Réf. : Cass. civ. 1, 21 novembre 2019, deux arrêts, n° 19-15.890 (N° Lexbase : A0237Z38), et n° 19-17.726 (N° Lexbase : A0239Z3A), F-P+B+I
Lecture: 5 min
N1361BY3
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 27 Novembre 2019
1° Le procureur de la République est une autorité judiciaire compétente pour ordonner les examens radiologiques osseux prévus à l'article 388 du Code civil (N° Lexbase : L0260K7R) aux fins d’établissement de la minorité ; aussi, c'est sans méconnaître ce texte que la cour d'appel s'est fondée sur les conclusions d'un test osseux qui avait été ordonné par celui-ci ;
2° dès lors qu’ils ont souverainement apprécié et retenu la validité du document d’identité produit par l’intéressé, les juges du fond n’ont pas à tenir compte d’autres éléments de preuve, dont un rapport d’évaluation sociale.
Telles sont les précisions apportées par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes de deux arrêts rendus le 21 novembre 2019, dans le cadre de litiges relatifs à l’établissement de la minorité de jeunes étrangers, en vue de leur placement à l’aide sociale à l’enfance (Cass. civ. 1, 21 novembre 2019, deux arrêts, n° 19-15.890 N° Lexbase : A0237Z38, et n° 19-17.726 N° Lexbase : A0239Z3A, F-P+B+I ; cf. l’Ouvrage «La protection des mineurs et des majeurs vulnérables», La définition de la minorité N° Lexbase : E4427E74).
♦ Dans la première affaire, un jeune ivoirien, se déclarant mineur, avait été confié provisoirement à l'aide sociale à l'enfance par ordonnance du 6 novembre 2017 ; son placement avait été renouvelé à plusieurs reprises par le juge des enfants dans l'attente des résultats des investigations menées pour vérifier son âge et son identité ; il faisait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à assistance éducative à son égard.
Parmi les arguments invoqués, il faisait valoir que l'article 388 du Code civil (aux termes duquel «les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire»), lu à la lumière de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), doit être interprété comme ne visant, sous la notion «d'autorité judiciaire», que le seul juge du siège, à l'exception du parquet ; qu'en effet, le parquet, qui est une partie à l'instance en matière d'assistance éducative, ne saurait disposer du pouvoir de se ménager une preuve, ayant l'autorité d'une expertise, ce qui entraînerait un déséquilibre entre les parties dans l'administration de la preuve.
L’argument est écarté par la Haute juridiction, qui énonce que le procureur de la République est une autorité judiciaire compétente pour ordonner les examens radiologiques osseux prévus à l'article 388 du Code civil, et que c'est sans méconnaître ce texte que la cour d'appel s'est fondée sur les conclusions d'un test osseux qui avait été ordonné par celui-ci.
Elle ajoute que le procureur de la République, qui n'est pas une partie poursuivante en assistance éducative, s'est borné à émettre un avis sur la suite à donner à la procédure ; dès lors, en se fondant sur les conclusions d'une expertise osseuse qu'il avait ordonnée, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
♦ Dans la seconde affaire, un autre jeune ivoirien, se disant mineur, et isolé sur le territoire national, avait saisi le juge des enfants en vue de son placement à l'aide sociale à l'enfance.
Par ordonnance du 29 juin 2018, le juge des enfants avait ordonné un examen radiologique osseux et, par jugement du même jour, il avait confié provisoirement ce jeune à l'aide sociale à l'enfance dans l'attente des résultats de cet examen.
Le département faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d’appel d'ordonner le placement de l’intéressé auprès de l'aide sociale à l'enfance ; il contestait, notamment, l’absence d’examen par la cour, d’un rapport d’évaluation sociale, comme élément de preuve.
L’argument est écarté par la Cour suprême qui rappelle qu’aux termes des alinéas 1 et 2 de l'article 388 du Code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 (N° Lexbase : L0090K7H), «le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé» (nous soulignons).
Or, la cour d'appel avait relevé que le jeune produisait un passeport de la République de Côte d'Ivoire délivré le 15 octobre 2018, qui faisait état d'une date de naissance du 16 novembre 2002 et qui lui avait été délivré par les autorités de son pays, sur le fondement des éléments produits.
Selon la Haute juridiction, ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des pièces soumises à son examen, estimé que ce document avait les apparences de l'authenticité, elle en a exactement déduit, répondant aux conclusions prétendument délaissées et hors toute dénaturation, que ce document d'identité valable suffisait à établir la minorité de l'intéressé, sans être tenue de s'expliquer sur les autres éléments de preuve produits par le département, dont le rapport d'évaluation sociale du 24 mai 2018.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:471361