Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 22 novembre 2019, n° 422790, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4888Z3G)
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par Yann Le Foll
le 27 Novembre 2019
► Une convention conclue entre un éditeur d'un service de télévision et le CSA stipule que «l'éditeur assure le pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion. Les journalistes, présentateurs, animateurs et collaborateurs d'antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l'expression des différents points de vue» ;
► si ces stipulations ne font pas obstacle à la définition par l'éditeur du service conventionné d'une ligne éditoriale, elles lui imposent cependant de n'aborder les questions prêtant à controverse qu'en veillant à une distinction entre la présentation des faits et leur commentaire et à l'expression de points de vue différents.
Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 22 novembre 2019 (CE 5° et 6° ch.-r., 22 novembre 2019, n° 422790, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4888Z3G).
Il ressort des pièces du dossier que la séquence litigieuse, d'une durée d'environ dix-huit minutes, a été diffusée pendant un journal télévisé principalement consacré à la situation en Syrie à la suite d'attaques utilisant des armes chimiques perpétrées, le 7 avril 2018, contre la population civile de la ville de Douma. Après une présentation des réactions internationales, cette séquence comprenait, notamment, la diffusion des deux interviews mentionnées aux points 5 et 6, accompagnées de bandeaux comme "certains locaux auraient été forcés de simuler des attaques chimiques" ou "attaques simulées", d'un "micro-trottoir" recueillant les avis de passants parisiens sur l'opportunité d'opérations aériennes occidentales en Syrie et de l'intervention en plateau d'une personne, présentée comme "conseiller en stratégie internationale".
Pour prononcer la mise en demeure attaquée, le CSA a relevé qu'une telle séquence était empreinte d'un déséquilibre marqué dans l'analyse du sujet et d'un traitement univoque de la question des armes chimiques, alors que la sensibilité et le caractère controversé du sujet imposaient que, conformément aux obligations prévues par l'article 2-3-1 de la convention du 2 septembre 2015 du service de télévision "RT France", différents points de vue soient exposés.
En estimant que la société RT France avait manqué à ces obligations, le CSA a fait une exacte application des stipulations de cet article. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que la séquence litigieuse donnait à penser, du fait d'une confusion entre la présentation des faits et leur commentaire et du choix de bandeaux comme "attaques simulées", que le caractère fictif des attaques chimiques intervenues dans la ville de Douma le 7 avril 2018 constituait un fait établi, alors qu'il s'agissait d'un fait incertain et controversé.
En outre, il ressort également des pièces du dossier que la seule intervention en plateau d'un "conseiller en stratégie internationale" affirmant que l'armée syrienne ne faisait pas usage d'armes chimiques, que les djihadistes disposaient de laboratoires de fabrication de telles armes et que l'opinion publique des pays occidentaux était manipulée, sans qu'aucun autre élément du programme ne vienne contrebalancer ses propos, a conduit à une présentation univoque d'une question prêtant pourtant à controverse.
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