Réf. : Décrets n° 2016-1508 (N° Lexbase : L0598LBR), n° 2016-1509 (N° Lexbase : L0595LBN) et n° 2016-1510 (N° Lexbase : L0593LBL), du 9 novembre 2016
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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l'Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés
le 24 Novembre 2016
3. En synthèse, les deux décrets du 29 juin 2016 ont donc prévu, pour les huissiers, les notaires et les commissaires-priseurs judiciaires :
- la possibilité pour une SEL de détenir un nombre non limitatif d'offices ministériels ;
- la suppression des notions de territorialité ou ressort, qui cantonnaient une SEL d'officiers ministériels sur le plan géographique ;
- la simplification et l'accélération des nominations en supprimant l'étape des chambres et du procureur, au profit d'une procédure internet directement auprès de la Chancellerie ;
- le maintien de la règle d'unicité de l'exercice professionnel (un officier ministériel ne peut exercer qu'au sein d'une seule société).
4. Ces conséquences, issues de la loi "Macron", sont reprises aujourd'hui dans les trois décrets sous commentaire pour être appliquées aux SCP de ces professionnels. En effet, les décrets de juin ne concernaient que les SEL/SPFPL et les sociétés commerciales de droit commun, aucunement les SCP, si bien que, par exemple, une SEL de notaires génération "Macron" pouvait être titulaire de plusieurs offices mais pas les SCP (B. Brignon, Publication des décrets d'application des articles 63 et 67 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : des nouveautés spectaculaires pour certaines sociétés des professions libérales !, JCP éd. E, 2016, 28 juillet 2016). Pour éviter une concurrence sauvage entre les formes sociétaires, surtout pour plus de cohérence, les décrets de novembre transposent les mêmes règles aux SCP.
5. Ainsi, pour les huissiers, le décret n° 2016-1508 publié au JO du 10 novembre 2016 modifie le décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, relatif aux SCP d'huissier de justice, pour les mettre en conformité avec les articles 52, 54, 63 et 67 de la loi "Macron", qui ont modifié les modalités d'installation des officiers publics et ministériels, instauré une limite d'âge pour l'exercice de ces professions, ouvert les formes sociales d'exercice, et élargi les modalités de détention du capital des SEL. Le décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 (N° Lexbase : L7056AZD) est également modifié afin de le mettre en cohérence, sur les aspects statutaires, avec les dispositions du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, relatif aux officiers publics et ministériels et du décret n° 2016-880 du 29 juin 2016, relatif aux SEL et SPFPL d'huissier de justice, de notaire ou de commissaire-priseur judiciaire notamment s'agissant de la simplification et la dématérialisation des procédures de nomination, de l'allègement du rôle des Parquets généraux dans la gestion des officiers publics et ministériels, de la suppression de la consultation obligatoire des instances professionnelles locales, de la possibilité pour une SCP d'être titulaire de plusieurs offices, et de la suppression de nombreuses limitations territoriales. Le décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992, relatif aux SEL d'huissier de justice est lui aussi modifié afin de tenir compte de la suppression de la consultation obligatoire des instances professionnelles locales y compris pour les nominations dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, et afin de tirer certaines conséquences de la possibilité nouvelle, pour lesdites SEL, d'être titulaire de plusieurs offices. Les mêmes conséquences sont prévues pour les autres formes de sociétés constituées pour l'exercice de la profession d'huissier de justice au sein du décret n° 2016-883 du 29 juin 2016, relatif à l'exercice des professions d'huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire sous forme de société autre qu'une SCP ou qu'une SEL.
6. Pour les notaires, le décret n° 2016-1509, publié au JO du 10 novembre 2016, modifie le décret n° 67-868 du 2 octobre 1967, relatif aux SCP de notaire, pour les mettre en conformité avec les dispositions des articles 52, 54, 63 et 67 de la loi "Macron". Le décret n° 67-868 est également modifié afin de le mettre en cohérence, sur les aspects statutaires, avec les dispositions du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels et du décret n° 2016-880 du 29 juin 2016 relatif aux SEL et SPFPL d'huissier de justice, de notaire ou de commissaire-priseur judiciaire. Le décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 relatif aux SEL de notaire est lui aussi modifié afin de tenir compte de la suppression de la consultation obligatoire des instances professionnelles locales y compris pour les nominations dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, et afin de tirer certaines conséquences de la possibilité nouvelle, pour lesdites SEL, d'être titulaire de plusieurs offices. Les mêmes conséquences sont prévues pour les autres formes de sociétés constituées pour l'exercice de la profession de notaire au sein du décret n° 2016-883 du 29 juin 2016 relatif à l'exercice des professions d'huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire sous forme de société autre qu'une SCP ou qu'une SEL.
7. Pour les commissaires-priseurs judiciaires, le décret n° 2016-1510 publié au JO du 10 novembre 2016 modifie le décret n° 69-763 du 31 décembre 1969, relatif aux SCP de commissaire-priseur judiciaire pour les mettre en conformité avec les dispositions des articles 52, 55, 63 et 67 de la loi "Macron". Le décret n° 69-763 est également modifié afin de le mettre en cohérence, sur les aspects statutaires, avec les dispositions du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, relatif aux officiers publics et ministériels et du décret n° 2016-880 du 29 juin 2016 relatif aux SEL et SPFPL d'huissier de justice, de notaire ou de commissaire-priseur judiciaire. Le décret n° 92-1449 du 30 décembre 1992, relatif aux SEL de commissaire-priseur judiciaire (N° Lexbase : L5181HT3) est également modifié afin de tirer certaines conséquences de la possibilité nouvelle, pour lesdites SEL, d'être titulaire de plusieurs offices. Les mêmes conséquences sont prévues pour les autres formes de sociétés constituées pour l'exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire au sein du décret n° 2016-883 du 29 juin 2016, relatif à l'exercice des professions d'huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire sous forme de société autre qu'une SCP ou qu'une SEL.
8. Les trois décrets étendent, d'abord, la possibilité pour une SEL ou une société commerciale de droit commun de détenir un nombre non limitatif d'offices ministériels aux SCP (I). De plus, ils reconnaissent la simplification et l'accélération des nominations pour les SCP des officiers ministériels en supprimant l'étape des chambres et du procureur, au profit d'une procédure internet directement auprès de la Chancellerie, tout en tenant compte de la suppression des notions de territorialité ou ressort, qui cantonnaient les SCP d'officiers ministériels sur le plan géographique (II). En outre, ils maintiennent de la règle d'unicité de l'exercice professionnel (III). Par ailleurs, ils adoptent, à la marge, des mesures relatives aux SEL et sociétés commerciales des officiers ministériels (IV). Enfin, ils prévoient leur entrée en vigueur (V).
I - La pluralité d'offices reconnue au sein des SCP d'officiers ministériels et le siège social
9. La loi "Macron" a prévu que les sociétés des officiers ministériels puissent être titulaires de plusieurs offices. Deux décrets d'application du 29 juin 2016 l'ont reconnu pour les SEL et les sociétés commerciales de droit commun. Les décrets du 9 novembre dernier le reconnaissent également pour les SCP des officiers ministériels. Une SCP de notaire, d'huissier ou de commissaire priseur peut, par conséquent, être titulaire de plusieurs offices. Les décrets apportent la précision suivante : "Leur siège est celui de l'office ou de l'un des offices dont elles sont titulaires". De plus, "elles peuvent détenir une partie du capital d'une société, autre qu'une société civile professionnelle, nommée dans un autre office". La pluralité des offices pose en effet la question du siège social qui peut se situer à plusieurs endroits mais qui ne peut être qu'unique. Les SCP peuvent être associées dans d'autres sociétés, qui doivent être nécessairement des sociétés admettant les personnes morales comme associées (SEL, SAS, SARL, SA, SPFPL), mais pas dans d'autres SCP, lesquelles ne peuvent comporter que des associés personnes physiques.
10. Lorsqu'aucun de ses associés n'est titulaire d'un office de notaire, les décrets indiquent que la SCP peut être nommée dans un office existant ou dans un office créé. En outre, lorsque l'un au moins des associés est titulaire d'un office, la SCP peut être nommée dans un ou plusieurs des offices relevant des catégories suivantes : l'office dont l'associé est titulaire, en remplacement de celui-ci, un autre office existant ou un office créé. L'office dont l'associé est titulaire et dans lequel la société n'est pas nommée est pourvu d'un nouveau titulaire ou supprimé.
11. Pour les notaires, le décret supprime l'article 3-1 du décret sur les SCP selon lequel "les notaires résidant dans le ressort des cours d'appel de Besançon et de Nancy ne peuvent constituer des sociétés civiles professionnelles avec les notaires résidant dans le ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz".
12. Les décrets remplacent ensuite l'article 4 des décrets sur les SCP par les dispositions suivantes : "la demande de nomination d'une société régie par les dispositions de l'article 3 est présentée par le mandataire de la société ou, si celle-ci n'est pas encore constituée, par le mandataire des associés, conjointement à la demande de nomination des associés". Il est ajouté que : "une société ne peut être nommée dans un office que si chacun des futurs associés est apte à être nommé à cet office". Auparavant, les nominations de SCP à des offices créés ou vacants étaient faites dans des conditions plus strictes qu'actuellement. Eu égard à la volonté du législateur d'ouvrir relativement largement les professions, des cartographies et des créations d'offices nouvelles apparaissent petit à petit afin de favoriser l'installation de plus de notaires, de plus d'huissiers, de plus de commissaires-priseurs. Il en est tenu compte au niveau des SCP. Pour autant, les décrets continuent d'indiquer que, lorsqu'une société régie par les dispositions de l'article 3 demande sa nomination en qualité de titulaire d'un office créé ou vacant, la nomination est faite dans les conditions prévues par les règlementations propres à chaque professionnel.
II - La simplification et l'accélération des nominations pour les SCP des officiers ministériels : suppression des instance locales et du procureur, au profit d'une procédure Internet directement auprès de la Chancellerie et la territorialité
13. La nomination d'une SCP dans un office de notaire, d'huissier ou de commissaire priseur et la nomination de chacun des associés sont prononcées par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. La consultation des instances locales est donc supprimée. L'acceptation de la démission des notaires, huissiers et commissaires-priseurs futurs associés, la suppression des offices dont ils sont titulaires, le transfert des minutes de ces offices ainsi que la création de l'office dont la société sera titulaire sont prononcés par le même arrêté (du Garde des Sceaux).
14. Sur la forme, cette demande est adressée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, par téléprocédure sur le site internet du ministère de la Justice. Elle est accompagnée de toutes pièces justificatives, et notamment, lorsque la société n'est pas constituée, d'une attestation du greffier du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance statuant commercialement du lieu du siège social, constatant le dépôt au greffe de la demande et des pièces nécessaires à l'immatriculation ultérieure de la société au registre du commerce et des sociétés ainsi que, lorsqu'un ou plusieurs des futurs associés doit contracter un emprunt et que la société est candidate à la nomination dans un office existant ou vacant, d'éléments permettant d'apprécier leurs possibilités financières au regard des engagements contractés. On voit que le procureur a également été évincé dans la procédure et que, en cas d'emprunt, le plan de financement prévoyant de manière détaillée les conditions dans lesquelles chacun d'eux entend faire face à ses échéances en fonction de l'ensemble de ses revenus et d'un budget prévisionnel a cédé le pas, dans les pièces justificatives, à des éléments permettant d'apprécier leurs possibilités financières au regard des engagements contractés.
15. La suite de la procédure a été allégée puisque le bureau du Conseil supérieur du notariat, ou celui de la Chambre nationale des huissiers ou celui de la Chambre nationale des commissaire priseurs communique au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, dans les vingt jours suivant sa demande, toute information dont il dispose permettant à celui-ci d'apprécier les capacités professionnelles et l'honorabilité de chacun des associés.
16. Dans cette cohérence, les indemnisations prévues pour les créations d'offices supplémentaires sont supprimées.
17. Les ouvertures de bureau annexe obéissent à la même procédure : la demande est adressée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, par téléprocédure sur le site internet du ministère de la Justice. Le ou les bureaux annexes ainsi ouverts restent attachés à l'office sans qu'il soit besoin, lors de la nomination d'un nouveau titulaire, de renouveler l'autorisation accordée. Uniquement pour les notaires, les sociétés titulaires d'un office dans les ressorts des cours d'appel de Besançon ou de Nancy ne peuvent ouvrir de bureaux annexes à cet office dans le ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz. De même, les sociétés titulaires d'un office dans le ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz ne peuvent ouvrir de bureaux annexes à cet office dans les ressorts des cours d'appel de Besançon et de Nancy.
18. En raison de ces ouvertures, les décrets reconnaissent l'ingénierie des sociétés subséquentes, en particulier pour les SCP existantes. Ainsi, les SCP de ces trois officiers ministériels peuvent constituer par voie de fusion, entre elles ou avec d'autres sociétés titulaires d'un office, une nouvelle SCP qui peut être nommée dans un ou plusieurs offices relevant d'une des catégories suivantes : un office dont l'une d'elle est titulaire, en remplacement de celle-ci, ou un autre office existant, ou un office créé. Les offices dont les sociétés participant à la fusion sont titulaires, autres que celui ou ceux auxquels la société nouvelle est nommée, peuvent être supprimés ou pourvus d'un nouveau titulaire. Les mêmes règles s'appliquent aux fusions par absorption d'une société titulaire d'un office notarial, d'huissier ou de commissaire priseur par une SCP. Dans une telle opération, la société absorbante et la société absorbée suivent respectivement le régime de la nouvelle SCP et celui des sociétés participant à la fusion tels que précédemment prévus. En conséquence de quoi, pour les notaires uniquement, est supprimée la disposition selon laquelle les SCP titulaires d'un office notarial ayant leur siège dans les ressorts des cours d'appel de Besançon et de Nancy ne pouvaient pas fusionner avec des SCP ayant leur siège dans le ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz. Pour les huissiers et commissaires-priseurs, toute référence au ressort ou au département est également supprimée. Il en va de même en matière de scission. Ainsi, une société titulaire d'un office peut par voie de scission constituer deux ou plusieurs SCP. L'une des SCP issues de cette scission peut être nommée dans l'office dont la société scindée était titulaire en remplacement de celle-ci. Si la société scindée était titulaire de plusieurs offices, les sociétés issues de la scission peuvent être nommées chacune dans l'un de ces offices. A défaut, le ou les offices sont déclarés vacants ou supprimés. Les autres SCP issues de cette scission peuvent être nommées dans des offices existants ou créés. Ici aussi, pour les notaires, toute référence au même département, dont les sièges peuvent être immédiatement transférés à l'intérieur de ce département, soit dans des offices existant dans un département différent, mais dans le canton ou la commune où la SCP scindée avait un bureau annexe, est supprimée.
19. Les décrets prévoient encore le cas de la transformation d'une société titulaire d'un office en SCP. Ainsi, une SCP constituée par transformation d'une société constituée sous une autre forme sociale et titulaire d'un office doit être agréée par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. La demande est transmise par téléprocédure sur le site internet du ministère de la Justice.
20. Les décrets mettent ensuite à jour toute une série de points découlant de la réforme "Macron" : suppression de la référence au siège de l'office dont la société est titulaire et qui est en même temps celle du siège social (au profit de l'office ou des offices dont la société est titulaire, étant rappelé que si la société est titulaire de plusieurs offices, les statuts indiquent celui à l'adresse duquel elle a fixé son siège social), rappel de la téléprocédure avec le Garde des Sceaux. A noter deux points supplémentaires, d'inégale importance : le nominal de la part sociale fixé à 152,45 euros contre les 1 000 francs n'existant plus, et surtout, les précisions suivantes en cas de retrait d'associé : "lorsqu'un associé entend demander à la société de satisfaire à l'obligation à laquelle elle est tenue en application de l'article 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 susvisée, il notifie sa demande par lettre recommandée avec de-mande d'avis de réception à ses associés ainsi qu'à la société, qui remplit son obligation dans un délai de douze mois à compter de cette notification, sous condition suspensive de l'acceptation du retrait par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la justice.
L'associé titulaire de parts d'intérêt qui entend demander son retrait au Garde des sceaux, ministre de la Justice, en informe la société et ses associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
En application du dernier alinéa de l'article 14, la société annule les parts d'intérêt de l'associé qui entend demander son retrait dans un délai de six mois à compter de la notification prévue au précédent alinéa, sous condition suspensive de l'acceptation du retrait par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice". Le droit de retrait, d'ordre public dans les SCP, est précisément ce qui pollue le plus cette forme sociétaire et ce, depuis fort longtemps. Ces précisions sont donc anachroniques, d'autant plus que l'on peut penser que les SCP actuelles vont se transformer en SEL ou sociétés commerciales et non l'inverse.
21. Par ailleurs, selon la loi "Macron", les notaires, huissiers et commissaires doivent cesser tout activité à partir d'un certain âge (70 ans)... Si l'on passe sur le caractère quelque peu discriminatoire de la mesure, il en est tenu compte au niveau des SCP. Ainsi, les décrets disposent que : "Afin de se conformer aux exigences légales résultant de l'arrêt de l'exercice de la profession concernée à la date à laquelle il atteint la limite d'âge ou à celle où expire l'autorisation de poursuite d'activité prévue" par la loi, "l'associé organise la cession de ses parts sociales, dans les conditions prévues à l'article 27, afin qu'elle prenne effet au plus tard à cette date.
Six mois avant la date à laquelle il atteint la limite d'âge, l'associé informe la société et ses associés, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de l'état d'avancement de son projet de cession ou, le cas échéant, de l'absence de perspective de cession à cette date. Lorsqu'il bénéficie d'une autorisation de poursuite d'activité, il renouvelle cette information six mois avant son expiration.
Si, à la date à laquelle l'associé atteint la limite d'âge ou à l'expiration de l'autorisation de poursuivre son activité, aucune cession n'est intervenue, la société dispose d'un délai de six mois pour notifier à l'associé un projet de cession ou d'achat de ses parts, dans les conditions prévues à l'article 28. Tant que la cession ou l'achat de ses parts par la société n'est pas intervenu, l'associé conserve la faculté de céder lui-même ses parts dans les conditions prévues à l'article 27".
Toutefois indiquent les décrets, l'associé qui souhaite bénéficier de l'autorisation de prolongation d'activité prévue en cas d'atteinte de la limite d'âge en informe la société et ses autres associés. Il les informe également de la suite réservée à sa demande.
22. Il faut ici préciser que, deux jours avant la publication des décrets du 9 novembre 2016, une réponse ministérielle a été publiée le 8 novembre 2016, dans laquelle le Garde des Sceaux détaille les conséquences, pour les notaires atteint par la limite d'âge de 70 ans, de la cessation d'exercice sur la détention, par le professionnel concerné, de parts ou d'actions sociales dans la société titulaire de l'office. Ainsi, selon le Garde des Sceaux, Il convient de distinguer selon la forme juridique de cette société :
- si la société titulaire de l'office est une SEL, l'associé cessant d'exercer en raison de la limite d'âge peut néanmoins, pendant dix ans, demeurer à son capital, aux termes de l'article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (N° Lexbase : L3046AIN) ;
- si la société titulaire de l'office n'est pas une SEL et notamment, s'il s'agit d'une SCP, les conditions de détention du capital et des droits de vote prévues par les dispositions législatives sont telles que seuls des professionnels en exercice peuvent y être associés. Dès lors, la cession des actions ou des parts sociales de l'associé atteint par la limite d'âge est impérative.
Le Garde des Sceaux précise en ce cas que "les textes réglementaires applicables aux sociétés civiles professionnelles titulaires d'un office notarial seront modifiés prochainement afin de prévoir les modalités d'une éventuelle cession forcée', qui ne trouvera à s'appliquer que si l'associé concerné n'a pas mis en oeuvre une cession volontaire'". Ce dispositif existe déjà pour les associés destitués, empêchés, inaptes, interdits, incapables ou exclus (D. n° 67-868, 2 octobre 1967, art. 31-1, 32 et 33 N° Lexbase : L1983DY4). Un régime proche de celui-ci devrait être mis en place pour régler la situation de l'associé atteint par la limite d'âge.
C'est désormais chose faite avec les présents décrets.
Enfin, en réponse à la question du député Gilbert Le Bris qui lui demandait de confirmer que ces dispositions n'auront pas d'effet rétroactif sur les dossiers en cours relatifs aux cessions de parts sociales déposées auprès de la Chancellerie antérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions par des cédants atteints par la limite légale d'exercer à compter du 1er août 2016, le Garde des Sceaux spécifie que "quelle que soit la date de transmission du dossier de cession, en l'espèce avant ou après le 1er août 2016 [date d'entrée en vigueur de la limite d'âge], il ne saurait être permis au professionnel (cédant ou cessionnaire) un exercice de son activité au-delà de l'âge de 70 ans sans autorisation du Garde des Sceaux".
23. S'agissant des inscriptions sur les listes, lorsque la société est titulaire de plusieurs offices, elle est inscrite sur la liste de chaque département dans lequel est situé au moins un de ses offices. Les notaires associés ou huissiers associés ou commissaires-priseurs associés sont inscrits uniquement sur la liste du département dans lequel se situe l'office dans lequel ils exercent. S'agissant de la tenue des répertoires, conservation des minutes et autres documents professionnels, lorsque la société est titulaire de plusieurs offices, il est tenu un répertoire par office, conformément à la loi, et la conservation des minutes, des répertoires, des autres registres professionnels, des copies exécutoires, des copies authentiques et des dossiers de clients est assurée au sein de chaque office. S'agissant de la comptabilité, lorsque la société est titulaire de plusieurs offices, une comptabilité distincte est tenue pour chaque office et la société doit disposer d'un compte destiné à recevoir les fonds détenus pour le compte de tiers par office.
III - Le maintien de l'unicité d'exercice
24. Malgré ces différentes ouvertures, les décrets maintiennent l'unicité d'exercice. Ainsi, tout associé ne peut être membre que d'une seule SCP de notaires, d'huissier ou de commissaire priseur et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel, ni en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme, ni en qualité de notaire salarié, d'huissier salarié ou de commissaire priseur salariés. Et si la société est titulaire de plusieurs offices, il est nommé et exerce dans un seul de ces offices. A ce jour, mais cela peut changer dans les prochains mois, les avocats sont les seuls à pouvoir opter dans leur société, soit pour le maintien de l'unicité d'exercice, soit au contraire la fin de l'unicité d'exercice. De l'avis de certains, l'unicité d'exercice constitue un obstacle majeur à l'interprofessionnalité d'exercice.
25. Les décrets nous paraissent, néanmoins, contrevenir à une disposition de la loi "Macron" en vertu de laquelle les officiers ministériels peuvent prendre des participations dans autant de sociétés juridiques ou judiciaires qu'ils le souhaitent, même majoritaires, tant en capital qu'en droit de vote, tant en France que dans l'UE, la Suisse ou l'EEE. Il suffit simplement qu'ils n'exercent pas dans ces sociétés. En ce que les décrets interdisent d'être associés de plusieurs SCP, ils semblent contra legem. Les décrets, qui confondent donc prises de participations et unicité d'exercice, n'interdisent cependant pas des prises de participations dans des sociétés d'une autre forme (SEL ou sociétés commerciales ou holdings)... Au surplus, l'expression "membre" doit-elle être entendue comme synonyme d'associé ? Le doute est permis... Au-delà, cette incohérence contrarie également l'interprofessionnalité d'exercice. Elle sera certainement donc prochainement retouchée...
26. A titre de comparaison, le décret du 29 juin 2016 (n° 2016-883), relatif aux sociétés commerciales de droit commun, dispose en son article 24 que : "un associé exerçant sa profession d'officier public et ministériel au sein d'une société régie par le présent décret ne peut exercer cette profession à titre individuel, en qualité de membre d'une autre entité dotée de la personnalité morale ou en qualité d'officier public et ministériel salarié. Si la société est titulaire de plusieurs offices, il est nommé et exerce dans un seul de ces offices. Chaque officier public et ministériel associé, qui exerce au sein d'une société, accomplit les actes de sa profession au nom de la société. Il consacre son activité professionnelle à l'accomplissement du service public dont il a la charge, au titre de l'office dans lequel il est nommé en qualité d'associé. Les associés exerçant au sein de la société l'informent et s'informent mutuellement de leur activité. Le troisième alinéa ne fait pas obstacle à l'exercice par l'officier public et ministériel associé d'une autre activité professionnelle, au sein de la société ou en dehors de celle-ci dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire et aucune stipulation des statuts de la société ne l'interdit, que cette activité est exercée à titre accessoire et qu'elle est compatible avec l'accomplissement du service public dont il a la charge ainsi qu'avec les règles de déontologie de sa profession.
L'officier public et ministériel associé, qui fait usage de la dérogation prévue au précédent alinéa, en informe par écrit la chambre départementale ou interdépartementale dont il relève dans un délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée. La chambre départementale ou interdépartementale peut lui demander tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d'apprécier si les exigences de compatibilité prévues à l'alinéa précédent sont satisfaites".
Les sociétés de droit commun sont, par conséquent, plus permissives que les SCP du point de vue de l'exercice en société.
27. Quant aux SEL, elles sont également plus permissives. Ainsi, le décret du 29 juin 2016, relatif aux SEL et SPFPL des officiers ministériels (n° 2016-880) dispose, en son article 38, que (on prendra pour exemple les notaires mais il en va de même des huissiers et commissaires-priseurs) : "Un notaire associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne peut exercer la profession de notaire à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société, quelle qu'en soit la forme, ou en qualité de notaire salarié. Si la société est titulaire de plusieurs offices, il est nommé et exerce dans un seul de ces offices", étant rappelé que conformément à l'article 10 dudit décret n° 2016-880 du 29 juin 2016, l'article 38 dans sa rédaction en vigueur à la date de publication du présent décret, demeure applicables aux sociétés d'exercice libéral constituées respectivement pour l'exercice des professions d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de notaire avant cette date et cela jusqu'au 31 décembre 2016. Les associés peuvent néanmoins convenir, à la majorité prévue pour la modification des statuts de la société, que les dispositions nouvelles de cet article 38 leur sont applicables.
De plus, l'article 39 dudit décret indique que : "chaque notaire associé, exerçant au sein d'une société d'exercice libéral, exerce les fonctions de notaire au nom de cette société. Notamment, il dresse et reçoit au nom de celle-ci tous actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire conférer l'authenticité ; il scelle et délivre toutes copies exécutoires, toutes copies authentiques et tous extraits d'actes, même des actes reçus par un autre notaire associé en exercice ou par un notaire salarié de la société, ou encore des actes reçus par des notaires n'exerçant plus dans l'office et dont les minutes sont détenues par la société. Il consacre son activité professionnelle à l'accomplissement du service public dont il a la charge, au titre de l'office dans lequel il est nommé en qualité d'associé. Les associés exerçant au sein de la société l'informent et s'informent mutuellement de leur activité. Le deuxième alinéa ne fait pas obstacle à l'exercice par un notaire associé d'une autre activité professionnelle, au sein de la société ou en dehors de celle-ci dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire et aucune stipulation des statuts de la société ne l'interdit, que cette activité est exercée à titre accessoire et qu'elle est compatible avec l'accomplissement du service public dont il a la charge ainsi qu'avec les règles de déontologie de la profession. Le notaire associé qui fait usage de la dérogation prévue au précédent alinéa en informe la chambre départementale ou interdépartementale des notaires dont il relève dans un délai de trente jours suivant le début de l'activité concernée. La chambre départementale ou interdépartementale peut lui demander tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d'apprécier si les exigences de compatibilité prévues à l'alinéa précédent sont satisfaites", étant rappelé que conformément à l'article 10 dudit décret n° 2016-880 du 29 juin 2016, l'article 39 dans sa rédaction en vigueur à la date de publication du présent décret, demeure applicable aux sociétés d'exercice libéral constituées respectivement pour l'exercice des professions d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire et de notaire avant cette date et cela jusqu'au 31 décembre 2016. Les associés peuvent néanmoins convenir, à la majorité prévue pour la modification des statuts de la société, que les dispositions nouvelles de cet article 39 leur sont applicables.
28. Enfin, pour les notaires et huissiers, toutes les demandes, déclarations et transmissions prévues par le présent décret et pour lesquelles la téléprocédure est applicable sont adressées, lorsqu'elles sont relatives à des offices de notaire dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, par lettre recommandée avec accusé de réception.
IV - Les modifications relatives aux SEL et sociétés commerciales des officiers ministériels
29. Outre les SCP des officiers ministériels, les décrets du 9 novembre 2016 apportent quelques précisions concernant les SEL des mêmes officiers. Ainsi, les références dans les décrets respectifs aux articles 45 et 275 de la loi du 24 juillet 1966 (loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, sur les sociétés commerciales N° Lexbase : L6202AGS) sont remplacées par celles, plus actuelles, des articles L. 223-14 (N° Lexbase : L3178DYD) et L. 228-24 (N° Lexbase : L8379GQE) du Code de commerce. Il s'agit simplement d'une mise à jour. De plus, comme pour les SCP version "Macron", les décrets posent que, lorsque la SEL est titulaire de plusieurs offices, il est tenu un répertoire par office, et la conservation des minutes, des répertoires, des autres registres professionnels, des copies exécutoires, des copies authentiques et des dossiers de clients est assurée au sein de chaque office. Idem pour la comptabilité : lorsque la SEL est titulaire de plusieurs offices, une comptabilité distincte est tenue pour chaque office et la société doit disposer d'un compte destiné à recevoir les fonds détenus pour le compte de tiers par office.
30. Il en va de même pour les sociétés commerciales de droit commun : lorsque la SARL, SAS ou SA est titulaire de plusieurs offices, il est tenu un répertoire par office, et la conservation des minutes, des répertoires, des autres registres professionnels, des copies exécutoires, des copies authentiques et des dossiers de clients est assurée au sein de chaque office. Autrement dit, lorsqu'une telle société est titulaire de plusieurs offices, la tenue et la conservation des minutes, des répertoires, des autres registres et documents professionnels et des dossiers de clients sont assurées au sein de chaque office.
V - La date d'entrée en vigueur des décrets du 9 novembre 2016
31. Les décrets du 9 novembre 2016 modifient les décrets applicables à chacune des professions concernées -huissier, notaire et commissaire priseur- dont les nouvelles dispositions entrent en vigueur, en ce qu'elles prévoient la présentation des demandes et la remise des déclarations par voie de téléprocédure sur le site internet du ministère de la Justice, à une date fixée par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et au plus tard le 31 décembre 2016. Avant cette date, les demandes et déclarations sont transmises au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
32. Pour ce qui est des procédures engagées avant la date d'entrée en vigueur desdits décrets et relatives aux conditions d'accès aux professions, aux nominations d'officiers publics et ministériels, aux créations, transferts et suppressions d'office, aux cessions d'actions ou de parts sociales, aux augmentations de capital et aux ouvertures et fermetures de bureaux annexes, elles restent régies par les dispositions antérieurement applicables. Cependant, il est fait exception à cela pour les dispositions prévoyant la saisine obligatoire pour avis des instances représentatives des professions, celles prévoyant l'avis des commissions et celles relatives à l'indemnisation des professionnels installés subissant un préjudice du fait de la création ou du transfert d'un office et des anciens titulaires d'un office supprimé, donc soumises aux nouveaux textes.
33. Les officiers ministériels atteignant la limite d'âge ou dont l'autorisation temporaire d'exercer expire pendant les six mois suivant la publication des décrets du 9 novembre 2016 se conforment à l'obligation d'information par leur législation respective dans les plus brefs délais et au plus tard à la date à laquelle ils atteignent la limite d'âge ou à celle où expire l'autorisation temporaire d'exercer. Lorsque l'officier ministériel associé a atteint la limite d'âge ou a bénéficié d'une autorisation temporaire d'exercer ayant expiré avant l'entrée en vigueur des décrets du 9 novembre 2016, le délai de six mois précité court à compter de la publication desdits décrets, c'est-à-dire dès le 10 novembre 2016.
34. Pour les huissiers et commissaires-priseurs, dont on rappellera qui sont appelés à fusionner au sein d'une seule et même profession dite de commissaire de justice, les décrets du 9 novembre 2016 ajoutent que, par dérogation à leur réglementation respective, les demandes prévues faisant suite à la première publication de la carte peuvent être déposées à compter d'une date fixée, par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, au plus tard au 31 mars 2017 et jusqu'au premier jour du dix-neuvième mois suivant la publication de cette carte. Uniquement pour les commissaires-priseurs judiciaires, les dispositions de la deuxième phrase du dernier alinéa des articles 53 du décret du 24 juillet 1969 (N° Lexbase : L5215G7B) et 42 du décret du 30 décembre 1992, dans leur rédaction résultant respectivement du 34° de l'article 1er et du 5° de l'article 2 du décret du 9 novembre 2016, entrent en vigueur le 1er janvier 2017.
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