La lettre juridique n°336 du 5 février 2009 : Éditorial

Les Bleus versus les Urssaf : match retour 1-0

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N4816BI9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


L'histoire des Urssaf et des joueurs de football, c'est un peu le jeu du chat et de la souris. Sans tomber dans un travers populiste, il est de notoriété publique qu'avant la fuite transfrontalière des cerveaux, les années 90' ont connu de nombreux transferts des meilleurs joueurs de football français dans des clubs étrangers, notamment là où le soleil fiscal et social était moins lourd. Car, ce qui l'est peut être moins -de notoriété publique-, c'est que les joueurs de football sont, le plus souvent, soumis, avec leur club, à un statut de salariat caractérisant un lien de subordination sous l'égide d'un contrat à durée déterminée. On se souvient que la Cour de justice des Communautés européennes avait clamé, le 15 décembre 1995, que les joueurs de football devaient être considérés comme des salariés ordinaires (CJCE, 15 décembre 1995, aff. C-415/93, Union royale belge des sociétés de football association ASBL c/ Jean-Marc Bosman). Position sur laquelle la Cour de cassation s'est alignée, soutenant, dans un arrêt du 23 janvier 2008 (à titre d'exemple), que, lorsqu'un salarié rompt le contrat de travail à durée déterminée en invoquant des manquements de l'employeur, il incombe au juge de vérifier si les faits invoqués sont, ou non, constitutifs d'une faute grave ; l'espèce en cause impliquait un jour professionnel de football.

Par conséquent, la cohérence du dispositif voudrait que les rémunérations des joueurs de football soient soumises aux cotisations sociales, comme pour tout salarié. On passera sous silence le régime fiscal des rémunérations des joueurs qui sont soumises, tantôt aux traitements et salaires, tantôt au régime des bénéfices non commerciaux (en vertu d'une décision ministérielle du 1er septembre... 1974). Au reste, lorsque le 12 septembre 2008, Le Parisien rend publics les primes de match que les Bleus toucheront en cas de sélection pour le Mondial d'Afrique du Sud en 2010 (140 000 euros chacun, auxquels s'ajoutent 10 000 euros par joueur en cas de match victorieux, soit une somme de 230 000 euros pour atteindre les huitièmes de finale...), on ne s'étonne guère que les Urssaf s'attachent à caractériser un lien de subordination entre les joueurs de l'équipe de France et la Fédération Française de Football (FFF) : l'assiette des cotisations est importante... et puisque la Cour de justice tente de nous convaincre que les joueurs de football sont des salariés ordinaires...

Les moyens peuvent faire mouche : une directive, gagner ; une organisation, le staff ; des horaires, 90 minutes de jeu, parfois un peu plus ; une rémunération, une prime de match... Mais, au risque de froisser le juge communautaire, la Cour de cassation, par un arrêt du 22 janvier 2009, sur lequel revient, cette semaine, Gille Auzero, Professeur à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV, considère que le pouvoir disciplinaire que la FFF exerce, à l'égard des arbitres au même titre qu'à l'égard de tous ses licenciés, dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont déléguées, n'étant pas assimilable à celui dont dispose un employeur sur son personnel, ils ne sont pas liés à la FFF par un lien de subordination. Et, la Haute juridiction de se rallier, ainsi, à la position exprimée, quelques temps plus tôt, par le juge administratif (CE 9° et 10° s-s-r., 18 janvier 2008, n° 303823).

"Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au football que je le dois" écrivait l'ancien gardien de but Albert Camus. Panem et Circem ! Du pain et des jeux comme politiques publiques revendiquaient les Césars. Les Bleus ont, déjà, en charge des jeux... il ne faudrait pas, en plus, qu'ils se fassent boulangers...

Et que dirait ce grand-père à son petit-fils, auquel la Cour de cassation vient de reconnaître le droit d'entretenir des rapports malgré les contrariétés familiales (Cass. civ. 1, 14 janvier 2009, n° 08-11.035 ; arrêt sur lequel reviendra, prochainement, Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université de Montesquieu-Bordeaux IV), en l'emmenant au Stade de France, voir un match de l'équipe de France, s'il lui expliquait que tout cela n'est pas vraiment un sport pratiqué par des "artistes fragiles" (selon la formule de Raymond Aron), mais une séance de travail collectif ? Mais puisque les Bleus sont, désormais, en blanc...

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