La lettre juridique n°453 du 15 septembre 2011 : Urbanisme

[Doctrine] Chronique de droit de l'urbanisme - Septembre 2011

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Le premier arrêt commenté dans cette chronique rappelle les exigences relatives à la motivation des décisions de préemption (CE 1° et 6° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 324767, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le deuxième arrêt renforce le contrôle juridictionnel sur la mise en oeuvre des programmes d'aménagement d'ensemble (CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 324123, publié au recueil Lebon). Enfin, le troisième arrêt précise que l'acte de création d'une zone d'aménagement concertée n'est pas soumis aux documents d'urbanisme locaux (CE 1° et 6° s-s-r., n° 320457, 26 juillet 2011, publié au recueil Lebon).
  • Rappel des exigences relatives à la motivation des décisions de préemption (CE 1° et 6° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 324767, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8306HWK)

La décision d'exercer le droit de préemption urbain est probablement l'une des décisions administratives locales qui donne lieu au plus grand nombre de cafouillages, tant de la part des titulaires du droit de préemption, que de la part des notaires. C'est d'autant plus surprenant que la procédure est, dans son principe, d'une étonnante simplicité.

L'objet du droit étant de permettre à une collectivité de se substituer à l'acquéreur d'un immeuble situé sur son territoire, le vendeur a donc l'obligation d'informer la collectivité titulaire du droit de préemption de son projet de cession. Cette information prend la forme d'une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) établie par le notaire qui mentionne le prix convenu et les conditions de la cession. La collectivité dispose de deux mois pour se prononcer sur une éventuelle préemption, le silence conservé dans ce délai étant assimilé à une renonciation à préempter. Les difficultés relatives au prix de cession se règlent devant le juge de l'expropriation. L'ensemble de la procédure est décrit aux articles L. 210-1 (N° Lexbase : L1271IDG) et R. 213-4 (N° Lexbase : L8045ACX) et suivants du Code de l'urbanisme. Un arrêt du 26 juillet 2011 apporte de nouvelles précisions sur cette procédure qui a donné lieu à un contentieux abondant.

1- La motivation du droit de préemption

L'exercice du droit de préemption urbain doit poursuivre l'un des objectifs prévus à l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4059ICC). Ces objectifs sont formulés de manière suffisamment générale pour laisser une certaine marge d'appréciation aux collectivités. Il peut s'agir de la mise en oeuvre d'un projet urbain tel que la rénovation des rues d'un quartier ou de la mise en oeuvre d'une politique locale de l'habitat destinée à maintenir la population sur place. Le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques constitue un objectif fréquemment invoqué : la création d'un pôle d'attraction industriel et commercial peut justifier l'exercice du droit de préemption (1).

Le développement du loisir et du tourisme et la création d'équipements collectifs figurent, également, au nombre des objectifs de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme. La construction de logements sociaux et d'un immeuble de bureau destiné à abriter des locaux administratifs peuvent, ainsi, justifier une décision de préemption (2).

Le droit de préemption ne peut, cependant, être mis en oeuvre que sous la seule condition de respecter ces objectifs généraux. Le projet qui justifie la décision de préemption doit préexister à la transmission de la DIA. La décision de préemption doit s'intégrer dans la mise en oeuvre d'un projet préexistant. Toutefois, le principe même de la préemption suppose une certaine proportion d'opportunisme car l'autorité n'est pas nécessairement au courant de l'ensemble des projets de cession avant la transmission de la DIA. Le mécanisme lui permet donc de profiter d'une cession, éventuellement non prévue, pour faire avancer son projet.

La difficulté de l'exercice réside, dès lors, dans la motivation de la décision de préemption. Le rôle du juge est ici essentiel. S'il exige une motivation rigoureuse et complète, il réduit de manière drastique le champ d'application de la procédure. Dans ce cas, la préemption constitue la première phase de la concrétisation d'un projet antérieur entièrement finalisé. A l'inverse, l'exigence d'une motivation peu rigoureuse ouvre un champ d'action trop large au droit de préemption et n'exclut pas son utilisation à des fins étrangères à son objet : les objectifs de l'article L. 300-1 sont, en effet, suffisamment larges pour permettre de justifier théoriquement un grand nombre de décisions.

La jurisprudence du Conseil d'Etat oscille entre ces deux écueils. Les deux situations extrêmes sont exclues. D'un côté, elle n'exige pas que la collectivité soit en mesure de présenter, à l'appui de sa décision de préemption, un projet parfaitement élaboré et abouti. De l'autre, elle censure les motivations jugées insuffisantes parce qu'elles ne traduisent pas l'existence d'un projet. Les préemptions censurées dans cette hypothèse se limitent souvent à reprendre, de manière assez vague, les objectifs de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme.

Ont, ainsi, été censurées des décisions de préemption qui se bornent à invoquer la réalisation d'un équipement public sans autres précisions (3), ou la relance de l'activité économique (4). La seule référence aux objectifs de l'article L 300-1 est donc insuffisante : la décision doit établir que l'acquisition du bien est nécessaire à la réalisation de l'un de ses objectifs (5).

Entre ces deux extrêmes, le Conseil d'Etat a fait évoluer sa position vers une plus grande souplesse au profit des collectivités. Initialement, le projet d'action ou d'opération d'aménagement devait présenter un caractère suffisamment précis pour que la préemption soit légalement motivée (6). Depuis 2008, l'exercice du droit de préemption est légal à condition de justifier de la réalité d'un projet au jour de la préemption et d'indiquer la nature de ce projet de manière suffisamment précise dans la décision de préemption (7). En revanche, le juge n'exige pas que les caractéristiques précises du projet soient définies à cette date.

L'arrêt du 26 juillet 2011 réaffirme cette double exigence. Il reprend la formulation de la décision de 2008 en affirmant "que les collectivités titulaires du droit de préemption peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme, alors même que ces caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption".

Cette solution garantit, d'un côté, que la préemption ne sera pas motivée par la pure opportunité ouverte par la notification de la DIA. L'on notera, et c'est assez rare pour ne pas se priver de le souligner, que le contrôle des décisions de préemption est l'un des rares domaines du contentieux administratif dans lequel la censure du détournement de pouvoir est sérieusement effectuée. Un projet suffisamment élaboré doit donc préexister à la décision de préemption.

D'un autre côté, il n'est pas nécessaire que ce projet soit trop finalisé puisque la décision n'a pas l'obligation de définir ses caractéristiques précises. La référence à une délibération définissant les orientations générales du plan local de l'habitat suffit, ainsi, à motiver la préemption (8).

En l'espèce, le Conseil d'Etat estime que la motivation de la décision attaquée est suffisante : une étude de faisabilité portant sur le regroupement des services communaux attestait de la réalité du projet qui répond bien à l'un des objectifs de l'article L. 300-1. On voit, au travers des dates, qu'un certain temps peut s'écouler entre la première formalisation du projet et la décision de préemption. En l'occurrence, une étude datant de 2002 justifie une décision de préemption datant de 2004.

2- De quelques incidents du droit de préemption

L'exercice du droit de préemption donne assez souvent lieu à des scénarii assez originaux qui peuvent compliquer à l'excès la mise en oeuvre de la procédure. En l'occurrence, deux incidents sont apparus.

En premier lieu, le Conseil d'Etat est conduit à rappeler que le délai de deux mois, ouvert par l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0733IHM) pour exercer le droit de préemption, ne court qu'à compter de la réception de la DIA. Le rappel de la disposition n'apporte rien en lui-même. En revanche, le Conseil admet, implicitement mais certainement, que le délai ne court qu'à compter de la réception d'une DIA exempte d'erreur. En l'espèce, une première déclaration avait été reçue le 18 novembre 2003 par la mairie. Toutefois, le notaire, réalisant l'erreur matérielle portant sur le prix de cession (419 000 euros au lieu de 149 000 euros), avait adressé, le 2 décembre suivant, une seconde DIA, portant le prix de 149 000 euros. La seconde déclaration spécifiait qu'elle annulait et remplaçait la première.

L'arrêt précise donc que l'exercice du droit de préemption n'a pas été tardif puisqu'il est intervenu le 13 janvier 2004, soit dans le délai de deux mois à compter du 2 décembre 2003. Le notaire peut donc rectifier une erreur contenue dans une DIA. Il ne s'agit pas seulement d'une possibilité mais d'une obligation découlant de l'alinéa 1er de l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme. En effet, une mention erronée, et tout particulièrement une mention relative au prix, est de nature à influer sur la décision de la collectivité qui doit statuer sur des informations exactes. Dès lors, tant que la collectivité n'a pas décidé de préempter, l'on peut estimer que la rectification d'une DIA erronée est possible à tout moment, y compris après l'expiration du délai de deux mois suivant une première déclaration. Dans cette hypothèse, la décision de la collectivité est prise sur la base d'une appréciation entachée d'erreur de fait. En conséquence, elle peut revenir sur sa décision à l'occasion de la réception d'une nouvelle DIA qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.

En second lieu, une erreur en appelant une autre, le Conseil d'Etat renvoie les notaires à leur responsabilité lorsque le prix stipulé dans la promesse de vente s'avère n'être pas celui figurant dans la seconde DIA. En l'occurrence le juge relève que, dans cette seconde déclaration, le prix figurait en chiffres et en lettres. Le maire était donc en droit de considérer comme exacts les termes de la seconde. Le fait que le prix de 149 000 euros ne soit pas celui stipulé dans la promesse de vente ne peut emporter l'illégalité de la décision de préemption.

Cette solution ne peut qu'être approuvée : la légalité de la décision ne peut être appréciée qu'au regard du Code de l'urbanisme, et non au regard d'un acte de droit privé. Une telle solution est redoutable pour le notaire dont l'erreur a provoqué la cession du bien à un prix différent de celui que le vendeur pouvait attendre. En effet, l'article R. 213-10 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8051AC8) permet au propriétaire du bien de renoncer à la vente lorsque le titulaire du droit de préemption propose un prix différent de celui mentionné par la DIA. En revanche, lorsque la collectivité accepte le prix figurant sur la déclaration, cette possibilité de renonciation disparaît : la vente est, dès lors, parfaite (9). Le vendeur est donc contraint de céder le bien à ce dernier prix. L'hypothèse d'une discordance sur le prix entre la promesse de vente et la DIA ne lui permet pas de saisir le juge de l'expropriation. Dès lors, il n'a d'autre choix que d'engager la responsabilité du notaire responsable des mentions de la DIA.

La rectification d'une DIA n'est donc possible que lorsqu'elle joue en faveur de la collectivité. Si un prix excessif et erroné a dissuadé la collectivité de préempter, et conduit à l'établissement d'une nouvelle DIA, cette possibilité disparaît lorsque la collectivité, trompée par une mention erronée, a préempté pour un prix inférieur à celui stipulé dans le compromis.

  • Renforcement du contrôle juridictionnel sur la mise en oeuvre des programmes d'aménagement d'ensemble (CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 324123, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8294HW4)

L'arrêt du 28 juillet 2011 énonce les obligations auxquelles sont soumises les communes dans la mise en oeuvre d'un programme d'aménagement d'ensemble (PAE). Un PAE traduit un projet d'urbanisme de la part d'une commune et inclut les prévisions de celle-ci sur les constructions qui seront réalisées par les particuliers sur les terrains inclus ans le programme. Malgré sa dénomination, un PAE ne constitue, cependant, pas une opération d'aménagement, mais une programmation d'équipements publics accompagnée d'un mécanisme de financement. Le PAE, qui est toujours réalisé dans un secteur géographique déterminé de la commune, peut être mis en oeuvre que la commune soit ou non dotée d'un POS ou d'un PLU. Avant d'évoquer la décision du 28 juillet 2011, il n'est pas inutile de rappeler quelques éléments essentiels à propos de ces programmes qui, aux termes de l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2010 (loi n° 2010-1658 N° Lexbase : L9902IN3), ne pourront plus être institués après le 1er mars 2012.

1- Le PAE est un projet d'urbanisme

Le programme d'aménagement d'ensemble, évoqué par l'article L. 332-9 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7540ACA), n'est pas défini en tant que notion autonome par le code. La raison d'être de ce mécanisme est, en effet, de permettre aux communes d'exiger légalement le versement d'une participation financière de la part des constructeurs. Créé par la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 (N° Lexbase : L1060IRP), il permet d'éviter la création, particulièrement lourde, d'une zone d'aménagement concertée qui nécessite, le plus souvent, l'acquisition préalable des terrains concernés.

Un programme doit donc permettre de conduire, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, dans un (ou plusieurs) secteur(s) du territoire communal, la réalisation, dans un délai et pour un coût déterminés, d'un ensemble d'équipements publics dont tout ou partie des dépenses peuvent être mises à la charge des constructeurs. Ces équipements doivent correspondre aux besoins des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée (10). Un PAE peut, ainsi, consister dans l'élargissement et la mise en conformité d'une rue avec les exigences du POS, la mise en place de l'alimentation en eau et des dessertes d'assainissement, d'électricité et de lignes téléphoniques sur un ensemble de cinq parcelles (11).

Le PAE est institué par une délibération du conseil municipal. L'article L. 332-9 prévoit que le coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné peut être mis à la charge des constructeurs. Il impose, également, au conseil municipal de déterminer le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. La délibération instituant le programme doit aussi fixer la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. Il faut, également, noter que la réalisation d'un PAE par tranches est autorisée. Dans ce cas, la répartition du coût de cet équipement entre différentes opérations peut être prévue, dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération.

La seule superficie du terrain à construire ne peut être le critère unique permettant de déterminer les contributions dues au titre d'un PAE. Il convient, en effet, de prendre en compte, au moins à titre principal, la consistance des terrains, ce qui recouvre leur nature, leur destination, et, en tout état de cause, leurs dimensions. Le conseil municipal ne peut donc se limiter à prendre en considération la superficie du terrain sans faire aucune référence à l'importance des constructions effectivement autorisées (12).

2- Un renforcement du contrôle juridictionnel

Le juge administratif exerce traditionnellement un contrôle restreint sur les sommes mises à la charge des constructeurs. La part du coût des sommes pouvant être légalement mise à leur charge est, en effet, soumise à un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation (13).

L'article L. 332-9 fixe les éléments qui doivent figurer dans la délibération. Toutefois, il n'apporte pas de véritable précision quant aux dispositions de la délibération relatives aux équipements publics. La jurisprudence était plutôt laconique sur ce point, le juge pouvant, ainsi, estimer, sans plus de précisions, qu'une délibération "édicte avec une précision suffisante toutes les précisions qui devaient y figurer en vertu des prescriptions de l'article L. 332-9 du Code de l'urbanisme" (14).

L'arrêt du 28 juillet 2011 renforce de manière sensible le contrôle du juge administratif sur le contenu de la délibération qui instaure le PAE. Dans le mouvement général de remise en ordre des participations d'urbanisme prévu par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010, cet arrêt instaure un contrôle beaucoup plus poussé sur la délibération instituant le PAE.

Le Conseil d'Etat impose à la délibération instituant un plan d'aménagement d'ensemble "d'identifier avec précision les aménagements prévus, ainsi que leur coût prévisionnel et déterminer la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation mise à la charge de chaque constructeur". Cette exigence de précision n'est pas anodine. L'arrêt ne porte pas directement sur le contrôle du juge opéré sur la part globale mise à la charge des constructeurs par la délibération instituant le PAE. En revanche, il est certain que l'application de cette part à chaque opération, considérée isolément, fait l'objet d'un contrôle normal.

L'arrêt précise, également, que la répartition entre les constructeurs dépend de la surface revenant à chacun d'eux. Les dispositions de l'article L. 332-9 "impliquent, également, afin de permettre la répartition de la participation entre les constructeurs, que la délibération procède à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition". Le Conseil confirme implicitement que la seule superficie du terrain ne peut suffire pour déterminer le montant de la participation.

Poursuivant cet objectif de précision, la Haute juridiction impose, également, une exacte adéquation entre les participations effectivement payées et celles qui sont demandées initialement. Le coût final de la taxe doit impérativement reposer sur les constructions et les équipements effectivement réalisés. Le conseil municipal est, ainsi, dans l'obligation "de modifier en tant que de besoin les critères de calcul de la participation des constructeurs pour tenir compte d'éventuels écarts constatés entre les programmes d'équipements publics et leur réalisation effective, ainsi qu'entre les prévisions de constructions privées et leur réalisation effective".

C'est donc un contrôle particulièrement poussé que le Conseil d'Etat instaure sur les PAE qui ne peuvent donc plus conduire à la perception de taxes calculées de manière plus ou moins approximative. L'arrêt est important et ses conséquences pourraient ne pas être négligeables. En effet, la délibération instituant un PAE est un acte réglementaire susceptible de faire l'objet d'une exception d'illégalité permanente. La légalité des délibérations qui ne répondent pas aux exigences de l'arrêt du 28 juillet 2011 peut donc être remise en cause à l'occasion de la délivrance des permis de construire donnant lieu au versement de la participation.

En l'occurrence, le juge estime que les conditions d'une annulation sont remplies : d'une part, les termes des délibérations ne permettaient pas de connaître la nature et le nombre des aménagements paysagers à réaliser et des salles de sport à construire et, d'autre part, ces délibérations ne procédaient pas à une estimation quantitative de la surface des immeubles dont la construction était envisagée.

Le juge de cassation confirme donc la solution des juges du fond, les délibérations en cause ne permettant pas de vérifier le bien-fondé des conditions de répartition des dépenses d'aménagement entre les constructeurs. Les dispositions du permis de construire mettant à la charge du requérant une participation aux dépenses d'aménagement, ainsi que le titre exécutoire émis pour le recouvrement de cette participation sont annulés.

  • L'acte de création d'une zone d'aménagement concertée n'est pas soumis aux documents d'urbanisme locaux (CE 1° et 6° s-s-r., n° 320457, 26 juillet 2011, publié au recueil Lebon)

Un important arrêt du 26 juillet 2011 apporte plusieurs contributions au régime juridique des zones d'aménagement concertées (ZAC). La loi "SRU" du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY) a profondément modifié les procédures d'aménagement, faisant des ZAC le droit commun de l'aménagement urbain. La loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005, relative aux concessions d'aménagement (N° Lexbase : L8409G9C), a procédé à une refonte importante du régime des modes de réalisation des ZAC, en fusionnant le régime des conventions d'aménagement. Les ZAC constituent donc une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme. Elles permettent aux collectivités de mettre en oeuvre une politique d'urbanisme en assurant l'aménagement et l'équipement de terrains bâtis ou non. Elles sont particulièrement utilisées pour la construction de logements, d'équipements collectifs ou le développement des activités industrielles et commerciales.

1- L'étude d'impact est systématiquement obligatoire lors de la création de la ZAC

La création d'une ZAC impose la mise en oeuvre d'une procédure assez lourde et complexe. Le dossier de création de la zone comprend un rapport de présentation, un plan de situation, un plan de délimitation, ainsi que l'étude d'impact prévue par le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 (N° Lexbase : L8893IQG), pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature (N° Lexbase : L4214HKB).

Pour justifier de l'insuffisance de l'étude d'impact, cette insuffisance pouvant être assimilée à son absence, la cour administrative d'appel (15) avait fait application des dispositions combinées de l'ancien article L. 311-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6023C8L) et des annexes II et III du décret de 1977. Le cumul de ces dispositions dispensait d'étude d'impact la création d'une ZAC lorsque l'acte de création de zone décidait de maintenir les dispositions du POS rendu public ou approuvé.

Le Conseil d'Etat censure cette analyse pour erreur de droit. Il relève, en effet, que l'article R. 311-2 (N° Lexbase : L2451HPH) impose, sans prévoir la moindre exception possible, la présence dans le dossier de création de la ZAC de l'étude d'impact prévue à l'article R. 122-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L4799HBD) qui a codifié l'article 2 du décret de 1977. Dès lors que les exceptions prévues dans les annexes à l'article 3 de ce même décret n'ont pas été reprises dans la codification ultérieure, il en conclut très logiquement qu'elles ont été abrogées. L'étude d'impact est donc indispensable à la création de la ZAC.

2 - Les relations entre le document d'urbanisme et l'acte de création de la ZAC sont clarifiées

Avant la loi "SRU", l'alinéa 2 de l'article L. 311-1 (N° Lexbase : L7403AC8) établissait un lien implicite mais certain entre l'acte de création de la ZAC et le POS. Les ZAC ne pouvaient, en effet, être créées qu'à l'intérieur des zones urbaines ou des zones d'urbanisation futures, ce qui revenait à soumettre l'acte de création de la ZAC à certaines des dispositions du POS. La légalité de cet acte pouvait donc être appréciée au regard du POS. La loi "SRU" a supprimé cette disposition, faisant, ainsi, disparaître ce rapport de compatibilité.

Les dispositions législatives et réglementaires en vigueur n'imposent donc plus de respecter le POS/PLU dans la création de la ZAC. Le caractère contraignant du document d'urbanisme ne réapparaît, et il ne saurait en être autrement, que dans la mise en oeuvre de la zone : l'article R. 311-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8886HZ7) précise que l'aménagement et l'équipement de la ZAC sont réalisées dans le respect des règles d'urbanisme applicables. Le Conseil d'Etat peut, ainsi, conclure que, "si les équipements et aménagements d'une zone d'aménagement concertée doivent être réalisés dans le respect des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols applicables au moment de leur réalisation, ces mêmes règles ne s'imposent pas, en revanche, à l'acte de création de la zone".

Cette solution ne va pas sans poser quelques difficultés. En particulier, le zonage du PLU/POS n'étant pas opposable à la ZAC, celle-ci peut être créée dans n'importe quelle partie de la commune, y compris en zone naturelle. Seuls le document d'orientation générale et le document graphique d'un schéma de cohérence territoriale demeurent opposables à l'acte de création de la ZAC, selon les termes des articles R. 122-1 (N° Lexbase : L3515HW4) et R. 122-5 (N° Lexbase : L7833AC4) du Code de l'urbanisme (l'on notera, cependant, que ces deux derniers articles font référence de manière erronée à l'article L. 122-1 N° Lexbase : L6934IEK qui n'existe plus, en lieu et place de l'article L. 122-1-15 N° Lexbase : L9331IMK). La création d'une ZAC en zone naturelle impose donc la modification, voire, plus probablement, la révision du PLU à l'occasion de la réalisation de la zone.

Tirant les conséquences de son analyse, le Conseil d'Etat estime que l'acte de création de la ZAC ne pouvait être déclaré illégal sur le fondement de sa contrariété avec l'article 1NA5 du POS.

3 - L'information entourant la création de la ZAC doit être conforme aux exigences légales

Il s'agit, en premier lieu, de l'information des conseillers municipaux. L'on sait que l'article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8561AAC) impose au maire d'adresser aux conseillers municipaux des communes de plus de 3 500 habitants une notice explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération du conseil. Il s'agit de formaliser le droit à l'information des conseillers prévu à l'article L. 2121-13 (N° Lexbase : L8562AAD).

Le juge administratif applique cette obligation avec rigueur et souplesse. La rigueur réside dans le fait, rappelé ici, qu'on ne peut méconnaître le droit à l'information des conseillers municipaux qui est un droit quasiment consubstantiel à leur statut. Le Conseil relève, ainsi, très classiquement, que la violation de l'obligation d'information entache d'illégalité la délibération.

La souplesse réside dans le véhicule de l'information. Si le texte exige une notice explicative de synthèse, il n'en définit pas, cependant, le contenu avec précision. Aussi bien, l'information des conseillers municipaux est-elle conforme à la loi lorsque le maire adresse aux conseillers des "documents leur permettant de disposer d'une information équivalente". Cette équivalence doit être appréciée au regard de la taille de la commune. En l'espèce, le Conseil d'Etat estime qu'un projet de délibération rappelant les objectifs de la ZAC et les principales lignes du projet constitue un vecteur d'information suffisant. L'on notera, également, que l'obligation n'est respectée que si l'envoi de ces documents est concomitant à celui de la convocation, le droit à l'information n'ayant de sens que si le délai légal de convocation est respecté.

Le droit à l'information des conseillers municipaux n'est, cependant, pas absolu et doit s'exercer dans le cadre du Code général des collectivités territoriales. Saisi d'une demande de communication d'un document administratif, le maire doit apprécier son caractère communicable au regard des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (N° Lexbase : L6533AG3). L'arrêt précise, en effet, que le refus de transmettre la copie du dossier de création de la ZAC à un conseiller municipal prétendant agir au nom d'une association ne constitue pas une violation du droit à l'information des conseillers municipaux.

L'information du public doit, en second lieu, être respectée. La création d'une ZAC constitue une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme. Elle doit donc être précédée d'une consultation publique comme l'exige l'article L. 300-2 (N° Lexbase : L1934DKT). Ce dernier ne précise pas, cependant, les modalités de la concertation, qui sont laissées à la libre appréciation des collectivités. En l'espèce, le Conseil d'Etat relève que l'opération a donné lieu à la diffusion d'une plaquette, à la tenues de plusieurs réunions d'un groupe de travail auquel participait des associations locales, à la réunion de la commission d'urbanisme, ainsi qu'à une exposition publique d'une durée de six mois permettant au public de présenter ses observations par le biais d'un registre. Le juge de cassation confirme le caractère satisfaisant de cette concertation au regard des exigences de l'article L. 300-2.

Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public à l'Université de Caen


(1) CE 2° et 10° s-s-r., 31 mars 1989, n° 88113, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1918AQ4).
(2) CAA Paris, 17 février 1995, n° 93PA014169.
(3) CE 3° et 5° s-s-r., 19 février 1993, n° 95104, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8563AM4).
(4) CE 1° et 4° s-s-r., 30 juillet 1997, n° 157313, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0814AEU).
(5) Rép. min. n° 2088, JOANQ, 5 juin 1987, p. 2557.
(6) CE 2° et 6° s-s-r., 25 juillet 1986, n° 62539, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4793AMH).
(7) CE 1° et 6° s-s-r., 7 mars 2008, n° 288371, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3807D77).
(8) CE 1° et 6° s-s-r., 24 juillet 2009, n° 316694, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1105EK7).
(9) QE n° 1522 de M. Demange Jean-Marie, JOANQ, 8 août 1988, p. 2306, réponse publ. 24 octobre 1988, p. 3009, 9ème législature (N° Lexbase : L1064IRT).
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 27 janvier 2010, n° 308614, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7554EQT).
(11) CAA Nancy, 1ère ch., 31 mai 2000, n° 97NC00028, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9374BGB).
(12) CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 292947, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1230EKR).
(13) CE, 4 novembre 1994, n° 129531, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3600AS7), Rec. CE, p. 485.
(14) CE, 4 novembre 1994, n° 129531, publié au recueil Lebon, préc..
(15) CAA Paris, 8 juillet 2008, n° 07PA03281 (N° Lexbase : A3618EAA).

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