Réf. : CJUE, 17 septembre 2020, aff. C-212/19 (N° Lexbase : A88233TX)
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par Vincent Téchené
le 23 Septembre 2020
► Est invalidée une décision de la Commission européenne en ce qu’elle qualifie d’aide d’État incompatible avec le marché commun l’allègement des cotisations salariales accordé par la France en faveur des pêcheurs pour la période du 15 avril au 15 octobre 2000.
Faits et procédure. À la suite, de la catastrophe de l’Erika et de la tempête des 27 et 28 décembre 1999, la France a adopté un dispositif d’indemnisation, notamment, en faisant bénéficier l’ensemble des entreprises de pêche d’un allègement de 50 % des charges sociales, pour la période comprise entre le 15 avril et le 15 octobre 2000. Cet allègement concernait les cotisations tant patronales que salariales et s’est appliqué à l’ensemble des pêcheurs de la France métropolitaine et des départements d’outre-mer. La Commission a qualifié une partie de ces mesures, notamment celle relative aux allègements de charges sociales des pêcheurs, d’aides d’État incompatibles avec le marché commun et a ordonné la récupération immédiate des sommes correspondant à ces allègements. La France n’ayant pas exécuté la décision, la CJUE a jugé que la France avait manqué à ses obligations tirées du droit de l’Union et la Commission a demandé à cette dernière d’engager la procédure de récupération des aides concernées. En application de cette demande, un titre de perception a été émis à l’encontre de la Compagnie des pêches de Saint-Malo, pour un montant correspondant à l’allègement des cotisations salariales dont cette société avait prétendument bénéficié entre le 15 avril et le 15 octobre 2000. La société a contesté le titre de perception devant les juridictions nationales. Le Conseil d’État a alors saisi la CJUE d’un renvoi préjudiciel en interprétation afin de savoir si la notion de « charges sociales » utilisée par la Commission dans sa décision couvre à la fois les cotisations patronales et les cotisations salariales et si, par voie de conséquence, la France est tenue d’ordonner le remboursement, par les salariés concernés, de la part d’aide dont ils avaient bénéficié au titre de l’allègement de la seconde catégorie de cotisations.
Décision. La Cour examine donc la validité de la décision litigieuse en tant qu’elle qualifie d’aide d’État incompatible avec le marché commun l’allègement de cotisations salariales concerné.
Après avoir rappelé que, en vertu d’une jurisprudence constante, la qualification d’une mesure d’« aide d’État » requiert, notamment, qu’elle doit pouvoir être considérée comme un avantage consenti à l’entreprise bénéficiaire, la Cour souligne que, en l’occurrence, les entreprises de pêche ne remplissent qu’une fonction de simple intermédiaire entre leurs salariés et les organismes sociaux auprès desquels elles reversent les cotisations salariales précomptées sur les rémunérations de ces salariés. Elle considère que, dès lors que la mesure d’allègement des cotisations salariales en cause reste neutre à l’égard de ces entreprises, elle ne porte pas sur des charges grevant leur budget.
La Cour précise, par ailleurs, que l’obligation de versement aux organismes compétents de sommes correspondant aux cotisations salariales ne permet pas, à elle seule, de déduire que l’allègement de ces cotisations procure aux entreprises concernées un avantage direct d’un montant équivalent à celui de cet allègement.
Ainsi, en faisant valoir que les allègements des charges sociales étaient, dans leur intégralité, des mesures procurant un avantage aux entreprises de pêche, en ce qu’elles auraient été dispensées de certaines charges qu’elles auraient normalement dû supporter, la Commission a commis une erreur de droit. Selon la Cour, cette erreur suffit pour constater l’absence de validité de la décision litigieuse, en tant qu’elle qualifie d’aide d’État incompatible avec le marché commun l’allègement de cotisations salariales, alors même que la condition tenant à l’existence d’un avantage procuré à une entreprise, indispensable à cette qualification, fait défaut.
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