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N7760BIA
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Un dernier exemple topique fut ainsi donné par un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 13 février dernier, sur lequel revient, cette semaine, Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près la cour administrative d'appel de Marseille. Pour aller à l'essentiel, les sages du Palais Royal ordonnent l'abrogation de deux instructions fiscales en tant qu'elles ont pour effet de soumettre les fonds de pension néerlandais à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du CGI. Les juges de la Haute assemblée retiennent que l'application de la retenue à la source au versement de dividendes de sociétés françaises à des fonds de pension néerlandais constitue une restriction à la liberté de circulation des capitaux, prévue par l'article 56 CE ; or, la suppression de l'avoir fiscal y afférent, qui permettait d'annihiler la taxation de l'article 119 bis, révèle une entrave à cette liberté fondamentale qui ne saurait être admise -pour la bonne construction de l'Espace économique européen s'entend-. Et l'on pourrait aisément s'arrêter au caractère technique de l'affaire en cause, si plus fondamentalement ne se superposait, en filigrane, la question de la taxation des fonds de pension étrangers sur leurs revenus de source française.
Ce qui résonne avec le refus de l'administration française de répondre à la demande initiale du fonds de pension, partie à l'instance, d'abroger les dispositions litigieuses des instructions en cause, c'est celui d'admettre fondamentalement que l'investissement des fonds de pension dans un pays étranger ne relève pas du néo-colonialisme financier. Entendons nous bien, il est sans doute dommage que l'étau fiscal sur les fonds de pension européens se desserre sous la contrainte de la législation européenne, alors qu'avec un taux d'épargne parmi les plus élevés de l'OCDE, la France, et plus précisément les Français, seraient les premiers bénéficiaires d'une libéralisation de la circulation des capitaux afférents à l'investissement des fonds de pension. Mais sans doute que le refus d'une véritable mixité, une retraite par répartition couplée à une retraite par capitalisation, hors Perco et Perp, témoigne de cette réticence nationale à créer de véritables fonds de pension français capables d'assurer, même partiellement, le versement de compléments de retraites non négligeables à l'heure du déséquilibre démographique. Bien sûr, croire que la retraite par capitalisation est dédouanée de la problématique démographique est une erreur ; car le système de retraite par capitalisation commande que les actifs investissent une partie de leur salaire dans des actions ou obligations, via les fonds de pensions, pour que les dividendes ou les plus-values mobilières permettent de servir les retraites de leurs aînés. Moins il y a d'actifs, plus la machine se grippe, sauf compensation du sous-investissement ainsi à prévoir. Et ce d'autant plus, en période de krach financier... Mais la complémentarité des deux systèmes semble des plus opportunes conjuguée à une "solidarisation" des retraites à l'échelle européenne, sur fond de bienveillance fiscale réciproque.
En 2003, selon le Conseil d'orientation des retraites, le système de retraite par répartition versait à un salarié non cadre une pension qui atteignait 83,6 % de son dernier salaire (64,1 % pour un cadre). En 2020, ce ne sera plus que 75,6 % (55,5 % pour un cadre). Où trouver le complément de pouvoir d'achat moteur de la croissance de demain ?
"Une bonne retraite est meilleure qu'une mauvaise résistance", nous enseigne un proverbe gaélique. Dont acte.
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