Dans un arrêt rendu le 13 janvier 2012, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé le principe de réparation du préjudice d'établissement, lequel consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap (Cass. civ. 2, 13 janvier 2012, n° 11-10.224, P+B
N° Lexbase : A5292IAA). En l'espèce, M. X avait été victime, à l'âge de 29 ans, d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y, assuré auprès de la société M. ; il avait assigné devant un tribunal de grande instance M. Y et la société M. aux fins d'indemnisation de ses préjudices. Pour limiter à la somme de 530 134, 51 euros la condamnation
in solidum de M. Y et de la société M. et rejeter la demande d'indemnisation du préjudice d'établissement invoqué par M. X, la cour d'appel a retenu que le tribunal lui avait alloué de ce chef la somme de 30 000 euros en fonction du caractère plus compliqué de la vie amoureuse de la victime et de sa possibilité de fonder une famille. M. X demandait 55 000 euros du chef de ce poste de préjudice en indiquant que, compte tenu de ses handicaps, il est certain qu'il aurait d'importantes difficultés voire une impossibilité à fonder une famille ou à lier une relation amoureuse, surtout de nos jours dans une société fondée sur la réussite sociale et l'aspect physique. En l'absence de toutes pièces permettant de mesurer l'impact prétendu du handicap sur la vie amoureuse de la victime, la cour d'appel, a retenu qu'elle ne pouvait anticiper l'existence d'un préjudice
in futurum sur des considérations générales concernant les rapports de la société et d'un sujet présentant un handicap, étant observé, enfin, que les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles familiales et sociales avaient été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Mais la décision est censurée par la Cour suprême, au visa de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (
N° Lexbase : L7887AG9) et le principe de la réparation intégrale du préjudice. Après avoir rappelé que le préjudice d'établissement consiste en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, la Haute cour relève, d'une part, que le préjudice d'établissement à raison d'un handicap physique ayant créé une incapacité permanente partielle de 67 % constitue un poste de préjudice distinct du poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent dans sa dimension intégrant les troubles ressentis dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, d'autre part, que M. X restait atteint, après consolidation des séquelles d'une amputation partielle du membre inférieur gauche, d'une quasi complète paralysie du plexus brachial gauche de la main à l'épaule.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable