Une cour d'appel, usant de son pouvoir souverain d'appréciation de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale d'un acte juridique résultant de l'usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d'aliments pour le bétail, a pu estimer que les commandes litigieuses pouvaient être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 2011 (Cass. com., 22 mars 2011, n° 09-72.426, F-P+B
N° Lexbase : A7686HII). En l'espèce une société anonyme (la SA), spécialisée dans le commerce d'aliments pour le bétail, a allégué qu'une société cliente (l'EARL), par trois appels téléphoniques en date des 5, 12 et 23 novembre 2007, lui aurait passé trois commandes d'aliments pour le bétail pour des montants respectifs hors taxe de 1 696,80 euros, 1 702,40 euros et 1 696,80 euros. La cour d'appel de Bourges ayant fait droit à la demande de la SA, l'EARL a formé un pourvoi en cassation, au soutien duquel elle faisait essentiellement valoir que la cour d'appel aurait violé les articles 1341 du Code civil (
N° Lexbase : L1451ABD), L. 110-3 du Code de commerce (
N° Lexbase : L5547AIB) et L. 324-1 du Code rural (
N° Lexbase : L3553G9H). En effet, selon la demanderesse au pourvoi, conformément à l'article 1341 du Code civil, la preuve d'un acte juridique conclu après le 1er janvier 2005, d'une valeur supérieure à 1 500 euros, doit être rapportée par écrit et, en outre, selon l'article L. 110-3 du Code de commerce, ces règles s'appliquent dans les actes mixtes lorsque c'est la partie commerçante qui entend prouver contre la partie non commerçante. Or, si la société anonyme est effectivement une société commerciale par la forme, l'article L. 324-1 du Code rural fait de l'EARL une société civile. Aussi, lorsqu'une société anonyme entend rapporter la preuve d'un acte juridique d'une valeur supérieure à 1 500 euros à l'encontre d'une EARL, seul l'écrit est admissible. Mais, la Cour régulatrice rejette cet argumentaire et, par là même, le pourvoi ainsi formé. Cette solution est en opposition avec celle retenue par la première chambre civile le 25 janvier 1989 qui avait alors considéré, s'agissant de livraisons d'aliments pour des animaux, qu'un éleveur non commerçant ne pouvait être condamné à payer l'ensemble des sommes réclamées par le fournisseur sans que soit relevée l'existence d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit émanant de l'éleveur (Cass. civ. 1, 25 janvier 1989, n° 85-18.338, publié
N° Lexbase : A1404AHH).
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