La lettre juridique n°382 du 11 février 2010 : Urbanisme

[Jurisprudence] Chronique de droit de l'urbanisme - Février 2010

Lecture: 15 min

N1647BNC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Chronique de droit de l'urbanisme - Février 2010. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212434-jurisprudence-chronique-de-droit-de-lurbanisme-fevrier-2010
Copier

par Frédéric Dieu, Rapporteur public près la cour administrative d'appel de Marseille

le 21 Octobre 2011

La fin de l'année 2009 a été marquée par le prononcé de deux décisions importantes du Conseil d'Etat en matière d'application de la loi "littoral" du 3 janvier 1986 (loi n° 86-2 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9), dont les dispositions ont été reprises dans le Code de l'urbanisme. La décision du 30 décembre 2009 "Association pour la protection du patrimoine rochelais" a, ainsi, imposé une appréciation globale, dans le temps et dans l'espace, des opérations immobilières, avant d'examiner le respect, par ces opérations, de la condition d'extension limitée de l'urbanisation fixée à l'article L. 146-4 II du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5817HDS). La décision du 30 décembre 2009 "Commune du Lavandou" a, quant à elle, introduit une exception à l'interprétation extensive du champ d'application territorial des dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5818HDT) relatives aux espaces naturels des communes littorales en imposant, pour les forêts littorales, une condition de proximité par rapport au rivage. Par ailleurs, par un arrêt du 16 décembre 2009, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser et préserver les compétences du conseil municipal en matière de décision de rétrocession d'un bien initialement préempté, empêchant, ainsi, le maire de décider seul d'une telle rétrocession.
  • L'extension limitée de l'urbanisation s'apprécie au regard de l'ensemble de l'opération (CE 1° et 6° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 315966, Association pour la protection du littoral rochelais N° Lexbase : A0402EQX)

Les dispositions de l'article L. 146-4 II du Code de l'urbanisme régissent la constructibilité aux abords du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés par loi "littoral" du 3 janvier 1986. En vertu de ces dispositions, "l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage" ne peut intervenir, dans les communes littorales, que si elle est "justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau". La question de savoir ce qu'est une "extension limitée" a donné lieu à une abondante jurisprudence qui a permis de resserrer la fourchette dans laquelle peut se situer une urbanisation nouvelle.

Pour l'application de ces dispositions, il appartient, ainsi, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner si le projet qui lui est soumis élargit le périmètre urbanisé ou conduit à une densification sensible des constructions (1). L'on voit donc qu'une approche globale, nécessitant de tenir compte de l'ensemble de l'opération projetée et de l'ensemble des constructions existantes, prévaut en la matière

Une difficulté classique se pose, à cet égard, lorsqu'il convient d'apprécier différentes opérations de construction dont aucune n'excède, en elle-même, le seuil de l'urbanisation limitée, mais qui, cumulées, le franchissent. C'est sur ce point que le Conseil d'Etat s'est prononcé dans deux affaires relatives à la réalisation d'un lotissement sur le territoire de la commune de La Rochelle. Le maire de la commune avait, en effet, autorisé la réalisation d'un lotissement constitué de deux îlots. Sur ce fondement, deux permis de construire avaient été délivrés en vue de la construction de bâtiments à usage d'habitation. Ce sont ces deux permis de construire que les requérants entendaient faire annuler. Ils entendaient démontrer que l'extension de l'urbanisation ainsi réalisée par les deux permis ne présentait pas un caractère limité.

Concernant le premier permis de construire, le Conseil d'Etat a exercé un contrôle classique de cassation, confirmant, en cela, la cour administrative d'appel de Bordeaux en exerçant (2). Il a donc estimé qu'au regard de la situation du terrain d'assiette de ce projet, de la destination des constructions envisagées et, enfin, de la densité du projet, l'extension de l'urbanisation autorisée par ce permis de construire pris individuellement présentait un caractère limité (3). En outre, le Conseil a considéré que la cour n'avait pas à prendre en compte, pour établir le caractère limité de l'extension de l'urbanisation réalisée par ce premier permis, les effets produits conjointement par les deux permis de construire.

Au contraire, concernant le second permis de construire portant sur un groupe d'habitations dans l'îlot n° 2 du lotissement, permis intervenu postérieurement, le Conseil d'Etat a considéré qu'"il appartenait à la cour administrative d'appel de Bordeaux de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce à la date d'édiction de cet arrêté", c'est-à-dire les effets produits globalement par l'ensemble de l'opération immobilière constituée des deux permis de construire. C'est pourquoi, selon le Conseil, "en jugeant que l'extension de l'urbanisation autorisée par ce second projet présentait un caractère limité, sans porter d'appréciation globale sur la conformité aux dispositions du II de l'article L. 146-4 de l'ensemble de l'opération immobilière autorisée par le permis de construire délivré le 28 mai 2004 au titre de l'îlot n° 1 du lotissement, et par ce second permis, relatif à l'îlot n° 2 du même lotissement, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de droit".

L'on voit donc que, lorsque plusieurs permis de construire sont délivrés au titre d'une même opération immobilière, la prise en compte de l'ensemble de l'opération n'intervient qu'à l'occasion de l'examen du deuxième permis de construire. L'on peut ajouter que, lorsque ces différents permis sont délivrés sur le fondement d'une autorisation de lotir intervenue antérieurement, l'appréciation de l'extension de l'urbanisation n'a pas à tenir compte, lors de l'examen du premier permis de construire, de l'ampleur et de l'objet de l'autorisation de lotir.

Enfin, il nous semble que l'obligation, pour le juge administratif, de tenir compte de l'ensemble de l'opération immobilière en cause pour examiner le caractère limité ou non de l'extension d'urbanisation ne vaudra que lorsqu'un double critère géographique et temporel sera rempli. Pour que l'on puisse, en effet, considérer que l'on est en présence d'une seule opération immobilière, il faut que les différentes constructions de cette opération ayant donné lieu à la délivrance de différents permis de construire soient proches géographiquement et temporellement. Dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat, ce double critère était rempli puisque les deux permis de construire portaient sur un même lotissement et avaient été délivrés à moins de six mois d'intervalle. L'on peut, en revanche, penser que, dans le cas de constructions se succédant dans le temps dans des délais assez longs, il n'y aura pas lieu pour le juge administratif, lors de l'examen du respect par l'autorisation de construire délivrée de la condition d'extension limitée de l'urbanisation, de tenir compte du (ou des) permis de construire antérieurement délivré(s) dans la même zone.

  • La protection spécifique des forêts littorales est subordonnée à leur proximité par rapport au rivage (CE 1° et 6° s-s-r., 30 décembre 2009, n° 307893, Commune du Lavandou N° Lexbase : A0328EQ9)

Les dispositions de l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme applicables aux communes littorales prévoient la protection des "espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral", et des "milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques". Jusqu'à présent, la jurisprudence subordonnait l'application de cette protection à la seule condition que les espaces naturels concernés soit présentent un intérêt paysager, soit participent au maintien des équilibres biologiques.

Par ailleurs, en ce qui concerne le champ d'application territorial de ces dispositions, deux interprétations étaient envisageables. Une première interprétation restrictive consistait à considérer que seuls les espaces proches du rivage pouvaient bénéficier de cette protection. Une seconde interprétation extensive consistait à appliquer cette protection à tout espace du territoire d'une commune littorale, dès lors qu'il présentait les caractéristiques requises par l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme, et ce, indépendamment de toute considération liée à son éventuel éloignement du rivage. C'est cette seconde interprétation qu'a retenu le Conseil d'Etat dans une première décision rendue en 2006 (4), considérant que la protection prévue par les dispositions de l'article L. 146-6 était applicable à tout terrain répondant à ces caractéristiques, dès lors que ce terrain était situé sur le territoire des communes littorales, sans qu'il fût besoin que ce même terrain fût situé à proximité du rivage. Cette solution est logique, dès lors que l'article L. 146-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7341ACU) précise que "les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres [...] dans les communes littorales définies à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral". Ce dont il résulte que, dès lors qu'une partie du territoire communal est sur le littoral, l'ensemble de ce territoire est, par principe, assujetti aux prescriptions des articles L. 146-2 (N° Lexbase : L7342ACW) et suivants du Code de l'urbanisme, sauf à celle ayant un champ d'application territorial limité, telle la bande des 100 mètres instituée par l'article L. 146-4-III du Code de l'urbanisme.

Statuant sur une requête de la même commune, le Conseil d'Etat, par la décision du 30 décembre 2009, a censuré, cette fois, pour erreur de droit, un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille (5) qui, après avoir estimé que certains secteurs classés par le plan d'occupation des sols constituaient des espaces remarquables, en avait déduit que "ces terrains étaient soumis à la protection définie à l'article L. 146-6 du Code de l'urbanisme, dont les dispositions sont applicables sur l'ensemble de cette commune littorale, en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce qu'ils ne sont pas situés à proximité du rivage". En effet, quand un texte réglementaire (C. urb., art. R. 146-1 N° Lexbase : L3674DYQ), pris pour l'application d'un texte législatif (C. urb., art. L. 146-6), précise que les "forêts et zones boisées proches du rivage de la mer" doivent être préservées, l'éloignement d'un secteur du rivage n'est indifférent à l'obligation de protection que si la proximité exigée par le règlement ajoute illégalement à la loi.

Par la décision "Commune du Lavandou" du 30 décembre 2009, le Conseil d'Etat considère, ainsi, implicitement que la précision apportée par les dispositions de l'article R. 146-1 du Code de l'urbanisme ne sont pas illégales. Il en déduit que les espaces boisés remarquables au sens de l'article L. 146-6 de ce code, qui sont situés sur le territoire d'une commune littorale, ne doivent être protégés que s'ils remplissent la condition de proximité du rivage exigée par l'article R. 146-1. Cette interprétation est conforme à la lettre des dispositions de l'article R. 146-6 du Code de l'urbanisme, qui, au sujet des espaces naturels à protéger au titre de l'article L. 146-6, mentionnent dans leur alinéa b) les forêts et zones boisées "proches du rivage de la mer et des plans d'eau". La solution retenue par le Conseil d'Etat dans la décision "Commune du Lavandou" du 30 décembre 2009 affirme explicitement ce qu'une décision "Commune de Grimaud" du 25 novembre 1998 (6) n'avait fait qu'indiquer implicitement en considérant, à propos de zones boisées dominant le rivage de la mer, que la protection de l'article L. 146-6 devait être réservée aux "espaces boisés proches du rivage".

La décision "Commune du Lavandou" du 30 décembre 2009 nuance, ainsi, la précédente décision du 27 septembre 2006 qui étendait la protection de l'article L. 146-6 à l'ensemble d'un terrain, assimilé à un espace remarquable, situé sur le territoire d'une commune littorale, qu'il soit situé, ou non, à proximité du rivage. Le caractère indifférent de la proximité ne se justifie, en effet, que s'il ne s'agit pas d'une zone boisée ou d'un autre espace pour lequel le voisinage du rivage est exigé par les textes. La solution retenue par le Conseil d'Etat dans la décision du 30 décembre 2009 ne vaut, ainsi, que pour les seules zones boisées, et non pour les autres espaces naturels, landes, marais...

Enfin, relevons qu'en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article R. 146-1 du Code de l'urbanisme, la jurisprudence sur la proximité du rivage de la mer n'est pas encore établie. Il est fort probable, cependant, que l'appréciation des juges s'inspirera des solutions déjà intervenues en matière d'urbanisation limitée des "espaces proches du rivage", admise par les dispositions de l'article L. 146-4. La jurisprudence actuelle relative à ces dispositions retient trois critères : la distance séparant le terrain du rivage de la mer, les caractéristiques des espaces l'en séparant, et les conséquences à tirer de l'existence, ou de l'absence, d'une "covisibilité" entre le terrain et la mer. Le critère principal est la visibilité mais il convient de tenir compte, également, de l'existence ou de l'absence d'une "covisibilité" entre le terrain et la mer, ainsi que des caractéristiques des espaces l'en séparant. Si la zone n'est pas visible du rivage, dont elle est séparée par un espace urbanisé, elle n'est pas considérée comme en étant proche pour l'application des règles d'inconstructibilité (7).

  • Rétrocession d'un bien préempté et compétence du conseil municipal (Cass. civ. 3, 16 décembre 2009, n° 08-19.023, FS-P+B N° Lexbase : A7125EPL)

Rappelons, tout d'abord, qu'en principe, dès lors que la commune est la titulaire du droit de préemption, celui-ci doit être exercé par le conseil municipal, lequel se réunit pour décider de la suite à donner à chacune des déclarations d'intention d'aliéner souscrites par les propriétaires désirant procéder à l'aliénation de leur bien. Le Code de l'urbanisme fixant des délais impératifs pour exercer le droit de préemption, l'examen des déclarations d'intention d'aliéner par le conseil municipal se trouve enfermé dans un laps de temps très restreint. En outre, si le maire peut réunir le conseil municipal autant de fois qu'il le juge utile, il lui est, néanmoins, difficile de le faire pour chacune des déclarations d'intention d'aliéner, sauf à faire siéger le conseil municipal de façon quasi permanente.

Aussi a-t-il paru nécessaire, pour faciliter le recours à la procédure de préemption, de permettre au conseil municipal de déléguer au maire l'exercice du droit de préemption. Dans ce but, le quinzième alinéa de l'article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L0562IGW), qui énumère les cas de délégation de pouvoirs du conseil municipal au maire, permet à ce dernier "d'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le Code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code (N° Lexbase : L1023HBI) dans les conditions que fixe le conseil municipal".

La possibilité de délégation au maire de l'exercice au nom de la commune des droits de préemption définis par le Code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, permet d'abord à celui-ci de préempter ou non, dès réception, le cas échéant, de l'avis du service des domaines, sans avoir à convoquer le conseil municipal pour délibérer et décider de la suite à donner à chaque déclaration d'intention d'aliéner. Le maire peut, ensuite, être chargé par délégation du conseil municipal de déléguer l'exercice de ces droits de préemption à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 du Code de l'urbanisme, dans les conditions que fixe le conseil municipal. Toutefois, si ces dispositions assouplissent et activent les procédures de préemption en conférant effectivement au maire le pouvoir de déléguer son exercice, une telle délégation ne pourra, aux termes mêmes du texte, être accordée dans les conditions qui seront fixées par le conseil municipal qu'au coup par coup, soit "à l'occasion de l'aliénation d'un bien". Les conditions dans lesquelles une telle délégation par le maire peut intervenir ne peuvent donc pas être librement organisées : en particulier, toute délégation à caractère permanent au profit d'un délégataire déterminé ou à caractère général (sur l'ensemble des zones concernées ou, encore, pour toute une catégorie de biens, par exemple) se trouve formellement proscrite.

Au total, l'on voit donc qu'en matière de préemption, le maire ne peut intervenir qu'en vertu d'une habilitation expresse et ponctuelle du conseil municipal. Ajoutons que la délégation qui lui est accordée est toujours limitée à la durée de son mandat et qu'elle lui fait obligation, en vertu des dispositions de l'article L. 2122-23 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1842GUR), de signer personnellement les décisions de préemption sans pouvoir reporter les effets de la délégation sur un adjoint ou un autre membre du conseil et de rendre compte, à chaque réunion obligatoire du conseil municipal, une fois par trimestre, des opérations qu'il a conclues ou refusées de conclure, en exécution de la délégation. Ce principe de compétence résiduelle et ponctuelle du maire en matière de préemption a été étendu par la Cour de cassation en matière de rétrocession d'un bien préempté.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 décembre 2009, est, en effet, venue préciser les compétences du conseil municipal en matière de décision de rétrocession d'un bien initialement préempté, rétrocession prévue et organisée par les dispositions de l'article L. 213-11 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1024HBK), selon lesquelles "si le titulaire du droit de préemption décide d'utiliser ou d'aliéner à d'autres fins un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel et leur proposer l'acquisition de ce bien en priorité [...]". Est, ainsi, prévu par ces dispositions un droit de rétrocession au bénéfice de l'ancien propriétaire lorsque le bien préempté n'a pas fait l'objet, au bout de cinq ans, de l'utilisation prévue dans l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme (8). En outre, si l'ancien propriétaire renonce à son droit de priorité, le bien doit être proposé à l'acquéreur évincé par la décision initiale de préemption. Relevons, cependant, que l'efficacité de cette mesure est amoindrie par la brièveté du délai durant lequel prévaut ce droit de rétrocession (9).

Dans l'espèce jugée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 16 décembre 2009, était en cause la répartition des compétences entre le maire d'une commune ayant préempté un bien et son conseil municipal dans le cadre d'une procédure de rétrocession. La cour d'appel avait en particulier écarté toute compétence du conseil municipal en la matière. La Cour de cassation a jugé, pour sa part, que, si le conseil municipal ne pouvait s'opposer au principe de la rétrocession lorsque les conditions de l'article L. 213-11 du Code de l'urbanisme sont remplies, il était, cependant, "seul habilité à décider du prix et des caractéristiques essentielles de celle-ci". La Cour suprême s'est, en effet, fondée sur les dispositions de l'article L. 2241-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2287IEG), selon lesquelles "toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de deux mille habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles". Ces dispositions donnent, ainsi, compétence au seul conseil municipal, à l'exclusion du maire donc, pour décider des conditions d'aliénation d'un bien appartenant au domaine privé de la commune. Au total, selon la Cour de cassation, en matière de rétrocession d'un bien préempté, l'intervention du conseil municipal est donc toujours nécessaire, ce qui signifie que le conseil municipal ne peut, en aucun cas, déléguer au maire la détermination des conditions de rétrocession.

Frédéric DIeu, Rapporteur public près la cour administrative d'appel de Marseille


(1) CE 9° et 10° s-s-r., 12 mars 2007, n° 280326, Commune de Lancieux (N° Lexbase : A6794DU8), BJDU, 2007, p. 50, conclusions C. Landais. Dans cette espèce, le Conseil a considéré qu'en jugeant que le périmètre à prendre en considération pour l'application des dispositions du II de l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme était constitué par un petit compartiment de terrain correspondant au seul terrain d'assiette du lotissement de cinq lots sur lequel était implantée la maison d'habitation, la cour administrative d'appel n'avait pas tenu compte de l'ensemble des caractéristiques du quartier, et n'avait pas recherché si le projet contribuait à densifier les constructions, et qu'elle avait, ainsi, commis une erreur de droit.
(2) Le caractère limité ou non d'une extension relève de l'appréciation souveraine des juges du fond sauf dénaturation (cf. CE 4° et 5° s-s.r., 5 avril 2006, n° 272004, Société Les Hauts de Saint Antoine N° Lexbase : A9475DNA).
(3) Une telle approche "multicritère" est classiquement utilisée par le juge administratif : cf. CE Contentieux, 28 juillet 2000, n° 173229, Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan (N° Lexbase : A7163AHR) ; CE 9° et 10° s-s-r., 14 novembre 2003, n° 228098, n° 228232 et n° 228371, Commune de Bonifacio (N° Lexbase : A1108DAB) ; CE 4° et 5° s-s.r., 5 avril 2006, n° 272004, Société Les Hauts de Saint Antoine, préc..
(4) CE 1° et 6° s-s-r., 27 septembre 2006, n° 275922, Commune du Lavandou (N° Lexbase : A3345DRC), BJDU, 2007, p. 40, conclusions Devys, AJDA, 2006, p. 2193, note Durand.
(5) CAA Marseille, 1ère ch., 16 mai 2007, n° 03MA01869 (N° Lexbase : A4953DXQ).
(6) CE Contentieux, 25 novembre 1998, n° 168029, Commune de Grimaud (N° Lexbase : A9045ASS), aux Tables, p. 1213.
(7) CE 9° et 10° s-s., 3 mai 2004, n° 251534, Mme Barrière (N° Lexbase : A0666DCN), aux Tables, p. 904 ; CE 4° s-s., 9 juin 2008, n° 291374, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire c/ Syndicat intercommunal pour le développement économique de la Côte d'Amour (N° Lexbase : A0459D9U).
(8) CE Contentieux, 14 janvier 1998, n° 160378, M. et Mme Vaniscotte (N° Lexbase : A6042ASL), aux Tables, p. 1222 ; Cass. civ. 3, 1er décembre 2004, n° 03-14.676, M. Michel Huido c/ Commune de Jouars-Ponchartrain, F-P+B (N° Lexbase : A1319DEL), Bull. civ. III, n° 223, BJDU, 2005, p. 293, observations Nesi, Constr.-Urb., 2005, n° 166, note Benoit-Cattin.
(9) Délai ramené de 10 à 5 ans par la loi "solidarité et renouvellement urbain" du 13 décembre 2000 (loi n° 2000-1208 N° Lexbase : L9087ARY).

newsid:381647

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.