Réf. : Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44.488, Caisse primaire d'assurance maladie de Creil c/ Mme Evelyne Kopacz et a., FS-P+B (N° Lexbase : A3973EDI)
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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM), lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le Code du travail ou une convention collective en raison d'absence liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail. |
Commentaire
I - Incidence de la maladie sur les congés
En vertu de l'article L. 3141-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0552H9C), "tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur". Il résulte de cette disposition que le droit à congés doit s'exercer chaque année. Par suite, sauf exceptions légales, ni l'employeur, ni le salarié ne peuvent exiger un report de tout ou partie des congés sur l'année suivante.
Envisagée du seul point de vue du salarié, cette règle de l'annualité du congé conduit à interdire au salarié de prétendre à une indemnité de congés s'il a travaillé au service de son employeur pendant la période prévue des congés ou s'il n'a pas personnellement réclamé le bénéfice de ses congés et n'apporte pas la preuve qu'il a été mis dans l'impossibilité par l'employeur de les prendre (1).
S'agissant de la période de prise des congés payés, on se bornera à rappeler qu'elle est fixée par les conventions et accords collectifs de travail ou, à défaut, par l'employeur, conformément aux usages et après consultation des délégués du personnel ou du comité d'entreprise. En tout état de cause, elle doit comprendre la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année (C. trav., art. L. 3141-13 N° Lexbase : L0563H9Q).
On peut admettre que le salarié qui, de sa propre volonté ou, à tout le moins, sans y être contraint par l'employeur, ne prend pas ses congés pendant la période de référence, ne puisse exiger le report de ces derniers sur l'année suivante. En revanche, il n'est pas illégitime de considérer qu'une telle règle doit être écartée lorsque le salarié est mis dans l'impossibilité de prendre ses congés du fait de sa maladie.
Pendant de nombreuses années, la Cour de cassation n'a pas jugé nécessaire, dans une telle situation, de se départir de la règle de l'annualité du congé. Plus précisément, elle considérait, en application de cette règle, que, lorsqu'un salarié se trouve en arrêt de travail pour maladie lors de la survenance de la période des congés, il peut bénéficier ultérieurement des congés s'il se rétablit avant la fin de la période impartie pour ses congés (2). En revanche, dans le cas contraire, il ne lui est pas possible d'exiger un report au-delà de l'échéance de cette période, sauf si un accord collectif l'autorise expressément (3).
Sans doute conforme à la règle de l'annualité du congé, cette jurisprudence particulièrement stricte n'était guère conciliable avec le droit fondamental au repos. Il aura, néanmoins, fallu attendre 2007 pour que la Cour de cassation l'abandonne, au moins en partie. En effet, dans un important arrêt rendu le 27 septembre 2007, la Chambre sociale a affirmé "qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 93/104/CE du Conseil de l'Union européenne, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le Code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ; qu'il s'ensuit que le jugement a, à bon droit, alloué au salarié des dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le refus de l'employeur de le faire bénéficier du report des congés payés non pris en raison de l'accident du travail dont il avait été victime ; que le moyen doit être rejeté" (4).
II - L'absence d'incidences de la maladie sur la prise des congés payés
La Cour de cassation ayant autorisé le report des congés en cas d'absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, on ne pouvait manquer de se demander si la faculté de report était, désormais, ouverte dans tous les cas où le salarié s'était trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés et, notamment, en cas de maladie ordinaire.
A s'en tenir à la seule lettre de l'arrêt du 27 septembre 2007, cette solution était exclue (5). Une telle distinction entre maladie ordinaire et maladie professionnelle ou accident du travail aurait, toutefois, été critiquable. En effet, la décision en cause est fondée sur la finalité qu'assigne aux congés annuels le droit communautaire : "garantir la prise effective du congé par le salarié dans le but de protéger effectivement sa santé" (6). Or, cette finalité ne disparaît pas lorsque le salarié est atteint d'une maladie ordinaire (7). On pouvait, dès lors, considérer que la Cour de cassation étendrait la solution retenue en 2007 à la maladie ordinaire du salarié. C'est, désormais, chose faite avec l'arrêt rapporté dont le motif de principe est identique à celui de l'arrêt du 27 septembre 2007, à cette seule différence près que la "maladie" se trouve, désormais, visée au même titre que l'accident du travail et la maladie professionnelle.
Il est, aujourd'hui, acquis que, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par la loi ou la norme conventionnelle en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail, y compris si celle-ci se situe après la période de prise des congés.
Cela étant, à pratiquer ainsi la politique des "petits pas" (8), la Cour de cassation laisse, encore, en suspens certaines interrogations. Ainsi, on peut se demander si la solution précitée doit trouver à s'appliquer lorsque, antérieurement à son départ en congés, le salarié demande à bénéficier d'un congé parental d'éducation (9). Ne peut-on considérer que, dans cette hypothèse aussi, le salarié est "dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels". A notre sens, la situation est fondamentalement différente car, dans ce dernier cas, si impossibilité de prendre les congés il y a, c'est d'abord dû au fait, ou plus exactement à la volonté, du salarié. Partant, celui-ci ne pourrait ici exiger un report de ses congés (10).
Reste une dernière question que nous souhaiterions aborder, même si elle nous éloigne quelque peu de la solution retenue dans l'arrêt sous examen. On sait que le salarié, qui tombe malade au cours de ses congés, ne peut, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, exiger de prendre ultérieurement les congés payés dont il n'a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail. Ce salarié ne peut même pas exiger un nouveau congé non rémunéré (11). La Cour de cassation justifie cette solution en affirmant que l'employeur qui a accordé au salarié le congé s'est acquitté de ses obligations légales pour l'année de référence (12). Peu importe, par conséquent, que le salarié n'ait pas effectivement pu prendre tout ou partie de son congé, seul compte le fait que l'employeur l'a normalement accordé. On doit relever que cette solution rejoint, a priori, la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, en cas de concours de causes de suspension, la cause de suspension survenue en premier l'emporte sur la cause qui n'est apparue qu'ultérieurement.
On peut, cependant, convenir que cette solution n'est pas très satisfaisante, le salarié subissant les conséquences de sa maladie pendant son congé. Eu égard, précisément, à la finalité qu'assigne aux congés annuels le droit communautaire, ne peut-on soutenir que le salarié est en droit, là aussi, de demander un report de ses congés ? Sans doute pourra-t-il être rétorqué que c'est aller trop loin et que, à la différence du salarié qui tombe malade avant d'avoir pu prendre ses congés, celui-ci les a effectivement pris. Pour autant, le congé a pour finalité de permettre au salarié de se reposer, afin de préserver sa santé. Or, un salarié en congé, mais, néanmoins, malade, se repose-t-il vraiment ?
Décision
Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44.488, Caisse primaire d'assurance maladie de Creil c/ Mme Evelyne Kopacz et a., FS-P+B (N° Lexbase : A3973EDI) Rejet, CPH Creil, 7 août 2007 Textes concernés : C. trav., art. L. 3141-1 (N° Lexbase : L0552H9C) et L. 3141-13 (N° Lexbase : L0563H9Q) ; Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM) Mots-clefs : congés payés ; maladie antérieure au départ en congé ; report des congés Lien base : |
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