Aux termes d'une décision rendue le 9 mai 2012, le Conseil d'Etat retient que la rétroactivité de la suppression du crédit d'impôt pour création d'emplois est contraire au premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (
N° Lexbase : L1625AZ9), car cette rétroactivité est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi (CE 3° 8° 9° et 10° s-s-r., 9 mai 2012, n° 308996, publié au recueil Lebon
N° Lexbase : A1790ILU). L'article 220 octies du CGI (
N° Lexbase : L4142HLY) avait institué un crédit d'impôt imputable sur la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés, à raison des variations d'effectifs constatées au cours des années 1998 à 2000. L'article 23 de la loi du 30 décembre 1999, de finances pour 2000 (loi n° 99-1173
N° Lexbase : L7831H3G), entrée en vigueur le 2 janvier 2000, a supprimé le bénéfice de ce crédit d'impôt pour les créations d'emplois intervenues au cours de l'année 1999 et constatées au 31 décembre 1999, ainsi que pour celles à intervenir au cours de l'année 2000. L'administration fiscale s'est fondée sur ces dernières dispositions pour refuser à la société requérante le bénéfice du crédit d'impôt que la société sollicitait au titre des trente emplois créés au cours de l'année 1999. La requérante se fonde sur l'article 1er du premier Protocole pour demander le bénéfice du crédit d'impôt, car, lors de l'institution de ce crédit d'impôt, elle était en droit d'espérer en bénéficier pendant trois ans. Le Conseil d'Etat considère, tout d'abord, que l'espérance légitime peut être considérée comme un bien au sens du premier Protocole. De plus, si ses stipulations ne font pas, en principe, obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier. Or, l'administration invoque les "effets d'aubaine" que le crédit d'impôt offrait aux entreprises et l'augmentation de recettes budgétaires résultant de la suppression de cette dépense fiscale. Toutefois, d'une part, ni l'ampleur, ni la nature de ces "effets d'aubaine" n'ont fait l'objet d'études précises, et, d'autre part, le montant annuel de la dépense était conforme aux prévisions, sans qu'aucune dérive ait été alléguée. Le Conseil d'Etat décide que la suppression du crédit d'impôt avec effet rétroactif pour l'année 1999 est contraire au premier Protocole, faute de motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier.
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