La lettre juridique n°370 du 5 novembre 2009 : Avocats/Publicité

[Questions à...] Communication et marketing des cabinets d'avocats - Questions à Paola Pozzi-Dazza, Directrice de la communication et du marketing du cabinet Salans

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[Questions à...] Communication et marketing des cabinets d'avocats - Questions à Paola Pozzi-Dazza, Directrice de la communication et du marketing du cabinet Salans. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212093-questions-a-communication-et-i-marketing-i-des-cabinets-davocats-questions-a-b-paola-pozzidazza-dire
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 26 Septembre 2014

Lexbase Hebdo - édition professions a choisi, cette semaine, de s'arrêter sur le thème de la publicité personnelle de l'avocat, en dressant un état des lieux de la réglementation en la matière (cf. La publicité personnelle de l'avocat - Etat des lieux, Lexbase Hebdo n° 6 du 5 novembre 2009 - édition professions N° Lexbase : N3608BML). Et, afin de passer de la théorie à la pratique, nous avons souhaité recueillir l'avis d'un professionnel de la communication et du marketing des avocats.
Paola Pozzi-Dazza est diplômée d'une grande école de commerce et de Sciences Po Paris. Elle a, d'abord, fait ses armes chez l'Oréal, puis, dans une agence de communication, avant d'aller vers la communication juridique, en rejoignant le cabinet Clifford Chance. Forte de ces expériences, elle a, depuis 2006, la responsabilité du service communication et marketing du cabinet Salans. Celle-ci a accepté de se prêter au jeu : elle nous livre son analyse des divers outils de communication laissés à la disposition des avocats et nous éclaire sur la politique de communication et de marketing de son cabinet.

Lexbase : La réglementation de la publicité personnelle de l'avocat n'a cessé de s'assouplir ces dernières années. La profession a-t-elle conscience de l'importance de la communication et du marketing ? Jusqu'où peut-on aller, selon vous, dans cette ouverture ?

Paola Pozzi-Dazza : La profession a progressivement pris conscience de l'importance de la communication et du marketing. La problématique s'est posée, dans un premier temps, pour des raisons d'efficacité, dans le cadre des appels d'offre, puis, d'un point de vue concurrentiel, avec l'implantation en France de cabinets d'avocats étrangers.

Ces activités sont, en effet, depuis toujours, parties intégrantes du mode d'exercice des cabinets anglo-saxons, structurés comme des groupes ou des entreprises. Leur arrivée sur le marché du droit français a dépoussiéré, sur bien des aspects, notre conception de l'avocature, et, notamment, sur ce point. Aujourd'hui, le secteur du droit est devenu fortement concurrentiel, imposant à chacun de réfléchir sur la nécessité de mettre en place une politique de communication et de marketing permettant une visibilité du cabinet, une fidélisation de la clientèle et une augmentation de "ses parts de marché" et, par là, de son chiffre d'affaires. Même les cabinets transactionnels (dits "de niche") intègrent, désormais, ces outils au quotidien. Le Conseil national des Barreaux et le Barreau de Paris, notamment, ont contribué à réveiller les esprits, faisant de la communication un véritable cheval de bataille.

Pour autant, la profession n'est pas encore rompue à ces méthodes et n'a pas toujours conscience des enjeux en cause. Si les structures importantes, qu'elles soient étrangères ou françaises, ont toutes attribué à la communication et au marketing une place de choix, beaucoup de cabinets de petite taille ou de taille moyenne ne sont pas au fait de la réglementation de la publicité personnelle des avocats. Demandez à des avocats s'ils sont autorisés à faire de la publicité et un certain nombre vous répondront encore que cela ne leur est pas permis, alors, pourtant, que le principe, depuis déjà plusieurs années, est l'autorisation. Ceci s'explique, en particulier, par l'idée que se font les avocats de leur déontologie et par la force de l'interdiction de la publicité, sous le régime antérieur.

Néanmoins, les mentalités évoluent et il est fort à parier que le mouvement s'intensifiera au cours des prochaines années, en dépit du contexte actuel de crise économique. Celui-ci ne doit, en effet, pas être un frein à la communication. C'est lors de telles périodes que l'avocat doit d'autant plus marquer sa différence. Toutefois, certains seront tentés de repousser ou de stopper leurs actions de communication, eu égard à leur coût et au délai d'attente pour un retour sur investissement. Miser sur la communication implique nécessairement une vision à moyen et long termes et non à brève échéance. Mais, les retombées de telles actions sont trop bénéfiques pour en faire l'économie.

Sur le point de savoir jusqu'où peut aller cette ouverture, en France, je ne prêcherai, bien entendu, pas contre ma paroisse. A mon sens, dès lors que sont préservés les intérêts des clients et que sont respectés les principes essentiels régissant la profession (notamment, sur le plan déontologique), tout doit pouvoir être envisagé. La question qui se pose n'est pas tant quoi faire, mais comment le faire.

Lexbase : Quelles questions faut-il se poser préalablement à la mise en place d'une politique de communication et de marketing au sein d'un cabinet ?

Paola Pozzi-Dazza : La mise en place d'une politique de communication et de marketing au sein d'un cabinet ne doit pas être prise à la légère et implique que soit posé, en amont, un certain nombre de questions.

L'audit de l'image du cabinet et de sa relation client est un préalable indispensable à une telle démarche. Il convient, dans ce cadre, de s'interroger sur son identité, ses valeurs, ses atouts, ses faiblesses et ses différences, ce qui permettra de dégager un discours à véhiculer, par la suite, sur les différents supports de communication. Il faut, ensuite, définir la politique que souhaite suivre l'avocat. Pour ce faire, il faut déterminer quels sont les objectifs poursuivis, les moyens pour les atteindre et le calendrier. Les associés peuvent décider seuls de leur stratégie ou recourir à des agences spécialisées. Le budget sera, bien entendu, au centre des préoccupations et impliquera, notamment, que l'on réfléchisse sur une externalisation ou une internalisation de ces fonctions de support. S'il était encore récemment inférieur à 1 % du chiffre d'affaires dans la plupart des structures, le budget moyen alloué à la publicité est, désormais, de l'ordre de 3 à 4 %.

Lexbase : Quels sont les différents outils de communication et de marketing à la disposition des avocats ?

Paola Pozzi-Dazza : Aujourd'hui, les outils de communication sont divers et variés.

Les outils de communication traditionnels (ceux utilisés a minima par la majorité des avocats) ont trait à l'identité en tant que telle du cabinet. Il s'agit, en particulier, de la plaque apposée à l'entrée du cabinet, des cartes de visite, du papier à lettre, des plaquettes de présentation et du site internet. Ces outils sont tous mentionnés et régis par l'article 10-1 du Règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8). La réflexion sur la marque est sous-jacente à tous ces supports de communication.

Parallèlement à ces instruments classiques se sont développés de nouveaux outils, dont l'objectif est de personnaliser au mieux la relation client/avocat. Notamment, les cabinets qui ont intégré les fonctions de communication et de marketing recourent, désormais, systématiquement aux sondages, enquêtes et interviews de leurs clients, en ce qu'ils leur permettent de mettre le doigt sur leurs atouts et leurs faiblesses et, le cas échéant, de réagir rapidement et efficacement. L'avocat peut choisir de recourir à un tiers pour procéder à ces démarches, afin d'en renforcer l'objectivité. Les réunions annuelles, semestrielles, voire mensuelles, avec certains clients répondent, aussi, à cet impératif de rapprochement. Des actions pédagogiques sont mises en place au profit des clients, qui permettent à ceux-ci l'accès à la documentation juridique du cabinet, aux veilles juridiques élaborées en interne et à des formations et séminaires sur des thèmes récurrents ou d'actualité. Des outils plus avant-gardistes ont, également, émergé récemment, avec le développement des nouvelles technologies, faisant du site internet de l'avocat une plate-forme de services multiples et un lieu de rencontres et d'échanges virtuels.

Concernant les cabinets implantés dans plusieurs pays, la tendance est actuellement au business development cross-border. Cette nouvelle façon de gérer la relation client répond à un double constat : celui d'une connaissance limitée du client de l'ensemble des compétences et de la qualité de l'expertise d'un cabinet aux niveaux national et mondial et celui de l'ignorance par les avocats d'un même cabinet de l'intervention de différents bureaux sur les dossiers d'un même client. La nouvelle fonction de business developers (sorte de référents), adjointe au service communication et marketing du cabinet, a pour mission de combler ces lacunes, via une coordination des différentes actions pour un même client sur les plans international, régional et local. Le client sera orienté par ces référents, en fonction de ses besoins, vers les interlocuteurs des différents bureaux et départements du cabinet. Ceux-ci travailleront, de leur côté, en totale synergie.

Afin d'affiner leur "politique publicitaire", les marketers des cabinets adhèrent à des réseaux et clubs de réflexions (comme le Club Juristes Associés, par exemple), lieux propices aux échanges. Le succès de ces clubs -notamment, la présence croissante, aux côtés des cabinets internationaux, de cabinets de taille moyenne ou de petite taille- témoigne de l'importance croissante de la communication et du marketing pour les avocats. Enfin, la presse, notamment, la presse économique et spécialisée, ne doit pas être négligée. Elle contribue, en effet, grandement à faire connaître l'expertise des cabinets auprès des professionnels ; elle consolide et protège leur réputation. Elle permet, en outre, une valorisation du cabinet dans les annuaires juridiques, véritables outils de référence des directions juridiques.

Lexbase : Quelle place occupent la communication et le marketing chez Salans ?

Paola Pozzi-Dazza : Salans a, naturellement misé sur la communication et le marketing, fonction incontournable compte tenu de l'envergure du cabinet. Le département communication et marketing que je dirige est, actuellement, composé de trois personnes, chacune ayant ses spécialités : l'une est affectée à l'analyse du marché et au business development, l'autre est en charge des relations presse, des relations publiques et de la communication interne et, enfin, la dernière s'occupe du classement de nos avocats au sein des annuaires juridiques.

Nous utilisons, bien entendu, l'ensemble des moyens de communication que j'ai cités précédemment. Nous nous concentrons, en particulier, sur les perspectives liées aux nouvelles technologies et sur le business development. Dans ce cadre, ont été récemment mis en place pour répondre à l'accroissement des flux d'investissement :

- le Global French Desk (afin d'encourager l'expansion de notre offre "francophone")

- le German International Practice Group (réseau regroupant des avocats et des fiscalistes parlant allemand de 12 pays et proposant aux sociétés issues de pays germaniques un suivi personnalisé sur les marchés clés d'Europe, de CEI et d'Asie) ;

- et, pour répondre à l'évolution du marché chinois, le China Desk.

L'objectif de ces desks est, à chaque fois, de fournir aux clients un service sur mesure comprenant des interlocuteurs identifiés, une implantation forte et ancienne sur l'ensemble des régions concernées et une bonne connaissance du fonctionnement des sociétés locales.

Nous développons, également, tous les moyens permettant une relation client/avocat privilégiée : nous organisons, bien sûr, régulièrement des séminaires et formations et diffusons des newsletters et des client alerts ; de manière plus originale, nous utilisons également notre salle de cinéma comme vecteur de communication (salle classée depuis l'époque où l'immeuble était le siège de Pathé) et, en octobre 2008, nous avons associé nos clients à la célébration des 30 ans du cabinet autour de l'exposition sur le Futurisme au centre Georges Pompidou.

Nous favorisons, enfin, les relations avec la presse. Nous entretenons des relations privilégiées, notamment, avec le Times, La Tribune, l'Expansion, etc..

Cette politique approfondie de communication et de marketing se révèle payante : nous sommes référencés dans les annuaires juridiques (Chambers, PLC, Legal 500, etc.). Le bureau de Paris s'est vu décerner le prix de "Law Firm of the Year: France" lors des PLC Law Firm Awards 2009 (1). Cette distinction résulte de la consultation de plus de 5 500 juristes d'entreprises français et étrangers invités par PLC Which Lawyer à sélectionner le meilleur cabinet français.

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