Réf. : Cass. civ. 1, 8 janvier 2009, n° 06-17.630, Association UFC Que Choisir, FS-D (N° Lexbase : A1525ECH)
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N5668BIR
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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au Barreau de Montpellier
le 07 Octobre 2010
Une autre clause visait l'hypothèse d'un usage abusif ou frauduleux du code secret délivré pour accéder à distance à ses comptes et procéder à des opérations notamment débitrices sur ceux-ci. Les juges du droit l'interprètent, indépendamment des dispositions du Code monétaire et financier exclusivement applicables aux codes de cartes de paiement (C. mon. fin., art. L. 132-4 N° Lexbase : L0913AWQ), non pas comme une clause exonératoire de responsabilité mais comme une clause "destinée à mettre en garde le client sur les mesures de sécurité élémentaires qu'il doit prendre". Le fait est qu'une telle clause ne visait, en l'occurrence, que l'usage abusif ou frauduleux, hypothèses dans lesquelles sur le fondement du droit commun la banque ne pouvait être tenue pour responsable (par analogie, et sous réserve du cas où le porteur d'une carte de paiement a fait opposition, le titulaire de la carte assume les risques d'une utilisation frauduleuse de la carte et de son code secret ; v., notamment, Cass. com., 9 avril 1996, n° 94-11.929, Crédit mutuel du Sud-Ouest, Agence de Cenon c/ M. Jean, Nicolas Rossi, inédit N° Lexbase : A2319CQX). Considérer cette clause comme abusive eut été, en réalité, instituer un nouveau fait générateur de responsabilité pour les banques : il est bien inutile, en effet, de chercher à limiter sa responsabilité lorsque le droit ne désigne pas la banque comme responsable. Il semble, par conséquent, logique de ne pas voir dans cette stipulation contractuelle une exonération de responsabilité, mais simplement une simple notice d'information et de mise en garde. Par cette clause, les droits des consommateurs n'étaient absolument pas diminués.
S'agissant de la mise à disposition de chéquiers, la clause contestée par l'association prévoit qu'après avoir été mis à la disposition du client au guichet de la banque, cette dernière envoie par courrier recommandé ledit chéquier au client, à sa demande ou en l'absence de retrait dans un délai de six semaines. L'association soulevait, en l'espèce, deux arguments pour voir reconnaître le caractère illicite de cette clause : en premier lieu elle contreviendrait à l'obligation faite aux banques de délivrer gratuitement les chéquiers à leurs clients (C. mon. et fin., art. L. 131-71 N° Lexbase : L9390HD7), argument rapidement écarté par la Cour. Le caractère abusif de la clause est lui aussi écarté, la Cour considérant que le client "assume les frais d'envoi lorsque, informé de la mise à disposition à l'agence, il n'a pas cru devoir profiter de leur délivrance gratuite dans le délai suffisant dont il dispose". Certes la clause est défavorable au client en ce qu'elle pourrait, mais uniquement au bout de six semaines, permettre de lui imputer des frais supplémentaires. Pour autant elle ne peut être considérée comme abusive dans la mesure où elle ne crée pas de "déséquilibre significatif en sa défaveur". Au contraire, celle-ci peut paraître plus équilibrée, en permettant au client de bénéficier de son droit à une délivrance gratuite, tout en ménageant dans l'hypothèse d'une certaine négligence de sa part, la possibilité pour la banque de ne plus conserver ledit chéquier entre ses mains. Il faut bien comprendre que le mécanisme des clauses abusives permet un rééquilibrage du contrat et non un rééquilibrage du rapport de force économique pour écarter toutes les clauses coûteuses pour le consommateur.
On ne peut être que plus dubitatif quant à la réponse apportée au septième moyen. Une clause du contrat de dépôt prévoyait que "certaines opérations, rares ou spécifiques, ne figurent pas sur le guide tarifaire des principales opérations et qu'il appartient au client de s'informer de leurs conditions financières auprès de son agence". Il s'agit là, en réalité, d'une clause de renvoi par le contrat à d'autres documents ou d'autres sources d'information, certes pour des opérations exceptionnelles, mais qui, en réalité, pourraient être considérées comme renforçant l'état d'ignorance et, par conséquent, le déséquilibre entre le profane, consommateur, et le sachant, professionnel banquier. La solution est d'autant plus critiquable ici que le pouvoir réglementaire, appliquant les principes fixés par la loi (C. mon. et fin., art. L. 312-1-1 N° Lexbase : L5762H9B), avait par un arrêté du 8 mars 2005 (N° Lexbase : L0882G88) imposé que la convention de compte de dépôt inclue "les commissions, tarifs ou principes d'indexation applicables à l'ouverture du compte de dépôt", sans exclure aucun tarif de cette obligation générale d'information.
Une autre clause stipulait que "les services entrant dans la gestion d'un compte de dépôts et les conditions de la convention sont susceptibles d'évoluer notamment pour les adapter aux besoins de la clientèle et aux évolutions financières ou techniques ainsi qu'aux mesures d'ordre législatif ou réglementaires. Nous en informerons la clientèle [...] La poursuite de la relation de compte ou l'absence de manifestation écrite d'un désaccord vaudra acceptation de votre part". Plus délicate sans doute est l'appréciation de cette clause. Bien évidemment, elle préserve la possibilité pour le consommateur de mettre un terme au contrat, pour autant elle a un champ d'application des plus larges qui permet l'adaptation non seulement aux évolutions financières et techniques ainsi qu'aux mesures d'ordre législatif ou réglementaires mais également aux besoins de la clientèle (hypothèse bien plus large évidemment). Surtout, on remarquera que la clause en ce qu'elle prévoit que c'est la volonté manifestée du client qui mettra un terme au contrat, expresse en signifiant son désaccord par écrit ou implicite en refusant de poursuivre les relations de compte, crée bien un déséquilibre significatif : c'est la banque qui est à l'origine de la modification unilatérale du contrat, pour autant il ne lui est pas nécessaire de demander expressément l'autorisation du client. Le déséquilibre naît de ce que le consommateur ne saurait pour sa part se prévaloir d'une telle prérogative et imposer une modification du contrat qui serait acceptée à défaut de manifestation contraire et expresse de la banque.
L'inventaire n'est pas terminé : la banque s'autorisait à refuser les chèques émis sur des formules non conformes aux normes en usage dans la profession (mais conformes à la loi, une sorte de chèque sur papier libre) et prévoyait une commission dans le traitement de pareils chèques. Il était difficile de reconnaître ici une clause abusive, dans la mesure où le traitement comme la mise à disposition de chèques sont gratuits. Il eut été déséquilibré, mais au détriment du professionnel cette fois, de refuser que devant les difficultés de traitement de ces chèques la banque ne puisse pas être mieux rémunérée.
Les deux dernières clauses enfin, validées par la cour d'appel sont, néanmoins, qualifiées d'abusives par la Cour de cassation qui casse sans renvoi et constate par conséquent immédiatement l'illicéité de celles-ci qui sont supprimées des contrats litigieux.
La première clause stipulait "qu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date d'édition d'un relevé de compte les écritures et opérations mentionnées sur celui-ci seront considérées comme approuvées". Pour les juges du droit pourtant, cette clause "est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il se trouve privé de la possibilité de les contester, alors même qu'il n'aurait pu en connaître l'inexactitude qu'au-delà du délai". La stipulation est en réalité dangereuse en ce qu'elle entrave, selon la Cour de cassation, le droit du consommateur d'engager une action en justice. La solution mérite d'être approuvée sur ce point : certes le consommateur conserve le droit de saisir le juge contre une opération sur son compte de dépôt, mais à quoi bon le faire s'il ne peut apporter la preuve contraire des écritures opérées par la banque ? Une telle clause revient, en réalité, à réduire la possibilité d'une action en justice : si aucune contestation, même non judiciaire, n'intervient dans les trois mois de l'écriture, le client dans les faits perd toute chance de voir aboutir ses prétentions.
La dernière clause à envisager ici est elle aussi, et contrairement à l'arrêt d'appel, réputée non-écrite : "le compte de dépôt fonctionne comme un compte courant par lequel les créances et les dettes forment un solde de compte seul exigible". Or une telle stipulation, assimilant dans les faits le compte de dépôt à un compte courant est considérée comme abusive par les juges de la Cour de cassation. Les juges d'appel avaient invoqué l'absence de définitions légales ou réglementaires du compte de dépôt et du compte courant, laissant par la même toute liberté de les définir aux parties au contrat. Pour autant, s'il est vrai qu'il n'existe pas de définition légale ou réglementaire, le compte de dépôt et plus encore le compte courant (ce formidable outil à la fois de compensation et de paiement) n'en ont pas moins des régimes juridiques spécifiques. Le premier, offre d'accès aux services bancaires, fait l'objet d'une réglementation spécifique et protectrice du client, notamment lorsqu'il veut ouvrir un compte de dépôt (seul type de compte pour lequel le législateur a institué un droit à ouverture opposable aux établissements bancaires) ou lorsque l'établissement entend clôturer le compte de dépôt. Le compte courant n'implique aucunement un tel régime favorable au client. L'ambiguïté dans la formulation de la clause pouvait, par conséquent, laisser croire au client qu'il ne bénéficierait pas de tels droits. En substance pourtant, la requalification opérée par la clause ne pouvait priver le client de ces droits puisque ceux-ci étaient expressément visés par la loi. Le déséquilibre, il convient sur ce point de nuancer la position de la Cour de cassation, serait né non pas de l'impossibilité pour le consommateur de se prévaloir d'un droit institué par la loi, mais bien de sa fausse croyance en l'absence de ce droit. La clause était par conséquent abusive, si elle devait induire le consommateur en erreur mais elle était également spécialement illicite car contrevenant, comme l'avançait l'association de consommateur, aux dispositions du Code monétaire et financier.
Le douzième moyen, premier rejeté par la Cour, fera, une fois n'est pas coutume, office de conclusion. Devant la difficulté technique de ce type de contentieux, les lenteurs de notre système judiciaire incitent à être parfois dubitatifs sur l'efficacité de l'action en cessation instituée à l'article L. 421-6 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6513ABT). Alors que l'action en suppression avait été engagée par l'association de consommateurs en 2003, l'arrêt d'appel n'était rendu qu'en 2005, après que la banque défenderesse à l'action eut supprimé certaines clauses incriminées. Bien évidemment l'optimiste y verra le signe que la simple menace d'une action en justice ou un jugement de première instance peuvent avoir un effet dissuasif suffisant. Il reste pourtant que, dans cette affaire, la Cour de cassation n'a pas eu à se prononcer au fond sur la validité des dîtes clauses, ce que l'on regrettera. Cela aurait été évidemment l'occasion d'affirmer ce type de stipulations non écrites ou au contraire d'en valider le contenu. On regrettera enfin, mais ces propos n'engagent que l'auteur de ces quelques lignes, qu'en ces hypothèses la période pendant laquelle les clauses ont été maintenues n'a pu donner lieu à aucune indemnisation des victimes s'il devait en avoir. Devant la fréquence des contrats de compte de dépôt, si lesdites clauses avaient dû être considérées comme abusives, le préjudice subi par chaque consommateur (et non réparable au titre de l'action dans l'intérêt collectif de l'article L. 421-1 N° Lexbase : L6814ABY) n'aurait pu être réparé autrement que si chacun, pour peu qu'il en ait été informé, agisse en justice. Ce serait là le domaine de la "class action", mécanisme qui, après des tentatives infructueuses en droit interne, pourrait in fine, être introduit à l'initiative de la Commission européenne.
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