La lettre juridique n°469 du 19 janvier 2012 : Avocats/Formation

[Textes] Avocats : spécialisations mode d'emploi

Réf. : Décret n° 2011-1985 du 28 décembre 2011 (N° Lexbase : L5003IRQ) ; arrêtés du 28 décembre 2011, NOR : JUSC1130802A (N° Lexbase : L5021IRE) et NOR : JUSC1130804A (N° Lexbase : L5020IRD)

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 19 Janvier 2012

La refonte du régime des spécialisations a pour objectif, d'une part, d'améliorer l'accès des avocats à une mention de spécialisation en remplaçant l'examen théorique prévu par un contrôle des connaissances portant sur la pratique professionnelle et, d'autre part, de favoriser la lisibilité pour le public de compétences acquises au sein d'une liste renouvelée de mentions de spécialisation, arrêtée par le Conseil national des barreaux, sous condition du maintien d'un niveau élevé d'exigence et d'une formation continue renforcée. La loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées (N° Lexbase : L8851IPI), a pris en compte les modifications législatives proposées par le Conseil national des barreaux qui ont été intégrées dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ). La spécialisation est ainsi acquise par une pratique professionnelle continue d'une durée de quatre années et validée par un jury qui vérifie les compétences professionnelles dans la spécialité sur la base d'un dossier constitué par l'avocat. Le jury se prononce à l'issue d'un entretien qui comprend une mise en situation professionnelle. La spécialisation est attestée par un certificat délivré par le Conseil national des barreaux. La réforme opérée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 était soumise à décret d'application pour la partie relative au régime des spécialisations des avocats. Le dispositif devait également être complété par la modification des deux arrêtés du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, du 8 juin 1993, fixant la liste des mentions de spécialisation en usage dans la profession d'avocat et celui du 8 décembre 1993 fixant les modalités actuelles de l'examen de contrôle des connaissances. Ces textes ont été publiés au Journal officiel du 29 décembre 2011. Ils s'appliquent donc à compter du 1er janvier 2012, nonobstant la mise en place d'un régime de transition. I - Présentation du nouveau régime

Le nouveau régime concerne les avocats souhaitant acquérir une mention de spécialisation à la suite de la refonte du régime des spécialisations qui prévoit de nouvelles conditions d'accès aux mentions de spécialisation des avocats.

  • Les conditions de recevabilité : pratique professionnelle

La pratique professionnelle nécessaire à l'obtention d'un certificat de spécialisation est au minimum de quatre années (décret du 27 novembre 1991, art. 88 modifié).

Elle peut être acquise en France ou à l'étranger :

- en qualité d'avocat, dans le domaine de la mention revendiquée ;
- en qualité de salarié, dans un cabinet d'avocat intervenant dans le domaine de la spécialisation revendiquée ;
- en qualité de membre, d'associé, de collaborateur ou de salarié dans une autre profession juridique ou judiciaire réglementée ou dans celle d'expert-comptable, dont les fonctions correspondent à la spécialisation revendiquée ;
- dans un service juridique d'une entreprise, d'une organisation syndicale, d'une administration ou d'un service public, d'une organisation internationale, travaillant dans la spécialité revendiquée ;
- dans un établissement universitaire ou d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat, en qualité de professeur ou maître de conférences chargé de l'enseignement de la discipline juridique considérée ;
- en qualité de membre du Conseil d'Etat, de magistrat de la Cour des comptes, de l'ordre judiciaire, des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel, et des chambres régionales des comptes, affecté au sein d'une formation correspondant à la spécialisation revendiquée.

Elle peut aussi résulter, à titre individuel, d'activités, de travaux ou de publications relatifs à la spécialité. Enfin, elle peut avoir été acquise dans une ou plusieurs des fonctions mentionnées au présent article dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à quatre ans.

  • Le dossier de candidature

Les éléments du dossier de candidature sont prévus par l'arrêté du 28 décembre 2011, fixant les modalités de l'entretien de validation des compétences professionnelles en vue de l'obtention d'un certificat de spécialisation.

Il doit comprendre :

- une requête de l'intéressé précisant le ou les certificats de spécialisation et, le cas échéant, la qualification spécifique dont il sollicite l'usage ;
- un curriculum vitae ;
- tous documents justificatifs, en originaux ou copies certifiées conformes, de l'identité et du domicile professionnel du candidat ;
- une attestation de la qualité d'avocat inscrit à un barreau français, délivrée par le Bâtonnier en exercice ;
- une attestation de suivi de son obligation de formation continue ;
- une attestation justifiant qu'il est à jour du paiement des cotisations ordinales et de celles du Conseil national des barreaux ;
- une note de synthèse à destination des membres du jury sur ses activités professionnelles, accompagnée de tous les documents justifiant de ladite activité professionnelle en rapport avec la mention de spécialisation sollicitée ;
- un dossier justifiant de la pratique professionnelle.

Le Conseil national des barreaux précise, dans son guide sur la spécialisation mis en ligne sur son site le 7 janvier 2012, que ce dossier est constitué soit par des jeux de conclusions en demande et en défense, ainsi que par le jugement (comportant les éléments contradictoires de la procédure), soit par des consultations écrites ou des rédactions d'actes.

Dans un souci de confidentialité, le nom des parties ne doit pas apparaître dans les pièces du dossier de l'avocat candidat (conclusions, consultations, actes...). Enfin, un bordereau récapitulatif des pièces est joint au dossier.

  • L'entretien de validation

L'entretien de validation des compétences professionnelles est organisé par les centres régionaux de formation professionnelle dans les conditions fixées par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, pris après avis du Conseil national des barreaux (décret du 27 novembre 1991, art. 91 modifié). A cet égard l'arrêté du 28 décembre 2011 précise que les candidatures pour l'obtention d'un certificat de spécialisation doivent être adressées par voie électronique ou tout autre moyen équivalent au président du Conseil national des barreaux. Le candidat peut demander à passer l'entretien devant un jury hors du centre régional de formation professionnelle de la cour d'appel dans le ressort de laquelle il est inscrit à un barreau. Le président du Conseil national des barreaux informe l'avocat du centre régional de formation professionnelle dans lequel il passera l'entretien et transmet au centre compétent le ou les dossiers des candidats déclarés.

Le rapporteur désigné par le président du Conseil national des barreaux étudie la recevabilité du dossier du candidat et transmet son rapport aux autres membres du jury au plus tard dans les deux mois de la désignation de celui-ci.

Une convocation individuelle indiquant le jour, l'heure et le lieu de l'entretien est adressée par le centre régional de formation professionnelle aux avocats dont la candidature est retenue, par voie électronique ou par tout autre moyen équivalent, quinze jours au moins avant la date de l'entretien.

L'entretien se déroule devant un jury de quatre membres désignés par le président du Conseil national des barreaux sur la liste nationale prévue au troisième alinéa de l'article 86 du décret du 27 novembre 1991 modifié.

Le jury comprend :

- deux avocats admis à faire usage de la mention de spécialisation revendiquée ou, à défaut, justifiant d'une "qualification suffisante" dans cette spécialité, dont le rapporteur et le président du jury (ces avocats sont proposés par les Bâtonniers en exercice) ;
- un Professeur ou maître de conférences chargé d'un enseignement juridique dans le domaine de spécialisation revendiqué (les universitaires sont désignés par les présidents des universités habilitées à délivrer une licence ou un master en droit) ;
- un magistrat de l'ordre judiciaire ou un membre du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (les magistrats sont désignés par les premiers présidents et procureurs généraux des cours d'appel, les présidents des cours administratives d'appel et les présidents des tribunaux administratifs dans le ressort desquels se trouvent les sièges des centres de formation professionnelle).

Un nombre égal de suppléants est désigné dans les mêmes conditions. Aucun membre du jury, ne peut siéger plus de cinq années consécutives. En cas de partage des voix, celle du président du jury est prépondérante.

Le CNB précise dans son guide pratique que concernant les critères de définition de la "qualification suffisante dans la spécialisation", il faut entendre un exercice constant et dominant dans le domaine revendiqué qui reste à l'appréciation souveraine du Bâtonnier en exercice. Pour ce faire, il peut s'agir d'un nombre suffisant d'années d'expérience professionnelle (quatre années par exemple) et de la notoriété de l'avocat pour les matières traditionnelles de spécialisation, ou de la participation de ce dernier à des actions de formation et à des publications juridiques pour des matières plus nouvelles. Cette ouverture est notamment nécessaire pour les spécialisations nouvelles.

L'entretien avec le candidat se déroule en séance publique. Il débute par une présentation orale sur la base du dossier constitué par le candidat. Il est suivi d'une discussion avec le jury sur la spécialisation. Le candidat pourra être interrogé sur des questions déontologiques en lien avec la spécialisation.

Le CNB rappelle, dans son document du 7 janvier 2012, que le jury contrôle l'existence d'une pratique professionnelle réelle et sérieuse et s'abstient de procéder à un contrôle de connaissance théorique. Il peut prendre en considération l'ensemble des travaux et publications réalisés par l'avocat ainsi que de la formation professionnelle continue suivie dans la matière.

  • Obtention de la mention de spécialisation

Le jury autorise le titulaire de la spécialisation à faire usage de la mention sollicitée. L'usage de cette mention est indissociable du certificat de spécialisation. Le président du Conseil national des barreaux délivre les certificats de spécialisation aux candidats admis. Il procède à l'inscription des avocats titulaires desdits certificats sur la liste nationale prévue à l'article 86 du décret du 27 novembre 1991 et en informe les Bâtonniers des Ordres concernés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie aux candidats non admis, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les quinze jours de leur signature, les décisions refusant le ou les certificats de spécialisation.

L'avocat ne peut faire état de son titre de spécialiste qu'après son intégration par le Conseil national des barreaux sur une liste nationale régulièrement mise à jour.

La décision refusant un certificat de spécialisation peut être déférée par l'intéressé à la cour d'appel de Paris, dans le délai d'un mois suivant sa notification, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef. Le recours est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire (décret du 27 novembre 1991, art. 92-4, nouveau).

  • Péremption du droit de faire usage de la mention de spécialisation

Le Bâtonnier met en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception l'avocat titulaire d'un certificat de spécialisation qui n'aurait pas satisfait à son obligation de formation continue prévue au dixième alinéa de l'article 85 de justifier dans un délai de trois mois à compter de la notification du respect de cette obligation (décret du 27 novembre 1991, art. 92-5, nouveau).

A défaut de justification dans ce délai, le conseil de l'Ordre dont il relève peut interdire à l'avocat de faire usage de sa ou ses mentions de spécialisation. Cette mesure ne peut être prononcée sans que l'intéressé ait été entendu ou appelé dans un délai d'au moins huit jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La décision du conseil de l'Ordre interdisant de faire usage de la mention de spécialisation est notifiée à l'intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les quinze jours de sa date. L'intéressé peut la déférer à la cour d'appel. Le Bâtonnier avise de cette décision sans délai le président du Conseil national des barreaux qui procède au retrait de l'avocat de la liste nationale prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 86. L'avocat retrouve le droit de faire usage de sa mention de spécialisation s'il justifie auprès du conseil de l'Ordre dont il relève, dans les deux ans suivant la notification de l'interdiction mentionnée à l'article 92-5, de ce qu'il a satisfait à l'obligation de formation continue prévue à l'article 85.

Le Bâtonnier en avise le président du Conseil national des barreaux qui procède à la réinscription de l'avocat sur la liste nationale prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 86.

  • Droits d'inscription

Pour toute demande de spécialisation des droits d'inscription d'un montant de 600 euros seront demandés à l'avocat.

Ces droits tiennent compte des éléments suivants :

- les coûts de gestion administrative ;
- le défraiement des membres du jury ;
- le remboursement des frais engagés par les écoles organisant les examens (locaux et personnels).

II - Mise en place d'un régime transitoire

Un régime transitoire est instauré au profit des avocats d'ores et déjà titulaires d'une mention de spécialisation ou d'un certificat de spécialisation dans un champ de compétence à la date d'entrée en vigueur de la réforme. Ces derniers seront dispensés de la procédure de droit commun prévue par la réforme et bénéficieront d'une procédure simplifiée. La durée de la période transitoire est fixée à une année. Les avocats déjà titulaires pourront ainsi déposer un dossier jusqu'au 31 décembre 2012.

L'article 50-II de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées dispose, à cet égard, que "les avocats titulaires d'un ou plusieurs certificats de spécialisation à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées, peuvent faire le choix sur justification d'une pratique professionnelle effective dans le domaine revendiqué, d'un ou de deux certificats de spécialisation dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Le Conseil national des barreaux détermine les modalités selon lesquelles cette faculté s'accomplit".

Le régime transitoire prévoit une procédure simplifiée par rapport à celle de droit commun.

Pour faire valoir leur mention de spécialisation ou leur certificat dans un champ de compétence, les candidats doivent joindre à leur dossier :

- la copie du certificat de spécialisation, ou à défaut une attestation du Bâtonnier de l'Ordre ;
- une déclaration sur l'honneur justifiant de la poursuite d'une activité professionnelle dans le domaine de la mention de spécialisation revendiquée ;
- une attestation du Bâtonnier reconnaissant qu'ils sont à jour de leur obligation de formation continue.

Le dossier complet doit être envoyé au Conseil national des barreaux qui attribuera en application des tables de concordance les nouvelles mentions de spécialisations et délivrera les certificats correspondants (dans la limite de deux).

Une procédure similaire est appliquée pour les avocats justifiant d'un certificat de spécialisation dans un champ de compétence.

Chaque avocat ne pourra bénéficier de plus de deux mentions de spécialisation dont la liste est fixée par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés. Par conséquent les avocats qui disposent de plus de deux mentions de spécialisation à la date d'entrée en vigueur de la réforme devront faire un choix. Dans le cadre du nouveau régime, les titulaires d'un certificat de spécialisation consacrent la moitié de la durée de leur formation continue à ce domaine de spécialisation, soit au moins dix heures. S'ils sont titulaires de deux certificats de spécialisation, ils accomplissent dix heures de formation au moins de formation dans chacun de ces domaines de spécialisation, soit vingt heures au cours d'une année civile et quarante heures au cours de deux années consécutives. A défaut, l'avocat perd l'usage de sa ou ses mentions de spécialisation (décret du 27 novembre 1991, art. 85 modifié).

Il est à noter qu'aucun frais administratif ne sera demandé dans le cadre du régime transitoire.

Enfin, il faut rappeler que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel (N° Lexbase : L2387IP4), a créé une spécialisation en procédure d'appel réservée, d'une part, aux anciens avoués devenus avocats et, d'autre part, aux personnes ayant travaillé en qualité de collaborateur d'avoué et justifiant à la date d'entrée en vigueur de la loi de la réussite à l'examen d'aptitude à la profession d'avoué. Cette spécialisation en procédure d'appel ne figure pas sur la liste des mentions de spécialisation en usage dans la profession d'avocat fixée par l'arrêté du Garde des Sceaux du 28 décembre 2011 (décret du 27 novembre 1991, art. 87). Elle sera donc exclusivement réservée aux anciens avoués devenus avocats et à leurs collaborateurs dans les conditions ci-dessus rappelées.

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