La lettre juridique n°486 du 24 mai 2012 : Politique fiscale

[Projet, proposition, rapport législatif] Les projets du nouveau Président de la République en matière fiscale et sociale : à bâbord toute ?

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par Christian Guichard, Associé, Co-responsable du département Droit fiscal du cabinet Lamy Lexel à Lyon

le 23 Mai 2012

Le 6 mai 2012, les Français ont élu leur Président de la République pour les cinq années à venir. François Hollande marque un tournant dans l'histoire présidentielle française, en faisant basculer à gauche la politique du pays. Quels seront les impacts fiscaux d'un tel "revirement" ? Nicolas Sarkozy a multiplié les réformes, dont beaucoup ont bouleversé la matière fiscale, afin de lutter contre les effets de la crise financière et économique que connaît le monde depuis 2008. Le 17 juin 2012, à l'issue du second tour des élections législatives, l'Assemblée nationale sera constituée. Le nouveau Président aura à composer avec une opposition et de petits partis de plus en plus représentés dans l'hémicycle. En chantier, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 sera votée lors de la session extraordinaire du Parlement, prévue pour se tenir du 3 juillet au 2 août 2012. Le projet socialiste défera-t-il ou consolidera-t-il les réformes fiscales de la droite ? Christian Guichard, Associé, Co-responsable du département Droit fiscal du cabinet Lamy Lexel à Lyon, revient sur les points que devrait contenir le projet de la deuxième loi de finances pour 2012. I - L'impôt sur le revenu

Les particuliers ont été destinataires de beaucoup de réformes lors du dernier quinquennat. François Hollande ne déroge pas à la règle, et s'attaque aux mêmes sujets que ceux façonnés par la droite.

A - Le calcul de l'impôt sur le revenu

Le barème de l'impôt sur le revenu et les avantages tirés du quotient familial risquent de connaître un véritable bouleversement cette année.

En effet, François Hollande souhaite, tout d'abord, la création de deux tranches supplémentaires au barème de l'IR : 45 % pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part ; 75 % pour la fraction des revenus supérieure à un million d'euros (par part ou globalement, cette question est incertaine) (CGI, art. 197 N° Lexbase : L0511IPM).

Ensuite, dans le cadre d'un alignement de la fiscalité du patrimoine sur celle du travail, il serait question de faire disparaître le prélèvement forfaitaire libératoire (CGI, art. 125 A N° Lexbase : L5692IRA), qui permet aux contribuables résidents de France de soumettre les revenus du capital à un prélèvement à taux fixe. Si les avantages fiscaux du PFL sont fonction de divers paramètres (lire notre article, Lexbase Hebdo n° 479 du 28 mars 2012 - édition fiscale N° Lexbase : N0976BTC), l'Etat y a un avantage en trésorerie, puisque ce prélèvement s'applique comme une retenue à la source, qui entre donc dans ses caisses lors du versement du revenu, et le contribuable y acquiert la simplicité d'utilisation que la fiscalité ne lui offre que rarement... Concernant l'assurance-vie, après des hésitations, il semblerait que le régime applicable aux contrats de plus de huit ans pourrait être maintenu (CGI, art. 125-0 A N° Lexbase : L7492IRW). Seuls les contrats nouveaux seraient alors touchés par les mesures visant à en atténuer l'attractivité, dans le soucis de prendre en compte le risque identifié que porte en lui le système français des contrats d'assurance-vie, en cas de rachats massifs. Les dividendes versés à des particuliers pourraient continuer d'ouvrir droit à l'abattement de 40 % (CGI, art. 158 N° Lexbase : L5183IRE) (1), mais une nouvelle condition devrait être ajoutée : le paiement effectif de l'impôt sur les sociétés français par l'entreprise versante. La contribution sur les hauts revenus, mise en place par Nicolas Sarkozy en fin de mandat, devrait être durcie, et son taux devrait être augmenté, pour passer, pour son taux le plus élevé, de 4 % à 5 % (CGI, art. 223 sexies N° Lexbase : L1152ITT).

Enfin, le projet de fusion de l'IRPP et de la CSG refait son apparition. Vieux serpent de la fiscalité française, maintes fois évoqué (lire Sophie Cazaillet, Refonder l'impôt sur le revenu ? Lexbase Hebdo n° 470 du 25 janvier 2012 - édition fiscale N° Lexbase : N9863BS4), ce projet est porteur d'un taux facial forcément très élevé, directement lisible. De même, le projet de "flat tax", ou prélèvement global à la source, moins voyant et peut-être moins douloureux, dès lors qu'il est prélevé en amont, pourrait ressusciter.

En matière de quotient familial (CGI, art. 197 précité), la nouvelle équipe souhaite abaisser son plafond pour les contribuables les plus aisés, à 2 000 euros par demi-part (au-delà de la première pour le parent isolé, ou de la deuxième pour les ménages), au lieu des 2 300 euros actuels. Ce seuil reste à préciser.

B - Les transmissions familiales

Le régime des successions et des donations a connu de nombreuses modifications. Il en subira d'autres avec la future loi de finances rectificative pour 2012. Ainsi, l'abattement en ligne directe devrait être ramené à 100 000 euros, contre 159 325 euros aujourd'hui (CGI, art. 779 N° Lexbase : L4894IQC). Le délai de rapport fiscal des donations (CGI, art. 784 N° Lexbase : L9119IQS), récemment porté de 6 à 10 ans, serait augmenté à 15 ans. En revanche, l'exonération totale au bénéfice du conjoint survivant serait maintenue.

C - L'impôt de solidarité sur la fortune

Encore et toujours, l'ISF est visé par les réformes. La gauche était contre la réforme de l'ISF opérée par Nicolas Sarkozy en 2011 (lire Frédéric Subra et Mathieu Le Tacon, Loi de finances rectificative pour 2011 : réforme de la fiscalité du patrimoine, Lexbase Hebdo n° 450 du 27 juillet 2011 - édition fiscale N° Lexbase : N7209BSS) elle se propose logiquement de rétablir les conditions de seuil et de barème appliquées en 2011. Toutefois, le seuil d'entrée à 1 300 000 euros serait maintenu. Le barème proposé sera, a priori, le suivant :

Patrimoine n'excédant pas 800 000 euros 0,00 %
Compris entre 800 000 euros et 1 310 000 euros 0,55 %
Compris entre 1 310 000 euros et 2 570 000 euros 0,75 %
Compris entre 2 570 000 euros et 4 040 000 euros 1,00 %
Compris entre 4 040 000 euros et 7 710 000 euros 1,30 %
Compris entre 7 710 000 euros et 16 790 000 euros 1,65 %
Supérieur à 16 790 000 euros 1,80 %

En outre, il serait question d'un retour à un plafond (le bouclier fiscal ayant été supprimé) qui s'appliquerait à l'ensemble des impôts suivants : IR, ISF et prélèvements sociaux ne pouvant pas dépasser un certain pourcentage des revenus (le seuil de 85 % a été évoqué).

D - Les plus-values immobilières

Une fois de plus, la gauche, en opposition totale avec la réforme des plus-values immobilières appliquée sous le quinquennat du Président sortant (lire Frédéric Subra et Mathieu Le Tacon, Loi de finances rectificative pour 2011 : réforme de la fiscalité du patrimoine, opt. cit.) revient en arrière. Ainsi, le système d'abattement pour durée de détention aboutissant à une exonération au terme de 22 ans serait rétabli, avec une revalorisation du prix d'acquisition au moyen d'un coefficient d'érosion monétaire.

E - Les niches fiscales

Les niches fiscales sont décidément bien mal appréciées par les politiques. Après les deux "coups de rabot" subis (lire Sophie Cazaillet, Synthèse et mise en perspective des cinq dernières lois de finances (dispositions concernant les particuliers), Lexbase Hebdo n° 472 du 8 février 2012-édition fiscale N° Lexbase : N0018BTT), elles sont dans la visée de François Hollande, qui souhaite appliquer un plafonnement à leurs effets, évalué à 10 000 euros par an et par foyer (au lieu des 18 000 euros + 6 % du revenu net aujourd'hui ; CGI, art. 200-0 A N° Lexbase : L5282IR3). Reste à savoir si ce nouveau plafond concernera également les programmes de défiscalisation en cours (cela s'est déjà vu par le passé, avec les locations en meublé professionnelles, dites LMP, en cours...).

Par ailleurs, le crédit d'impôt attaché aux dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile sera réduit à 40 % (ou 45 %) au lieu des 50 % actuels (CGI, art. 199 sexdecies N° Lexbase : L0515IPR).

Enfin, et d'une manière plus globale, certaines niches fiscales (aucune liste n'a encore été établie) devraient être supprimées, dans l'objectif de dégager 29 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

F - Les produits de placement

Concernant les produits de placement, François Hollande est plutôt favorable à la mise en place d'outils de défiscalisation, qui encouragent les français à épargner. Ainsi, le nouveau Président de notre République prévoit de doubler le plafond du livret A et du livret de développement durable (LDD), de créer un livret d'épargne industrie (LEI) et de maintenir les conditions du plan d'épargne en actions (PEA).

II - La TVA

La "TVA sociale", nouvellement appelée "TVA anti-délocalisation", pour reprendre la terminologie employée par l'Allemagne, grand et récent modèle de la France, qui devait entrer en application le 1er octobre 2012, serait abrogée, mais ferait l'objet d'une contreproposition de la part de la nouvelle équipe dirigeante...

III - L'impôt sur les bénéfices des entreprises

Déjà lourdement taxées, les entreprises ne peuvent pas espérer un revirement de situation sur les dernières mesures fiscales passées avant les élections. Outre la sempiternelle lutte contre la fraude fiscale et la fraude sociale, véritable "leitmotiv" politique de cette crise, le nouveau Président veut s'attaquer aux montages mettant en oeuvre des LBO, et revenir sur certains aspects fiscaux de l'imposition du travail.

A - Les leverages buy out (LBO)

François Hollande souhaite lutter contre les LBO, qui, utilisés à outrance et dans un sens d'optimisation fiscale à outrance (mais légale), sont jugés vecteurs de fraude.

Ainsi, le nouveau Président propose d'alourdir la taxation des plus-values sur cession de titres de participation, soit en augmentant à nouveau la quote-part de frais et charges, par le taux et/ou par la base (en prenant le prix de cession au lieu du montant de la plus-value) (CGI, art. 219 N° Lexbase : L5712IRY), soit en supprimant purement et simplement l'exonération. Cette dernière option comporte un risque à ne pas négliger : la mise à l'écart de la France, qui se retrouverait seule avec ce type de dispositif, très décourageant.

En outre, il est question de rendre moins attrayantes les opérations conduites par des fonds financiers, pour les réserver aux transmissions familiales ou au bénéfice des salariés, en limitant la déduction des intérêts afférents aux emprunts relatifs à l'acquisition des titres de participation.

B - La taxation du travail

Enfin, sur la question de la taxation du travail, dont on sait qu'elle est très forte en France (pour un comparatif avec l'Allemagne, lire Sophie Cazaillet, Convergence fiscale France/Allemagne - quelles opportunités pour les entreprises ?, Lexbase Hebdo n° 478 du 21 mars 2012 - édition fiscale N° Lexbase : N0728BT7), la gauche est très prolifique.

En effet, tout d'abord, elle souhaite renforcer les dispositifs de lutte contre la fraude fiscale et sociale. Les contributions sociales devraient être maintenues à leur niveau actuel (15,5 %). Les particuliers n'ont donc pas à craindre d'augmentation (au moins dans l'immédiat). Toutefois, il devrait être mis fin à l'exonération des heures supplémentaires, qui tenait à coeur à Nicolas Sarkozy, sauf pour les salariés des entreprises jusqu'à 10 salariés.

Par ailleurs, le nouveau Gouvernement devrait proposer de soumettre à la CSG les indemnités de rupture conventionnelle, d'augmenter de 0,1 % par an les cotisations, pour financer les mesures sur les retraites, et de supprimer la taxation sur les mutuelles et les complémentaires "santé". Pour finir, il est question de limiter les avantages sociaux de l'épargne salariale, en soumettant l'intéressement et la participation aux cotisations maladie et familiales (avec, toutefois, quelques mesures dérogatoires pour les versements sur les plan épargne entreprise (PEE), plan épargne interentreprises (PEI), et autres fonds bloqués).


(1) Il a pu être question récemment de ramener cet abattement à 20 %, voire de le supprimer.

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