La lettre juridique n°336 du 5 février 2009 : Sociétés

[Le point sur...] Dissolution-confusion ou bien fusion simplifiée ? Les principales différences de traitement de ces deux opérations

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par Guy de Foresta, Avocat au Barreau de Lyon, Of Counsel, Bignon, Lebray & & Associés

le 07 Octobre 2010

Depuis la loi de finances pour 2002 (loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 N° Lexbase : L1042AWI), puis l'instruction administrative n° 41-1-03 du 7 juillet 2003 (N° Lexbase : X5337ABB), qui ont permis de donner sur le plan fiscal un effet rétroactif aux opérations de confusion de patrimoines et de leur accorder le bénéfice du régime fiscal de faveur, réservé auparavant aux opérations juridiquement qualifiées de fusion et de scission (CGI, art. 210-A N° Lexbase : L3936HLD), l'on sait que ces opérations de dissolution-confusion sont sorties d'un relatif isolement pour occuper une place de choix parmi les différents modes de restructuration d'entreprise. Selon les conditions de détention du capital et des droits de vote entre les sociétés participant à une opération aboutissant à la transmission universelle du patrimoine d'une société dissoute sans liquidation, au profit d'une autre, les praticiens distinguent la fusion normale, la fusion simplifiée et la fusion "hyper simplifiée" qu'est ainsi devenue la confusion de patrimoines.
Une différence importante qui subsistait entre ces deux derniers types d'opération a été abolie par la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire (N° Lexbase : L7047H77) qui a eu, notamment, pour effet, dans le cadre d'une simplification du régime juridique des fusions, scissions et apports partiels d'actifs, de supprimer l'intervention du commissaire aux apports dans les fusions simplifiées (1). La fusion simplifiée et la confusion de patrimoines s'étant ainsi à nouveau rapprochées, il n'est pas inutile de s'interroger sur les différences qui subsistent entre ces deux opérations et leur traitement juridique et fiscal pour affiner les critères de choix pratique entre ces deux modes de transmission universelle du patrimoine à un associé ou actionnaire unique. Fondamentalement, ces deux opérations présentent une économie générale analogue : une société détenue à 100 % est dissoute sans liquidation et la totalité des éléments tant actifs que passifs composant son patrimoine sont transmis intégralement à la société mère dans l'état où il se trouve au jour de réalisation de l'opération. S'il n'y a pas lieu à augmentation de capital social l'opération se traduit dans les livres de la société absorbante ou confondante par un boni ou un mali (de fusion ou de confusion) représentant la différence positive ou négative entre la valeur de l'actif net apporté et la valeur comptable qu'avaient les titres de la société dissoute dans lesdits livres.

Sans pouvoir entrer ici dans une présentation comparative des régimes respectifs de la fusion simplifiée et de la confusion de patrimoines (2), la présente étude entend se limiter à en souligner les principales différences de traitement tant au niveau du domaine d'application (I) que de la mise en oeuvre juridique (II) et des effets et conséquences (II).

I - Le domaine d'application : les types de sociétés pouvant participer aux opérations

A - Sociétés françaises

Alors que les opérations de fusion-absorption sont encadrées par de nombreuses dispositions du Code du commerce, à savoir les articles L. 236-1 (N° Lexbase : L6351AI3) à L. 236-7, quelle que soit la forme des sociétés concernées à titre de règles générales, d'une part, et par plusieurs dispositions propres aux sociétés anonymes, aux sociétés en commandite par actions, aux sociétés par actions simplifiées, aux sociétés européennes et aux sociétés à responsabilité limitée, à titre de règles particulières, d'autre part, les opérations de dissolution-confusion ne sont, elles, visées que par les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM) et celles de l'article L. 227-1, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L2477IBD), sans préjudice, toutefois, des règles applicables aux différentes formes de sociétés appelées à y participer.

Sous réserve des règles propres posées par ces textes, les opérations de confusion de patrimoines peuvent être entreprises aussi bien pour des sociétés commerciales que pour des sociétés civiles.
En, revanche, et sans que l'on en voit bien la justification, les fusions visées par les dispositions de l'article L. 236-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L9776IAC) concernent les sociétés commerciales mais excluent les sociétés civiles et les groupements d'une autre forme.

De plus, en fusion simplifiée, les sociétés à responsabilité limitée ne peuvent fusionner qu'au profit de sociétés de même forme et non pas au profit de sociétés par actions (cf. C. com., art. L. 236-23 N° Lexbase : L9762IAS)

B - Sociétés étrangères : fusions transfrontalières

Les dispositions des articles 1er à 7 de la loi précitée du 3 juillet 2008 ont transposé la Directive 2005/56 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 octobre 2005, relative aux fusions et opérations assimilées intervenant entre sociétés situées dans les  Etats membres de l'Union européenne (N° Lexbase : L3532HD8). Les dispositions modifiées en conséquence du Code du commerce (nouvel article L. 236-25 N° Lexbase : L9748IAB et suivants) et du Code du travail (nouvel article L. 2371-1 N° Lexbase : L9805IAE et suivants) donnent un cadre juridique approprié à de telles opérations.

Toutefois, à l'instar des opérations de scission et d'apport partiel d'actif, les opérations de confusion de patrimoines intervenant entre sociétés étrangères ne sont expressément visées ni par la Directive européenne, ni par les dispositions précitées du Code du commerce et du Code du travail, et ne peuvent donc pas bénéficier de ce nouveau dispositif. Elles restent, néanmoins, réalisables aux conditions de droit commun applicables selon les législations des Etats concernées en vertu du principe de liberté d'établissement.

II La mise en oeuvre juridique

A - La forme des décisions

Le formalisme d'une opération de dissolution-confusion demeure extrêmement simplifié, puisqu'il ne requiert qu'une décision de l'associé unique de la société confondue, dont la loi ne précise pas le formalisme exact, suivie d'une publication de cette décision dans un journal d'annonces légales du lieu du siège social.

En matière de fusion simplifiée, le traitement juridique, certes allégé par rapport à une fusion "normale", n'en demeure pas moins nettement plus conséquent puisqu'il faut recourir :
- à une décision collective des associés ou assemblée générale extraordinaire des actionnaires ou associés de la société absorbante ;
- et à la rédaction d'un projet de fusion appelé à être publié contenant au moins les mentions requises par les dispositions de l'article R. 236-1, alinéa 2, 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L5723ICX).

En outre, le projet de fusion doit mentionner les engagements requis pour pouvoir bénéficier du régime fiscal de faveur ainsi que de nombreuses autres clauses concernant la situation de la société absorbée, les charges et conditions de la transmission de son patrimoine, les modalités de reprise de ses engagements à l'égard des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital ainsi que, le cas échéant, à l'égard des bénéficiaires d'options de souscription ou d'achat d'actions ou de droits à l'attribution d'actions gratuites, les conditions suspensives auxquelles l'opération pourrait être subordonnée (agrément fiscal, autorisation administrative, réalisation préalable d'une opération financière), etc..

Si l'obligation de statuer également sur l'évaluation des apports en nature au vu du rapport d'un commissaire aux apports désigné en justice a donc été supprimée (C. com., art. L 236-11 N° Lexbase : L9701IAK, modifié par la loi 2008-649 du 3 juillet 2008), toutefois, en cas d'absorption d'une société ayant émis des valeurs mobilières donnant accès au capital, l'obligation de désigner un commissaire aux apports subsiste puisque la détermination du nombre de titres de capital de la société absorbante auquel les porteurs des valeurs mobilières peuvent prétendre se fait sur avis du commissaire aux apports (C. com., art. L. 228-101, al. 2 N° Lexbase : L8344GQ4).

B - L'information des associés et actionnaires

Lorsque la société absorbante est une société par actions, il lui appartient de mettre à la disposition de ses associés ou actionnaires un mois, au moins avant la date de la décision collective des associés ou de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires appelée à se prononcer sur le projet de fusion, un état comptable intermédiaire établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel, arrêté à une date qui, si les derniers comptes annuels se rapportent à un exercice dont la fin est antérieure de plus de six mois à la date du projet de fusion, doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet (C. com., art. R. 236-3 N° Lexbase : L5665ICS). 

Un tel état intermédiaire n'est pas requis dans les opérations de dissolution-confusion. Par ailleurs, contrairement à la situation relative à la fusion, la consultation de l'assemblée générale des éventuels obligataires de la société confondue n'est pas requise, ceux-ci étant alors traités comme tout autre créancier.

C - Le droit d'opposition des créanciers

Une différence importante relative au droit d'opposition ouvert aux créanciers s'estimant victime d'un préjudice existe entre les deux types d'opération.

Alors que dans les opérations de dissolution-confusion, le délai d'opposition de trente jours est ouvert à tous les créanciers sans distinction de la filiale confondue, mais aussi, semble-t-il de l'associé unique, compte-tenu de la généralisation des termes de l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil, dans les opérations de fusion, le droit d'opposition accordé par les dispositions des articles L. 236-14, alinéa 2 (N° Lexbase : L6364AIK), et L. 236-23, alinéa 1er (N° Lexbase : L9762IAS), du Code du commerce souffre plusieurs restrictions supplémentaires : fermé aux créanciers obligataires des sociétés participantes ainsi qu'à ceux de sociétés d'une forme juridique autre que les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée, il n'appartient qu'aux créanciers dont la créance est antérieure à la publication du projet de fusion (cf. C. com., art. L. 236-14, al. 2, L. 236-21, al. 2 N° Lexbase : L6371AIS, L. 236-23, al. 1er, et L. 236-2 N° Lexbase : L9776IAC). A défaut de réunir ces conditions, les créanciers sont privés, en l'absence de textes spécifiques, de protection particulière et sont soumis au régime de droit commun.

De plus, l'effet des oppositions n'est pas le même en matière de confusion des patrimoines et en matière de fusion-absorption.
Ainsi, en matière de confusion de patrimoine, l'introduction d'une opposition devant le tribunal de commerce a pour conséquence de retarder la date de transmission du patrimoine de la société confondue à son associé unique et de disparition de sa personnalité morale et de la suspendre alors, soit à son rejet en première instance, soit au remboursement des créances, soit encore à la constitution des garanties réclamées par le tribunal. La date de réalisation effective de l'opération est ainsi grevée d'une véritable incertitude.

En matière de fusion-absorption, la date de réalisation de l'opération de transmission universelle du patrimoine et de la dissolution de la société absorbée n'est pas soumise aux aléas d'une éventuelle opposition. Si la société ne se soumet pas à la décision lui imposant le remboursement ou la constitution de garanties, la fusion ou la scission sera inopposable aux créanciers opposants qui conserveront donc sur le patrimoine apporté à la société absorbante ou nouvelle un droit préférentiel à l'égard des créanciers de cette société (C. com., art. L. 236-14, al. 3 N° Lexbase : L6364AIK). S'il s'agit de créanciers de la société absorbante, ils pourront se faire payer sur les biens de cette société par préférence aux créanciers de la société absorbée.

III Les effets et conséquences de la dissolution et de la transmission universelle du patrimoine

A - Les effets dans le temps : le problème de la rétroactivité des opérations

La fusion prend, en principe, effet à la date de la dernière assemblée générale ou de la dernière décision collective ayant approuvé l'opération. Toutefois, le contrat de fusion peut prévoir une date d'effet différente pourvu que celle-ci ne soit (C. com., art. L. 236-4, 2° N° Lexbase : L6354AI8), ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la société absorbée, en cas d'effet rétroactif, ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires, en cas d'effet différé.
La clause de rétroactivité n'a d'effet qu'entre les sociétés parties à la fusion. Elle ne concerne pas les tiers qui ne peuvent pas s'en prévaloir et qui doivent s'en tenir à la date de réalisation définitive de l'opération, celle à laquelle s'opère la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante (3).

Sur le plan fiscal, en cas de fusion avec effet rétroactif, la société absorbante peut englober dans ses résultats les bénéfices ou les pertes réalisées par la société absorbée pendant la période intercalaire, à condition que la date d'effet de la fusion ne remonte pas au-delà du premier jour de l'exercice de la société absorbante au cours duquel l'opération est intervenue.
Cette latitude importante, malgré les problèmes réels qu'elle entraîne pour le traitement de la période intercalaire, permet d'unifier les aspects juridiques, fiscaux et comptables de l'opération de fusion, que la date retenue pour la transmission universelle du patrimoine et la dissolution de la société absorbée soit celle de la dernière des assemblées générales, ou bien qu'elle soit antérieure, voire même ultérieure.

En matière d'opération de dissolution-confusion, en revanche, la transmission universelle de patrimoine et la disparition de la société confondue n'interviennent qu'à la date d'expiration du délai d'opposition de trente jours ou, en présence d'opposition(s), au jour de règlement de celle(s)-ci, selon les conditions et modalités décrites ci-avant.

En plus du relatif aléa qui grève la date de réalisation effective de l'opération, celle-ci ne peut avoir ni effet rétroactif, ni effet différé.

Sur le plan fiscal, toutefois, l'administration admet qu'un effet rétroactif, exclusivement fiscal, puisse être donné à l'opération si une clause de rétroactivité figure dans la décision de dissolution. Dans le cas où la confusion est décidée au cours du dernier mois de l'exercice, l'effet rétroactif fiscal peut être fixé à l'ouverture de l'exercice au cours duquel l'opération est réalisée, ou au premier jour de l'exercice en cours à la date de la décision (instruction du 30 décembre 2005, BOI 4 I-1-05, n° 65 et n° 66 N° Lexbase : X5010ADW).
Certes une discussion s'est engagée en doctrine sur la possibilité de conférer à ces opérations un effet rétroactif sur le plan juridique et comptable (4).

Bien que des voix autorisées en soutiennent la possibilité théorique, en pratique et à tout le moins pour les sociétés dont les comptes sont certifiés, il serait, néanmoins, risqué de recourir à la rétroactivité comptable.
La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (5) souligne, en effet, l'impossibilité de donner un effet rétroactif aux "confusions de patrimoines" et rappelle "qu'il appartient au Commissaire aux comptes de la personne morale confondante de s'assurer de la correcte comptabilisation de l'opération intervenue au cours de l'exercice" et, en cas de comptabilisation avec un effet rétroactif, "de signaler cette irrégularité au gouvernement d'entreprise [....] au regard de l'arrêté définitif des comptes" et, si elle présente "un caractère significatif, d'en tirer les conséquences appropriées dans la formulation de son opinion sur les comptes dans la première partie de son rapport général".

A défaut de rétroactivité, la réalisation de la confusion de patrimoines demeure ainsi alourdie par l'établissement d'une situation comptable supplémentaire de la société confondue arrêtée à la date d'effet de l'opération, avec retraitement du résultat fiscal intercalaire si la rétroactivité fiscale est retenue.
En l'absence d'une telle rétroactivité, il conviendra alors de choisir entre une date unique de réalisation juridique, comptable et fiscale, susceptible d'être repoussée en cas d'oppositions et une date d'effet fiscal rétroactive, distincte de la date de transmission universelle des patrimoines, permettant alors à la confondante d'intégrer le résultat de la période intercalaire, et de pouvoir imputer l'éventuel déficit de cette période sans procédure d'agrément mais qui devra s'alourdir du retraitement extra-comptable nécessaire à la neutralisation du résultat fiscal.

B - Les effets fiscaux

En matière de droits d'enregistrement, les opérations de dissolution-confusion ne peuvent pas bénéficier du régime spécial de faveur prévu pour les opérations de fusion et assimilées (6).
Pour autant, l'appropriation de l'actif par l'associé unique ne donne, en principe, ouverture à aucun droit de mutation, ni, bien entendu, au droit de partage (Rép. Durafour, AN, 11 mars 1972, p. 570).

En pratique, les coûts sont identiques puisque dans les deux cas les opérations auxquelles participent exclusivement des sociétés passibles d'impôt sur les sociétés ne donnent lieu qu'à un droit fixe dont le montant est égal à 375 euros ou 500 euros selon que le capital social de la société absorbante ou confondante est inférieur ou non à 225 000 euros (instruction du 18 janvier 2006, BOI 7 A1-06, n° 3).
Toutefois, et en l'absence de régime de faveur, si des immeubles figurent parmi les biens transférés, l'acte doit être publié à la conservation des hypothèques, ce qui entraîne, notamment, la perception de la taxe de publicité foncière au taux de 0,60 % (plus 0,1 % et prélèvement de 2,50 % sur le montant de la taxe).
Enfin, lorsque des biens ont été apportés à la société confondue par des associés autres que la société confondante, la confusion de patrimoine peut entraîner, dans certains cas, l'exigibilité des droits de mutation dont l'apport initial avait été dispensé (application de la théorie de la mutation conditionnelle des apports).

En matière de taxe professionnelle, il faut souligner que, par une série d'arrêts du 13 décembre 2006, le Conseil d'Etat (7) a décidé que les dispositions de l'article 1518 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L2757HWZ), relatif aux valeurs locatives planchers n'étaient pas applicables aux situations de confusion de patrimoines.
De même, par une décision du 3 juin 2008, la cour administrative de Douai (8) a jugé qu'une telle opération ne constituait pas une cession au sens de l'article 1469, 3° quater, du Code général des impôts (N° Lexbase : L4903ICL, sur valeur locative identique en cas de cession d'établissement entre entreprises liées).
Dans ce contexte, la valeur locative des biens transférés à la société confondante pourra alors être basée sur les valeurs nettes comptables des biens transmis au moment de l'apport et non pas sur la valeur historique d'acquisition, ce qui peut être source d'une économie fiscale significative dans certains cas.

C - Les conséquences en matière de transmission des contrats

Du fait de la réalisation de la transmission universelle du patrimoine, l'associé ou actionnaire unique se substitue à la société dissoute dans les biens, droits et obligations de cette dernière, en ce compris ses éléments hors bilans tels que ses différents contrats.
La société absorbante ou confondante devient donc ainsi contractante des accords transmis, sous réserve, toutefois, de l'accord préalable du cocontractant, pour certains contrats : autorité administrative compétente pour les contrats administratifs et partenaire contractuel concerné pour les contrats conclu intuitu personae.
Or, dans ce dernier domaine, si une jurisprudence importante s'est développée, les nombreuses décisions ont surtout été rendues à propos d'opération de fusion-absorption, de scissions et/ou d'apport partiel d'actif.

Le problème est donc de savoir si ces décisions, rendues en l'absence de dispositions légales applicables au cas particulier comme de celle de clauses d'intuitu personae particulières ou, au contraire, en présence de clauses de transmission du contrat mais insuffisamment explicites, peuvent être valablement transposées à des transferts de contrats réalisés dans le cadre d'opérations de confusions de patrimoine.
Le caractère intuitu personae d'une convention et l'accord corrélatif préalable du contractant ayant trouvé de très nombreuses applications jurisprudentielles, en matière notamment de baux (9), de cautionnement (10), de causes d'agrément d'associés (11), de garantie de passif (12), d'accords et distribution et de contrats de franchise (13), de contrats de mandats, de syndic de copropriété (14), d'agence commerciale (15) et cette jurisprudence n'étant pas toujours homogène, la question est d'autant plus délicate

Ainsi par exemple, en matière de baux commerciaux où l'article L. 145-26, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L2286IBB) exclut les opérations de fusion-absorption et d'apport partiel d'actif de la catégorie des cessions de bail, cessions qui, on le sait, impliquent généralement l'accord du bailleur. Certaines décisions ont admis qu'il n'y avait pas cession du bail dès lors que le transfert de celui-ci est inclus dans une transmission universelle (16). D'autres décisions ont assimilé le transfert d'un bail commercial par dissolution-confusion à une cession de bail commercial, impliquant le respect des dispositions du bail commercial en matière de cession (17).

A la lumière de l'examen de ces différences dans le traitement de ces deux opérations, il apparaît qu'en pratique, certaines situations sociales commandent d'emblée la solution à retenir :
- la présence d'actifs immobiliers significatifs prohibera le recours à la confusion de patrimoine en raison de son coût fiscal en ce domaine ;
- inversement, une filiale coquille vide, dépourvue d'actifs, pourra sans difficulté être confondue avec, si besoin, reprise des déficits en cours par option pour la rétroactivité fiscale, le retraitement comptable supplémentaire étant nécessairement limité dans un tel cas.

Entre ces deux extrêmes, le choix du type d'opérations devrait principalement prendre en compte l'importance des actifs et passifs à transmettre, la réalité d'un formalisme juridique qui demeure malgré tout plus poussé en cas de fusion, mais aussi la nature et la rédaction des contrats à transférer ainsi que le risque d'opposition(s) éventuelle(s) susceptible(s) d'entraîner un décalage corrélatif des dates de réalisation de l'opération de nature à complexifier son traitement comptable et juridique, dans le cas d'une confusion de patrimoines.


(1) Cf. nouvelle rédaction de l'article L. 236-11 du Code du commerce (N° Lexbase : L9701IAK) et nos obs., Rapports du Commissaire à la fusion : formalités inutiles ou bien inutilité de la réforme, Lexbase Hebdo n° 290 du 31 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8682BDW).
(2) Cf., à ce sujet, M.-A. Coudert et C. Meyer Restructuration d'entreprise : fusion simplifiée ou confusion de patrimoines, Actes Pratiques, n° 75, mai-juin 2004.
(3) Cass. com., 23 mars 1999, n° 96-20.555, Société L'Etoile commerciale c/ Société Fideicomi (N° Lexbase : A8037AGR), RJDA, 6/99, n° 678 ; CA Orléans 18 janvier 2004, n° 03/3103, RJDA, 2/05, n° 145.
(4) Cf. nos. obs. La gestion des dates dans les opérations de confusion de patrimoines, Lexbase Hebdo n° 203 du 23 février 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N4845AKN).
(5) Bulletin CNCC, n° 134, juin 2004, p. 77.
(6) Cass. com., 26 mai 2004, n° 01-16.636, Société Lubéron santé c/ Directeur général des impôts, F-D (N° Lexbase : A5068DCP), RJF, 10/04, n° 1049.
(7) CE 9° et 10° s-s-r., 13 décembre 2006, 6 arrêts, n° 275239 (N° Lexbase : A8853DSP), n° 283912 (N° Lexbase : A8891DS4), n° 283914 (N° Lexbase : A8892DS7), n° 283915 (N° Lexbase : A8893DS8), n° 289569 (N° Lexbase : A8916DSZ) et n° 289806 (N° Lexbase : A8917DS3).
(8) CAA Douai, 2ème ch., 3 juin 2008, n° 07DA01475, Ministre du Budget c/ Société Fjord Seafood Appeti Marine (N° Lexbase : A1775EBD)
(9) Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-16.697, Société Etablissements Braud c/ Société SEM plaine développement, FS-P+B (N° Lexbase : A7555BSM).
(10) Ass. plén. 6 décembre 2004, n° 03-10.713, Société WHBL 7, anciennement dénommée Union industrielle de crédit, venant aux droits de la société Sofal c/ Société Groupe industriel Marcel Dassault, publié (N° Lexbase : A3249DE3) ; Cass. com., 8 novembre 2005, n° 01-12.896, Société Selectibail SA, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4830DLH), M.-E. Mathieu, Du nouveau sur le sort du cautionnement en cas de fusion-absorption, Lexbase Hebdo n° 192 du 31 novembre 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N1477AKW).
(11) Cass. com., 19 avril 1972, n° 69-14.054, Société Nouvelle cargo maritime SA c/ Société Michaelides et Cie SARL (N° Lexbase : A6670AG7).
(12) Cass. com., 10 juillet 2007, n° 05-14-358, M. Christian Gonzalez, FS-P+B (N° Lexbase : A2932DXU), et nos obs., Transmission d'une clause de garantie de passif par l'effet d'une fusion-absorption, Lexbase Hebdo n° 277 du 18 octobre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N8821BCP).
(13) Cass. com., 3 juin 2008, n° 06-18.007, Mme Ludivine Lesage, FS-P+B (N° Lexbase : A9219D8X), et nos obs. La transmission de contrats de franchise dans le cadre d'une fusion-absorption et d'opérations assimilées : le problème de l'intuitu personae, Lexbase Hebdo n° 315 du 31 juillet 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N7030BGH).
(14) Cass. com., 30 mai 2000, n° 97-18.457, Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier La Baie des c/ Mme Mottier N° Lexbase : A5254AWI).
(15) Cass. com., 29 octobre 2002, n° 01-03.987, M. Philippe, Henri, Arthur Decaudain c/ Société Sucrerie de Bucy-Le-Long, F-D (N° Lexbase : A4127A3A).
(16) CA Paris, 16ème ch., sect. A, 13octobre 2004, n° 03/11378, Mme Liliane Marie Evelyne Rolande Marceau c/ SA Société Actions Transactions (N° Lexbase : A8069DD9), RJDA, 10/05, n° 1112.
(17) CA Paris, 24 juin 1997,16ème ch., sect. A, n° 95/1237, Monsieur Bernard Colineau c/ Monsieur Peres Jean-Pierre (N° Lexbase : A9698C7C), Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 1069, note Coquelet. Cf, sur ce point, S. Michel, La réforme des fusion internes, Cahiers de Droit de l'Entreprise, n° 6, novembre-décembre 2008 et, également, pour un examen de certains contrats plus sensibles, M.-A. Coudert et C. Meyer, Restructuration d'entreprise : fusion simplifiée ou confusion de patrimoines, préc..

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