La lettre juridique n°370 du 5 novembre 2009 : Licenciement

[Questions à...] PSE : vilain petit canard ou cygne d'Ionie du licenciement économique ?... Questions à Maître Catherine Davico-Hoarau, Avocate à la Cour, Coblence & Associés

Lecture: 7 min

N3602BMD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Questions à...] PSE : vilain petit canard ou cygne d'Ionie du licenciement économique ?... Questions à Maître Catherine Davico-Hoarau, Avocate à la Cour, Coblence & Associés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212105-questions-a-pse-vilain-petit-canard-ou-cygne-dionie-du-licenciement-economique-b-questions-a-maitre-
Copier

par Fany Lalanne, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010

Heureux qui, comme l'employeur, a fait un beau PSE,
Ou comme cestuy-là qui conquit les tribunaux,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Diriger sa société le reste de son âge !


Le premier vers des Regrets de Joachim du Bellay, voire le premier quatrain, pourrait sans nul doute être aisément détourné, quoique la magie de la poésie initiale ici quelque peu envolée... et de faire de l'employeur un Ulysse des temps modernes ! Point de sirènes, cyclope, nymphe ou autres Lotophages, mais des organisations syndicales, un CHSCT, un expert-comptable et des juges jalonneraient son Odyssée. Et l'errance pourrait être longue... Obligatoire dans les établissements d'au moins cinquante salariés dès lors que le nombre de licenciements est au moins égal à 10 sur 30 jours, le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) n'est pas qu'affaire de chiffre (1). Il poursuit un double objectif. Le premier a un rôle préventif, il s'agit de limiter le nombre de licenciements pour motif économique. Le second est curatif, dans la mesure où il entre en oeuvre avec le reclassement des personnes licenciées. Pour autant, le PSE peut vite devenir la bête noire de tout employeur rencontrant des difficultés économiques tant son formalisme n'est que rigueur et les moyens de suspendre la procédure nombreux. Pour faire le point sur la question, Lexbase Hebdo - édition sociale a rencontré Maître Catherine Davico-Hoarau, Avocate à la Cour, Coblence & Associés. Lexbase : Pourquoi le PSE a-t-il aujourd'hui si mauvaise presse ? Les employeurs semblent rechigner à le mettre en place et les salariés le redouter !

Catherine Davico-Hoarau : Je ne suis pas tout à fait d'accord. Dans certains cas, les organisations syndicales, voire même les salariés, le demandent, surtout lorsque les procédures de licenciement collectif pour motif économique font appel au volontariat.

Dans le langage actuel, on appelle, à tort, PSE, toute procédure de licenciement collectif pour motif économique, alors que le plan de sauvegarde de l'emploi, qui s'intègre dans la procédure de licenciement économique portant sur dix salariés et plus dans une même période de 30 jours, est un acte unilatéral de l'employeur matérialisé sous la forme d'un document contenant des mesures visant à éviter les licenciements ou en limiter le nombre, telles que des actions en vue du reclassement interne ou externe, des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activité existante par les salariés, des actions de formation de validation des acquis de l'expérience....

Le PSE fait partie de la procédure de licenciement économique de plus de dix salariés et plus sur une même période de 30 jours, mais n'est pas la procédure de licenciement économique.

Pour en revenir à la question, pendant un certain temps, les organisations syndicales préféraient que les entreprises privilégient les cessions d'activité plutôt que des licenciements collectifs économiques. Au lieu d'être licenciés par leur entreprise, les salariés étaient transférés de plein droit au repreneur en application de l'article L. 122-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5562ACY), devenu L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y).

Mais ce choix de gestion n'a plus le vent en poupe depuis qu'à la suite de certaines cessions, les repreneurs ont eux-mêmes rencontré de graves difficultés économiques et ont été contraints soit de se déclarer en cessation de paiement, soit de mettre en oeuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique, dont les mesures du PSE étaient beaucoup moins intéressantes que celles qui auraient été mises en oeuvre dans l'entreprise cédante. De ce fait, aujourd'hui, les organisations syndicales exigent parfois, à l'annonce d'une cession partielle, la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour motif économique intégrant une application volontaire de l'article L. 1224-1 du Code du travail.

En revanche, les entreprises, quant à elles, rechignent effectivement à mettre en oeuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique compte tenu de la longueur de ces procédures émaillées de contentieux dont les salariés sont malheureusement les otages. En effet, entre l'annonce d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique et la notification des licenciements, les salariés se retrouvent parfois plusieurs mois dans l'incertitude quant à leur avenir professionnel, ignorant s'ils seront, ou non, inclus dans le PSE.

Lexbase : Qu'est-ce qui explique une telle lenteur de la procédure ?

Catherine Davico-Hoarau : Si le législateur a prévu un calendrier légal qui est fonction et de la désignation, ou non, d'un expert-comptable et du nombre de licenciements envisagés, les risques de contentieux sont multiples : demande de suspension de la procédure par les organisations syndicales ou les instances représentatives du personnel pour défaut d'informations, pour irrégularité dans la tenue des réunions, demande de nullité pour insuffisance du PSE, difficulté sur l'établissement de l'ordre du jour...

Il y a également de plus en plus de contentieux sur l'appréciation des catégories professionnelles, que la Cour de cassation définit comme "l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation commune" (2), et sur les critères dans l'ordre des licenciements (3).

Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, doivent émettre un avis sur les critères dans l'ordre des licenciements (C. trav., art. L. 1233-5 et s. N° Lexbase : L1106H9T), or ceux-ci doivent s'appliquer, à défaut d'accord d'entreprise, au niveau de l'entreprise et non au niveau des établissements, même si les licenciements ne concernent pas tous les établissements d'une même entreprise : comment expliquer à un salarié qu'il doit être licencié alors qu'il travaille dans une usine qui ne connait pas de réduction d'emplois, alors qu'un autre salarié, qui travaille dans un établissement dont la fermeture est envisagée ne va pas être concerné au regard de la mise en oeuvre des critères ? Et comment l'entreprise peut-elle gérer de telles situations ?

En outre, une nouvelle instance représentative du personnel fait son entrée en force dans les contentieux : il s'agit du CHSCT, qui, lui aussi, peut désigner un expert. En effet, la procédure de licenciement collectif pour motif économique peut résulter d'une réorganisation et qui dit réorganisation dit modification des conditions de travail et possibilité, dès lors, pour le CHSCT, de désigner un expert (4).

Le comité d'entreprise ne voudra rendre son avis sur la procédure de licenciement collectif pour motif économique qu'une fois que le CHSCT aura émis son avis sur les projets de réorganisation, ce qui suppose que l'expert désigné par le CHSCT ait déposé son rapport. Dans cette hypothèse les délais s'allongent, sans parler du coût pour l'entreprise, car les frais des expertises sont à sa charge.

Lexbase : Pour autant, il a ses avantages, notamment une certaine souplesse concernant les voies de recours possibles. Ne facilite-t-il pas la contestation par le CE, les organisations syndicales, voire les salariés eux-mêmes ?

Catherine Davico-Hoarau : Effectivement, les procédures de licenciement collectif sont source de contentieux tant d'un point de vue collectif que d'un point de vue individuel, puisque le salarié dispose d'un droit propre à contester tant le motif de son licenciement, l'absence de reclassement que le PSE dont il peut demander la nullité. Il peut également contester le fait qu'il ait été choisi au regard des critères dans l'ordre des licenciements. Mais le droit du salarié ne nait qu'une fois la procédure collective achevée et son licenciement notifié.

Le contentieux s'est développé sur les recherches de reclassement, puisque cette obligation s'étend à toutes les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise qui licencie, y compris aux entreprises étrangères. Cette obligation de recherche de reclassement au sein d'entreprises étrangères est devenue aberrante. En effet, elle conduit à obliger une entreprise à proposer à un salarié français un reclassement au sein d'une filiale en Inde, alors même que le salaire mensuel dans ce pays est de 65 euros par mois ! A défaut, et alors même qu'aucun salarié ne va accepter un tel reclassement, les tribunaux vont considérer que le licenciement pour motif économique est sans cause réelle et sérieuse !

Des parlementaires ont trouvé scandaleux que les entreprises proposent un reclassement en Inde à 65 euros par mois, parlant même de mauvaise foi, oubliant que les entreprises subissent, en la matière, une évolution jurisprudentielle aberrante et ont déposé une proposition de loi visant à modifier le texte en la matière en ajoutant un alinéa sur les reclassements en interne pour les entreprises ayant des établissements à l'étranger : l'employeur devra préalablement demander au salarié sa mobilité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, le questionnaire intervenant après le refus du salarié à une proposition de reclassement- avec une rémunération équivalente.

Lexbase : Finalement, le PSE ne mériterait-il pas un "petit coup de jeune" ? Il reste lourd à mettre en place tout en étant obligatoire... quelle serait la solution ?

Catherine Davico-Hoarau : Je pense que tout ce qui est procédure CHSCT devrait être parallèle à la procédure de licenciement économique afin qu'elle n'impacte pas cette dernière. La procédure légale existe, elle est enfermée dans des délais et pour les respecter, il faut éviter de multiplier les consultations à d'autres instances. Ce serait l'une des solutions envisageables afin d'alléger les délais.

De plus, le législateur, dans un souci de simplification, avait retenu qu'un comité dispose d'un délai de quinze jours pour saisir le juge en cas d'irrégularité. Sauf que les juges ont appliqué ce délai aux irrégularités formelles et non aux irrégularités de fond, ce qui implique un défaut de sécurisation certain pour les entreprises. Ce point serait peut-être également à réviser.

Lexbase : La solution ne serait-elle pas en une sorte d'hybride entre GPEC et PSE, qui interviendrait en amont de toute procédure de licenciement économique ?

Catherine Davico-Hoarau : Il ne faut pas oublier que la procédure de licenciement économique s'inscrit dans un contexte de difficultés économiques, qui conduit à ce que les entreprises n'ont alors pas d'autres choix que celui de licencier. La GPEC, qui repose sur les départs volontaires, ne saurait gérer à elle seule ce genre de situation de crise. Que faire, en effet, lorsqu'une société n'a pas résolu ses difficultés économiques après avoir proposé des départs volontaires ?


(1) Par ailleurs, si, au cours d'une année civile, l'entreprise a procédé au licenciement pour motif économique de plus de 18 personnes sans avoir eu à présenter un plan de sauvegarde de l'emploi, elle doit soumettre le prochain licenciement envisagé au cours des 3 mois suivant la fin de l'année civile à la réglementation sur ces plans ; si l'entreprise a procédé pendant 3 mois consécutifs à des licenciements pour motif économique de plus de 10 personnes au total, sans atteindre 10 personnes dans une même période de 30 jours, elle doit soumettre tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des 3 mois suivants à la réglementation sur les plans de sauvegarde de l'emploi. Lorsqu'au moins 10 salariés ont refusé la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail proposée par leur employeur pour un motif d'ordre économique, et que leur licenciement est envisagé, celui-ci est soumis aux dispositions applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique, et, notamment, à l'obligation, pour l'employeur, d'établir et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi.
(2) Cass. soc., 13 février 1997, n° 95-16.648, Société des Grands Magasins de la Samaritaine c/ Comité d'entreprisede la société des Grands Magasinsde la Samaritaine (N° Lexbase : A1924ACA).
(3) Dernièrement encore, Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 08-40.637, Société Bayle-Chanel-Geoffroy, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société anonyme Bata Hellocourt, F-D (N° Lexbase : A7516EI9).
(4) Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45.888, Société Snecma, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3292D73) et les obs. de Ch. Radé, L'obligation de sécurité de l'employeur plus forte que le pouvoir de direction, Lexbase Hebdo n° 297 du 19 mars 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4384BE4).

newsid:373602

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.