Le Quotidien du 19 novembre 2020 : Avocats/Institutions représentatives

[Brèves] Le barreau de Paris doit se résoudre à communiquer ses documents « administratifs »

Réf. : TA Paris, du 8 octobre 2020, n° 1822476 (N° Lexbase : A61433ZK).

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par Marie Le Guerroué

le 19 Novembre 2020

► Le Code des relations entre le public et l'administration est bien applicable aux relations entre un avocat et l'Ordre auquel il appartient ;

Les documents de l’Ordre qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public peuvent être regardés comme des documents administratifs au sens de l'article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L4910LA4) ;

Dès lors, les décisions à caractère financier notamment celles concernant la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), ainsi que l'ensemble des décisions individuelles ou collectives liées à l'accès à la profession et à l'exercice de celle-ci sont communicables (TA Paris, du 8 octobre 2020, n° 1822476 N° Lexbase : A61433ZK).

Faits et procédure. Un avocat au barreau de Paris, avait sollicité par courrier électronique, la communication par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris de l'ensemble des rapports, travaux et procès-verbaux présentés et adoptés par le conseil de l'Ordre depuis le 1er janvier 2018. Il avait ensuite réitéré et précisé ses demandes par courriels. Il avait saisi la commission d'accès aux documents administratifs. La secrétaire du conseil de l'Ordre des avocats avait rejeté sa demande tout en l'invitant à venir prendre connaissance, le cas échéant, des documents sollicités au sein des locaux de l'Ordre, une fois les documents identifiés. L’avocat avait renouvelé sa demande, en annexant à son courrier une liste précise des documents sollicités. La commission d'accès aux documents administratifs avait rendu un avis favorable à la communication de certains des documents demandés. Le requérant demande au tribunal d'annuler la décision ainsi que les décisions implicites de rejet par lesquelles ses demandes de communication de documents administratifs ont été rejetées et d'enjoindre à l'Ordre des avocats au barreau de Paris leur communication. Il soutient, notamment, que le Code des relations entre le public et l'administration est bien applicable au litige.

Code des relations entre le public et l'administration (applicable). L'Ordre des avocats au barreau de Paris soutient en défense que le Code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux relations entre un avocat et l'Ordre auquel il appartient dès lors qu'il existe des dispositions spéciales applicables à celles-ci, qu'un avocat ne saurait être qualifié de « public » au sens de l'article L. 100-3 du Code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L1766KNQ) et que les dispositions de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), qui prévoient la compétence de la cour d'appel, sont seules applicables. Toutefois, selon le tribunal, un avocat a bien la qualité de personne privée et donc de « public » au sens du Code des relations entre le public et l'administration. En outre, ni les dispositions de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971 ni aucune autre disposition spéciale ne régissent la communication des documents produits ou reçus dans le cadre de leur mission de service public par l'Ordre aux avocats qui en font la demande. Dès lors, le Code des relations entre le public et l'administration est bien applicable au présent litige, qui relève de la compétence de la juridiction administrative.

Demande abusive (non). Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration (N° Lexbase : L1866KNG) : « L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ». Le tribunal relève que le requérant n'a présenté qu'une seule demande de communication qu'il a réitérée et précisée. Dans le dernier état de sa demande, qui est celui sur lequel la commission d'accès aux documents administratifs s'est prononcée, le requérant demande la communication de documents clairement identifiés. Dès lors, pour le tribunal, cette demande ne présente pas un caractère abusif.

Qualification de documents administratifs. Le tribunal énonce que parmi les documents détenus par un organisme privé chargé d'une mission de service public qui exerce également une activité privée, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public peuvent être regardés comme des documents administratifs au sens de l'article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l'administration. L'Ordre des avocats au barreau de Paris est un organisme privé chargé de la gestion d'un service public. Figurent au nombre de ses missions de service public administratifs ses activités normatives, ses décisions à caractère financier notamment celles concernant la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), ainsi que l'ensemble des décisions individuelles ou collectives liées à l'accès à la profession et à l'exercice de celle-ci.

Documents administratifs communicables. Dès lors sont communicables : les rapports relatifs au contrat de prévoyance et contrat de perte de collaboration des avocats libéraux ; le rapport relatif à la convention conclue entre l'Ordre des avocats de Paris et les experts comptables concernant les braconniers du droit et du chiffre ainsi que la convention en cause ; le rapport sur la publication des rapports du Conseil ; le rapport sur la publication des travaux du Conseil ; les procès-verbaux et comptes rendus datés et signés des conseils de l'Ordre relatifs à des questions intéressant l'exercice de la profession d'avocat et présentant un lien suffisamment direct avec les missions de service public exercées par l'Ordre des avocats ; le rapport sur la situation économique, l'évolution des taux et les conséquences sur les comptes de l'Ordre et de la CARPA ; les comptes de résultat comptables de l'Ordre pour l'exercice 2017 ; le rapport de présentation des comptes de l'Ordre 2017.

En revanche, deux rapports portant sur des modifications de l'article 63 ou P63 du règlement intérieur du barreau de Paris, le rapport sur les cotisations 2017, les documents relatifs aux déplacements à l'étranger du Bâtonnier et des membres du Conseil de l'Ordre, le rapport du commissaire aux comptes au titre de l'exercice 2017, le rapport d'audit comptable et financier sur les finances de l'Ordre à destination du Bâtonnier et les documents relatifs à la rémunération versée au Bâtonnier et aux avantages en nature qui lui sont accordés à raison de ses fonctions relèvent du fonctionnement interne de l'Ordre des avocats et ne présentent pas un lien suffisamment direct avec les missions de service public exercées par cet organisme privé pour être qualifiés de documents administratifs. C'est donc selon le tribunal à bon droit que l'Ordre a refusé de les communiquer.

Annulation. La décision litigieuse est donc annulée en tant qu'elle a refusé la communication des documents précités.

Pour aller plus loin : V. ÉTUDE : Les instances de la profession, Les attributions du conseil de l'Ordre, in La profession d'avocat, Lexbase (N° Lexbase : E33903RY)

 

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