ne détient aucun compte ouvert au nom du débiteur avant de compléter sa réponse en indiquant que la succursale new-yorkaise de la Standard Chatered Bank détenait des fonds pour le compte de l’Autorité du Canal de Panama.

Le juge de l’exécution, saisi d’une contestation élevée conjointement par le débiteur et par le tiers saisi, ordonne mainlevée de la saisie-attribution.

La cour d’appel confirme le jugement déféré et rejette la demande de dommages et intérêts.

Dans l’affaire des États-Unis, les demandeurs au pourvoi font grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné mainlevée de la saisie-attribution alors que, si le principe de territorialité des mesures d’exécution interdit aux agents de l’exécution d’intervenir sur le sol d’un État étranger, ce principe ne saurait faire obstacle à la réalisation d’une saisie-attribution d’une créance entre les mains de l’établissement en France d’une personne morale étrangère.

Le demandeur au pourvoi dans l’affaire du Panama oppose quant à lui que c’est à tort que la cour d’appel a cru juger que le principe de territorialité des procédures civiles d’exécution ferait obstacle à la réalisation d’une saisie-attribution de créances entre les mains d’une personne morale étrangère, même localisée à l’étranger, dès lors qu’aucune intervention matérielle n’est intervenue sur le territoire d’un autre État.

Deux questions de principe étaient ainsi soumises à la Cour de cassation. La première était de savoir si une mesure d’exécution peut être valablement diligentée à l’égard de l’établissement situé en France d’une personne morale étrangère (n° 18-17.937) mais également définir si l’effet attributif immédiat de la saisie-attribution peut s’appliquer sur une créance détenue à l’étranger entre les mains de l’établissement français d’une personne morale étrangère (n° 19-10.801).

Au visa de l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L5837IRM), la deuxième chambre civile casse, en toutes ses dispositions, l’arrêt qui avait cru considérer que la créance de loyers résultant d’un contrat de bail conclu entre les États-Unis d’Amérique et une société de droit américaine se trouvait nécessairement localisée sur le territoire des États-Unis (n° 18-17.937) et rejette le pourvoi après avoir constaté que la créance saisie résultait d’une ouverture de comptes dans la succursale newyorkaise de la banque (n° 19-10.801).

I. La localisation du tiers-saisi élément déterminant de la validité de la saisie-attribution

A. La réaffirmation du principe

L’application du principe de territorialité des mesures d’exécution nourrit un contentieux déjà ancien.

La localisation du tiers saisi génère de multiples interrogations quant à la possibilité de procéder, ou non, à une saisie-attribution.

Lorsque ce dernier est situé à l’étranger, a priori aucun doute ne subsiste, le principe de territorialité des procédures d’exécution fait échec à la poursuite d’une saisie-attribution.

En vertu de celui-ci les huissiers de justice ne peuvent intenter une action sur le sol d’un État étranger sans heurter son indépendance ni violer sa souveraineté.

De la même façon, les juridictions françaises ne sauraient connaître de mesures d’exécution diligentées à l’étranger en vertu d’une décision étrangère. Pour illustration, l’arrêt rendu en date du 4 mai 1976 dans lequel la première chambre civile connaît d’une mesure d’exécution diligentée pour exécution d’une décision rendue par une juridiction algérienne entre les mains d’une succursale d’une banque française située en Algérie (Cass. civ. 1, 4 mai 1976, n° 75-11.644, publié au bulletin N° Lexbase : A0225CGG) et énonce « qu’un tribunal français ne pouvait paralyser des actes d’exécution exercés sur le territoire d’un État étranger avec l’autorisation des juridictions compétentes de cet État ».

Dans un arrêt remarqué du 14 février 2008, la deuxième chambre civile, après avis de la Chambre commerciale, jugeait que « la banque qui a seule personnalité morale, est dépositaire des fonds détenus dans une succursale située à l’étranger et que la circonstance que les fonds sont déposés dans une telle succursale est…  sans incidence sur l’effet d’attribution au profit du créancier saisissant de la créance de somme d’argent à la restitution de laquelle est tenue la banque tiers-saisi en sa qualité de dépositaire », au visa de l’ancien article 43 de la loi du 9 juillet 1991 (N° Lexbase : C14207B9) (désormais codifié à l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5838IRN).

L’idée directrice gouvernant cette solution, qui renforce l’efficacité de la saisie-attribution, réside dans le fait que la créance est réputée localisée à l’adresse du siège social et non à celle de la succursale dépourvue de personnalité morale.

Cette solution confirmait la position de principe de la chambre commerciale rendue concernant une procédure de saisie-arrêt, sous l’empire du droit antérieur, qui, à la différence de l’actuelle saisie-attribution n’entraînait pas attribution immédiate des fonds au profit du saisissant (Cass. com.,30 mai 1985).

B. L’évolution du principe

L’arrêt du 10 décembre 2020 (n° 18-17.937) apporte des précisions d’importance.

Dans cette affaire, en vertu de deux jugements rendus par un conseil de prud’hommes, un créancier procède à la saisie-attribution des créances de loyers de son débiteur entre les mains de l’établissement parisien d’une société de droit américain.

Les États-Unis, débiteur forme une contestation devant le juge de l’exécution qui les déboute de leur contestation.

Rappelons que la saisie-attribution est dénoncée au débiteur par acte d’huissier de justice dans un délai de huit jours et ce à peine de caducité de la mesure (CPCEx, art. R. 211-3 N° Lexbase : L2667ITX). Cette dénonciation fait courir le délai d’un mois ouvert au débiteur pour former une contestation à peine d’irrecevabilité (CPCEx, art. R. 211-1 alinéa 1er N° Lexbase : L2207ITW). Sous la même sanction, la contestation est dénoncée au plus tard le premier jour ouvrable suivant à l’huissier qui a procédé à la saisie, par lettre recommandée avec accusé de réception (CPCEx, art. R. 211-1 alinéa 2)

Les contestations sont portées devant le juge de l’exécution du domicile du débiteur (CPCEx, art. R. 211-10 N° Lexbase : L2216ITA). Au cas d’espèce le débiteur étant incarné par un État étranger, il est nécessaire de se tourner vers les règles de compétence générale édictées par le Code des procédures civiles d’exécution ; la compétence territoriale du juge de l’exécution est celle du lieu d’exécution de la mesure (CPCEx, art. R. 121-2 N° Lexbase : L2146ITN).

 

Il importe de souligner que les modalités de représentation devant le juge de l’exécution ont subi une transformation d’importance. Le domaine de la représentation obligatoire est étendu devant le juge de l’exécution pour les instances introduites à compter du 1er janvier 2020 (loi n° 2019-202 du 23 mars 2019, art. 109 N° Lexbase : L6740LPC et l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, art. 36 N° Lexbase : L4046LSN).
En raison de la territorialité de la postulation, l’avocat doit nécessairement exercer dans le ressort de la cour d’appel dans lequel il a établi sa résidence (loi du 31 décembre 1971, art.5 al.2 N° Lexbase : L6343AGZ).

Les exceptions à cette représentation obligatoire devant le juge de l’exécution sont limitativement édictées à l’article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L4328LS4). Il s’agit tout d’abord des demandes relatives à la procédure d’expulsion.  Lorsque la demande a pour une origine ou tend au paiement d’une créance d’un montant n’excédant pas 10 000 euros, la représentation obligatoire est exclue (décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, art. 10 N° Lexbase : L8421LT3), sans préjudice des dispositions particulières gouvernant la représentation en matière de saisie des immeubles, navires, aéronefs et bateaux de navigation intérieure d’un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes. Ainsi en matière de saisie immobilière les parties sont tenues de constituer avocat (CPCEx, art. R. 311-4 N° Lexbase : L2390ITP) la demande de vente amiable est toutefois dispensée de constitution d’avocat. (CPCEx, art. R. 322-17 N° Lexbase : L2420ITS).

Il est à noter que la représentation obligatoire n’équivaut pas, ou plus, à la procédure écrite ; l’oralité de la procédure demeure ainsi devant le juge de l’exécution (CPCEx, art. R. 121-9 N° Lexbase : L2153ITW et R. 121-10 N° Lexbase : L2154ITX), à l’exception de la saisie immobilière.

L’arrêt d’appel infirme le jugement déféré en retenant que le principe de territorialité des voies d’exécution fait échec à l’appréhension par voie de saisie-attribution d’une créance de loyers versés pour la location d’un immeuble situé en France au profit d’une personne morale étrangère , localisant ainsi fictivement la créance aux États-Unis ;

La deuxième chambre civile censure la cour d’appel qui, pour ordonner mainlevée de la saisie avait cru devoir retenir que la créance saisie résultait d’un contrat de bail signé entre les États-Unis d’Amérique et une personne morale étrangère, dont le siège est dans l’Ohio et qu’elle se trouve nécessairement localisée sur le territoire des États-Unis.

En cassant et annulant en toutes ses dispositions l’arrêt rendu en date du 5 avril 2018, par la cour d’appel de Paris, la deuxième chambre civile rappelle, au visa de l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution que l’exercice d’une contrainte sur le tiers saisi ne peut produire effet que si le tiers saisi est établi en France.

La Cour de cassation considère qu’une mesure d’exécution par voie de saisie-attribution est valablement accomplie entre les mains de l’établissement d’une personne morale étrangère, qui « dispose d’une entité ayant le pouvoir de s’acquitter du paiement d’une créance du débiteur saisi à son encontre ».

 La Haute juridiction estime donc que la créance de loyers est localisée à l’adresse du paiement par l’entité établie en France et non au lieu du siège social de la personne morale étrangère.

II. La localisation de la créance condition préalable de la validité de la mesure

A. L’immutabilité du principe de localisation de la créance

L’application des procédures civiles d’exécution pose comme indispensable préalable que les biens sur lesquels elles portent soient localisés en France. La spécificité de la procédure de saisie-attribution réside incontestablement dans l’effet attributif immédiat qu’elle génère à l’égard des sommes dont est tenu le tiers saisi envers le débiteur (CPCEx, art. L. 211-2 N° Lexbase : L5838IRN). Toutefois pour que l’attribution immédiate puisse produire effet, il est indispensable de préalablement identifier l’endroit où se trouve la créance saisie.

La jurisprudence considère que la créance est localisée en France lorsque le tiers saisi y est domicilié. Comme évoqué supra dans l’hypothèse d’une saisie-attribution pratiquée à l’égard d’une personne morale française, la jurisprudence constante considère que la créance détenue au sein d’un établissement situé à l’étranger, est localisée au siège social en France dès lors que ledit établissement ne détient pas de personnalité morale.

En l’espèce du pourvoi n° 19-10.801, le créancier diligente une saisie-attribution auprès de l’établissement français d’une banque anglaise à l’encontre de l’Autorité du canal de Panama et de l’État du Panama.

Après avoir répondu dans un premier temps qu’il ne détenait aucun compte, le tiers saisi complète sa réponse et indique qu’il détient des fonds pour le compte du débiteur au sein de sa succursale newyorkaise.

Les déclarations du tiers saisi ne sont pas dénuées d’importance et engagent sa responsabilité. Dans l’hypothèse où celui-ci ne fournirait pas les renseignements prévus à l’huissier de justice, le créancier pourra faire émettre à son encontre un titre exécutoire pour les sommes dues par le débiteur. En cas de négligence ou de déclaration inexacte ou mensongère, il pourra en outre se voir condamné à payer des dommages et intérêts. (CPCEx, art. R. 211-5 N° Lexbase : L2211IT3).

Concernant la question de savoir si le tiers saisi devait procéder à la déclaration des comptes du  débiteur détenus dans des succursales à l’étranger,  la deuxième chambre civile avait déjà précisé que c’est « sans violer le principe de la territorialité des procédures d’exécution que la cour d’appel, a retenu que la banque, tiers saisi devait déclarer l’ensemble des sommes dues au débiteur, dès lors que celles-ci sont dues par la personne elle-même , peu important la localisation en France ; ou à l’étranger des succursales , elles-mêmes non constituées en sociétés distinctes, dans lesquelles les comptes sont tenus. » (Cass. civ. 2, 30 janvier 2002, n° 99-21.278 (N° Lexbase : A8621AXL).

Notons que, depuis le 1er janvier 2021, les procès-verbaux de saisie-attribution signifiés entre les mains d’établissements habilités par la loi à détenir des comptes de dépôt sont remis par voie électronique (CPCEx, art. L. 211-1-1 N° Lexbase : L7199LPC). Le législateur poursuit ainsi son objectif de dématérialisation des procédures d’exécution. En pratique l’huissier de justice qui procède à la saisie-attribution adresse désormais via la plateforme de l’ADEC (Association Des Échanges Électroniques) son procès-verbal de saisie-attribution. L’ADEC dirige l’acte vers le tiers saisi qui adresse désormais immédiatement sa réponse, ou à défaut au plus tard le premier jour ouvrable suivant (CPCEx, art. R. 211-4 N° Lexbase : L6670LT9).

Cette dématérialisation poursuit l’objectif de célérité de l’information et devrait vraisemblablement mettre un terme à la pratique de nombre d’établissements ayant pour habitude d’indiquer « une réponse vous sera fournie » sous tel ou tel délai, laissé arbitrairement à leur seule appréciation.

Cette dématérialisation transforme la compétence territoriale des huissiers de justice dont la compétence résultait auparavant de l’adresse du tiers saisi. Celle-ci est désormais rattachée au domicile du débiteur. Ainsi l’huissier de justice compétent pour signification à un tiers, quelle que soit l’adresse dudit tiers, sera l’huissier de justice compétent pour effectuer une signification au débiteur. Cette transformation accélère nécessairement le temps de de mise en œuvre de la mesure par l’huissier qui à la réception de l’état FICOBA, n’aura plus à saisir un confrère territorialement compétent en fonction de l’adresse du tiers saisi.

Il est naturellement à craindre que cette mise aux normes dure. Le créancier ne saurait toutefois se voir infliger aucune sanction du fait de la défaillance technique du tiers saisi, de sorte que l’absence de sanction à l’article L. 211-1-1 du Code des procédures civiles d’exécution apparait parfaitement justifiée.

Au cas d’espèce, le juge de l’exécution saisi d’une contestation conjointe du débiteur et du tiers saisi ordonne la mainlevée de la mesure. Ce jugement sera confirmé par la cour d’appel.

Il est à noter que la contestation du tiers saisi ne sera recevable que si ce dernier justifie d’un intérêt à agir.

Au visa de l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que c’est par une exacte application de la règle de la territorialité des procédures d’exécution que la cour d’appel a constaté que la créance résultait de l’ouverture de comptes ouverts pour le compte du débiteur dans la succursale newyorkaise de la banque ayant son siège social à Londres.

Ainsi, la créance se trouvant détenue par une succursale étrangère alors que le siège social de la banque se trouve également à l’étranger, la saisie-attribution ne peut produire effet.

La créance ne pouvait en aucun cas se trouver fictivement localisée au sein de la succursale parisienne qui ne dispose pas de la personnalité morale et ne détient aucun compte ouvert au nom du débiteur. Il était donc impossible de régulariser une saisie-attribution en France auprès de cet établissement.

B. L’atteinte incontestable de la souveraineté des États

La territorialité de la contrainte a été définie comme un principe en vertu duquel la situation des biens sur le territoire d’un État est une condition nécessaire préalable à l’exercice de la contrainte par les autorités de cet État (R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d’exécution, Dalloz, 2e édition 2005 n° 29 et s., spéc. n° 33 p.33)

Une mesure d’exécution diligentée sur une créance détenue à l’étranger par une personne morale étrangère porte atteinte à la souveraineté de l’État concerné et se trouve de facto privée d’effet. Cette mesure porte atteinte à la souveraineté de l’État concerné.

L’immunité d’exécution dont jouissent les États a été consacrée à l’article 1er de la loi du 9 juillet 1991 (désormais codifié à l’article L. 111-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5789IRT).

Celle-ci a en outre fait l’objet d’une révision par la loi du 9 septembre 2016, n° 2016-1691, dite « Sapin 2 » (N° Lexbase : L6482LBP) démontrant ainsi la volonté de la France de strictement encadrer l’exécution sur la scène internationale.

Il a ainsi été entériné la possibilité pour un État de renoncer de façon non équivoque à une mesure d’exécution. Cette exécution demeure toutefois strictement encadrée puisqu’il sera nécessaire d’obtenir a priori l’autorisation du juge de l’exécution (CPCEx, art. L. 111-1-1).

Le juge de l’exécution jouera ici le rôle de gardien de la souveraineté des États tiers. Il appartient aux huissiers de justice en charge de ce délicat type d’exécution de s’enquérir de l’autorisation du JEX avant d’instrumenter.

A défaut de détenir ce précieux sésame, l’immunité d’exécution dont bénéficiera l’État anéantira purement et simplement la mesure d’exécution poursuivie en fraude de ses droits, sans qu’aucune nullité de forme ne puisse être objectée.

Ainsi, sur le pourvoi qui nous occupe (n° 19-10.801), après s’être prévalu de l’effet attributif immédiat, qui selon lui aurait permis d’appréhender une créance détenue dans une succursale à l’étranger d’une banque dont le siège social est à l’étranger ; le demandeur soutient que le procès-verbal de saisie-attribution a valablement été signifiée au lieu de l’établissement de la banque en France, au visa de l’article 690 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6891H7D).

Au surplus, le demandeur au pourvoi objecte que si le procès-verbal de saisie-attribution signifié au tiers saisi s’avérait irrégulier, cette irrégularité ne pouvait qu’être sanctionnée par la nullité, à charge pour la banque de prouver le grief qu’elle lui causait.

Comme le juge de l’exécution avant elle, la cour d’appel aurait donc dû écarter le moyen aucun grief n’ayant été démontré.

Les jugements du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de plein droit (CPCEx. art. R. 121-21 N° Lexbase : L2165ITD). Ce principe ancien n’a pas fait l’objet de modifications à l’occasion de la réforme de la procédure civile de décembre 2019 laquelle a opéré un changement majeur du régime d’exécution provisoire puisque celle-ci est devenue le principe pour les jugements prononcés à l’issue d’une instance introduite à compter du 1er janvier 2020 (CPC. art. 514 N° Lexbase : L9080LTH).

Comme au cas d’espèce, lorsque le jugement du juge de l’exécution ordonne mainlevée de la mesure, afin de ne pas priver l’appel de toute portée pratique, il est vivement conseillé de diligenter en parallèle une demande de sursis à exécution auprès du premier président de la cour d’appel (CPCEx. art. R. 121-20 N° Lexbase : L7259LEL). Ce sursis, sui generis, des décisions rendues par le juge de l’exécution n’est accordé que dans l’hypothèse où il est justifié de sérieux moyens d’infirmation du jugement entrepris (CPCEx. art. R. 121-22 N° Lexbase : L6806LES).

L’intérêt de cette demande de sursis n’est pas négligeable, puisque dès la signification de l’assignation en référé devant le premier président de la cour d’appel et jusqu’à ce que ce dernier statue, la validité de la saisie, ou de la mesure conservatoire, est prorogée lorsque mainlevée a été ordonnée. A contrario, si les poursuites n’ont pas été remises en cause, la demande suspend les poursuites.

Attention toutefois, cette assignation devra impérativement être dénoncée au tiers entre les mains duquel la saisie est pratiquée. A défaut de ce faire, le tiers pourrait être amené à se libérer des fonds.

Le recours au référé premier président est donc particulièrement recommandé lorsque le juge de l’exécution statue sur la validité d’un procès-verbal de saisie-attribution permettant ainsi au créancier de préserver l’effet attributif immédiat, qui ne vaut toutefois pas paiement et n’en produit pas les effets.

Tel n’est pas de l’avis de la deuxième chambre civile qui retient que les deuxième et troisième branches du moyen sont inopérantes. La saisie auprès d’un établissement bancaire ne détenant aucun compte ouvert au nom du débiteur est impossible sans qu’il ne soit nécessaire d’évaluer la validité de la signification de l’acte contesté.

En marge des difficultés liées à l’exécution à l’échelle internationale, la signification des actes destinés à des personnes établies à l’étranger nourrit un contentieux important.  A l’échelle européenne, afin d’harmoniser les pratiques et ainsi rendre plus efficaces les significations d’actes entre pays membres, un nouveau Règlement n° 2020/1784 a été adopté en date du 25 novembre 2020 (N° Lexbase : L8247LY4) et entrera en vigueur le 1er juillet 2022. Ce dernier abrogera ainsi le Règlement du 13 novembre 2007 n° 1393/2007 (N° Lexbase : L4841H3P). La possibilité de procéder à la signification par lettre recommandée est maintenue. Il sera désormais possible de l’effectuer par voie électronique sous la condition, expresse cependant, que le destinataire ait au préalable expressément consenti à cette signification.

Si l’objectif poursuivi est naturellement de sécuriser et d’accélérer les notifications entre pays membres, gageons que ces nouvelles modalités de signification ne seront pas opérationnelles avant de nombreux mois et qu’elles engendreront un contentieux fourni quant aux aléas des services postaux et autres entités en charge de sécuriser les notifications par voie électronique.

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