Le Quotidien du 16 juin 2020 : Assurances

[Brèves] Assurance RC du fabricant de prothèses mammaires : conformité au droit de l’UE d’une clause prévoyant une limitation géographique de la couverture d’assurance

Réf. : CJUE, 11 juin 2020, aff. C-581/18, RB c/ TÜV Rheinland LGA Products GmbH (N° Lexbase : A27963NU)

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[Brèves] Assurance RC du fabricant de prothèses mammaires : conformité au droit de l’UE d’une clause prévoyant une limitation géographique de la couverture d’assurance. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/58488719-brevesassurancercdufabricantdeprothesesmammairesconformiteaudroitdelueduneclauseprevo
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 15 Juin 2020

► L’article 18, premier alinéa, TFUE (N° Lexbase : L2484IPP, interdiction générale de discrimination en raison de la nationalité) doit être interprété en ce sens qu’il ne trouve pas à s’appliquer à une clause, prévue dans un contrat conclu entre une compagnie d’assurances et un fabricant de dispositifs médicaux, limitant la portée géographique de la couverture d’assurance de responsabilité civile du fait de ces dispositifs aux dommages survenus sur le territoire d’un seul État membre, dès lors qu’une telle situation ne relève pas, en l’état actuel du droit de l’Union, du domaine d’application de celui-ci (CJUE, 11 juin 2020, aff. C-581/18, RB c/ T Ü V Rheinland LGA Products GmbH N° Lexbase : A27963NU).

Les faits. La requérante au principal, une ressortissante allemande, résidant en Allemagne, s’était fait poser en 2006, dans cet État membre, des implants mammaires produits par Poly Implant Prothèses SA (PIP), société établie en France.

En 2010, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS) avait constaté que les implants mammaires produits par PIP étaient remplis de silicone industriel non autorisé. PIP a été liquidée en 2011. En outre, en 2012, l’institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux (en Allemagne) avait conseillé aux patientes concernées de faire procéder, à titre préventif, à l’explantation des implants fabriqués par PIP, en raison du risque de rupture précoce de ceux-ci et du caractère inflammatoire du silicone utilisé.

En 2012, la requérante avait ainsi fait remplacer les implants en cause par de nouveaux implants. Elle a, par la suite, introduit, devant la juridiction allemande compétente, une action en dommages et intérêts visant conjointement et solidairement le médecin qui lui avait posé les implants mammaires défectueux ainsi que la société ayant approuvé le système de qualité et délivré la certification des implants, et l’assureur du fabricant PIP.

Elle a notamment fait valoir qu’elle disposait, en droit français, d’un droit d’action directe contre Allianz, quand bien même le contrat d’assurance comportait une clause limitant la couverture d’assurance aux dommages survenus en France, dès lors que cette clause serait contraire au droit de l’Union, en particulier à l'interdiction de discrimination en raison de la nationalité, prévue à l'article 18. Son recours ayant été rejeté en première instance, elle a interjeté appel devant le tribunal régional supérieur qui s’est interrogé sur la compatibilité de cette clause avec l’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, prévue à l’article 18, premier alinéa, TFUE, et a posé à la Cour plusieurs questions préjudicielles à cet égard.

Décision CJUE. La Cour a examiné, au préalable, si l’article 18, premier alinéa, TFUE était applicable à la présente affaire. Elle a, à cet égard, rappelé que, conformément à une jurisprudence constante, l’application de cette disposition est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives : en premier lieu, la situation à l’origine de la discrimination invoquée doit relever du champ d’application du droit de l’Union et, en second lieu, aucune règle spécifique prévue par les traités et visant à interdire une discrimination en raison de la nationalité ne doit trouver à s’appliquer à une telle situation.

Or, pour retenir que l’article 18 n’était pas applicable à la présente affaire, la Cour a constaté que la première condition n’était pas remplie, dès lors que la situation à l’origine de la discrimination invoquée ne relevait pas du champ d’application du droit de l’Union.

En effet, la Cour a examiné, premièrement, si la situation en cause au principal avait fait l’objet d’une réglementation en droit de l’Union. Tel n’est pas le cas, selon la CJUE, qui a relevé qu’il n’existait, dans le droit dérivé (notamment dans les Directives 93/42 et 85/374 N° Lexbase : L9620AUT), aucune disposition qui énonce une obligation pour le fabricant de dispositifs médicaux de souscrire une assurance de responsabilité civile visant à couvrir les risques liés à ces dispositifs ou qui régit une telle assurance. La Cour a conclu que, en l’état actuel du droit de l’Union, l’assurance de responsabilité civile des fabricants de dispositifs médicaux pour les dommages liés à ces dispositifs ne fait pas l’objet d’une réglementation par ce droit.

Deuxièmement, la Cour a vérifié si la situation en cause entrait dans le champ d’application d’une liberté fondamentale prévue par le traité FUE, en raison de l’existence d’un lien de rattachement concret entre cette situation et une telle liberté, lien qui permettrait de faire entrer ladite situation dans le domaine d’application des traités, au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE. Tel n’est pas non plus le cas, selon la CJUE.

En effet, pour ce qui concerne, tout d’abord, la libre circulation des citoyens de l’Union, la Cour a relevé que la patiente en cause n’avait pas fait usage de sa liberté de circulation, puisqu’elle demandait le versement d’une indemnité d’assurance en raison des dommages causés par la pose d’implants mammaires dans l’État membre dans lequel elle réside, de sorte qu’il n’existait aucun lien de rattachement concret entre la situation en cause au principal et cette liberté.

Ensuite, s’agissant de la libre prestation des services, la Cour a noté que la situation en cause ne présentait pas non plus de lien de rattachement concret avec cette liberté dès lors que, d’une part, la patiente en cause a bénéficié de soins médicaux dans son État membre de résidence et, d’autre part, le contrat d’assurance en cause a été conclu entre deux sociétés établies dans un même État membre, en l’occurrence la France.

Enfin, pour ce qui concerne la libre circulation des marchandises, la Cour a relevé que le litige au principal était relatif non pas à la circulation transfrontalière des marchandises en elle-même, la circulation transfrontalière des implants mammaires en cause n’ayant d’ailleurs été affectée par aucune entrave discriminatoire, mais aux dommages causés par des marchandises qui ont fait l’objet d’une telle circulation. Par conséquent, la situation en cause ne présentait pas non plus de lien de rattachement concret avec la libre circulation des marchandises.

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